LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le National Museum de Stockholm a assigné Mmes Françoise et Annette X... (Mmes X...) devant un juge des référés à fin de désignation d'un expert pour examiner une coupe Nautile que ces dernières ont présentée à un commissaire-priseur en vue de sa vente et dont il revendiquait la propriété comme lui ayant été volé en 1983 ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande de mise hors de cause de Mmes X... et confirmer l'ordonnance faisant droit à la demande d'expertise, l'arrêt retient que celles-ci ne peuvent sans se contredire au préjudice du National Museum et violer ainsi le principe de loyauté des débats, soutenir qu'elles doivent être mises hors de cause comme étant étrangères aux opérations d'expertise du Nautile qui serait la propriété de leur mère qui serait seule en sa possession et non pas, comme elles l'ont soutenu jusqu'à l'audience en première instance, la leur ;
Qu'en statuant ainsi, alors que Mmes X... n'avaient pas modifié leurs prétentions au cours du débat judiciaire et qu' il ne pouvait être tenu compte des allégations antérieures à la procédure de référé pour considérer qu'elles s'étaient contredites au détriment d'autrui, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne le National Museum aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour Mmes Françoise et Annette X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la demande de mise hors de cause de Mmes Annette et Françoise X... et d'AVOIR confirmé l'ordonnance du 8 avril 2014 en ce qu'elle a déclaré la demande présentée par National museum de Stockholm recevable ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la demande de mise hors de cause des consorts X... : Vu l'article 122 du code de procédure civile et le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui. Il n'est pas en débat que les consorts X... après s'être déclarés officiellement propriétaires et possesseurs du Nautile ainsi que le relève exactement le premier juge, prétendent depuis la veille de l'audience de référé du 18 mars 2014 d'abord, que seule leur mère en est propriétaire pour en avoir hérité de son époux marié sous le régime de la communauté universelle, ensuite, qu'ils ne l'ont détenu que dans le cadre d'un mandat qu'elle leur a donné le 15 juillet 2013 que leurs conseils n'auraient découvert par erreur qu'à l'occasion de la préparation de cette audience de référé, enfin, que leur mère a repris possession du Nautile faute de pouvoir le vendre. Il en résulte un changement de position, en droit, des consorts X... qui fonde la fin de non-recevoir de leur demande de mise hors de cause en découlant, opposée par le National Museum. Un tel changement est de nature à induire ce dernier en erreur sur leurs intentions, dès lors qu'aucun des éléments en débat ne le laissait raisonnablement prévoir ni n'établit manifestement cette propriété et l' « erreur » ainsi invoquées, partant la loyauté procédurale des consorts X..., qu'il s'agisse du mandat allégué du 15 juillet 2013 dont rien n'étaye sa prétendue découverte à la veille de l'audience de référé seulement, ou du régime matrimonial des parents des consorts X... et du décès de leur père, qui ne sont pas en soi déterminants quant à la qualité querellée de propriétaire et possesseur du Nautile. Il en est d'autant plus ainsi qu'une instance au fond était introduite par Mme Gilberte X... afin de voir reconnaître le droit de propriété du Nautile désormais revendiqué, suivant acte du 24 mars 2014 traduit en suédois dès le 20 mars 2014, soit dans le même temps que cette dénégation du 17 mars 2014, veille de l'audience de l'instance en référé pourtant initiée en septembre 2013. En effet, cette instance au fond prive le National Museum de la possibilité de voir diligenter l'expertise sollicitée au contradictoire de Mme Gilberte X..., ainsi que l'a retenu une ordonnance de référé du 5 septembre 2014 et que le relèvent d'ailleurs les consorts X..., faisant grief au National Museum de « sa bévue procédurale » consistant à ne pas avoir assigner en référé expertise leur mère en leurs lieu et place. Et le préjudice résultant pour le National Museum de ce changement de position en droit procède à l'évidence de l'impossibilité d'exécution de l'expertise querellée que les consorts X... en déduisent pour solliciter leur mise hors de cause. Il s'ensuit que les consorts X... ne peuvent sans se contredire au préjudice du National Museum et violer ainsi le principe de la loyauté des débats, soutenir qu'ils doivent être mis hors de cause comme étant étrangers aux opérations d'expertise in futurum du Nautile qui serait la propriété de leur mère qui serait seule en sa possession et non pas, comme ils l'ont soutenu jusqu'à l'audience en première instance, la leur » (arrêt p.4-5) ;
ET AUX MOTIFS À LES SUPPOSER ADOPTÉS DU PREMIER JUGE QUE « dans une lettre du 4 octobre 2013, l'avocat des défenderesses les présente comme propriétaires indivises de la coupe Nautile. Dans une autre lettre du 13 décembre 2013, le nouveau conseil de Mesdames Annette et Françoise X... écrit à l'avocat du National Museum de Stockholm, dans le cadre du litige qui les oppose à ce musée, portant sur une « coupe nautile dont ils sont propriétaires ». Ainsi, dans deux lettres officielles, Mesdames Annette et Françoise X... ont revendiqué, par le biais de leur conseil, la qualité de propriétaires de la coupe nautile en question. Si elles soutiennent que la coupe en question est la propriété de leur mère Gilberte X..., qui l'aurait reçue à l'occasion du décès de leur père avec lequel elle était mariée sous le régime matrimonial homologué par jugement du 3 juin 1997, elles ne justifient pas que leur père était alors encore le propriétaire du nautile en question, les pièces versées – soit des photographies non datées et une liste imprécise quant à son objet – ne permettant pas de l'établir. Mesdames Annette et Françoise X... ont revendiqué leur qualité de propriétaires du nautile en question et il n'est pas établi par les pièces qu'elles produisent que cette qualité devrait revenir à une autre personne. Par conséquent et en l'état, la demande d'expertise présentée à leur encontre apparaît recevable, et celle tendant à la mise hors de cause de Mesdames Annette et Françoise X... ne saurait être accueillie » (ordonnance p. 2-3);
1°) ALORS QUE le principe selon lequel une partie ne peut se contredire au détriment d'autrui interdit seulement à celle-ci de formuler une demande lorsque celle-ci est contraire à une position qu'elle a précédemment prise au cours du procès, et qu'il en résulte de surcroît, un préjudice pour son adversaire ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué s'est contenté de relever que les consorts X... s'étaient, dans une lettre du 4 octobre 2013 émanant de leur premier conseil, présentés comme étant les « propriétaires indivis » de la coupe Nautile, et qu'avant que ne débute l'instance en référé, soit la veille de celle-ci, elles avaient déposé des écritures indiquant que c'est par erreur qu'elles s'étaient prévalues de cette qualité, leur nouvel avocat ayant entre temps découvert un mandat d'où il résultait qu'elles avaient la simple qualité de détenteur précaire de l'objet litigieux, comme étant chargé de le vendre ; que cette précision concernant la nature de leurs droits sur la chose, et donnée la veille de l'audience de référé, à une époque à laquelle le juge ne s'était pas encore prononcé sur ces droits, les débats n'étant pas même ouverts, ne pouvait caractériser un manquement au principe suivant lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui qui aurait rendu irrecevable leur demande de mise hors de cause ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile, ensemble le principe susvisé ;
2°) ALORS QUE la cour d'appel a elle-même constaté que le National museum n'avait assigné Mmes Annette et Françoise X... en référé que le 21 février 2014; qu'il était constant que la date de septembre 2013 était celle à laquelle des démarches amiables avaient été entreprises par Mmes X... dans l'optique de la vente de la coupe nautile; qu'en retenant que l'instance en référé avait été "initiée en septembre 2013", la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'il appartient au demandeur à une instance en référé, introduite sur le fondement de l'article 145 du Code de Procédure Civile, d'établir que la personne contre laquelle il exerce cette action a qualité pour y défendre ; qu'en particulier, il lui incombe lorsqu'il sollicite de cette dernière la remise d'une chose et son placement sous mains de justice aux fins d'expertise, d'établir qu'elle est bien propriétaire ou possesseur de cette chose ; de sorte qu'en déboutant les exposantes de leur demande de mise hors de cause au motif qu'elles n'établissaient pas que « (la qualité de propriétaire) devrait revenir à une autre personne », et notamment à leur mère, la cour d'appel, qui a ainsi présumé la qualité de propriétaire de Mesdames Annette et Françoise X..., tout en leur enjoignant d'établir la preuve contraire, a violé l'article 1315 du code Civil.