LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 7 janvier 2016), qu'Alain X... a institué légataire universel son neveu, M. Y... ; que, se prévalant d'une créance de son auteur contre M. Bernard X..., M. Y... a assigné ce dernier en paiement d'une certaine somme, et Mme Christiane X... aux fins de jugement commun et opposable ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande ;
Attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale au regard de l'article 1892 du code civil et de violation des articles 1134 et 1347 du même code, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine des juges du fond qui ont estimé que la preuve n'était rapportée par M. Y... ni du principe ni du montant de sa créance ; qu'il ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. Y....
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. Y... de sa demande tendant à la condamnation de M. Bernard X... à lui payer la somme de 168 276, 35 €, assortie des intérêts moratoires à compter de la mise en demeure du 10 juillet 2010 et de l'avoir condamné à payer à celui-ci la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« en dehors des développements autour de la plainte déposée le 29 octobre 2015 par Bernard X... pour usage d'un faux qu'aurait commis Alain X... lors de la vente d'un cheptel bovin le 1er novembre 1998 pour 523. 900 francs, au demeurant étrangère à la créance aujourd'hui revendiquée par l'appelant, les moyens de ce dernier sont les mêmes que devant les premiers juges ; que c'est par de juste motifs que la cour fait siens que ceux-ci, après une analyse pertinente de toutes les pièces produites de part et d'autre, ont considéré que Philippe Y... ne faisait pas preuve d'une quelconque créance de son auteur l'autorisant à solliciter la condamnation de Bernard X... au paiement de la somme de 168. 275, 61 € ; que le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de ce chef » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Selon l'article 1341 du code civil, il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre, le tout sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce ; que cette somme ou valeur est fixée à 1500 € ; qu'il est jugé que la preuve d'un contrat de prêt incombe à celui qui demande la restitution des sommes versées et ne peut être apportée que par écrit ; que selon l'article 1347 du Code civil, les règles ci-dessus (note du tribunal : c'est à dire celles énoncées notamment dans l'article 1341 précité) reçoivent exception lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit ; qu'on appelle ainsi tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué ; que peuvent être considérées par le juge comme équivalant à un commencement de preuve par écrit les déclarations faites par une partie lors de sa comparution personnelle, son refus de répondre ou son absence à la comparution ; qu'en l'espèce, aucun acte de prêt n'est communiqué ; que ni le manuscrit mentionnant « 08/ 03/ 95 avance ASM 10 000 F » et « encaiss 10 000 » ainsi que divers lettres et chiffres sibyllins, ni la ligne de crédit de 13 000 francs le 29. 12. 1998 à titre de remise figurant, sans désignation dactylographiée du créditeur, sur l'extrait du compte Crédit Agricole de Bernard X... Bernard ne prouvent la créance alléguée (pièce 8 du demandeur) ; qu'en revanche, vaut commencement de preuve par écrit de la créance d'Alain X..., le bilan comptable au 31. 12. 1998 de l'Indivision La Plaine » annexé à la lettre du comptable E3C (pièce 11 du demandeur) qui mentionne la somme de 1 103 820, 72 francs (168 275, 61 €) au 31. 12. 1998 et 1 090 820, 72 francs au 31. 12. 1997 au titre d'une dette envers Alain X... ; que le bail à ferme conclu en 1993 (pièce 30 du demandeur), les qualités d'associé de chacun des défendeurs mentionnées dans le bilan comptable de l'Indivision La Plaine (pièce 11 du demandeur) ainsi que dans l'imprimé Cerfa de la Chambre d'Agriculture (pièce 7 du demandeur) permettent de constater que les 2 défendeurs avaient constitué une société de fait pour exploiter en commun une ferme d'élevage ; que l'attestation de Christiane X... relative à l'historique de l'Indivision La Plaine ne peut retenir la conviction du tribunal compte tenu de l'implication de ce témoin dans le litige puisque non seulement elle est assignée mais elle est considérée par le demandeur comme ayant été co-indivisaire voire associée de B. X... dans l'Indivision La Plaine envers laquelle l'auteur de P. Y... aurait eu une créance ; La société de fait l'Indivision La Plaine s'est poursuivie en 1995, avec B. X... comme seul associé puisque la déclaration fiscale de 1995 de l'« Indivision La Plaine Bernard X... » dont l'authenticité n'est pas contestée le désigne comme tel (pièce 31 du demandeur) ; que cet historique est confirmé par les termes de la lettre adressée à l'Indivision La Plaine Bernard X... en avril 1996, avec le bilan 1995, par son comptable E3C selon lesquels « Vous possédiez jusqu'au 31. 12. 94, 30 % des droits dans « l'Indivision La Plaine », les 70 % restant détenus par votre tante. Suite au départ à la retraite de celle-ci, au 01. 01. 95 vous avez repris entièrement exploitation » (pièce 16 du demandeur) ; que toutefois, l'activité de cette société a cessé le 31. 12. 1998 selon l'enregistrement de cette cessation définitive d'activité par la Chambre de l'Agriculture en 2001 (pièce 7 du demandeur) ; que ce document officiel n'est contredit par aucune autre pièce ; qu'en effet et contrairement à ce que semble alléguer le demandeur, d'une part, ni l'activité d'élevage ni le numéro Siret de l'Indivision La Plaine ne correspondent à ceux des entreprises de B. X... mentionnés dans les pièces 14 ou 28 du demandeur ; que d'autre part l'Indivision La Plaine ne figure pas dans la liste des créanciers de SOCIARES sur l'extrait de son bilan 2000 (pièce 29 du demandeur) ; que si B. X... apparaît comme le seul associé à partir de 1995, Alain X... intervint dans les affaires de l'Indivision La Plaine au moins pour « prendre rang » quant aux droits à la prime à la vache allaitante en cas de cession de cette société selon la lettre adressée le 30. 11. 1996 au directeur départemental de l'agriculture au nom de l'Exploitation B. de St Maur (pièce 20 du demandeur) et pour rédiger en date du 01. 11. 1998 un manuscrit non signé relatant la vente par l'Exploitation Bernard de St Maur à SOCIARES de 523 900 francs (79 868, 04 € de bestiaux (pièce 38 du demandeur) ; qu'il n'est toutefois pas possible d'en déduire qu'Alain X... était repreneur ou associé dans l'Indivision La Plaine ; que les mentions de « reprise stock » de l'Indivision La Plaine pour 523 900 francs, les 5 autres mentions de reprise portées au crédit de SOCIARES dans l'extrait de son Grand livre au 31. 12. 1998 (pièce 37 du demandeur) ajoutées à la mention d'un compte associé d'Alain X... dans SOCIARES à hauteur de 1 557 247, 39 € au 31. 12. 1997 puis de 1 995 394, 66 francs au 31. 12. 2000 (pièce 29 du demandeur correspondant à la page 10 – seul extrait communiqué – du bilan 2000 de SOCIARES), confirment la teneur de la lettre du comptable E3C à l'Indivision La Plaine le 22 avril 1999 selon laquelle l'Indivision La Plaine a terminé son activité agricole au cours de l'année 1998 et est désormais remplacée par « l'extension » de la société SOCIARES ; que dès lors, ce n'est plus à B. X... qu'incombe la charge de compléter le commencement de preuve par écrit pour prouver l'existence et le montant de la créance de son auteur au décès de ce dernier mais à P. Y..., actionnaire majoritaire de la société SOCIARES, société ayant visiblement pris la main sur le patrimoine de l'Indivision La Plaine, ce qu'il ne fait pas ; que ne justifiant ni d'un contact avec le liquidateur de SOCIARES ne de l'expédition de sa lettre de 2010 au comptable Fiducial (sa pièce 13), P. Y... qui a été en mesure de communiquer quelques rares extraits des comptes de SOCIARES, ne démontre pas avoir été dans l'impossibilité de rapporter la preuve d'une obligation de paiement de B. X... à son égard ; que dès lors, il convient de débouter P. Y... de ses demandes » ;
1°) ALORS QUE le prêt de consommation est un contrat par lequel l'une des parties livre à l'autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l'usage, à la charge par cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité ; que pour juger que M. Y... ne faisait pas la preuve d'une créance l'autorisant à solliciter la condamnation de M. Bernard X... – en tant qu'unique associé de la société de fait improprement dénommée indivision La Plaine – au paiement de la somme de 168 276, 35 € prêtée à cette entité par Alain X..., son auteur, la cour d'appel a retenu que la société Sociares a visiblement pris la main sur le patrimoine de cette entité compte tenu du fait qu'elle a acquis en 1998 des actifs de l'indivision La Plaine outre que ses bilans font apparaître un compte associé au nom d'Alain X... à hauteur de 1 557 247, 39 francs au 31 décembre 1997 (en réalité 1999) et de 1 995 396, 66 francs au 31 décembre 2000, et que ces éléments sont confirmés par la lettre de l'expert comptable de l'indivision La Plaine du 22 avril 1999 qui évoque la cessation de son activité et le fait qu'elle serait désormais remplacée par « l'extension » de la société Sociares ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme il lui était demandé, si toute absorption de l'indivision La Plaine par la société Sociares n'était pas exclue dans la mesure où les dettes figurant dans le bilan comptable de l'indivision La Plaine, arrêté au 31 décembre 1998, en ce compris celle due à Alain X... à hauteur de 1 103 820, 72 francs, soit 168 276, 35 €, n'apparaissaient pas dans les bilans postérieurs de la société Sociares, outre que dans sa lettre précitée du 22 avril 1999, ledit expert comptable avait attiré l'attention de l'indivision La Plaine sur la nécessité pour elle d'apurer de telles dettes, au besoin en ayant recours à des crédits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1892 du code civil ;
2°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en énonçant que l'indivision La Plaine ne figure pas dans la liste des créanciers de la société Sociares sur l'extrait de son bilan 2000, quand cet extrait (pièce n° 29 de l'exposant) mentionnait expressément, dans la rubrique « autres dettes » une somme de 760 498, 94 francs due par la société Sociares à l'indivision La Plaine, ce dont il résultait bien qu'il n'y avait pas eu transmission universelle du patrimoine de la société de fait dénommée indivision La Plaine à la société Sociares au 31 décembre 1998, à défaut de quoi cette dette n'aurait pas figuré dans le bilan de la société Sociares ; qu'en en déduisant l'absence de toute obligation de paiement de M. Bernard X... à l'égard de M. Y..., légataire d'Alain X..., la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil et le principe susvisé ;
3°) ALORS QU'un commencement de preuve par écrit doit être complété par des éléments extrinsèques ; qu'il doit exister un lien suffisant entre le commencement de preuve par écrit et l'élément de preuve le complétant ; que les juges du fond ne peuvent retenir qu'un commencement de preuve relatif à l'existence et au montant d'une créance n'est pas complété en se fondant sur des éléments de preuve afférents à la seule identité du débiteur de cette créance ; qu'en déduisant que M. Y... ne complétait pas le commencement de preuve par écrit portant sur l'existence et le montant de la créance de son auteur, Alain X..., et constitué par le bilan comptable de la société de fait improprement dénommée indivision La Plaine arrêté au 31 décembre 1998, du seul fait que le patrimoine de cette indivision aurait été transféré à la société Sociares, la cour d'appel – qui s'est ainsi fondée sur des considérations afférentes à l'identité du débiteur et non à l'existence et au montant de la créance en cause – a statué par des motifs impropres à exclure l'existence d'une telle créance, en violation de l'article 1347 du code civil.