LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que la cour d'appel d'Aix-en-Provence, saisie, en application de l'article 195 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, par le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Marseille, a prononcé, le 29 juin 2016, à l'encontre de M. Y..., avocat au barreau de cette ville, un blâme pour manquement à ses obligations déontologiques à l'égard de M. et Mme X...;
Attendu qu'à l'occasion du pourvoi formé contre l'arrêt rendu par la cour d'appel, M. Y... sollicite, par un mémoire distinct, la transmission au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :
" Les articles 3, alinéa 1er, 9, 14-2, 15, 16, 17, 21, 21-1, 21-2, 22 à 25-1 et 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques portent-ils atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et spécialement :
- au droit à la liberté en général comme droit naturel de l'homme et au droit à la liberté d'entreprendre consacrés par les articles 4 et 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, ci-après « DDH » ;
- au droit à la justice et aux droits de la défense garantis par l'article 16 DDH ;
- au droit à la liberté d'expression garanti par l'article 11 DDH ;
- à l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 fixant, en partie, le domaine de la loi ;
- au principe d'égalité garanti par l'article 6 DDH et l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, ainsi qu'au principe d'égalité et d'universalité du suffrage (art. 3, al. 3 de la Constitution du 4 octobre 1958),
- au principe de la légalité des délits et des peines consacré par les articles 7 et 8 DDH,
- au droit de concourir personnellement à la formation de la loi garanti par l'article 6 DDH,
- au principe de la souveraineté nationale garanti par les articles 3 DDH et 3 de la Constitution du 4 octobre 1958,
- à la liberté syndicale garantie par l'alinéa 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946,
- au droit à travailler sans discrimination notamment en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances, garanti par l'alinéa 5 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946,
en ce :
1°) que le législateur ordinaire est totalement incompétent pour fixer les règles d'une activité, comme la défense professionnelle des droits fondamentaux, mission naturellement dévolue aux avocats, laquelle relève directement de la Constitution (CC, décision n° 80-127 DC des 19 et 20 janvier 1981, loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes) ;
2°) qu'ils instituent un régime disciplinaire radicalement incompatible avec le caractère d'indépendance absolue de la profession d'avocat (article 1er, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques) et le statut constitutionnel irrévocablement reconnu à l'avocat défenseur (CC, décision n° 80-127 DC des 19 et 20 janvier 1981, loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes) ;
3°) qu'ils délèguent (article 53 de la loi critiquée) au seul pouvoir réglementaire la compétence aux fins de fixer les règles de déontologie, ainsi que les sanctions applicables à l'avocat qui, cependant, n'appartient pas à une profession réglementée ;
4°) qu'ils investissent les conseils de l'ordre des avocats de pouvoirs qui n'appartiennent qu'aux représentants du peuple qui seuls, en dehors du référendum, exercent la souveraineté nationale ;
5°) qu'ils habilitent les conseils de l'ordre des avocats à méconnaître la liberté syndicale ;
6°) qu'ils conduisent à créer, à l'occasion de poursuites disciplinaires, une discrimination dans l'exercice professionnel, au détriment de l'avocat conscient de son statut constitutionnel de défenseur ? " ;
Attendu que les textes de nature législative visés par la question, et notamment l'article 53 de la loi en ce qu'il renvoie au 2° à des décrets en Conseil d'Etat la fixation des règles de déontologie ainsi que la procédure et les sanctions disciplinaires, sont applicables au litige ;
Et attendu, d'une part, que les dispositions des articles 21-1, alinéas 2 et 3, 22 et 53, 2°, ont déjà été déclarés conformes à la Constitution dans les motifs ou le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ; qu'aucun changement de circonstances de droit ou de fait n'est depuis intervenu qui, affectant la portée des dispositions législatives critiquées, en justifierait le réexamen ;
Attendu, d'autre part, s'agissant des autres articles critiqués, qu'en premier lieu, la question prioritaire de constitutionnalité, qui ne porte pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ; qu'en second lieu, elle n'est pas sérieuse, notamment en ce que ces textes ne portent pas atteinte aux droits, libertés et principes de valeur constitutionnelle invoqués ;
D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer cette question au Conseil constitutionnel ;
PAR CES MOTIFS :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille dix-sept.