LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 2 juin 2016), que M. et Mme X..., propriétaires d'un ensemble immobilier jouxtant celui de M. et Mme Y..., se sont plaints de divers troubles et notamment de nuisances sonores causées par les batraciens présents dans la mare construite à proximité de leur maison d'habitation ; qu'ils ont assigné leurs voisins afin d'obtenir, sur le fondement de la théorie des troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage, leur condamnation à prendre les mesures nécessaires pour faire cesser les troubles et la réparation de leur préjudice ;
Sur la recevabilité du moyen additionnel contenu dans un mémoire complémentaire des demandeurs au pourvoi :
Attendu qu'il y a lieu de déclarer irrecevable le moyen additionnel développé par les demandeurs au pourvoi dans un mémoire complémentaire reçu le 27 mars 2017, après l'expiration du délai prévu à l'article 978 du code de procédure civile ;
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de leur ordonner de combler leur mare située à moins de dix mètres de l'habitation de M. et Mme X... dans un délai de quatre mois après le prononcé de l'arrêt, sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard et pendant un délai de deux mois, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en ordonnant le comblement d'une mare située à dix mètres de la limite de propriétés en l'état d'un constat par un huissier que le coassement de batraciens la peuplant a atteint 63 dBa dans l'une des chambres de l'habitation, fenêtre ouverte, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de gêne excédant ce qu'il est objectivement normal de supporter dans un environnement rural, a violé le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;
2°/ que ne caractérise pas plus un trouble anormal de voisinage le fait d'avoir fait creuser dans un terrain de quinze hectares une mare à dix mètres de l'habitation voisine ; qu'en retenant cette circonstance inopérante dans ses motifs, la cour a violé le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;
Mais attendu que, sous couvert du grief non fondé de violation du principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine des éléments de preuve par la cour d'appel qui, ayant relevé que l'émergence du coassement des batraciens atteignait 63 dba de l'une des chambres de l'habitation, fenêtre ouverte, et que la mare était située à moins de dix mètres de la maison de M. et Mme X..., a estimé qu'au regard de l'ampleur des troubles qui se produisaient plusieurs mois durant la saison chaude avec une intensité certaine liée à la présence d'une colonie de batraciens dus à la création d'une mare dans la proximité immédiate d'une habitation, ceux-ci excédaient les inconvénients normaux du voisinage ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa deuxième branche comme s'attaquant à des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les première et quatrième branches du moyen unique annexé qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. et Mme X... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné aux époux Y... de combler leur mare située à moins de 10 mètres de l'habitation X... sous un délai de 4 mois après le prononcé de l'arrêt, sous astreinte provisoire de 150 € par jour de retard et pendant un délai de 2 mois ;
AUX MOTIFS QUE les époux X... critiquent le premier juge de ne pas avoir reconnu les troubles anormaux de voisinage par la présence de batraciens provoquant un bruit infernal au moment de la période de reproduction des grenouilles, soit de mars à juillet, les empêchant notamment de dormir fenêtres ouvertes ; qu'ils reprochent encore au premier juge d'avoir refusé de reconnaître la faute de leurs voisins qui ont créé une mare non loin de leur immeuble d'habitation et à 4 mètres de la ligne séparative en ne respectant pas les règles d'urbanisme sur les distances d'implantation par rapport aux habitations, sur l'empoissonnement et l'absence de bassin de déversion et alors même qu'ils sont propriétaires d'un grand terrain ; que M. et Mme Y... rétorquent que la mare était préexistante à l'achat du fonds, qu'ils n'ont pas volontairement introduit des batraciens lesquels sont des animaux sauvages et une espèce protégée ; qu'ils contestent le caractère anormal du bruit et critiquent le constat d'huissier versé aux débats ; que le premier juge a considéré qu'aucune pièce ne justifiait l'illégalité de la construction de la mare ou les prétendues émergences sonores dont les époux X... se plaignaient ; qu'il a ajouté que les demandeurs n'alléguaient aucune disposition législative ou réglementaire de nature à exiger la construction d'un enclos sur le périmètre de la mare ; qu'aux termes des dispositions de l'article 544 du code civil la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ; qu'il sera rappelé qu'il faut encore que ce droit ne cause à autrui aucun dommage excédant les inconvénients normaux du voisinage ; qu'il ressort des propres déclarations de M. Y... à son huissier de justice (PV du 2 avril 2013) que la propriété rurale des époux Y... composée d'une ferme et de diverses parcelles appartenait aux grands-parents paternels de Mme Y... et qu'une ancienne mare proche de l'immeuble X... a été remblayée avec des rebus de chantiers ; que M. Y... reconnaît dans ce procès-verbal qu'il a décidé d'ouvrir une nouvelle mare, mais plus à l'écart de l'immeuble X... ; que l'huissier, déférant à la réquisition de M. Y..., décrit une mare de forme carrée approximativement de 20 mètres de long sur 20 mètres de largeur et d'environ 1, 20 mètre de profondeur, située à 10 mètres environ de l'immeuble bâti des époux X... ; que de son côté, l'expert amiable, M. Z..., mentionne une mare d'une superficie supérieure à 100 m ² et distante de 4 mètres de la ligne séparative des propriétés ; qu'il est donc établi en tout état de cause que les époux Y... ont créé une mare sur leur propriété à moins de 10 mètres de la maison des époux X... alors qu'ils sont propriétaires d'un terrain d'une superficie de plus de 15 hectares ; que même si aucune des parties ne fournit le règlement sanitaire départemental de la Dordogne, l'expert amiable rappelle que l'implantation d'une mare doit faire l'objet d'une autorisation administrative et doit se situer à plus de 50 mètres des immeubles habités par des tiers ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier et des données non sérieusement contredites que cette mare engendre des inconvénients anormaux du voisinage ; que le bruit des batraciens est démontré par les mesures de sons prises par l'huissier le 30 mai 2012 à l'aide d'un sonomètre, sans que les époux Y... n'étayent leur contestation de principe sur ce point ; qu'en effet, l'huissier a relevé que l'émergence du coassement des batraciens a atteint 63 dba de l'une des chambres de l'habitation, fenêtre ouverte ; qu'au regard de l'ampleur des troubles qui se produisent plusieurs mois durant la saison chaude avec une intensité certaine liée à la présence d'une colonie de batraciens et qui sont dus à la création illicite d'une mare dans la proximité immédiate d'une habitation, il échet de considérer que lesdits troubles excèdent les inconvénients normaux du voisinage ; que la décision du premier juge sera infirmée en ce qu'il y a bien lieu d'ordonner le comblement de la mare dans un délai de 4 mois après le prononcé du présent arrêt, ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard pour garantir la bonne exécution des travaux ; qu'en revanche la décision du premier juge sera confirmée en ce qu'il n'y a pas lieu d'imposer la construction d'un enclos temporaire sur le périmètre de la mare dès lors que les appelants ne justifient pas, y compris en cause d'appel, quelle disposition législative ou réglementaire ils invoquent à l'appui de leurs prétentions sur ce point ;
1°) ALORS D'UNE PART QU'il appartient au juge de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en jugeant qu'une mare générait un trouble anormal de voisinage sur la foi d'une expertise amiable la qualifiant d'« illicite » pour être trop proche des habitations et ne pas bénéficier d'une autorisation administrative, ce qu'elle n'a pas elle-même juridiquement vérifié, ni le lien entre ces irrégularités supposées et le trouble invoqué, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 12 du code de procédure civile ;
2°) ALORS D'AUTRE PART QU'en ordonnant le comblement d'une mare située à 10 mètres de la limite de propriétés en l'état d'un constat par un huissier que le coassement de batraciens la peuplant a atteint 63 dBa dans l'une des chambres de l'habitation, fenêtre ouverte, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de gêne excédant ce qu'il est objectivement normal de supporter dans un environnement rural, a violé le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;
3°) ALORS ENFIN QUE ne caractérise pas plus un trouble anormal de voisinage le fait d'avoir fait creuser dans un terrain de quinze hectares une mare à 10 mètres de l'habitation voisine ; qu'en retenant cette circonstance inopérante dans ses motifs, la cour a violé le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;
4°) ALORS EN TOUT ÉTAT DE CAUSE QUE la condamnation à combler une mare pour mettre fin aux coassements pendant la période de reproduction allant d'avril à juin des batraciens qui y vivent, porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété garanti par l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.