LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 31 mai 2016), que, courant 1990, M. X... a fait réaliser des travaux dans son immeuble par la société de fait E... B..., assurée auprès de la société Zürich assurances, aux droits de laquelle se trouve la société Generali France assurances (Generali) ; que, le 30 janvier 1991, il a réglé le solde des travaux ; qu'en 1999, constatant des désordres, il en a informé M. B..., qui, par lettre du 23 juillet 2000, a reconnu sa responsabilité et s'est engagé à réaliser les travaux de reprise dès l'approbation de son assureur ; que, celui-ci ayant invoqué la forclusion, le maître de l'ouvrage l'a assigné en indemnisation ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer prescrites ses demandes contre la société Generali, alors, selon le moyen :
1°/ que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté l'existence d'une facture du 30 janvier 1991 à en-tête de la « ste de fait E... B..., Tous Travaux Bâtiment » domiciliée [...] , relative à des travaux de chape et de carrelage, et a relevé que le contrat d'assurance de responsabilité décennale invoqué par M. X..., souscrit par la société « Tous Travaux Bâtiment » auprès de la société Generali, couvrait les travaux objet de cette facture ; que par ailleurs, il n'était pas contesté que la reconnaissance de responsabilité établie par M. B... le 23 juillet 2000 concernait les désordres ayant affecté ces mêmes travaux ; que pour estimer que cette reconnaissance de responsabilité était dépourvue de tout effet interruptif du délai de prescription décennale ayant commencé à courir le 30 janvier 1991, et par suite, que l'action de M. X... à l'encontre de la société Generali était irrecevable, la cour d'appel a déclaré que M. X... n'établissait pas le lien entre la société de fait E... B... et M. B..., dont la communauté de nom avec celui de la société était insuffisante, dont l'adresse était différente de celle de la société et dont la signature n'était pas celle figurant au bas du contrat d'assurance, de sorte qu'il n'était pas suffisamment établi que l'auteur de la reconnaissance de responsabilité était aussi l'assuré de la société Generali ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le fait, non contesté, que M. B... ait réalisé les travaux assurés par la société Generali comme le fait qu'il ait reconnu sa responsabilité dans les désordres dont ces mêmes travaux étaient affectés, ne caractérisaient pas des actes de M. B... nécessairement mis en oeuvre en qualité d'associé de la société de fait E... B..., dont la cour d'appel a reconnu l'existence et la qualité d'assurée de la société Generali, et qui avait facturé les travaux litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2240 du code civil ;
2°/ que, suivant l'article L. 124-2 du code des assurances, l'assureur peut stipuler qu'aucune reconnaissance de responsabilité, aucune transaction, intervenues en dehors de lui, ne lui sont opposables, ce dont il résulte qu'en présence d'une clause en ce sens dans la police d'assurance, l'assureur non lié par la reconnaissance de responsabilité de son assuré, peut contester cette responsabilité, et/ou qu'il ne peut se voir opposer les engagements contractés et les concessions accordées par son assuré dans le cadre d'une transaction à laquelle il n'a pas été associé ; qu'en l'espèce, les conditions générales du contrat d'assurance souscrit auprès de la société Generali stipulaient (article 13.3) qu'« aucune reconnaissance de responsabilité, aucune transaction intervenue en dehors de l'Assureur [n'étaient] opposables à celui-ci qui, seul, dans les limites de sa garantie avait] qualité pour transiger » ; qu'en affirmant que l'assureur était fondé à se prévaloir de cette clause du contrat d'assurance reprenant les termes de l'article L. 124-2 du code des assurances, pour contester le caractère interruptif, à son égard, de la reconnaissance de responsabilité émanant de son assuré, cependant que ces stipulations ne visaient que le fond, à savoir le principe et l'étendue de la responsabilité de l'assuré, mais non l'effet interruptif de prescription engendré par cette reconnaissance de responsabilité, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa version applicable à l'espèce, ensemble l'article L. 124-2 du code des assurances ;
Mais attendu qu'ayant retenu souverainement que M. B... n'était pas l'assuré de la société Generali, tant la signature figurant sur la lettre du 23 juillet 2000 différait de celle apposée sur le contrat d'assurance, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a exactement déduit, de ce seul motif, que la lettre précitée n'avait pas interrompu la prescription à l'égard de l'assureur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X..., le condamne à payer à la société Generali France assurances, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me D... , avocat aux Conseils, pour M. X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué,
D'AVOIR déclaré irrecevables les demandes formées par M. X... à l'encontre de la société Generali ;
AUX MOTIFS QUE l'article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître de l'ouvrage ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination, et qu'une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ; qu'il incombe en l'espèce en premier lieu à M. X..., qui actionne la société Generali sur le fondement de la garantie décennale, de démontrer que cette société est bien l'assureur de l'entreprise ayant procédé aux travaux atteints par les désordres, ce que la société Generali conteste ; que le seul document contractuel produit par M. X... consiste en la facture du 30 janvier 1991 relative aux travaux de chape et de carrelage litigieux ; que cette facture est établie à l'en-tête suivante : "Sté de fait E... B..., Tous Travaux Bâtiment" avec adresse à [...] ; que le contrat d'assurance garantie décennale dont M. X... sollicite la mobilisation mentionne quant à lui comme souscripteur "Tous Travaux Bâtiment", avec adresse à [...], cette entité étant indiquée comme étant en cours d'inscription au répertoire des métiers ; qu'il résulte de ces documents que l'intitulé "Tous Travaux Bâtiment" correspond à l'évidence à l'enseigne sous laquelle travaillait la société de fait E...-B..., de telle sorte qu'il doit être considéré que le contrat d'assurance souscrit par "Tous Travaux Bâtiment" auprès de Générali couvre bien les travaux effectués pour le compte de M. X... ; que comme l'ont pertinemment rappelé les premiers juges, la mise en oeuvre de la garantie décennale suppose nécessairement que les travaux litigieux ont été réceptionnés ; que force est cependant de constater qu'en l'espèce l'intervention d'une réception n'a jamais été critiquée par aucune des parties ; qu'en tout état de cause, s'il n'y a pas eu de réception expresse, il doit néanmoins être considéré que les travaux ont été réceptionnés de manière tacite, dès lors qu'ils ont donné lieu au paiement intégral de leur coût, et que le maître de l'ouvrage a pris possession des lieux sans émettre aucune réserve ; que cette réception tacite doit être retenue à la date du 30 janvier 1991, qui correspond de manière non contestée au paiement du solde du coût des travaux ; que c'est dès lors à tort que le tribunal a rejeté la demande de M. X... au motif qu'il n'était pas justifié d'une réception des travaux ; que le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions ; que pour s'opposer aux demandes de M. X..., la société Generali se prévaut de la prescription de l'action par écoulement du délai décennal ; que la réception étant, comme il vient d'être indiqué, intervenue le 30 janvier 1991, le délai de prescription expirait le 30 janvier 2001, étant rappelé que l'action en référé expertise dirigée contre l'assureur garantie décennale n'a été introduite que le 16 mars 2009 ; que M. X... fait cependant valoir, sur le fondement des articles 2248 ancien et 2240 nouveau du code civil, que le délai de prescription a été interrompu par la reconnaissance par le réalisateur des travaux de sa responsabilité, cette reconnaissance de responsabilité ayant été faite par courrier du 23 juillet 2000, soit au cours du délai de prescription, de telle sorte qu'un nouveau délai de 10 ans a commencé à courir à compter de cette date, rendant ainsi recevable l'action initiée par l'assignation en référé du 16 mars 2009 ; que d'une part, pour que la reconnaissance de responsabilité puisse avoir un effet interruptif de la prescription, elle doit bien évidemment émaner de l'assuré lui-même ; qu'or, la reconnaissance litigieuse résulte d'un courrier à l'en-tête de "M B... Bruno, [...] ", qui est libellé ainsi qu'il suit : "Pour faire suite à ma visite du 20 juillet 2000, je reconnais ma responsabilité concernant les dommages très importants de fissures qui apparaissent au niveau de votre carrelage que je vous ai posé en janvier 1991. Je m'engage à réaliser les travaux de réparation dès lors que le montant aura été chiffré et approuvé par ma compagnie d'assurances", et qui porte une signature précédé de l'intitulé "Bruno B..." ; que si M. X... soutient que M. Bruno B... était l'un des associés de la société de fait E...-B..., responsable à titre personnel dès lors qu'une société de fait n'a pas de personnalité morale ni de patrimoine propre, force est de constater que son allégation reste à l'état de pétition de principe en l'absence de production de tout élément concret de nature à justifier du lien unissant M. Bruno B... à la société de fait E...-B... ; que ce lien ne résulte en effet pas de manière nécessaire de la seule occurrence du patronyme B..., et le rapport d'expertise judiciaire, qui associe M. Bruno B... à l'entreprise "Tous Travaux Bâtiment", ne présente pas de valeur probante particulière dès lors qu'à l'évidence il ne fait sur ce point que reprendre les déclarations faites à l'expert par M. X... lui-même. La cour relèvera que l'adresse de M. Bruno B... est quant à elle différente de celle de la société de fait E...-B..., et que M. Bruno B... n'est manifestement pas le signataire du contrat d'assurance souscrit auprès de la société Generali, tant la signature figurant sur le courrier du 23 juillet 2000 diffère de celle apposée sur le contrat d'assurance ; qu'en l'état, il ne peut donc être considéré comme suffisamment établi que l'auteur de la reconnaissance de responsabilité soit aussi l'assuré de la société Generali ; que d'autre part, et en tout état de cause, l'article L.124-2 du code des assurances dispose que l'assureur peut stipuler qu'aucune reconnaissance de responsabilité, aucune transaction, intervenues en-dehors de lui, ne lui sont opposables ; qu'or, une telle stipulation existe en l'espèce, où les conditions générales du contrat d'assurance litigieux comportent un article 13.3 reprenant les termes de l'article L.124-2 ; qu'il en résulte que, même à supposer qu'il soit suffisamment établi que M. Bruno B... puisse être considéré comme étant l'assuré de la société Generali, la reconnaissance de responsabilité du 23 juillet 2000 est inopposable à celle-ci, de telle sorte qu'elle ne peut avoir eu pour effet d'interrompre à son égard la prescription décennale ;
Aucun autre acte interruptif n'étant intervenu dans le délai de prescription, il doit donc être constaté qu'à la date de l'assignation en référé la prescription était acquise de longue date, de telle sorte que les demandes de M. X... à rencontre de la société Generali seront déclarées irrecevables ;
1°) ALORS QUE la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté l'existence d'une facture du 30 janvier 1991 à en-tête de la « ste de fait E... B..., Tous Travaux Bâtiment » domiciliée [...] , relative à des travaux de chape et de carrelage, et a relevé que le contrat d'assurance de responsabilité décennale invoqué par M. X..., souscrit par la société « Tous Travaux Bâtiment » auprès de la société Generali, couvrait les travaux objet de cette facture ; que par ailleurs, il n'était pas contesté que la reconnaissance de responsabilité établie par M. B... le 23 juillet 2000 concernait les désordres ayant affecté ces mêmes travaux ; que pour estimer que cette reconnaissance de responsabilité était dépourvue de tout effet interruptif du délai de prescription décennale ayant commencé à courir le 30 janvier 1991, et par suite, que l'action de M. X... à l'encontre de la société Generali était irrecevable, la cour d'appel a déclaré que M. X... n'établissait pas le lien entre la société de fait E... B... et M. B..., dont la communauté de nom avec celui de la société était insuffisante, dont l'adresse était différente de celle de la société et dont la signature n'était pas celle figurant au bas du contrat d'assurance, de sorte qu'il n'était pas suffisamment établi que l'auteur de la reconnaissance de responsabilité était aussi l'assuré de la société Generali ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le fait, non contesté, que M. B... ait réalisé les travaux assurés par la société Generali comme le fait qu'il ait reconnu sa responsabilité dans les désordres dont ces mêmes travaux étaient affectés, ne caractérisaient pas des actes de M. B... nécessairement mis en oeuvre en qualité d'associé de la société de fait E... B..., dont la cour d'appel a reconnu l'existence et la qualité d'assurée de la société Generali, et qui avait facturé les travaux litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2240 du code civil ;
2°) ALORS en outre QUE suivant l'article L.124-2 du code des assurances, l'assureur peut stipuler qu'aucune reconnaissance de responsabilité, aucune transaction, intervenues en dehors de lui, ne lui sont opposables, ce dont il résulte qu'en présence d'une clause en ce sens dans la police d'assurance, l'assureur non lié par la reconnaissance de responsabilité de son assuré, peut contester cette responsabilité, et/ou qu'il ne peut se voir opposer les engagements contractés et les concessions accordées par son assuré dans le cadre d'une transaction à laquelle il n'a pas été associé ; qu'en l'espèce, les conditions générales du contrat d'assurance souscrit auprès de la société Generali stipulaient (article 13.3) qu'« aucune reconnaissance de responsabilité, aucune transaction intervenue en dehors de l'Assureur [n'étaient] opposables à celui-ci qui, seul, dans les limites de sa garantie a[vait] qualité pour transiger » ; qu'en affirmant que l'assureur était fondé à se prévaloir de cette clause du contrat d'assurance reprenant les termes de l'article L.124-2 du code des assurances, pour contester le caractère interruptif, à son égard, de la reconnaissance de responsabilité émanant de son assuré, cependant que ces stipulations ne visaient que le fond, à savoir le principe et l'étendue de la responsabilité de l'assuré, mais non l'effet interruptif de prescription engendré par cette reconnaissance de responsabilité, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa version applicable à l'espèce, ensemble l'article L.124-2 du code des assurances.