LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes,3 décembre 2015), que, par acte du 5 février 2007, la commune de Roquemaure (la commune) a vendu à la société civile immobilière Pampaligousto (la SCI) un terrain dans un lotissement à vocation économique, avec l'obligation pour celle-ci de développer dans les lieux une activité économique et de ne pas laisser le terrain à nu ; que le contrat prévoyait que, si cette obligation n'était pas réalisée dans un délai de deux ans à compter de la vente, l'acquéreur serait redevable d'une somme de cent euros par jour de retard jusqu'à l'achèvement d'une construction et lors du démarrage d'une activité économique ; que la commune, se prévalant du non-respect de l'engagement, a assigné la SCI en paiement de cette pénalité ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en nullité de la clause du contrat de vente lui imposant, dans un délai de deux ans, de réaliser une construction et d'y développer une activité économique ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que la clause litigieuse ressortissait à la destination du lotissement et aux règles d'urbanisme applicables à la zone concernée, la cour d'appel a pu en déduire que celle-ci n'était qu'une modalité d'exécution du contrat et non une caractéristique essentielle de la vente ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une somme de 118 500 euros ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les constats réalisés par les services municipaux les 23 avril 2010, 28 juin et 10 juillet 2012 démontraient qu'à ces dates l'immeuble en cours de construction n'était pas hors d'air et ne comportait ni porte ni fenêtre, que rien n'établissait, en dépit de la présence d'une boîte aux lettres au nom d'une société d'édition, que le bail commercial ait reçu un commencement d'exécution et qu'aucune déclaration d'achèvement des travaux n'avait été faite en dépit d'une prolongation du délai de quatre mois accordée le 11 mars 2009, la cour d'appel a pu en déduire, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant, que la commune n'avait pas renoncé à se prévaloir de l'indemnité de retard et que sa demande en paiement devait être accueillie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société civile immobilière Pampaligousto aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société civile immobilière Pampaligousto et la condamne à payer à la commune de Roquemaure la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Pampaligousto.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la SCI Pampaligousto en nullité de la clause du contrat de vente du 5 février 2007, lui imposant, dans un délai de deux ans, de réaliser sur la parcelle vendue une construction et d'y développer une activité économique ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la disposition consistant à sanctionner le retard dans l'obligation contractée ne relève pas des caractéristiques essentielles de la vente comme le soutient à tort la SCI Pampaligousto mais des modalités d'exécution du contrat librement arrêtées par les parties ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE par délibération en date du 22 novembre 2006 la commune de ROQUEMAURE a autorisé le maire de la commune à procéder à la cession d'un certain nombre de parcelles du lotissement de l'ASPRE dont le lot litigieux ; m ais que la SCI PAMPALIGOUSTO soutient à l'appui de sa demande de sursis à statuer que le contrat de vente est nul en ce que si la délibération susvisée a autorisé la vente, elle n'a pas prévu d'autoriser à insérer dans le contrat en cause la clause litigieuse emportant injonction de construire et de développer une activité dans les deux ans sous peine d'astreinte ; qu'or il a été jugé ci-dessus que la disposition qui consiste à sanctionner le retard pris dans la réalisation de l'obligation contractuelle de construire et développer une activité commerciale ne confère pas au contrat une nature administrative en ce qu'elle n'est pas exorbitante de droit commun ; qu'elle n'est qu'une modalité d'exécution contractuelle et ne relève pas des conditions de la vente ni ne peut être qualifiée d'une caractéristique essentielle de la vente ; que dès lors, la délibération du conseil municipal contestée autorisant le maire de la commune à vendre le lot 6 du lotissement de l'ASPRE n'avait pas à l'autoriser ;
ALORS QUE les conditions et les caractéristiques essentielles d'une vente d'un immeuble par une commune de plus de 2000 habitants doivent faire l'objet d'une délibération motivée du conseil municipal ; que la clause du contrat de vente qui restreint les attributs attachés à la propriété affecte non la seule exécution du contrat mais l'objet même du droit transféré ; qu'en l'espèce, la clause du contrat de vente du 5 février 2007 mettant à la charge de la SCI Pampaligousto l'obligation, dans un délai de deux ans, de réaliser sur la parcelle vendue une construction et d'y développer une activité économique, qui restreint le droit d'usage attaché à la propriété de la parcelle vendue, ne figurait pas dans la délibération du conseil municipal du 22 novembre 2006 ; qu'en écartant néanmoins la nullité de cette clause tenant au défaut de capacité du maire à l'insérer dans le contrat de vente, la cour d'appel a violé l'article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales, ensemble l'article 1108 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SCI Pampaligousto à verser à la commune de Roquemaure la somme de 118.500 euros au titre de l'astreinte prévue par le contrat de vente du 5 février 2007 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE les constats réalisés successivement les 23 avril 2010, 28 juin et 10 juillet 2012 par les services municipaux montrent l'existence d'une construction en cours, c'est-à-dire hors d'eau mais pas hors d'air et l'absence de consommation d'eau, circonstances traduisant manifestement l'absence de toute activité économique dans les lieux ; que le procès-verbal d'huissier établi le 5 mai 2014 à l'initiative de la SCI Pampaligousto ne remet aucunement en cause cette situation quand bien même sont annexées deux photographies d'un bureau très sommairement meublé ; qu'aucune constatation ne figure en tout cas sur la prétendue présence dans les lieux d'une société « Librairie contemporaine d'édition » titulaire d'un bail commercial à compter du 1er février 2009 puis renouvelé au1er janvier 2011 et étant rappelé qu'en 2010 la construction ne comprenait ni porte ni fenêtre, que le premier juge a relevé que rien n'établissait que ce bail commercial ait reçu un commencement d'exécution et que la cour constate à son tour que le dossier de l'appelante ne comporte aucune pièce nouvelle sur ce point ; quant à la présence dans les lieux de la SCI elle-même, que le caractère effectif de celle-ci ne résulte que d'une étiquette apposée sur une boîte aux lettres ; qu'aucune déclaration d'achèvement des travaux n'a été opérée par la SCI Pampaligousto pour un chantier ouvert le 29 octobre 2008 et le retrait de permis de construire dont elle s'empare ne concerne aucunement celui délivré pour les travaux inachevés ; enfin c'est de manière audacieuse qu'elle soutient qu'en lui accordant le 11 mars 2009 un délai supplémentaire de quatre mois pour s'exécuter, alors que le délai contractuel était expiré, la commune de Roquemaure aurait renoncé à se prévaloir de l'indemnité de retard ; qu'il convient ainsi de confirmer la condamnation à paiement prononcée et dont le décompte n'est pas critiqué ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il sera rappelé que la vente réalisée s'inscrit dans le cadre du développement souhaité par la commune et inscrit au POS, d'une zone commerciale, artisanale ou industrielle ; qu'il en résulte que l'achat du terrain doit s'accompagner d'une activité économique ; que la commune reconnaît qu'elle a accepté d'accorder un délai de 4 mois jusqu'au 5 juin 2009 à la SCI PAMPALIGOUSTO par son courrier du 11 mars 2009 afin qu'elle achève les travaux de construction ; qu'elle soutient cependant qu'à ce jour aucune déclaration d'achèvement des travaux n'a été déposée ni aucune activité n'est développée sur ce site ; que les pièces produites par la SCI PAMPALIGOUSTO ne démontrent pas contrairement à ce qu'il est soutenu que les travaux ont effectivement été terminés ni que le bail commercial signé ait reçu exécution ou ait été reconduit au-delà du 31 décembre 2010 ; qu'en conséquence, c'est à bon droit que la commune de ROQUEMAURE réclame l'application des clauses du contrat ; qu'ayant accepté de reculer le point de départ de l'astreinte et donc ayant renoncé expressément à son droit et l'application immédiate de la clause prévoyant l'astreinte, elle ne peut procéder à un calcul antérieur à la date du 5 juin 2009 ; qu'elle est en droit dès lors de réclamer 100 € par jour de retard à compter du 5 juin 2009 et jusqu'au jour de l'assignation soit la somme de 118.500 € ;
ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis d'un acte ;
que, dans le contrat de vente du 5 février 2007, était mentionné, au titre des travaux destinés à être réalisés sur la parcelle vendue, un permis de construire délivré le 4 décembre 2006 à la SCI Pampaligousto, désigné sous la référence PC 30 221 06 N 0038 ; que l'arrêté du 17 août 2010 portant retrait d'un permis de construire accordé à cette même date du 4 décembre 2006 à la SCI Pampaligousto, mentionnait la même référence PC 30 221 06 N 0038 ; qu'en énonçant néanmoins qu'un tel retrait de permis de construire ne concernait pas le permis de construire accordé pour les travaux inachevés, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat de vente du 5 février 2007 et de l'arrêté du 17 août 2010, en violation de l'article 1134 du code civil.