LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 18 février 2016), qu'en 1996, les consorts X...ont vendu à la société civile immobilière Agay Puy Ricard (la SCI) une partie de leur propriété ; qu'un document d'arpentage réalisé par un géomètre expert, a été annexé à l'acte ; qu'après une expertise judiciaire en recherches de limites de propriété, confiée à un autre géomètre-expert, les consorts X... ont assigné la SCI en bornage ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de fixer la ligne séparative selon le tracé ABCDEFIJKL établi par l'expert judiciaire ;
Mais attendu qu'ayant constaté qu'il résultait du rapport de l'expert judiciaire que le plan de division ne différait pas du document d'arpentage, tous deux établis par le premier géomètre, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail d'une argumentation relative à la différence entre le plan de division et la situation actuelle des lieux que ses constatations rendaient inopérante, a souverainement retenu que les limites devaient être fixées conformément aux propositions de l'expert judiciaire ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que, pour condamner la SCI au paiement d'une certaine somme en réparation du préjudice matériel et moral des consorts X..., l'arrêt retient que celle-ci ne justifie pas l'interdiction du passage par le garage qu'elle leur a opposée, en infraction avec l'accord pris ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les consorts X... n'avaient pas utilisé le passage pendant le délai contractuellement convenu, faisant suite à leur demande et à l'accord de la SCI, de sorte qu'ils ne pouvaient plus l'invoquer, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la SCI au paiement d'une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral des consorts X..., l'arrêt rendu le 18 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Agay Puy Ricard.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé la ligne séparative des parcelles n° CK 1424 (sic) [CK 1555] appartenant à M. Bernard X..., Mme Cécile Y...épouse X..., M. Jérôme X..., Mme Marion X... et M. Guillaume X... et CK n° 1555 (sic) [CK 1424 appartenant à la société Agay Puy Ricard] sur le tracé ABCDEFIJKL établi par l'expert, M. Z...le 28 juin 2013 et d'avoir en conséquence ordonné l'implantation des bornes sur ce tracé à frais communs par les soins d'un géomètre-expert et fait injonction à la société Agay Puy Ricard d'enlever le grillage et de le repositionner conformément aux limites ressortant du rapport de M. Z...au plus tard dans le délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt ;
AUX MOTIFS QU'en vertu de l'article 646 du code civil, tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leur propriété contiguës ; que par des « conditions particulières » énoncées en page 4 de l'acte de vente du 28 février 1996, les parties ont prévu que dans le jardin, le mur séparatif de leurs propriétés sera réalisé, aux frais et à la requête de la partie qui le souhaiterait, sur la mitoyenneté de la division ; que le document d'arpentage n° 3198G, établi par M. A...le même jour que la vente, signé par les parties et annexé à l'acte de vente, est reproduit en page 7/ 37 du rapport d'expertise. Il matérialise la séparation des propriétés en cause par une ligne droite, qui partant de la place Philippe de Cabassole, divise le garage en deux, suit le mur Nord du bâtiment Agay et partage les deux propriétés en cause jusqu'à une troisième parcelle voisine à l'Ouest (n° 782) avec une très légère orientation en oblique vers le Sud ; qu'il comporte la mention préimprimée « Le présent document d'arpentage, certifié par les propriétaires soussignés, a été établi », suivie d'une option dont les formules A et C ont été rayées, la formule B retenue précisant « en conformité d'un piquetage », avec un renvoi (1) selon lequel « dans la formule B, les propriétaires peuvent avoir effectué eux-mêmes le piquetage » ; que proposant un bornage en date du 25 juillet 2011, non signé par les parties, suivant une ligne brisée délimitée par les points AB CDEFGH, qui déplace la clôture existante de 2, 13 mètres sur la limite Sud avec la parcelle n° 782 (point A), la SCP A...Hervé précise que ce tracé est conforme au plan de division qu'elle a elle-même établi en février 1996 et qui fait l'objet du document d'arpentage n° 3198G ; que comme M. B...géomètre-expert mandaté par la SCI Agay, l'expert judiciaire a constaté l'absence de piquetage, absence d'ailleurs annoncée d'emblée par les parties lors de la réunion d'expertise du 28 novembre 2012. M. C... (SCI Agay) et son conseil expliquent en outre que le schéma prévu n'était pas conforme à la situation des lieux, notamment en raison de la présence d'un escalier en façade Ouest (aujourd'hui démoli), qui aurait été coupé en deux par le tracé prévu, tandis que contrairement au parcours (rectiligne) du document d'arpentage, le mur de la SCI présente de nombreux décrochés et supporte des réseaux techniques auxquels la société doit pouvoir accéder ; que l'empiétement de la ligne divisoire sur l'escalier extérieur de l'immeuble Agay, qui ressort du plan de division reproduit en page 8/ 37 du rapport d'expertise, est confirmé par M.
D...
, qui indique avoir procédé à la démolition de l'escalier et explique par attestation du 24 janvier 2014, que la séparation grillagée a été mise en place par M. Bernard X... pour permettre aux consorts C...-E...d'accéder au robinet d'eau de leur jardin et à la remise à outils placée sous l'escalier ; que par ailleurs, l'expert judiciaire, tout en relevant, que le plan de division de 1996, sans échelle, sur la base duquel M. A...indique avoir réalisé le document d'arpentage, ne représente pas la réalité des lieux en particulier pour le bâti (p 16 et 26/ 37), note cependant que sur le tronçon de limite confrontant le bâti, les parties sont d'accord pour suivre les contreforts et murs décalés (p 27/ 37) ; que sur le caractère sommaire du plan de division de 1996 reproché par la SCI Agay, qu'il a également constaté, l'expert observe cependant que celui-ci comporte des mesures (p36/ 37), identiques à celles portées sur le plan de division également établi en 1996 et propose de réduire l'écart constaté proportionnellement aux mesures des façades de chacun des jardins, obtenant ainsi des différences variant de 0, 15 à 0, 39 (p 27 et 36/ 37) ; que les conclusions de l'expert judiciaire fondées sur un examen minutieux des lieux et des actes et motivées par des explications cohérentes, ne se trouvent pas invalidées par l'avis de M. B..., et doivent ainsi être retenues ; que par ailleurs, il ne peut être tiré aucune conséquence des attestations établies par Mme F...d'une part, et par MM. G...et D...d'autre part, qui se contredisent sur l'auteur de la pose du grillage, la première, désignant les consorts C...-E..., les seconds, M. Bernard X... ; qu'enfin, la mise en place de la clôture et son maintien pendant 17 ans, ne remettent pas en cause la convention des parties et ne valent pas renonciation des consorts X... au tracé résultant des conditions particulières de l'acte de vente, alors que l'escalier menant au premier étage du bâtiment Agay, qui lui faisait obstacle et qui a fondé la tolérance d'un autre tracé, a été détruit récemment, tandis que la SCI Agay n'invoque, ni ne démontre être privée d'accès à l'eau du jardin, ni à une remise à outils ; qu'ainsi en l'absence de distorsion caractérisée entre les titres des parties et la réalité des lieux, la demande ne peut être considérée comme une revendication de propriété, tandis qu'eu égard à la convention des parties, le bornage des deux fonds en cause sera ordonné selon le tracé proposé par l'expert judiciaire, selon les modalités précisées ci-après, sans qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte en l'état ;
1°) ALORS QUE dans ses dernières conclusions d'appel, déposées et signifiées le 19 septembre 2014, la société Agay Puy Ricard faisait valoir que seul le document d'arpentage n° 3198 G avait été annexé à l'acte de vente et qu'en revanche, le plan de division sur la base duquel le document d'arpentage avait été établi n'avait pas été annexé à l'acte de vente ; qu'elle soulignait que document d'arpentage, établi à une grande échelle, ne lui avait pas permis de cerner avec précision les limites séparatives et la consistance exacte de la propriété qu'elle achetait et que, d'ailleurs, la clôture mise en place pendant 17 ans n'avait pas respecté les limites fixées par le document d'arpentage ; qu'en ordonnant le bornage selon le tracé proposé par l'expert judiciaire sur la base du document d'arpentage et du plan de division de 1996, tout en précisant que la mise ne place de la clôture et son maintien pendant 17 ans ne valait pas renonciation des consorts X... au tracé résultant de l'acte de vente, sans prendre en compte, comme il lui était demandé, la circonstance que la société Agay Puy Ricard s'était déterminée sur la base du seul document d'arpentage établi à grande échelle et sans que le plan de division ne lui ait été communiqué, de sorte qu'elle n'avait pas pu prendre précisément connaissance et accepter les limites séparatives fixées de façon non contradictoires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 646 du code civil ;
2°) ALORS QU'en retenant, pour ordonner le bornage selon le tracé proposé par l'expert judiciaire sur la base du plan de division et du document d'arpentage de 1996, que la SCP A...Hervé avait elle-même établi le plan de division en février 1996, sans prendre en compte, comme il lui était demandé, l'attestation de M. A...du 10 mars 2014 (prod. 4) qui affirmait au contraire que « les opérations de division de la propriété X..., cadastrée CK n° 1235 ont été réalisées d'après les indications de M. X..., et sur la base d'un plan de division établi en Février 1996. Nous n'avons pas réalisé de piquetage à cette date », ce dont il s'inférait que l'expert judiciaire avait en réalité adopté les limites séparatives proposées par Monsieur X..., lesquelles n'avaient pu être acceptées par la société Agay Puy Ricard qui croyait qu'elles avaient été fixées par un professionnel géomètre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 646 du code civil ;
3°) ALORS QUE lorsqu'il existe une distorsion entre le titre et la réalité, l'action en bornage s'apparente alors à une action en revendication ; qu'en considérant néanmoins qu'il y avait une « absence de distorsion caractérisée entre les titres des parties et la réalité des lieux » (p. 6 § 3), après avoir pourtant constaté que « le schéma prévu n'était pas conforme à la situation des lieux, notamment en raison de la présence d'un escalier en façade Ouest (aujourd'hui démoli) » (p. 5 § 3), que « contrairement au parcours (rectiligne) du document d'arpentage, le mur de la SCI présente de nombreux décrochés » (p. 5 § 3) et que l'expert judiciaire avait relevé que « le plan de division de 1996, sans échelle, sur la base duquel M. A...indique avoir réalisé le document d'arpentage, ne représente pas la réalité des lieux en particulier pour le bâti (p 16 et 26/ 37) » (p. 5 § 5), ce dont il s'inférait l'existence d'une distorsion entre les titres et la réalité des lieux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé l'article 646 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Agay Puy Ricard à payer aux consorts X... la somme de 2. 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices matériel et moral ;
AUX MOTIFS QUE sur le garage, la délivrance d'un double des clés et les dommages cl intérêts ; qu'il ne ressort pas des conclusions non datées produites et de la déclaration de pourvoi déposée le 3 septembre 2014 à l'encontre d'un arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 26 juin 2014, qu'un litige entre les mêmes parties, ayant le même objet et la même cause, actuellement en cours ferait obstacle à la recevabilité de ces demandes ; que sur le fond, par convention signée en l'étude de Me I...le même jour que la vente, les consorts X... d'une part, et les consorts C...-E...en leur nom personnel et pour le compte de la SCI Agay Puy Ricard d'autre part, rappellent que le garage situé 81, place Philippe de Cabassole devait être conservé par les vendeurs pour accéder au surplus de jardin et de bâtiments dont ils demeurent propriétaires. Transigeant sur cet accès, les parties conviennent notamment que si aucun accord n'a lieu avec la commune de Cavaillon, et à défaut d'entente sur un autre accès, elles conviennent d'en rester en l'état actuel des choses découlant de la vente, soit la division du garage en deux parties égales dans ce cas, « comme dit ci-dessus », la SCI devra laisser libre accès pendant 6 mois pour le passage des matériaux et de tous engins de travaux et, ces travaux terminés, la séparation intérieure et extérieure du garage, ainsi que la création d'une porte d'accès supplémentaire au garage du 81, place de Cabassole seront réalisés aux frais des consorts X... ; qu'il en résulte qu'en l'absence de transaction établie entre la commune et les consorts X..., ceux-ci devaient pouvoir accéder au garage du 81, place Philippe de Cabassole, pendant 6 mois pour effectuer leurs travaux ; que mes N...et O..., conseils de la SCI Agay, après avoir accusé réception de la demande d'accès des consorts X... par lettre du ler juin 2011, les ont informés, par lettre du 14 décembre 2011, que le délai de 6 mois avait expiré ; qu'en conséquence, les consorts X..., qui ne démontrent pas pouvoir prétendre encore ce jour à l'accès convenu pendant une période de 6 mois seulement, seront déboutés de leurs demandes tendant à la délivrance d'un double des clés en vue d'accéder au jardin et d'enlèvement des effets de la société Agay ; que cependant, M. J..., artisan, M. K..., gérant de société, M. L..., déménageur, et M. M..., paysagiste, attestent des difficultés qu'ils ont rencontrées lors de l'exécution des travaux de restauration de l'immeuble X...et du surcoût qui en est résulté, en raison d'un accès réduit par un couloir et une porte d'entrée de 80 cm de large ; qu'or l'absence d'autorisation du chantier au regard des règles des monuments historiques, invoquée par la SCI Agay, qui n'établit aucun grief personnel en lien avec cette omission, ne justifie pas l'interdiction du passage qu'elle a opposée aux appelants et ce, en infraction avec l'accord pris ; qu'en réparation des préjudices matériel et moral résultant de son opposition injustifiée au passage prévu par le garage, elle sera condamnée à leur payer la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts ;
ALORS QU'en considérant, pour condamner la société Agay Puy Ricard à payer aux consorts X... la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices matériel et moral, que celle-ci « ne justifiait pas l'interdiction du passage » et que son opposition était « injustifiée », après avoir pourtant constaté que les « les consorts X... (…) ne démontr [ai] ent pas pouvoir prétendre encore ce jour à l'accès convenu » et qu'à défaut d'avoir sollicité l'accès pendant le délai contractuel de 6 mois, ils n'avaient ainsi plus le droit d'accéder à leur propriété par le garage sauf à réaliser les travaux de séparation intérieure de ce garage, ce dont il s'inféraient que les consorts X... étaient seuls responsables de leurs préjudices pour n'avoir pas solliciter l'utilisation de l'accès dans le délai contractuellement prévu de 6 mois, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du code civil.