LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et Mme Y... se sont mariés à Sidi Bel Abbès (Algérie) ; que trois enfants sont issus de cette union, Lylia, née le 21 mai 2005, Nassim, né le 23 février 2009 et Céline, née le 21 novembre 2010 ; qu'après le divorce des époux, Mme Y... a saisi le juge aux affaires familiales en attribution de l'exercice exclusif de l'autorité parentale, fixation de la résidence des enfants à son domicile et paiement d'une contribution du père à l'entretien et l'éducation des enfants ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, ci-après annexé :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de lui accorder un droit de visite en lieu neutre ;
Attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que M. X... n'avait pas eu de contact avec les enfants depuis décembre 2010 et qu'il convenait de rétablir de façon progressive le lien paternel en lui accordant un droit de visite en lieu neutre pendant une durée de six mois à l'issue de laquelle il pourrait être à nouveau statué, la cour d'appel, qui n'avait pas à constater de motifs graves dès lors qu'elle ne refusait pas tout droit de visite et d'hébergement au père, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur la première branche du moyen :
Vu l'article 373-2-1 du code civil ;
Attendu que, pour confier à Mme Y... l'exercice exclusif de l'autorité parentale sur les enfants, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que M. X... n'a pas eu de contact avec ses enfants depuis son retour en Algérie au mois de décembre 2010 et que l'éloignement des domiciles des deux parents et l'absence de toute relation entre eux sont susceptibles de rendre difficiles les formalités nécessaires à la vie des enfants ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser, de manière concrète, en quoi l'intérêt des enfants commandait l'exercice unilatéral de l'autorité parentale par la mère, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur la quatrième branche du moyen :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour fixer à 300 euros par mois la contribution du père à l'entretien des enfants, l'arrêt énonce que la mère perçoit des prestations sociales à hauteur de 1 290 euros par mois ;
Qu'en statuant ainsi, alors que Mme Y... admettait percevoir une somme mensuelle de 1 468 euros au titre des prestations sociales, la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confie l'exercice exclusif de l'autorité parentale à l'égard des trois enfants à Mme Y... et en ce qu'il fixe à 300 euros par mois, avec indexation, la contribution de M. X... à l'entretien et l'éducation des trois enfants, l'arrêt rendu le 1er décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR confié à Mme Y... l'exercice exclusif de l'autorité parentale à l'égard des enfants Lylia, Nassim et Céline, d'AVOIR fixé la résidence habituelle des enfants au domicile de leur mère, d'AVOIR fixé à la charge de M. X... une contribution de 300 euros par mois pour l'entretien et l'éducation des enfants, d'AVOIR rejeté les demandes de M. X... tendant à voir attribuer aux deux parents l'exercice conjoint de l'autorité parentale à l'égard des enfants communs Lylia, Nassim et Céline et tendant à se voir accorder un droit de visite et d'hébergement sur les enfants communs à son domicile en Algérie durant les vacances scolaires, d'AVOIR ordonné l'interdiction de sortie des trois enfants du territoire national sans l'autorisation expresse de Mme Y..., d'AVOIR dit que cette interdiction sera inscrite au fichier des personnes recherchées, d'AVOIR dit comment M. X... exercera son droit de visite à l'égard des enfants Lylia, Nassim et Céline ainsi que de l'AVOIR débouté du surplus de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « s'il est vrai que le législateur a consacré le principe de la coparentalité qui s'entend comme la prise en charge et l'éducation de l'enfant par l'un et l'autre des parents, il apparait cependant que la mise en oeuvre d'un droit exclusif ne se comprend que dans l'intérêt exclusif de celui-ci et qu'elle ne saurait être utilisée à titre de sanction par un parent à l'égard de l'autre ; qu'il importe de relever que M. X... exerce son activité de cardiologue en Algérie, que Mme Y... est domiciliée avec les trois enfants communs à Marseille, que l'appelant n'a plus de contacts avec ces derniers depuis le mois de décembre 2010, date à laquelle il est reparti en Algérie pour y exercer ses fonctions de médecin et qu'il y a lieu en raison de l'éloignement des domiciles des parties d'attribuer exclusivement à Mme Y... l'exercice de l'autorité parentale à l'égard des trois enfants, M. X... étant débouté de sa demande tendant à voir attribuer aux deux parents l'exercice conjoint de l'autorité parentale sur ces derniers ; qu'il n'est pas indifférent de souligner que les trois enfants communs ont trouvé au domicile de leur mère un cadre de vie stable propice à leur épanouissement en sorte que M. X... sera déboutée de sa demande tendant à voir transférer la résidence habituelle de ces derniers à son domicile ; qu'il convient toutefois de rétablir de façon progressive les liens entre M. X... et ses trois enfants et de lui accorder un droit de visite qui s'exercera en un lieu neutre au sein des locaux de l'association ARCHIPEL à Marseille à raison d'une fois par mois, pendant une durée de six mois ; qu'il y a lieu de rejeter les demandes de l'appelant tendant à se voir accorder un droit de visite et d'hébergement à son domicile en Algérie et tendant à voir partager par moitié entre les parties les frais de transport résultant de l'exercice de ce droit ; qu'il appartiendra à l'appelant de saisir à l'issue de ce délai le juge aux affaires familiales afin qu'il soit à nouveau statué sur son droit de visite voire d'hébergement à l'égard des trois enfants communs ; qu'il y a lieu au regard des éléments de la cause et afin d'éviter que les enfants soient soustraits à leur mère d'ordonner l'interdiction de sortie du territoire national des trois enfants Lylia, Nassim et Céline sans l'autorisation expresse de Mme Y... ; que chacun des parents doit contribuer à l'entretien de l'enfant à la mesure de ses facultés et en fonctions des besoins de ce dernier, de ses habitudes de vie et compte tenu de son âge ; qu'il est acquis que Mme Y... a disposé en sa qualité d'aide-soignante d'un revenu de 1.671 € par mois, qu'elle perçoit en outre des prestations sociales à hauteur de 1.290 € par mois et qu'elle acquitte outre les charges inhérentes à la vie courante, un loyer mensuel de 701 € ainsi que la somme de 524 € par mois au titre des frais de scolarité et de cantine, celle de 41 € par mois au titre de la fourniture d'électricité, celle de 14 € par mois au titre de la fourniture de gaz ainsi que celle de 1.463 € par an au titre des charges locatives ; qu'il est constant que M. X... exerce la profession de médecin-cardiologue en Algérie, qu'il a spécifié dans ses écritures qu'il ne disposait que d'un revenu mensuel équivalent à 600 € et qu'il a produit sa déclaration d'impôt faisant apparaître au titre de l'année 2014 des revenus de 974.767 dirhams ; qu'il convient, au vu de la situation matérielle de chacune des parties de maintenir à la somme de 300 € la part contributive de ce dernier aux frais d'entretien des trois enfants communs, Mme Y... étant quant à elle déboutée de sa demande tendant à voir majorer la pension alimentaire mise à la charge de l'appelant pour l'entretien des enfants ; qu'il échet en définitive de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions, la cour ayant statué par dispositions nouvelles sur l'interdiction de sortie des trois enfants du territoire national sans l'accord de Mme Y... » ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'article 372 du code civil prévoit pour constater que l'autorité parentale à l'égard de l'enfant s'exerce en commun, que les deux parents l'aient reconnu dans l'année qui suit sa naissance et que lorsque la filiation est établie à l'égard d'un des parents plus d'un an après la naissance d'un enfant dont la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, celui-ci reste seul investi de l'exercice de l'autorité parentale ; que la loi poste comme principe de l'exercice en commun de l'autorité parentale, l'exercice à titre exclusif par l'un des deux parents devant rester l'exception ; qu'en l'espèce, la mère sollicite une autorité parentale exclusive en indiquant que M. Mohammed X... serait susceptible de soustraire les enfants et se désintéresse d'eux ; que s'agissant de la soustraction des enfants une interdiction de sortie du territoire français peut efficacement prévenir ce risque ; que cependant, il n'est pas contesté que Mohammed X... n'a eu aucun contact avec ses enfants depuis plusieurs années, alors que sa position sociale, puisqu'il exerce l'activité de cardiologue, lui permet de voyager ; qu'il réside à l'étranger et les rapports entre les parents sont inexistants, ce qui peut compliquer l'accomplissement des formalités nécessaires à la vie des enfants ; qu'en considération de ces éléments et de l'intérêt des enfants, il convient de confier à la mère l'exercice exclusif de l'autorité parentale à l'égard des trois enfants ; que selon l'article 373-2-11 du code civil ‘lorsqu'il se prononce sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, le juge prend notamment en considération la pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu'ils avaient pu antérieurement conclure, l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre' ; qu'il ressort des éléments du dossier que les enfants résident depuis plusieurs années en France auprès de leur mère, Mme Nyzel Y... explique que M. Mohammed X... ne connaît pratiquement pas ses enfants ; que cet élément n'est pas contesté ; qu'ils sont régulièrement scolarisés et encore très jeunes ; que l'intérêt des enfants commande que leur résidence habituelle soit fixée au domicile de leur mère ; qu'aux termes de l'article 373-2 du Code civil, en cas de séparation des parents, chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec les enfants et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent ; que l'article 373-2-1 alinéa 2 du code civil précise que l'exercice du droit de visite et d'hébergement ne peut être refusé à l'autre parent que pour des motifs graves ; qu'en l'espèce, en l'absence de lien entre M. Mohammed X... et ses enfants, à l'interruption depuis plusieurs années de toute relation, un droit de visite et d'hébergement classique ne paraît pas envisageable ; qu'en effet, il importe afin de sécuriser les enfants que les relations puissent reprendre dans un premier temps dans un lieu médiatisé ; qu'un droit de visite au sein de l'association Archipel sera par conséquent mise en oeuvre une fois par mois ; qu'il appartiendra pour la suite, à défaut d'accord entre les parents, à la partie la plus diligente de ressaisir le juge afin que soit évalué le déroulement du droit de visite au sein de la structure Archipel et mis en place éventuellement un droit de visite et d'hébergement plus pérenne à l'aune de l'intérêt des enfants » ;
1°) ALORS, D'UNE PART, QUE le juge ne peut retirer l'exercice de l'autorité parentale à un des deux parents que si l'intérêt de l'enfant, tel qu'apprécié concrètement par le juge, le commande ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande de M. X... tendant à voir attribuer aux deux parents l'exercice de l'autorité parentale, la cour d'appel a statué aux motifs inopérants que ce dernier exerçait son activité de cardiologue en Algérie, ce qui lui permettait de voyager, que Mme Y... était domiciliée avec les trois enfants communs à Marseille, que l'appelant n'avait plus de contacts avec ces derniers depuis le mois de décembre 2010, date à laquelle il était reparti en Algérie pour y exercer ses fonctions de médecin et qu'il y avait lieu en raison de l'éloignement des domiciles des parties et de l'inexistence des relations entre eux, ce qui pouvait compliquer l'accomplissement des formalités nécessaires à la vie des enfants, d'attribuer exclusivement à Mme Y... l'exercice de l'autorité parentale à l'égard des trois enfants ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher ni caractériser de manière concrète que tel était l'intérêt effectif des enfants communs compte tenu des circonstances de la cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 373-2-1 du Code civil ;
2°) ALORS, A TOUT LE MOINS, QUE les parents exercent en principe en commun l'autorité parentale, sauf si le juge caractérise que l'intérêt de l'enfant commande exceptionnellement que l'autorité parentale soit confiée à un seul des parents ; qu'en l'espèce, les juges du fond, qui se sont bornés à affirmer de manière abstraite et générale qu'« en considération de l'intérêt des enfants », il y avait lieu de débouter le père de sa demande tendant à voir attribuer aux deux parents l'exercice de l'autorité parentale, sans énoncer, même sommairement, les éléments de fait et de preuve sur lesquels ils fondaient cette affirmation, ont ainsi méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE lorsque le juge aux affaires familiales confie l'exercice de l'autorité parentale à l'un des deux parents, il ne peut refuser l'exercice du droit de visite et d'hébergement à l'autre parent que pour des motifs graves ; qu'il doit également caractériser de tels motifs graves lorsqu'il limite le droit de visite et supprime le droit d'hébergement du parent non titulaire de l'autorité parentale ; qu'en rejetant les demandes de M. X... tendant à se voir accorder un droit de visite et d'hébergement à son domicile en Algérie, à voir partager par moitié entre les parties les frais de transport résultant de l'exercice de ce droit et en limitant son droit de visite à une rencontre mensuelle dans les locaux de l'association Archipel à Marseille, sans constater ni caractériser l'existence de motifs graves justifiant de telles modalités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 373-2-1 du Code civil ;
4°) ALORS, ENFIN, QUE le juge ne peut ni dénaturer les pièces versées aux débats, ni méconnaître les termes du litige ; que pour fixer à 300 euros la part contributive de M. X... aux frais d'entretien des trois enfants communs, la cour d'appel a relevé qu'il disposait d'un revenu mensuel équivalent à 600 euros et qu'il était acquis que Mme Y... disposait en sa qualité d'aide-soignante d'un revenu de 1.671 euros par mois et qu'elle percevait en outre des prestations sociales à hauteur de 1.290 euros par mois, quand dans ses propres écritures d'appel, Mme Y... énonçait qu'elle percevait la somme de 1468,53 euros par mois au titre des prestations sociales et familiales ; qu'en retenant la somme de 1.290 euros par mois seulement, la cour d'appel, qui avait elle-même fait référence au chiffre de 1.468,53 euros sur lesquels les deux parties en litige s'accordaient, a méconnu les termes du litige et a en conséquence violé les articles 4 et 16 du Code de procédure civile.