LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte notarié du 18 décembre 2006, la société Banque privé européenne (la banque) a consenti à M. et Mme Y... (les emprunteurs) deux prêts immobiliers, dénommés "04" et "05", l'un d'eux garanti par le nantissement d'un contrat d'assurance sur la vie ; qu'après avoir, le 21 décembre 2011, prononcé la déchéance du terme, puis, le 10 mars 2014, délivré un commandement de payer valant saisie immobilière, la banque a, le 19 mai 2014, assigné les emprunteurs devant le juge de l'exécution ; que ceux-ci ont opposé la prescription de son action ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 2240 du code civil et L. 132-10 du code des assurances ;
Attendu que, pour dire l'action de la banque non prescrite, l'arrêt retient que le maintien du créancier nanti en possession de la créance nantie interrompt le cours de la prescription, en ce qu'il emporte reconnaissance tacite permanente du droit du créancier par le débiteur qui n'en sollicite pas la restitution ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le nantissement n'implique aucun acte de dépossession de nature à manifester la reconnaissance non équivoque par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur la troisième branche du moyen :
Vu l'article 2240 du code civil ;
Attendu que, pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que, par l'effet des nantissements, la prescription n'est pas acquise ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté qu'était seul garanti par un nantissement le prêt dénommé "05", la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription des prêts, déclare régulière la procédure de saisie immobilière et fixe la créance de la société Banque privée européenne, l'arrêt rendu le 15 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la société Banque privée européenne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté le moyen tiré de la prescription des prêts, d'AVOIR déclaré régulière et valable la procédure de saisie immobilière diligentée par la société BPE à l'encontre des époux Y... suivant le commandement et d'AVOIR fixé la créance de la BPE comme suit : - au titre du prêt « 04 » : capital restant dû : 104.630 euros, intérêts échus : 11.792,15 euros, assurance impayée : 164,79 euros, indemnité de résiliation : 5.000 euros outre les intérêts à courir à compter du 16 décembre 2013 jusqu'à complet paiement ; - au titre du prêt « 05 » : capital dû : 207.812,96 euros, intérêts échus : 13.853,44 euros ; indemnité de résiliation : 8.000 euros, outre les intérêts à échoir du 16 décembre 2013 jusqu'à parfait paiement et les frais de commandement,
AUX MOTIFS QUE par acte notarié en date du 18 décembre 2006, M. et Mme Y... ont souscrit auprès de la BPE deux prêts immobiliers destinés à financer l'achat d'un bien immobilier à [...],[...] : - le prêt n° [...] d'un montant de 104 630 euros remboursable au taux d'intérêts de 4,4% sur 15 ans. Ce prêt est garanti par une promesse de nantissement d'une assurance vie Myrialys, le privilège du prêteur de deniers et une hypothèque à hauteur de 14 400 euros ; - le prêt n° [...] d'un montant de 346 338 euros remboursable au taux d'intérêts de 4,4% sur 15 ans ; que ce prêt est garanti par une hypothèque à hauteur de la totalité et la domiciliation des salaires [
] ; que sur l'interruption du délai de prescription ; la reconnaissance de dette du 28 avril 2011 ; qu'ayant eu connaissance le 15 avril 2011 du salaire qu'il allait percevoir dans le cadre de son nouvel emploi au sein de la Société Générale et qu'il savait insuffisant pour honorer l'endettement du ménage, M. Y... sollicitait dès le 28 avril 2011 de la BPE un réaménagement des quatre prêts immobiliers du couple en cours, d'une part par le biais d'une affectation de deux contrats d'assurance vie, l'un dont était titulaire son épouse afin de diminuer de 160.000 euros le capital dû pour le prêt « 05 », l'autre personnel pour diminuer de 83.000euro le capital dû au titre du prêt « 01 » (concernant l'achat immobilier sur Auch), d'autre part une demande de différé d'amortissement de 12 mois ; qu'aucune réponse n'était apportée par la BPE qui, actualisant néanmoins sa créance au titre du prêt '05" le 16 décembre 2013, déduisait de celle-ci un versement de 164.342,25 euros provenant du contrat d'assurance-vie de Mme Y... ce dont se déduit qu'elle a procédé à la réalisation du contrat d'assurance-vie de Mme Y... ; qu'à juste titre, le premier juge a considéré que ces demandes formées par M. Y..., avant même qu'il n'ait été rendu destinataire d'une quelconque réclamation au titre d'impayés (inexistants pour le prêt 04, voire non encore comptabilisés en tant qu'incidents de paiement pour le prêt 05) et qu'ait été prononcée la déchéance du terme, ne peuvent être interprétées en une reconnaissance d'une dette devenue exigible quelques mois plus tard par l'effet de cette déchéance du terme ; que pour des raisons identiques, la proposition faite dans le même temps par M. Y... d'affecter le contrat d'assurance-vie de son épouse à l'un des prêts objet du présent litige ne peut être considérée comme interruptive de prescription ; que s'agissant par contre des effets des nantissements, il est de jurisprudence établie (chambre commerciale 31/10/2006) que le maintien du créancier nanti en possession de la créance nantie, en ce qu'il emporte reconnaissance tacite permanente du droit du créancier par le débiteur qui n'en sollicite pas la restitution, interrompt le cours de la prescription ; que la société BPE en déduit légitimement que la prescription n'était pas acquise au jour du commandement aux fins de saisie-immobilière ; que le jugement sera, par suite, réformé en ce qu'il dit les causes du commandement prescrites depuis décembre 2013 sans qu'il soit nécessaire d'examiner le moyen tiré de la renonciation à prescription du fait de la demande de surendettement ;
1° ALORS QUE la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait, ayant pour effet d'interrompre la prescription, ne peut résulter que d'actes non équivoques et ne saurait par conséquent résulter du seul maintien en possession d'un créancier nanti ; qu'en jugeant que le maintien du créancier nanti en possession de la créance nantie emportait reconnaissance tacite permanente du droit du créancier par le débiteur qui n'en sollicitait pas la restitution et interrompait par conséquent le cours de la prescription, quand le seul fait de laisser le créancier en possession d'un bien affecté en garantie ne saurait caractériser un aveu non équivoque de l'existence de la dette garantie, la cour d'appel a violé l'article 2240 du code civil ;
2° ALORS QU'en toute hypothèse, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait, ayant pour effet d'interrompre la prescription, ne peut résulter que d'actes non équivoques et ne saurait par conséquent résulter du seul maintien en possession d'un créancier bénéficiant d'un nantissement de contrat d'assurance vie ; qu'en jugeant que le maintien du créancier nanti en possession de la créance nantie emportait reconnaissance tacite permanente du droit du créancier par le débiteur qui n'en sollicitait pas la restitution et interrompait par conséquent le cours de la prescription, quand le caractère immatériel de la dépossession résultant d'un nantissement de contrat d'assurance vie excluait d'identifier dans le comportement passif du débiteur un aveu non équivoque de l'existence de la dette garantie, la Cour d'appel a violé l'article 2240 du cde civil, ensemble l'article L. 132-10 du code des assurances ;
3° ALORS QU'en toute hypothèse, lorsqu'elle résulte d'une reconnaissance par le débiteur des droits du créancier, l'interruption de la prescription ne peut concerner que la créance reconnue, à l'exclusion des autres créances liant les parties ; qu'en jugeant qu'aucune des créances dont la BPE réclamait le paiement n'était prescrite, au seul motif que le maintien du créancier en possession de la créance nantie avait interrompu le délai de prescription, quand il résultait de ses constatations et des faits constants de l'espèce que seul le prêt 05, et non le prêt 04, avait été garanti par un nantissement de contrat d'assurance vie, la cour d'appel a violé l'article 2240 du code civil.