LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 11 février 2016), que M. et Mme X... ont divisé leur propriété en trois parcelles et, par acte du 25 avril 1983, ont vendu à M. et Mme Y...une parcelle cadastrée AW 122, en conservant les parcelles cadastrées AW 123 et AW 124 ; que l'acte prévoyait la création d'une servitude de passage sur la parcelle AW 123 au bénéfice de la parcelle AW 122, à charge pour M. et Mme Y...de démolir le mur séparant la parcelle AW 123 du chemin communal ; que M. et Mme Y...ont assigné M. et Mme X... en désenclavement ;
Attendu que M. et Mme Y...font grief à l'arrêt de rejeter leur demande ;
Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, que l'acte d'acquisition de M. et Mme Y...leur concédait, à titre de servitude réelle et perpétuelle, un droit de passage pour véhicule par la création d'une parcelle AW 123 avec, en contrepartie, l'obligation, pour M. et Mme Y..., qu'ils n'avaient pas satisfaite, de démolir le mur séparant le chemin communal de la parcelle AW 123, d'autre part, que la démolition du mur existant et sa reconstruction à l'identique en limite des parcelles 123 et 124 ne rendrait pas possible le passage sur celle-ci pour rejoindre le chemin communal, la cour d'appel a souverainement retenu que la propriété de M. et Mme Y...n'était pas enclavée et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme Y...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme Y...et les condamne à payer à M. et Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y...
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande des époux Y...tendant à voir fixer, pour cause d'enclavement de leur parcelle, un droit de passage à travers le fonds AW n° 124 des époux X... et d'avoir mis à leur charge une certaine somme au titre de l'article 700 du code procédure civile, outre les dépens ;
aux motifs qu'« il convient tout d'abord de relever la nature particulière du site, au relief assez accusé, dans un village où l'expert Z...a pu constater que de nombreux immeubles bâtis et habités, et notamment à proximité de la propriété Y..., ne peuvent être accessibles à un véhicule automobile normal (page trois du rapport) ;
qu'il ne peut pas être raisonnablement soutenu que les époux Y...n'avaient pas une parfaite connaissance des lieux lors de leur achat en 1983, à admettre l'hypothèse d'une inaccessibilité en voiture ;
que cette configuration du hameau est confirmée par le constat des époux X... (pièce neuf), dont il ressort que plusieurs maisons de ville ne peuvent bénéficier d'un accès en voiture ;
qu'il est essentiel de noter qu'à l'époque de la vente il s'agissait d'un terrain en nature de vignes, pour lequel il n'a pas été sollicité de certificat d'urbanisme ;
que loin d'être négligé, y compris pour un terrain de vignes, le problème « d'un passage suffisant pour piétons et véhicules afin d'accéder à la parcelle cadastrée AW numéro 122, présentement acquise », a fait l'objet d'une constitution de servitude ;
que l'acte évoque bien un passage pour véhicules, la cour ne discernant pas la raison pour laquelle une telle clause a été acceptée, si elle ne correspondait pas à la réalité sur le terrain ;
que le droit de passage concédé, à titre de servitude réelle et perpétuelle, a consisté dans la création d'une parcelle AW 123, avec le croquis d'un géomètre expert annexé, qui devait permettre en tout temps et en toutes heures le passage des propriétaires, de leurs employés, de tous les animaux, instruments, machines et autres choses nécessaires à l'utilisation du fonds, avec en contrepartie l'obligation pour les époux Y...de démolir le mur séparant le chemin communal et la parcelle 123 assiette du droit de passage, en retirant les gravats, ce qu'ils n'ont pas fait ;
que la démolition du mur existant et sa reconstruction à l'identique en limite des parcelles 123 et 124 impliquait à l'évidence l'impossibilité de passer par la parcelle 124 restant la propriété des X..., pour rejoindre le chemin communal élargi par l'assiette de la 123, ainsi qu'il est présentement sollicité ;
qu'un permis de construire a été obtenu sur la parcelle Y...numéro 122, avec achèvement des travaux en novembre 85 (pièce 16 de Monsieur Y...) ;
que le rapport Z...est en date du 3 octobre 1996, et qu'il n'estime nullement que les conditions juridiques de l'enclave soient réunies, n'ayant procédé à un plan d'une éventuelle assiette de désenclavement que « nonobstant l'analyse que nous avons faite de l'état des lieux... qui nous conduit à conclure que la propriété Y...n'est pas enclavée » ;
que depuis 1985 les lieux sont habités, le rapport défavorable Z...n'ayant été suivi d'aucune initiative, sinon l'assignation de mai 2012, ce qui implique nécessairement que de 1985 à 2012, l'impossibilité alléguée de l'accès en voiture a pu se concilier avec une habitation des lieux ;
que c'est en réalité cette absence d'accessibilité en voiture qui est à l'origine du procès, ainsi que le démontre le libellé des attestations fournies, étant relevé néanmoins qu'aucune précision n'est donnée sur le trajet à pied qui demeure nécessaire, et qui consacrerait une impossibilité d'utilisation normale du fonds, en termes d'habitation, impossibilité qui n'a pas empêché cette habitation de 1985 à 2012, et dont il faudrait considérer aujourd'hui qu'il ne s'agit pas d'une simple commodité supplémentaire, alors que l'on connaissait depuis l'origine la configuration du terrain, et que l'instauration d'une servitude dès l'acte de vente initial est incompatible avec la découverte postérieure d'une inaccessibilité en voiture rendant à proprement parler impossible l'utilisation normale d'habitation de la parcelle vendue, dans le site considéré ;
que dans pareil contexte, la question juridique n'est pas celle d'un reproche qui ne peut être fait aux époux Y...(ainsi que l'a retenu là le premier juge), qui ont sollicité et obtenu un permis de construire, mais bien celle de la connaissance qu'ils avaient avant la construction des conditions d'accessibilité, du souci qu'ils ont eu d'établir une servitude de passage mentionnée à l'acte comme concernant les véhicules, et ainsi du caractère volontaire de la situation créée, qui consiste selon eux à ne pas pouvoir accéder en voiture, pour un usage d'habitation non prévue à l'origine, et sans autre précision sur les conditions dans lesquelles ils ont néanmoins habité de 1985 à l'assignation initiale en 2012, conditions qui sur la durée n'ont pu raisonnablement avoir un caractère anormal ;
que dans pareil contexte, l'issue insuffisante sur la voie publique, qui résulterait de l'impossibilité d'accéder en voiture, ne consacre pas l'état d'enclave au sens de l'article 682 du code civil, étant précisé au surplus que le rapport Z...précise bien « qu'il est évident que le dommage subi [par l'implantation d'une servitude telle que sollicitée par les époux Y...] est sans commune mesure avec celui que subiraient les propriétés Gerberon et Nadal si l'on empruntait les voies existantes sur ces propriétés ; ces voies étant en effet éloignées des habitations » (page huit du rapport) ;
qu'en effet, et au vu des éléments fournis, dont les seules affirmations sur l'impossibilité de buser le ruisseau, rien ne permet de privilégier le passage sollicité, y compris dans l'hypothèse où les conditions de l'article 682 seraient réunies ;
que c'est donc une infirmation qui s'impose, les appelants ne justifiant pas en revanche du bien-fondé d'une demande de dommages-intérêts à hauteur de 15 000 € a fortiori, et la cour n'estimant pas en équité devoir faire application de l'article 700 du code de procédure civile, au-delà de 2000 € » ;
1°) alors, d'une part, que selon l'article 682 du code civil, le propriétaire dont le fonds est enclavé, et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou qu'une issue insuffisante, est fondé à réclamer sur le fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de son fonds selon son usage normal ; qu'ayant constaté l'inaccessibilité en voiture de l'habitation régulièrement construite sur la parcelle vendue, alors que l'accès par un véhicule automobile correspond à l'usage normal d'un fonds destiné à l'habitation, la cour d'appel a refusé de tirer les conséquences légales de ses propres constatations en violation du texte susvisé ;
2°) alors, d'autre part, qu'en vertu de l'article 682 du code civil, l'enclave est volontaire lorsqu'elle résulte d'un fait propre du propriétaire ; qu'en retenant que le consentement à une servitude conventionnelle inefficace à assurer le désenclavement prévu constitue un fait volontaire du propriétaire faisant obstacle à l'octroi d'une servitude légale de passage, alors que l'inaccessibilité à la voie publique en automobile résultait de la division du fonds par le vendeur, antérieure à la vente, et qu'en toute hypothèse, la constitution d'une servitude conventionnelle permettant un passage insuffisant ne caractérise pas un enclavement volontaire des acheteurs, la cour s'est prononcée par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
3°) alors, de troisième part, que selon l'article 682 du code civil, le propriétaire dont le fonds est enclavé et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, est fondé à réclamer sur le fonds de son voisin un passage suffisant pour assurer la desserte complète de sa propriété ; qu'en retenant, pour refuser de reconnaître l'état d'enclave, que l'usage d'habitation n'était pas prévu à l'acte de vente, portant cependant sur une parcelle constructible, quand l'état d'enclave résulte de l'impossibilité d'utiliser normalement un fonds, quelle qu'en soit la destination, sans qu'il soit besoin que l'usage d'habitation soit expressément prévu dans l'acte de vente, la cour a derechef violé le texte susvisé en y ajoutant des conditions non prévues,
4°) alors, enfin, qu'en vertu de l'article 684 du code civil, lorsque l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes ; qu'en affirmant que rien ne permet de privilégier le passage sollicité sur le terrain cadastré AW n° 124, y compris dans l'hypothèse où les conditions de l'article 682 seraient réunies, alors que ce terrain résulte de la division d'un ancien fonds dont est également issu le terrain cédé aux requérants, la cour a encore refusé de tirer les conséquences légales de ses propres constatations en violation du texte susvisé.