LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134, alinéa 3, devenu 1104, du code civil, ensemble l'article L. 624-14 du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 22 mars 2016), que la société Office français interentreprises a donné à bail divers locaux commerciaux à la société Sushi express, placée en redressement judiciaire par jugement du 19 juin 2012 ; que, par acte du 21 août 2012, la bailleresse a délivré un commandement visant la clause résolutoire à la locataire et aux mandataire et administrateur judiciaires pour obtenir paiement d'indemnités d'occupation du 19 juin au 30 septembre 2012, puis a formé un recours contre la décision du juge commissaire rejetant sa demande tendant au constat de la résiliation du bail au 21 septembre 2012 ;
Attendu que, pour infirmer cette décision, les dispositions de l'article L. 624-14 du code de commerce instaurent un mécanisme particulier destiné à protéger les intérêts du bailleur lorsque le preneur fait l'objet d'une procédure collective et qu'il n'y a donc pas lieu de rechercher si le bailleur a délivré le commandement de bonne foi ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'ouverture d'une procédure collective à l'égard du locataire n'a pas pour effet de dispenser le bailleur de mettre en oeuvre, de bonne foi, la clause résolutoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Office français interentreprises aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Office français interentreprises et la condamne à verser la somme de 3 000 euros à M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Sushi express et M. X..., ès qualités,
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté la résiliation du bail du 23 février 2011;
AUX MOTIFS QUE le débat se présente dans les mêmes termes que devant le juge commissaire et devant le tribunal de commerce, à savoir que la société Sushi express invoque la tolérance du bailleur l'autorisant à payer les loyers mensuellement, alors que celui-ci reconnait avoir accordé cette tolérance par courrier du 18 janvier 2011, mais prétend l'avoir révoquée par courrier du 11 janvier 2012, et encore par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 août 2012 ; le courrier du 18 janvier 2011 indiquait que le bailleur acceptait que le loyer trimestriel soit « exceptionnellement payé en trois fois », et encore que cette autorisation était donnée « à titre exceptionnel précaire et provisoire» ; que la société Ofie produit la copie des deux courriers du 11 janvier 2012 et du 27 août 2012, le second portant la mention de l'envoi en lettre recommandée avec AR ; qu'elle produit la copie de l'avis de réception et la justification de l'envoi du 27 août, qu'ainsi, elle est fondée à soutenir que la société Sushi express était à nouveau tenue de payer le loyer par trimestres ; les dispositions de l'article L624-14 du code de commerce instaurent un mécanisme particulier destiné à protéger les intérêts du bailleur lorsque le preneur fait l'objet d'une procédure collective, qu'il n'y a donc pas lieu de rechercher si le bailleur a délivré le commandement de bonne foi, ni si les manquements reprochés au bailleur étaient d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation ; il suffit de constater que le bail contient une clause résolutoire que le commandement prétend faire jouer ; selon le commandement, la société Sushi express était débitrice de,
- indemnité d'occupation du 19 juin au 30 juin 2012 950,04 euros,
- indemnité d'occupation 3 éme trimestre 2012 7 204,42 euros,
- coût du présent acte 179,43 euros
A déduire, les versements directs 2 033,20 euros ; solde 6300,69 euros ; la société Sushi Express ne prétend pas que ce décompte soit erroné, sauf à contester la périodicité des loyers, qu'elle ne prétend pas davantage avoir payé les sommes visées dans le commandement dans le mois de sa délivrance; il convient donc d'infirmer le jugement déféré pour constater la résiliation du bail ;
1°) ALORS QUE la mauvaise foi du bailleur le prive du droit de se prévaloir de la clause résolutoire y compris lorsque le preneur se trouve sous l'effet d'une procédure de continuation ; qu'en décidant que les dispositions de l'article L.622-14 du Code de commerce instaurent un mécanisme particulier destiné à protéger les intérêts du bailleur lorsque le preneur fait l'objet d'une procédure collective et qu'il n'y a donc pas lieu de rechercher si le bailleur a délivré le commandement de bonne foi, la Cour d'appel a violé les articles 1134, 1135 du Code civil et L.622-14 du Code de commerce ;
2°) ALORS QUE la mauvaise foi du bailleur le prive du droit de se prévaloir de la clause résolutoire y compris lorsque le preneur se trouve sous l'effet d'une procédure de continuation ; que la société Sushi Express faisait valoir que son bailleur se prévalait de mauvaise foi de la clause résolutoire en réclamant un paiement trimestriel du loyer alors qu'il avait auparavant accordé, puis, par la suite toléré, un paiement mensuel ; qu'en outre les causes du commandement de payer lui ont été réglées pour la première partie en août et pour la seconde par un chèque émis le 6 septembre, soit dans les délais du commandement, bien qu'il n'ait été débité que le 1er octobre ; qu'en constatant la résiliation du contrat, sans rechercher si, dans ces circonstances, la clause résolutoire n'avait pas été mise en oeuvre de mauvaise foi, et en emportant les conséquences manifestement disproportionnées, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1135 du Code civil et L.622-14 du Code de commerce.
3°) ALORS QUE la révocation d'une autorisation ne prend effet qu'à compter de sa réception par le bénéficiaire de l'autorisation révoquée ; que la société Sushi Express n'a reçu le courrier de révocation de l'autorisation de payer mensuellement que le 27 août 2012 ; qu'en affirmant que la société Sushi était de nouveau tenue de payer le loyer par trimestre et en validant en conséquence le commandement de payer délivré pour le 3ème trimestre 2012, quand ce commandement de payer a été délivré le 21 août 2012, soit avant la réception par la société Sushi Express de la révocation de l'autorisation de payer mensuellement le loyer, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil.