LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 4 mai 2016), que M. X..., salarié de la société MAB construction, aux droits de laquelle vient la société Spie Batignolles Ouest, a souscrit auprès de la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan (la caisse) une déclaration de maladie professionnelle ; que par lettre du 13 mars 2007, la caisse a avisé la société MAB construction de la prise en charge de cette maladie au titre de la législation professionnelle ; que contestant cette décision, l'employeur a saisi, par courriers du 11 mai 2007, la commission de recours amiable, puis le 4 janvier 2013, se prévalant d'une décision implicite de rejet, une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que la société Spie Batignolles Ouest fait grief à l'arrêt de déclarer son recours irrecevable comme forclos, alors, selon le moyen :
1°/ que la décision de la commission de recours amiable rejetant une contestation à l'encontre d'une décision de prise en charge d'accident du travail ou de maladie professionnelle par la CPAM n'est susceptible de faire courir le délai de forclusion de deux mois que si elle a régulièrement été notifiée à l'employeur à l'adresse indiquée par ce dernier sur le recours ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les recours du 11 mai 2007 formés devant la commission de recours amiable à l'encontre de la décision de prise en charge de la CPAM du Morbihan par les sociétés MAB Construction et Spie Batignolles Ouest indiquaient les adresses des sièges sociaux respectifs de ces deux entreprises à Brest et Orvault ; qu'en estimant néanmoins que la décision de la commission de recours amiable adressée à l'agence de Lorient de la société MAB Construction avait été régulièrement notifiée à l'employeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses constatations et a violé les articles R. 142-4 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 665, 690 et 693 du code de procédure civile ;
2°/ que ne fait pas courir le délai de forclusion la décision de la commission de recours amiable qui ne mentionne pas ou mentionne de manière erronée les délais et voies de recours ; qu'il résulte de l'article R. 142-12 du code de la sécurité sociale que l'employeur qui engage contre un organisme de sécurité sociale une action tendant à faire déclarer inopposable à son égard une décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle d'une maladie ou d'un accident déclarés par un salarié doit saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale de son domicile, qui, pour une société commerciale, est le siège social fixé par ses statuts ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt que le siège social de la société MAB Construction, dont l'adresse figurait sur le recours adressé à la commission de recours amiable, se situait à Brest, de sorte que le tribunal des affaires de sécurité sociale de Brest était seul compétent pour statuer sur un éventuel recours de l'employeur ; qu'en considérant néanmoins que la décision de la commission de recours amiable qui indiquait qu'un recours devait être formé devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Morbihan avait fait courir le délai de recours, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé les articles R. 142-4, R. 142-12 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 680 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée le 6 janvier 2006 a été notifiée le 13 mars 2007 par la caisse du Morbihan à la société MAB construction en son agence de Lorient qui, désignée par le salarié comme son employeur, a été l'interlocuteur de la caisse pendant toute la durée de la phase d'instruction du dossier, sans jamais alerter celle-ci sur la nécessité d'envoyer ses courriers à l'adresse de son siège social à Brest ; que la société MAB construction a nécessairement reçu cette lettre puisque par deux courriers identiques, l'un à en-tête de la société Spie Batignolles Ouest, mentionnant une adresse à Orvault, l'autre à en-tête de la société MAB construction, mentionnant une adresse à Brest, elle a saisi la commission de recours amiable de Vannes d'une réclamation ; que la société a entretenu par ces deux saisines une confusion sur l'interlocuteur de la caisse, rendant impossible la détermination du siège compétent ; que par suite la décision de la commission de recours amiable a été régulièrement notifiée à la société MAB construction à Lorient, par lettre recommandée avec avis de réception datée du 25 septembre 2007, reçue par la société le 28 septembre 2007, portant mention de ce que cette décision pouvait faire l'objet d'un recours ;
Que de ces constatations et énonciations relevant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d'appel a pu déduire que la décision de la commission de recours amiable avait été régulièrement notifiée le 28 septembre 2007 à la société intéressée, de sorte que le recours exercé le 4 janvier 2013 devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Brest était irrecevable comme forclos ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Spie Batignolles Ouest aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Spie Batignolles Ouest et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Spie Batignolles Ouest.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable le recours de la société Spie Batignolles Ouest, venant aux droits de la société MAB Construction ;
AUX MOTIFS QUE « l'article R. 142-18 du code de la sécurité sociale dispose que : « Le tribunal des affaires de sécurité sociale est saisi, après l'accomplissement, le cas échéant, de la procédure prévue à la section 2 du présent chapitre, par simple requête déposée au secrétariat ou adressée au secrétaire par lettre recommandée dans un délai de deux mois à compter soit de la date de la notification de la décision, soit de l'expiration du délai d'un mois prévu à l'article R. 142-6 ; que la forclusion ne peut être opposée toutes les fois que le recours a été introduit dans les délais soit auprès d'une autorité administrative, soit auprès d'un organisme de sécurité sociale ou de mutualité sociale agricole » ; qu'en l'espèce, il apparaît que la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie déclarée par M. X... le 6 janvier 2006, constatée médicalement le 18 novembre 2005, a été notifiée par la caisse du Morbihan par lettre datée du 13 mars 2007 (pièce n° 9 des productions de la caisse) adressée à la société Mab Construction en son agence de Lorient, laquelle désignée par le salarié comme son employeur, a été l'interlocuteur de la caisse durant toute la phase d'instruction du dossier, ainsi qu'il résulte des pièces produites par l'intimée et n'a à aucun moment alerté la caisse sur la nécessité d'adresser ses courriers à l'adresse de son siège social situé à Brest, étant observé à ce titre que la lettre émanant de Mab Construction Agence de Lorient, portant en bas de page l'adresse du siège social situé à Brest datée du 12 septembre 2006 répondant à une demande de renseignements sur le travail effectué par le salarié a été traitée par l'agence de Lorient en la personne de M. Y... « QSE » qui a précisé que le « salarié occupe la fonction de chef d'équipe au sein de Mab Construction depuis 1999 » et a demandé à consulter le dossier ainsi qu'il résulte de la pièce n° 9 des productions de l'appelante. Il convient de relever que la société Mab Construction en son agence de Lorient a été invitée à consulter le dossier ainsi qu'il résulte de la lettre de la caisse du 28 février 2007, reçue le 2 mars 2007 (pièce n° 8 des productions de la caisse) ; que la société Mab Construction a nécessairement reçu la lettre du 13 mars 2007 portant notification de la décision de prise en charge, puisque par deux courriers identiques datés du 11 mai 2007, signés tous deux par Mme Z... responsable des ressources humaines, sur lesquels figurent respectivement en entête les coordonnées de la société Spie Batignolles Ouest Direction des ressources humaines avec une adresse à Orvault et celles de la société Mab Construction avec une adresse à Brest, elle a saisi la commission de recours amiable de Vannes d'une contestation de la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle. En faisant mention de ce que « Nous vous informons que la société Spie Batignolles entend contester cette décision » et en ne détaillant pas les liens pouvant exister entre les sociétés et notamment que jusqu'à ce qu'elle l'absorbe la société Spie Batignolles Ouest était la maison mère de la société Mab Construction, dont le siège social était situé à Brest, principale intéressée par le recours formé comme l'énonce l'appelante dans ses écritures, la société a entretenu par ces deux saisines la confusion créée par elle-même sur l'interlocuteur de la caisse et ne permettant pas la détermination du siège compétent ; que par suite, la décision de la commission de recours amiable prise en sa séance du 21 septembre 2007 a été régulièrement notifiée à la société Mab Construction 3 boulevard Cosmao Dumanoir à Lorient par lettre recommandée avec avis de réception datée du 25 septembre 2007, réceptionnée par la société le 28 septembre 2007 ainsi qu'il résulte de l'avis de réception (pièce n° 11 des productions de la caisse). Cette lettre qui a bien été réceptionnée par Mab Construction à Lorient, portait mention de ce que la décision de la commission de recours amiable pouvait faire l'objet d'un recours, par lettre recommandée ou par simple inscription auprès du secrétariat du tribunal des affaires de sécurité sociale, Palais de justice 56019 Vannes, dans un délai de deux mois, sous peine de forclusion, à compter de la réception de la notification, ainsi qu'il résulte de la pièce 11 susvisée. Ladite lettre qui indique ainsi de manière très apparente le délai de recours et ses modalités d'exercice, dont la juridiction territorialement compétente au regard de l'agence de Lorient, a fait courir à l'égard de la société Mab Construction le délai de deux mois dans lequel doit être formé à peine de forclusion le recours contentieux ; que le recours tant aux fins d'inopposabilité que d'expertise de la société Mab Construction, aux droits de laquelle vient la société Spie Batignolles Ouest, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Brest, formé le 4 janvier 2013 soit bien après l'expiration du délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision de la commission de recours amiable est irrecevable car forclos, ainsi que l'a à juste titre retenu le premier juge, sans qu'il ne puisse lui être reproché de ne pas s'être déclaré incompétent, en l'absence de toute exception d'incompétence ; que par suite, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions » ;
AUX MOTIFS, EVENTUELLEMENT ADOPTES, QU' « en application de l'article R. 142-18 du Code de la Sécurité Sociale, le Tribunal doit, à peine de forclusion, être saisi dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée ; qu'en l'espèce, la décision de la Commission de Recours Amiable a été notifiée à la Société MAB CONSTRUCTION, le 28 septembre 2007 ; que lorsqu'une Société dispose de plusieurs agences ou établissements, la C.P.A.M. est bien fondée à adresser ses courriers et notifications à l'agence dont dépend le salarié à moins que ladite Société n'ait clairement fait apparaître que le dossier était instruit en un autre lieu et notamment à son siège social ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que l'ensemble de la procédure d'instruction a été menée à l'égard de l'agence MAB CONSTRUCTION de Lorient et que c'est cette même agence qui a été l'interlocuteur de la Caisse comme le démontre le courrier adressé à celle-ci le 12 septembre 2006 ; que certes la Commission de Recours Amiable a été saisie par deux courriers du 11 mai 2007 rigoureusement identiques à l'exception de l'en-tête, l'un au nom de la Société MAB CONSTRUCTION à Brest, l'autre au nom de la Société SPIE BATIGNOLLES OUEST à Orvault ; qu'il ne résulte aucunement de ces courriers que l'employeur ait entendu voir adresser la décision de la Commission de Recours Amiable au siège de la Société, d'autant que la dualité de recours rendait impossible la détermination du siège compétent ; que la décision de la Commission de Recours Amiable a donc été valablement notifiée à la Société MAB CONSTRUCTION à Lorient ; Que s'en déduit nécessairement la compétence du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale en cas de recours, soit celui de Vannes sur le ressort duquel se trouve ladite Société, de sorte que la mention du Tribunal compétent en cas de recours était correcte ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la décision de la Commission de Recours Amiable a été valablement notifiée à la Société MAB CONSTRUCTION le 28 septembre 2007 ; Que son recours du 4 janvier 2013 est en conséquence forclos donc irrecevable » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la décision de la commission de recours amiable rejetant une contestation à l'encontre d'une décision de prise en charge d'accident du travail ou de maladie professionnelle par la CPAM n'est susceptible de faire courir le délai de forclusion de deux mois que si elle a régulièrement été notifiée à l'employeur à l'adresse indiquée par ce dernier sur le recours ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les recours du 11 mai 2007 formés devant la commission de recours amiable à l'encontre de la décision de prise en charge de la CPAM du Morbihan par les sociétés MAB Construction et Spie Batignolles Ouest indiquaient les adresses des sièges sociaux respectifs de ces deux entreprises à Brest et Orvault ; qu'en estimant néanmoins que la décision de la commission de recours amiable adressée à l'agence de Lorient de la société MAB Construction avait été régulièrement notifiée à l'employeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses constatations et a violé les articles R. 142-4 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 665, 690 et 693 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE ne fait pas courir le délai de forclusion la décision de la commission de recours amiable qui ne mentionne pas ou mentionne de manière erronée les délais et voies de recours ; qu'il résulte de l'article R. 142-12 du code de la sécurité sociale que l'employeur qui engage contre un organisme de sécurité sociale une action tendant à faire déclarer inopposable à son égard une décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle d'une maladie ou d'un accident déclarés par un salarié doit saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale de son domicile, qui, pour une société commerciale, est le siège social fixé par ses statuts ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt que le siège social de la société MAB Construction, dont l'adresse figurait sur le recours adressé à la commission de recours amiable, se situait à Brest, de sorte que le TASS de Brest était seul compétent pour statuer sur un éventuel recours de l'employeur ; qu'en considérant néanmoins que la décision de la commission de recours amiable qui indiquait qu'un recours devait être formé devant le TASS du Morbihan avait fait courir le délai de recours, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé les articles R. 142-4, R. 142-12 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 680 du code de procédure civile.