COUR DE CASSATION LM
ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE
Audience publique du 13 octobre 2017Irrecevabilité
M. LOUVEL, premier président
Arrêt n° 633 P + B + R + I
Pourvoi n° T 17-83. 620
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :
IRRECEVABILITE sur le pourvoi formé le 31 mai 2017 par M. Edouard X..., domicilié chez Me François Martineau, SCP Lussan, société d'avocats, 282 boulevard Saint-Germain, 75007 Paris, contre l'arrêt rendu le 28 septembre 2016 par la commission d'instruction de la Cour de justice de la République, qui, dans la procédure suivie notamment contre lui des chefs de complicité et recel d'abus de biens sociaux, a constaté la prescription partielle de l'action publique AR ;
Le pourvoi est examiné par l'assemblée plénière en application de l'article 24 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République ;
Par ordonnance en date du 16 juin 2017, le premier président a prescrit l'examen immédiat du pourvoi et fixé au 18 juillet 2017 l'expiration du délai imparti à la SCP Spinosi et Sureau pour déposer un mémoire ; par ordonnance en date du 17 juillet 2017, cette date a été reportée au 21 juillet 2017 ;
M. X...invoque, devant l'assemblée plénière, les moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Ces moyens ont été formulés dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Spinosi et Sureau, le 21 juillet 2017 ;
Le rapport écrit de M. Stephan, conseiller, et l'avis écrit de M. Cordier, premier avocat général, ont été mis à la disposition des parties ;
Sur quoi, LA COUR, siégeant en assemblée plénière, en l'audience publique du 29 septembre 2017, où étaient présents : M. Louvel, premier président, Mme Flise, Mme Batut, M. Frouin, Mme Mouillard, MM. Chauvin, Soulard, présidents, M. Stephan, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, MM. Prétot, Pers, Mme Kamara, MM. Jardel, Huglo, Maron, Mme Bozzi, M. Sémériva, Mme Vieillard, M. Jacques, conseillers, M. Cordier, premier avocat général, Mme Marcadeux, directeur de greffe ;
Sur le rapport de M. Stephan, conseiller, assisté de M. Mihman, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, l'avis de M. Cordier, premier avocat général, auquel la SCP Spinosi et Sureau a répliqué, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur la recevabilité du pourvoi :
Attendu qu'à la suite de sa mise en examen, intervenue le 29 mai 2017, M. X...a formé un pourvoi en cassation contre la décision de la commission d'instruction de la Cour de justice de la République, en date du 28 septembre 2016, ayant écarté la prescription de l'action publique concernant certains des faits dont elle était saisie ;
Que si l'intéressé, à la date de la décision attaquée, était nommément cité dans les réquisitions du ministère public, en date du 26 juin 2014, cette seule circonstance ne lui conférait pas la qualité de partie ;
Que, dès lors, le pourvoi est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé le treize octobre deux mille dix-sept par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
:Moyens produits par SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Ã titre principal)
Violation des articles 6, § 1, et 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, 18 et 22 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, préliminaire, 6, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale.
En ce que la commission d'instruction a rendu une décision par laquelle elle a décidé n'y avoir lieu à constater la prescription de l'action publique.
Aux motifs que " les conseils de M. X...soutiennent, dans un courrier adressé le 18 septembre 2014 à la commission d'instruction de la Cour de justice de la République, que les faits reprochés à leur client sont prescrits quelle que soit la qualification juridique retenue (D 3318) ;
Attendu que, d'une part, ils font valoir que la validation des comptes de la campagne présidentielle par le Conseil constitutionnel, le 12 octobre 1995, constitue le point de départ du délai de prescription des infractions éventuellement commises lors de cette campagne ; que, d'autre part, ils considèrent, se fondant sur une émission de télévision diffusée par la chaîne ARTE le 15 octobre 2013 et sur des articles de presse, que les faits d'abus de biens sociaux, complicité et recel relatifs aux rétrocessions de commissions versées lors de l'exécution des contrats d'armement avec le Pakistan et l'Arabie Saoudite entre 1994 et 1996 seraient prescrits depuis 1999, ou, au plus tard, depuis le 15 septembre 2005, date de la remise du rapport « Nautilus » à la DCN-I, faute pour cette dernière et pour les autorités politiques de l'époque, " parfaitement informées ", de les avoir dénoncés à l'autorité judiciaire ;
Mais attendu que, comme le font à juste titre observer le ministère public et les conseils de M. X..., le point de départ de la prescription, en matière d'infractions dissimulées, est reporté au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ;
Attendu que, si c'est à la fin de l'année 1995 ou, en tout cas, en 1996 que les faits sont parvenus à la connaissance, d'un côté, du ministre de la défense qui avait, à la demande du Président de la République, confié à la DGSE une enquête de nature administrative, de l'autre, de la DCN-I à laquelle a été remis le " rapport Nautilus " commandé à Claude Y..., force est de constater qu'ils n'ont pas été révélés au procureur de la République par la DCN-I, non plus que par les " autorités constituées ", pourtant tenues de le faire en application de l'alinéa 2 de l'article 40 du code de procédure pénale ;
Attendu, par ailleurs, que la validation des comptes de campagne de M. X...par le Conseil constitutionnel, le 12 octobre 1995, si elle a bien évidemment eu un effet sur la prescription du délit de financement illégal d'une campagne électorale, infraction instantanée prévue par l'article L. 113-1 du code électoral et non reprochée à M. X..., est, en revanche, dépourvue d'effet sur la prescription des délits dissimulés visés au réquisitoire introductif ; qu'en effet, l'arrêt du Conseil constitutionnel, seul document public émanant de cette juridiction, ne fait état, notamment à propos des recettes déclarées par M. X..., d'aucun fait susceptible de recevoir une qualification pénale (D 131) ; que ce n'est que bien plus tard, au cours des années 2011 et 2015, que M. Z..., ancien président du Conseil constitutionnel, et M. A..., ancien membre de cette juridiction, ont déclaré dans les médias que les comptes de campagne de M. X...présentaient de graves irrégularités (D 814, D 1609) ;
Attendu, enfin, que les articles de presse parus les 9, 11 et 12 juillet 1996 dans le journal Le Monde et les hebdomadaires L'Express et Le Nouvel Economiste ont bien évoqué l'idée que les contrats de vente d'armes au Pakistan et à l'Arabie Saoudite signés en 1994 aient pu donner lieu à des rétrocessions de commissions susceptibles d'avoir alimenté la campagne de M. X...(D 450 et D 490) ; que l'intervention du ministre de la défense et du Premier ministre dans la conclusion du contrat Sawari II a été mentionnée par le quotidien Libération du 3 août 2001 ; qu'il s'agit cependant d'articles peu circonstanciés qui se sont limités, les premiers, à émettre un soupçon et à envisager une hypothèse, le dernier, à se faire l'écho d'interventions du gouvernement ; qu'il ne ressort pas du dossier que ces articles de presse ont été repris à l'époque par d'autres médias ou ont été à l'origine d'un débat au sein de la société, comme ce fut le cas au cours du dernier trimestre 2008, lorsque l'existence du rapport " Nautilus " a été rendue publique par la presse ; qu'au regard de la validation des comptes de campagne de M. X...par le Conseil constitutionnel, dans des termes ne laissant supposer l'existence d'aucune infraction pénale, et du silence gardé par les autorités publiques à propos de l'enquête à laquelle elles avaient fait procéder, on ne saurait considérer que ces quatre articles de presse, hypothétiques et isolés, aient pu faire courir le délai de prescription de l'action publique pour les délits d'abus de biens sociaux, recel et complicité reprochés à MM. X...et B...;
Attendu que le rapport " Nautilus " n'est parvenu à la connaissance du procureur de la République que le 21 septembre 2006, date où il a été saisi dans le cadre de l'enquête préliminaire prescrite par ce magistrat ; que, même s'il procédait d'investigations confidentielles et rémunérées opérées par une officine privée, ce rapport :
- dans la note du 11 septembre 2002, fournissait des détails précis sur l'existence en France du " réseau D..." ayant " eu pour principale fonction d'assurer le financement de la campagne d'Edouard X...(c'est Renaud C...qui a présenté Abdul Raham D...à Emmanuel E...) et ajoutait qu'après " l'échec de sa candidature, au printemps 1995, ce financement devait être transféré à l'association pour la réforme, située au ...à Paris, destinée à poursuivre le mouvement initié par les balladuriens. Les valises d'argent étaient déposées à la boutique Arij, située au rez-de-chaussée du ..., avant de monter dans les étages (boutique tenue par la veuve de George F..., marchand d'armes libanais). En septembre 1995, le Président de la République a ordonné de cesser toute rémunération au réseau D.... Charles G..., ministre de la défense, conserve trace d'une visite de l'homme d'affaires proche de l'Elysée, Patrick H..., venu pour régler la succession du réseau D...(...). La prise en main par Patrick H...a été effective courant 1996 et a abouti à cesser les versements aux balladuriens (...) " ;
- dans la note du 7 décembre 2012, indiquait que " les éléments collectés sur les principaux protagonistes de la vente des sous-marins Agosta confirment l'analyse produite le 11 septembre 2002 " et relevait : " au Pakistan, la découverte des intermédiaires autrefois employés par Mansurul I..., chef d'état-major de la marine, indique l'existence d'un double circuit de financement, en faveur des islamistes et en faveur de la partie française. Nous avons identifié un homme d'affaires dénommé Amir J..., comme le coordinateur des opérations de rétrocommissions entre la France et le Pakistan (...). Amir J...était responsable des rémunérations occultes des décideurs politiques " ;
Attendu que ces éléments circonstanciés, non seulement quant à la chronologie, l'origine, le circuit des rétrocommissions, mais aussi quant au nom des intermédiaires et au lieu de réception des fonds, constituaient autant d'informations suffisamment précises pour permettre au ministère public de prescrire une enquête et, plus généralement, d'exercer l'action publique ; que la saisie, le 21 septembre 2006, du rapport " Nautilus " marque donc le point de départ du délai de prescription des infractions d'abus de biens sociaux, complicité et recel objet des présentes poursuites ;
Attendu qu'il convient, dès lors, de rechercher si des actes interruptifs de la prescription de l'action publique sont intervenus entre cette saisie et le 15 juin 2010, date des constitutions de partie civile qui ont provoqué l'ouverture, pour entrave, faux témoignages, abus de biens sociaux, corruption d'agent public et recel aggravé, de l'instruction référencée P 10167. 96027, qui a elle-même été à l'origine de la procédure dont est saisie la commission d'instruction ;
Attendu qu'après la saisie du rapport " Nautilus ", le 21 septembre 2006, les faits sur lesquels a porté l'enquête P 06027. 9201/ 2 ont conduit à l'ouverture, le 25 février 2008, de l'information évoquée plus haut des chefs, notamment, d'abus de biens sociaux au préjudice de la DCN-I, de trafic d'influence et de corruption ; que le réquisitoire introductif, de même que les actes d'instruction subséquents, dont les saisies, le 3 juin 2008, du mémorandum établi le 29 avril 2008 par M. Gérard Philippe K...puis, les 17 décembre 2008 et 20 janvier 2009, de toutes les pièces du dossier " Nautilus " constituent autant d'actes interruptifs de la prescription de l'action publique ;
Attendu que cette information portait sur les implications, notamment pour la DCN-I, des procédures contentieuses et des poursuites pénales résultant du versement de commissions occultes lors de la vente, en 1991, de frégates à Taïwan ; qu'ont été mis en examen et renvoyés devant le tribunal correctionnel, entre autres, MM. Philippe L..., Gérard Philippe K...et Alex M..., ingénieur général de l'armement à la DCN puis membre de la DCN-I, dont il est devenu directeur général délégué le 1er juillet 2003 ;
Attendu que ces personnes ont été placées sous le statut de témoins assistés dans le cadre de l'instruction référencée P 10167. 96027 ; qu'entre, d'une part, cette instruction et la présente procédure, d'autre part, l'information ouverte le 25 février 2008, il n'existe pas seulement des mis en cause communs, mais aussi un degré équivalent d'implication de la DCN-I dans la mise en place de commissions et de rétrocommissions occultes attachées aux marchés de vente d'armes ;
Attendu qu'en effet, ces trois procédures ont en commun :
- de porter sur des contrats conclus sous l'égide de la DCN-I entre 1991 et 1994,
- de se situer dans le prolongement des commissions versées et des rétrocommissions consenties à l'occasion de ventes d'armes, et notamment de frégates, à l'étranger,
- de viser des abus de biens de la même société, la DCN-I,
- de mettre partiellement en jeu les mêmes sociétés intermédiaires, comme la société luxembourgeoise Heine, et les mêmes réseaux de corruption ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les infractions, objet des instructions ci-dessus rappelées, présentent entre elles de multiples liens de connexité, au sens de l'article 203 du code de procédure pénale, tel qu'interprété par la Cour de cassation ;
Attendu qu'il a été jugé à ce propos, et de manière constante à partir du 6 décembre 1907, que les dispositions légales relatives à la connexité, n'étant pas limitatives, s'étendaient " aux cas dans lesquels il existe entre les faits des rapports étroits, analogues à ceux que la loi a spécialement prévus " (Bulletin criminel, n° 101) ; qu'ainsi, la connexité a été retenue lorsque les faits présentaient une identité d'objet et une communauté de résultats (18 février 1991, Bulletin criminel, n° 85) ;
Attendu qu'en matière d'abus de biens sociaux et de recel de ce délit, la Cour de cassation a rappelé à de multiples reprises, d'une part, le caractère non limitatif de l'énumération de l'article 203 précité, d'autre part, le principe selon lequel " en cas d'infractions connexes, un acte interruptif de la prescription concernant l'une d'elles a nécessairement le même effet à l'égard de l'autre " (28 mai 2003, Bulletin criminel, n° 108 ; 19 septembre 2006, Bulletin criminel, n° 228) ;
Attendu qu'en raison du lien de connexité qui vient d'être démontré entre les infractions objet de l'information ouverte le 25 février 2008 et celles poursuivies dans le cadre de l'instruction référencée P 10167. 96027 ainsi que la présente procédure, les actes interruptifs de la prescription concernant les premiers délits ont eu le même effet à l'égard des autres ;
Attendu que la prescription de l'action publique qui a, en l'espèce, commencé à courir le 21 septembre 2006 a donc été interrompue, notamment le 25 février 2008, date du réquisitoire introductif dans la procédure n° P 06027. 9201/ 2 puis les 3 juin 2008, 17 décembre 2008 et 20 janvier 2009, avec les saisies de documents effectuées sur les commissions rogatoires des magistrats instructeurs ; que les faits d'abus de biens sociaux, complicité et recel reprochés, au titre des rétrocommissions n'étaient donc pas prescrits le 15 juin 2010, date des constitutions de partie civile qui ont provoqué l'ouverture, pour entrave, faux témoignages, abus de biens sociaux, corruption d'agent public et recel aggravé, de l'information à l'origine de la présente procédure ; qu'il en est nécessairement de même des infractions, à les supposer caractérisées, de détournement de fonds publics, complicité et recel dont est saisie la commission d'instruction ".
Alors qu'il résulte tant de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme que de l'article 18 de la loi organique du 23 novembre 1993 que la commission d'instruction de la Cour de justice de la République doit mener l'information dans le respect du droit à un procès équitable, du principe du contradictoire et des droits de la défense ; qu'a manifestement méconnu ces exigences la commission d'instruction qui a rendu une décision sur la prescription de l'action publique au visa d'une note déposée par les conseils de M. X...en septembre 2014, à un moment où l'information avait été ouverte sur la base d'un réquisitoire introductif dans lequel il était expressément dénommé mais où il n'avait pas encore été mis en examen, et ce sans l'inviter à participer aux débats, ni lui communiquer le réquisitoire du ministère public.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:(Ã titre subsidiaire)
Violation des articles 62 de la Constitution, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 18 et 22 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, L. 52-4 à L. 52-13, L. 52-15 et L. 52-16 du code électoral, préliminaire, 6, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale.
En ce que la commission d'instruction de la Cour de justice de la République a constaté que les faits relatifs au dépôt de la somme de 10 350 000 francs sur le compte de l'association pour le financement de la campagne électorale de M. X...n'étaient pas prescrits.
Aux motifs que les conseils de M. X...soutiennent, dans un courrier adressé le 18 septembre 2014 à la commission d'instruction de la Cour de justice de la République, que les faits reprochés à leur client sont prescrits quelle que soit la qualification juridique retenue (D 3318) ;
Attendu que, d'une part, ils font valoir que la validation des comptes de la campagne présidentielle par le Conseil constitutionnel, le 12 octobre 1995, constitue le point de départ du délai de prescription des infractions éventuellement commises lors de cette campagne ; que, d'autre part, ils considèrent, se fondant sur une émission de télévision diffusée par la chaîne ARTE le 15 octobre 2013 et sur des articles de presse, que les faits d'abus de biens sociaux, complicité et recel relatifs aux rétrocessions de commissions versées lors de l'exécution des contrats d'armement avec le Pakistan et l'Arabie Saoudite entre 1994 et 1996 seraient prescrits depuis 1999, ou, au plus tard, depuis le 15 septembre 2005, date de la remise du rapport " Nautilus " à la DCN-I, faute pour cette dernière et pour les autorités politiques de l'époque, " parfaitement informées ", de les avoir dénoncés à l'autorité judiciaire ;
Mais attendu que, comme le font à juste titre observer le ministère public et les conseils de M. X..., le point de départ de la prescription, en matière d'infractions dissimulées, est reporté au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ;
Attendu que, si c'est à la fin de l'année 1995 ou, en tout cas, en 1996 que les faits sont parvenus à la connaissance, d'un côté, du ministre de la défense qui avait, à la demande du Président de la République, confié à la DGSE une enquête de nature administrative, de l'autre, de la DCN-I à laquelle a été remis le " rapport Nautilus " commandé à Claude Y..., force est de constater qu'ils n'ont pas été révélés au procureur de la République par la DCN-I, non plus que par les " autorités constituées ", pourtant tenues de le faire en application de l'alinéa 2 de l'article 40 du code de procédure pénale ;
Attendu, par ailleurs, que la validation des comptes de campagne de M. X...par le Conseil constitutionnel, le 12 octobre 1995, si elle a bien évidemment eu un effet sur la prescription du délit de financement illégal d'une campagne électorale, infraction instantanée prévue par l'article L. 113-1 du code électoral et non reprochée à M. X..., est, en revanche, dépourvue d'effet sur la prescription des délits dissimulés visés au réquisitoire introductif ; qu'en effet, l'arrêt du Conseil constitutionnel, seul document public émanant de cette juridiction, ne fait état, notamment à propos des recettes déclarées par M. X..., d'aucun fait susceptible de recevoir une qualification pénale (D 131) ; que ce n'est que bien plus tard, au cours des années 2011 et 2015, que M. Z..., ancien président du Conseil constitutionnel, et M. A..., ancien membre de cette juridiction, ont déclaré dans les médias que les comptes de campagne de M. X...présentaient de graves irrégularités (D 814, D 1609) ;
Attendu, enfin, que les articles de presse parus les 9, 11 et 12 juillet 1996 dans le journal Le Monde et les hebdomadaires L'Express et Le Nouvel Economiste ont bien évoqué l'idée que les contrats de vente d'armes au Pakistan et à l'Arabie Saoudite signés en 1994 aient pu donner lieu à des rétrocessions de commissions susceptibles d'avoir alimenté la campagne de M. X...(D 450 et D 490) ; que l'intervention du ministre de la défense et du Premier ministre dans la conclusion du contrat Sawari II a été mentionnée par le quotidien Libération du 3 août 2001 ; qu'il s'agit cependant d'articles peu circonstanciés qui se sont limités, les premiers, à émettre un soupçon et à envisager une hypothèse, le dernier, à se faire l'écho d'interventions du Gouvernement ; qu'il ne ressort pas du dossier que ces articles de presse ont été repris à l'époque par d'autres médias ou ont été à l'origine d'un débat au sein de la société, comme ce fut le cas au cours du dernier trimestre 2008, lorsque l'existence du rapport " Nautilus " a été rendue publique par la presse ; qu'au regard de la validation des comptes de campagne de M. X...par le Conseil constitutionnel, dans des termes ne laissant supposer l'existence d'aucune infraction pénale, et du silence gardé par les autorités publiques à propos de l'enquête à laquelle elles avaient fait procéder, on ne saurait considérer que ces quatre articles de presse, hypothétiques et isolés, aient pu faire courir le délai de prescription de l'action publique pour les délits d'abus de biens sociaux, recel et complicité reprochés à MM. X...et B...;
Attendu que le rapport " Nautilus " n'est parvenu à la connaissance du procureur de la République que le 21 septembre 2006, date où il a été saisi dans le cadre de l'enquête préliminaire prescrite par ce magistrat ; que, même s'il procédait d'investigations confidentielles et rémunérées opérées par une officine privée, ce rapport :
- dans la note du 11 septembre 2002, fournissait des détails précis sur l'existence en France du " réseau D..." ayant " eu pour principale fonction d'assurer le financement de la campagne d'Edouard X...(c'est Renaud C...qui a présenté Abdul Raham D...à Emmanuel E...) et ajoutait qu'après " l'échec de sa candidature, au printemps 1995, ce financement devait être transféré à l'association pour la réforme, située au ...à Paris, destinée à poursuivre le mouvement initié par les balladuriens. Les valises d'argent étaient déposées à la boutique Arij, située au rez-de-chaussée du ..., avant de monter dans les étages (boutique tenue par la veuve de George F..., marchand d'armes libanais). En septembre 1995, le Président de la République a ordonné de cesser toute rémunération au réseau D.... Charles G..., ministre de la défense, conserve trace d'une visite de l'homme d'affaires proche de l'Elysée, Patrick H..., venu pour régler la succession du réseau D...(...). La prise en main par Patrick H...a été effective courant 1996 et a abouti à cesser les versements aux balladuriens (...) " ;
- dans la note du 7 décembre 2012, indiquait que " les éléments collectés sur les principaux protagonistes de la vente des sous-marins Agosta confirment l'analyse produite le 11 septembre 2002 " et relevait : " au Pakistan, la découverte des intermédiaires autrefois employés par Mansurul I..., chef d'état-major de la marine, indique l'existence d'un double circuit de financement, en faveur des islamistes et en faveur de la partie française. Nous avons identifié un homme d'affaires dénommé Amir J..., comme le coordinateur des opérations de rétrocommissions entre la France et le Pakistan (...). Amir J...était responsable des rémunérations occultes des décideurs politiques " ;
Attendu que ces éléments circonstanciés, non seulement quant à la chronologie, l'origine, le circuit des rétrocommissions, mais aussi quant au nom des intermédiaires et au lieu de réception des fonds, constituaient autant d'informations suffisamment précises pour permettre au ministère public de prescrire une enquête et, plus généralement, d'exercer l'action publique ; que la saisie, le 21 septembre 2006, du rapport " Nautilus " marque donc le point de départ du délai de prescription des infractions d'abus de biens sociaux, complicité et recel objet des présentes poursuites ;
Attendu qu'il convient, dès lors, de rechercher si des actes interruptifs de la prescription de l'action publique sont intervenus entre cette saisie et le 15 juin 2010, date des constitutions de partie civile qui ont provoqué l'ouverture, pour entrave, faux témoignages, abus de biens sociaux, corruption d'agent public et recel aggravé, de l'instruction référencée P 10167. 96027, qui a elle-même été à l'origine de la procédure dont est saisie la commission d'instruction ;
Attendu qu'après la saisie du rapport " Nautilus ", le 21 septembre 2006, les faits sur lesquels a porté l'enquête P 06027. 9201/ 2 ont conduit à l'ouverture, le 25 février 2008, de l'information évoquée plus haut des chefs, notamment, d'abus de biens sociaux au préjudice de la DCN-I, de trafic d'influence et de corruption ; que le réquisitoire introductif, de même que les actes d'instruction subséquents, dont les saisies, le 3 juin 2008, du mémorandum établi le 29 avril 2008 par M. Gérard Philippe K...puis, les 17 décembre 2008 et 20 janvier 2009, de toutes les pièces du dossier " Nautilus " constituent autant d'actes interruptifs de la prescription de l'action publique ;
Attendu que cette information portait sur les implications, notamment pour la DCN-I, des procédures contentieuses et des poursuites pénales résultant du versement de commissions occultes lors de la vente, en 1991, de frégates à Taïwan ; qu'ont été mis en examen et renvoyés devant le tribunal correctionnel, entre autres, MM. Philippe L..., Gérard Philippe K...et Alex M..., ingénieur général de l'armement à la DCN puis membre de la DCN-I, dont il est devenu directeur général délégué le 1er juillet 2003 ;
Attendu que ces personnes ont été placées sous le statut de témoins assistés dans le cadre de l'instruction référencée P 10167. 96027 ; qu'entre, d'une part, cette instruction et la présente procédure, d'autre part, l'information ouverte le 25 février 2008, il n'existe pas seulement des mis en cause communs, mais aussi un degré équivalent d'implication de la DCN-I dans la mise en place de commissions et de rétrocommissions occultes attachées aux marchés de vente d'armes ;
Attendu qu'en effet, ces trois procédures ont en commun :
- de porter sur des contrats conclus sous l'égide de la DCN-I entre 1991 et 1994,
- de se situer dans le prolongement des commissions versées et des rétrocommissions consenties à l'occasion de ventes d'armes, et notamment de frégates, à l'étranger,
- de viser des abus de biens de la même société, la DCN-I,
- de mettre partiellement en jeu les mêmes sociétés intermédiaires, comme la société luxembourgeoise Heine, et les mêmes réseaux de corruption ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les infractions, objet des instructions ci-dessus rappelées, présentent entre elles de multiples liens de connexité, au sens de l'article 203 du code de procédure pénale, tel qu'interprété par la Cour de cassation ;
Attendu qu'il a été jugé à ce propos, et de manière constante à partir du 6 décembre 1907, que les dispositions légales relatives à la connexité, n'étant pas limitatives, s'étendaient " aux cas dans lesquels il existe entre les faits des rapports étroits, analogues à ceux que la loi a spécialement prévus " (Bulletin criminel, n° 101) ; qu'ainsi, la connexité a été retenue lorsque les faits présentaient une identité d'objet et une communauté de résultats (18 février 1991, Bulletin criminel, n° 85) ;
Attendu qu'en matière d'abus de biens sociaux et de recel de ce délit, la Cour de cassation a rappelé à de multiples reprises, d'une part, le caractère non limitatif de l'énumération de l'article 203 précité, d'autre part, le principe selon lequel " en cas d'infractions connexes, un acte interruptif de la prescription concernant l'une d'elles a nécessairement le même effet à l'égard de l'autre " (28 mai 2003, Bulletin criminel, n° 108 ; 19 septembre 2006, Bulletin criminel, n° 228) ;
Attendu qu'en raison du lien de connexité qui vient d'être démontré entre les infractions objet de l'information ouverte le 25 février 2008 et celles poursuivies dans le cadre de l'instruction référencée P 10167. 96027 ainsi que la présente procédure, les actes interruptifs de la prescription concernant les premiers délits ont eu le même effet à l'égard des autres ;
Attendu que la prescription de l'action publique qui a, en l'espèce, commencé à courir le 21 septembre 2006 a donc été interrompue, notamment le 25 février 2008, date du réquisitoire introductif dans la procédure n° P 06027. 9201/ 2 puis les 3 juin 2008, 17 décembre 2008 et 20 janvier 2009, avec les saisies de documents effectuées sur les commissions rogatoires des magistrats instructeurs ; que les faits d'abus de biens sociaux, complicité et recel reprochés, au titre des rétrocommissions n'étaient donc pas prescrits le 15 juin 2010, date des constitutions de partie civile qui ont provoqué l'ouverture, pour entrave, faux témoignages, abus de biens sociaux, corruption d'agent public et recel aggravé, de l'information à l'origine de la présente procédure ; qu'il en est nécessairement de même des infractions, à les supposer caractérisées, de détournement de fonds publics, complicité et recel dont est saisie la commission d'instruction ".
Alors que, d'une part, en application de l'article 62 de la Constitution, les décisions rendues par le Conseil constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ; qu'en vertu de ce principe d'autorité absolue de chose jugée, la validation des comptes de campagne d'un candidat à l'élection présidentielle par le Conseil constitutionnel fait obstacle à toute forme de répression pénale portant sur l'origine des recettes ayant fait l'objet de ce contrôle ; qu'en ordonnant néanmoins la poursuite de l'instruction relativement au recel d'une somme qui constituait une recette dans les comptes de campagne de M. X...et qui, après soumission au Conseil constitutionnel, avait fait l'objet d'une décision de validation publiée le 12 octobre 1995, la commission d'instruction a méconnu le principe précité ;
Alors qu'en tout état de cause, l'examen des comptes de campagne d'un candidat à l'élection présidentielle par le Conseil constitutionnel implique le contrôle de l'origine de l'ensemble des recettes perçues en vue de l'élection, de sorte que, sauf hypothèse d'une fraude, il est exclusif d'une dissimulation, en matière de prescription, s'agissant des éventuelles infractions en lien avec l'origine des fonds ; qu'en l'espèce, les recettes de la campagne de M. X...ont été soumises au contrôle du Conseil constitutionnel, et notamment la somme dont il est aujourd'hui allégué qu'elle serait le produit d'un abus de biens sociaux ; que n'ayant pas contesté que cette somme ait fait l'objet d'un contrôle de la part du Conseil constitutionnel, la commission d'instruction ne pouvait fixer à une date ultérieure à la décision de cette autorité le point de départ du délai de prescription du délit de recel ;
Alors qu'enfin, la commission d'instruction a relevé, sans en tirer les conséquence légales, qu'au cours des années 2011 et 2015, " M. Z..., ancien président du Conseil constitutionnel, et M. A..., ancien membre de cette juridiction, ont déclaré dans les médias que les comptes de campagne de M. X...présentaient de graves irrégularités (D 814, D 1609) ", ce dont il ressortait que la décision de validation est intervenue malgré l'émission de doutes quant à la provenance de la somme de 10 350 000 francs litigieuse DAR ;