LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 21 juin 2016), que, par acte sous seing privé, M. François X... a promis de vendre une parcelle de terrain à la société Priams construction (la société Priams) sous diverses conditions suspensives, dont l'obtention d'un permis de construire ; que reprochant à M. François X... d'avoir refusé de signer l'acte de vente, la société Priams l'a assigné en constatation de la vente ;
Attendu que M. François X... fait grief à l'arrêt de constater la réalisation de la vente et de désigner un notaire aux fins de régularisation de l'acte authentique et de publication ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, constaté que la société Priams avait renoncé à la condition suspensive d'obtention du permis de construire, relevé que la promesse de vente prévoyait que l'acquéreur avait la faculté d'y renoncer lorsqu'il faisait son affaire personnelle du recours contentieux formé contre le permis de construire qu'il avait obtenu et que la renonciation à cette condition par la société Priams, qui n'avait pas déposé de demande de permis de construire, n'entraînait aucun aléa pour le vendeur quant à la réitération de la vente et la durée d'immobilisation de son bien et retenu, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté de la promesse de vente rendait nécessaire, que cette condition était prévue uniquement en faveur de l'acquéreur, la cour d'appel en a exactement déduit que la promesse de vente n'était pas caduque ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et le condamne à payer à la société Priams construction la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du tribunal de grande instance d'Annecy du 19 décembre 2013 ayant constaté la réalisation de la vente au profit de la société Priams Construction de la parcelle de terrain cadastrée AH 19p1 d'une contenance de 2.283 m² à prendre sur la parcelle cadastrée AH19 sur le territoire de la commune de Metz-Tessy, lieudit « Au Champs des Genottes », appartenant à M. François X..., constaté le versement par celle-ci de la somme de 410.940 € sur le compte de Maître Y..., notaire, désigné ce dernier aux fins de régularisation de l'acte authentique et ordonné la publication du jugement au bureau des hypothèques d'Annecy ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE s'il est indiqué au compromis de vente que les conditions suspensives sont stipulées dans l'intérêt des deux parties, ce qui a pour conséquence que la renonciation de l'acquéreur à ces conditions devient sans effet, faute de réalisation de ces conditions, une exception est prévue concernant celle prévoyant la construction d'un ensemble immobilier d'une SHON minimum de 5.168 m², l'acquéreur devant justifier du dépôt de la demande de permis de construire dans le respect du calendrier suivant : - validation du plan d'aménagement de la zone Aub4 du PLU par le conseil municipal dans les cinq mois du compromis ; - dépôt de la demande de permis de construire dans les trois mois suivant cette validation ; - obtention du permis dans les quatre mois du dépôt ; - purge de tous les recours dans les trois mois après l'affichage ; - réitération de l'acte authentique dans le mois suivant l'expiration des délais de recours et de retrait, soit un délai total de seize mois ; qu'en outre, il est prévu que : - à défaut, après mise en demeure par le vendeur, la condition sera réputée réalisée pour l'application de la clause pénale ; - les délais prévus seront automatiquement prorogés en cas de délais supplémentaires pour la validation du plan masse par le conseil municipal pour l'obtention du permis de construire et/ou en cas de recours des tiers contre celui-ci, sans que la prorogation puisse excéder dix-huit mois ; - en cas de réalisation des conditions suspensives, la signature de l'acte authentique aura lieu au plus tard le 15 février 2011 ; - le délai est prorogé au 30 avril 2011 pour la réception des pièces administratives nécessaires à la perfection de l'acte authentique ; que le conseil municipal de la commune, lors de sa séance du 11 janvier 2010, a pris la délibération d'instauration d'un périmètre d'étude au sens de l'article L.111-10 du code de l'urbanisme, concernant les terrains en zone UB centre village de Tessy, après que le maire ait précisé que « ce périmètre de prise en considération permettra de surseoir à statuer pendant deux ans sur toute demande d'autorisation d'urbanisme qui viendrait à être déposée à l'intérieur du périmètre », le texte susvisé disposant que « lorsque des travaux, des constructions ou des installations sont susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreuse l'exécution de travaux publics, le sursis à statuer peut être opposé, dans les conditions définies à l'article L.111-8, dès lors que la mise à l'étude d'un projet de travaux publics a été prise en considération par l'autorité compétente et que les terrains affectés par ce projet ont été délimités » ; qu'ainsi, s'il n'était pas interdit à l'acquéreur de déposer une demande de permis de construire, son obtention rapide était vouée à l'échec, la commune pouvant surseoir à statuer sur cette demande et ce, pendant deux années ; que la validation du plan masse ne pouvait ainsi intervenir dans les délais initialement prévus au compromis, puisqu'il était prévu un délai de cinq mois pour ce faire ; que si la clause de prorogation au 30 avril 2011 ne pouvait jouer, ne visant que la réception des pièces administratives pour la finalisation de l'acte authentique et non pour l'obtention du permis de construire, en revanche, celle relative aux délais supplémentaires pour la validation du plan masse par le conseil municipal pour l'obtention du permis de construire, dans la limite de dix-huit mois, joue en l'occurrence ; qu'en revanche, le délai de dix-huit mois doit s'entendre comme commençant à courir à compter de la signature du compromis de vente, l'article L.290-1 du code de la construction et de l'habitation prohibant les promesses de vente non constatées par acte authentique d'une durée supérieure ; qu'en conséquence, la société Priams avait dix-huit mois à compter du 9 novembre 2009 pour passer la vente, soit jusqu'au 9 mai 2011 ; qu'elle a renoncé à cette condition suspensive le 20 avril 2011 et pouvait le faire, cette condition ayant été prévue uniquement en sa faveur et non en celle de l'acquéreur ; que de ce fait, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir procédé au dépôt d'une demande de permis de construire, faisant ainsi son affaire personnelle de son obtention ; que la renonciation est intervenue dans le délai de la validité du compromis de vente ; que c'est donc par une exacte appréciation des circonstances de la cause que le premier juge a considéré que la société Priams Construction pouvait faire délivrer à M. X... une sommation aux fins de signature de l'acte authentique et qu'il a fait droit à la demande de l'acquéreur ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le fait pour la société Priams Construction de n'avoir pas déposé de demande de permis de construire, ce qui n'est pas contesté, a pour conséquence qu'elle ne peut se prévaloir, pour ne pas régulariser l'acte, du défaut d'obtention de ce permis qu'elle est réputée avoir obtenu ; que toutefois, cette circonstance est sans incidence dans le présent litige dès lors que la société Priams Construction n'entend pas se prévaloir de la non-réalisation de cette condition mais au contraire invoque la renonciation à ladite condition ; que le compromis prévoit d'ailleurs la possibilité de renonciation au bénéfice de ladite condition, dans l'hypothèse où le permis accordé par l'administration ferait l'objet d'un recours contentieux, l'acquéreur faisant son affaire personnelle de ce recours ; que le fait de renoncer au bénéfice de cette condition suspensive et de faire son affaire personnelle de l'obtention du permis de construire équivaut à la situation ci-dessus ; qu'il convient d'observer que la renonciation par la société Priams Construction à cette condition suspensive n'entraîne aucun aléa pour le vendeur quant à la réitération de la vente et la durée d'immobilisation de son bien ; que dans ces conditions, il convient de retenir que la société Priams Construction pouvait renoncer au bénéfice de cette condition dont la non-réalisation n'a pas rendu caduque la promesse ;
ALORS, D'UNE PART, QUE lorsqu'est prévue dans une promesse de vente une condition suspensive tenant au dépôt par l'acquéreur d'une demande de permis de construire, la carence de ce dernier entraîne la caducité de l'acte et le règlement de la clause pénale au profit du vendeur, l'acquéreur ne pouvant, sans clause expresse en ce sens, renoncer unilatéralement à cette condition et s'exonérer de son obligation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le compromis de vente du 9 novembre 2009 contenait une condition suspensive tenant au dépôt par la société Priams Construction d'une demande de permis de construire dans le respect d'un calendrier précis, faute de quoi « la condition sera réputée réalisée pour l'application de la clause pénale » (arrêt attaqué, p. 3, motifs, alinéa 1er) ; qu'en constatant que la société Priams Construction n'avait pas procédé au dépôt de la demande de permis de construire, puis en considérant qu'elle avait pu unilatéralement renoncer à la condition suspensive tenant au dépôt d'une demande de permis de construire, de sorte qu'il ne pouvait lui être reproché l'absence d'un tel dépôt (arrêt attaqué, p. 4, alinéa 2), cependant que l'absence de dépôt d'une demande de permis de construire entraînait nécessairement la caducité de la promesse de vente conformément aux prévisions du compromis de vente, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1134, 1168 et 1181 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE les juges ne peuvent dénaturer le sens clair et précis des pièces régulièrement produites aux débats ; qu'en affirmant que la condition suspensive relative au dépôt d'une demande de permis de construire avait été prévue uniquement en la faveur de la société Priams Construction (arrêt attaqué, p. 4, alinéa 2), cependant que la promesse de vente prévoit que les conditions suspensives sont stipulées dans l'acte « dans l'intérêt des deux parties » (compromis de vente, p. 4, alinéa 1er), la cour d'appel a dénaturé cet acte et violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ainsi que le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
ALORS, ENFIN, QUE les juges ne peuvent dénaturer le sens clair et précis des pièces régulièrement produites aux débats ; qu'en affirmant, par motifs adoptés du jugement qu'elle confirmait, que « le compromis prévoit (…) la possibilité de renonciation au bénéfice de ladite condition, dans l'hypothèse où le permis accordé par l'administration ferait l'objet d'un recours contentieux, l'acquéreur faisant son affaire personnelle de ce recours » et que « le fait de renoncer au bénéfice de cette condition suspensive et de faire son affaire personnelle de l'obtention du permis de construire équivaut à la situation ci-dessus » (jugement entrepris, p. 4, deux derniers alinéas)
cependant que les deux situations envisagées par les juges du fond sont totalement différentes et que la possibilité de renoncer à la condition suspensive dans l'hypothèse d'un permis de construire frappé de recours ne pouvait s'étendre à hypothèse de l'espèce, à savoir l'absence de toute demande de permis de construire, sans l'existence d'une stipulation expresse en ce sens, la cour d'appel, qui a assimilé deux situations complètement différentes, a dénaturé les termes du compromis de vente et a violé derechef l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ainsi que le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause.