LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la caisse d'allocations familiales de Paris du désistement partiel de son pourvoi en ce qu'il est dirigé à l'encontre du ministre chargé de la sécurité sociale ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, 35, § 1, de la Convention de sécurité sociale du 16 janvier 1985 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Côte-d'Ivoire en matière de sécurité sociale, publiée par le décret n° 87-123 du 19 février 1987, et 8 de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la Côte-d'Ivoire relative à la circulation et au séjour des personnes signée à Abidjan le 21 septembre 1992, publiée par le décret n° 95-436 du 14 avril 1995 ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que bénéficient des prestations familiales les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations sont demandées dès lors qu'ils justifient de la régularité de leur situation par la production de l'un des titres ou documents énumérés par le deuxième ; que, selon le dernier, les membres de la famille d'un ressortissant de l'un des Etats contractants peuvent être autorisés à rejoindre le chef de famille régulièrement établi sur le territoire de l'autre Etat dans le cadre de la législation en vigueur dans l'Etat d'accueil en matière de regroupement familial ; que, selon le troisième, les travailleurs salariés de nationalité ivoirienne, occupés sur le territoire français, bénéficient pour leurs enfants résidant en France des prestations familiales prévues par la législation française ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions et stipulations que le travailleur salarié ou assimilé de nationalité ivoirienne doit justifier, par la production des documents mentionnés au deuxième des textes susvisés, de la régularité de la situation de l'enfant qui a été autorisé à le rejoindre en France ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., de nationalité ivoirienne, titulaire d'une carte de séjour temporaire depuis 2005, régulièrement renouvelée, puis d'une carte de résident depuis le 24 janvier 2008, a sollicité, les 3 novembre 2008 et 15 juin 2011, le bénéfice des prestations familiales au titre de ses deux enfants, Y..., né en Côte-d'Ivoire, le 2 juin 1993, et Z..., née en Côte-d'Ivoire, le 17 août 1995, arrivés en France respectivement en septembre 2007 et septembre 2008 ; que la caisse d'allocations familiales de Paris (la caisse) lui ayant opposé un refus en l'absence de production du certificat de contrôle médical délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, Mme X... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que pour faire droit à ce recours, l'arrêt retient que les dispositions de la convention générale de sécurité sociale du 16 janvier 1985 conclue entre la France et la Côte-d'Ivoire sont claires et précises et leur application n'est subordonnée à aucun autre texte ; qu'elles ont donc un effet direct sur la situation des ressortissants des deux Etats et garantissent aux ressortissants des deux pays parties à la convention une égalité de traitement pour l'ouverture des droits aux prestations familiales ; que la législation française ne doit donc pas les soumettre à des conditions plus rigoureuses que celles applicables aux personnes de nationalité française ; qu'en l'espèce, les enfants de Mme X... sont entrés en France en dehors de la procédure de regroupement familial et le bénéfice des prestations familiales a été refusé à l'intéressée au motif qu'elle ne produisait pas le certificat médical exigé par l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale ; qu'il s'agit là d'une condition imposée uniquement aux étrangers ressortissants des pays non européens ; que les autres conditions d'attribution des prestations familiales tenant à la régularité du séjour en France, à la charge effective et permanente des enfants et à la justification par celle-ci de son statut de salariée étant réunies, Mme X... était en droit de percevoir les prestations familiales ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
REJETTE la demande de prestations familiales de Mme X... pour ses enfants Y...et Z... ;
REJETTE la demande de Mme X... formée devant la cour d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse d'allocations familiales de Paris
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR reconnu le droit aux prestations familiales de Mme X... en faveur de sa fille Y...à compter de septembre 2007 et de sa fille Z... à compter de septembre 2008 et d'AVOIR renvoyé Mme X... devant la CAF de Paris afin d'obtenir la liquidation de ses droits ;
AUX MOTIFS QU'en vertu des dispositions de l'article L553-1 du code de la sécurité sociale, l'action de l'allocataire pour le paiement des prestations se prescrit par deux ans ; que Mme X... établit s'être manifestée auprès de la caisse pour formuler une demande de prestations familiales en faveur d'Y...et Z... le 3 novembre 2008 ; que dans ces conditions, Mme X... peut demander le versement des prestations dans la limite de la prescription biennale en faveur de son fils Y...et de sa fille Z..., à compter de septembre 2007 pour le premier et de septembre 2008 pour la seconde eu égard aux dates d'arrivée en France des deux enfants ; qu'il résulte de l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale modifié par l'article 89 de la loi du 19 décembre 2005, que les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de la communauté européenne, d'un Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen ou de la confédération suisse et séjournant régulièrement en France bénéficient des prestations familiales pour les enfants qui sont à leur charge, sous réserve qu'il soit justifié de la régularité du séjour de ces enfants en France ; que l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale dispose que la régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers non nés en France, au titre desquels, celui les ayant à sa charge demande des prestations familiales, est justifiée notamment par la production, soit du certificat du contrôle médical de l'enfant délivré à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial, soit de l'attestation délivrée par l'autorité préfectorale précisant que l'enfant est entré en France au plus tard en même temps que l'un de ses parents admis au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ou du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; qu'en l'espèce, Mme X... n'a produit aucun de ces documents de séjour personnel à l'enfant, clairement défini, en particulier le certificat de contrôle médical délivré à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial ; que toutefois, aux termes de la convention de sécurité sociale du 16 janvier 1985 conclue entre la France et la Côte d'Ivoire en son article 1er : les travailleurs français et ivoiriens exerçant en Côte d'Ivoire ou en France une activité salariée ou assimilée sont soumis respectivement aux législations de sécurité sociale énumérées à l'article 4, applicables en Côte d'Ivoire ou en France, et en bénéficient, ainsi que leurs ayants droit, dans les mêmes conditions que les ressortissants de chacun de ces Etats ; qu'il n'est pas contesté qu'en France sont comprises dans le champ d'application de cette convention la législation fixant l'organisation de la sécurité sociale et celle relative aux prestations familiales ; que l'article 35 de la convention prévoit que : § 1- les travailleurs salariés de nationalité ivoirienne occupés sur le territoire français bénéficient pour leurs enfants résidant en France des prestations familiales prévues par la législation française ; § 2- les travailleurs salariés de nationalité française occupés sur le territoire ivoirien, bénéficient pour leurs enfants résidant en Côte d'Ivoire des prestations familiales prévues par la législation ivoirienne s'ils remplissent les conditions prévues par ladite législation ; que les dispositions de cette convention sont claires et précises et leur application n'est subordonnée à aucun autre texte ; qu'elles ont donc un effet direct sur la situation des ressortissants des deux Etats ; qu'elles garantissent aux ressortissants des deux pays parties à la convention une égalité de traitement pour l'ouverture des droits aux prestations familiales ; qu'il en résulte l'absence de toute discrimination fondée sur la nationalité ; qu'ainsi, les ressortissants ivoiriens résidant légalement en France et y exerçant une activité salariée ou assimilée sont traités de la même manière que les ressortissants français ; que la législation française ne doit donc pas les soumettre à des conditions plus rigoureuses que celles applicables aux personnes de nationalité française pour l'attribution des prestations familiales ; qu'en l'espèce, les enfants de Mme X... sont entrés en France en dehors de la procédure de regroupement familial ; que le bénéfice des prestations familiales a été refusé à l'intéressée au motif qu'elle ne produisait pas le certificat médical exigé par l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale ; qu'il s'agit d'une condition imposée uniquement aux étrangers ressortissants des pays non européens ; qu'en revanche, les autres conditions d'attribution des prestations familiales tenant à la régularité du séjour en France de Mme X... et à la charge effective et permanente des enfants et à la justification par Mme X... de son statut de salariée étaient réunies ; que Mme X... était dès lors en droit de percevoir les prestations familiales ; que doivent donc être écartées les dispositions des articles D. 512-2 du code de la sécurité sociale qui imposent des conditions plus rigoureuses aux seuls étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la confédération suisse en méconnaissance de la convention bilatérale franco-ivoirienne garantissant aux ressortissants des deux pays l'égal accès aux prestations familiales, dans les mêmes conditions que les nationaux ; que le jugement sera donc infirmé et sera reconnu à Mme X... le droit aux prestations familiales en faveur de ses enfants Y...et Z... à compter respectivement de septembre 2007 et septembre 2008 ;
1. ALORS QUE, selon l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, bénéficient des prestations familiales les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l ‘ Espace économique européen ou de la Confédération suisse pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations sont demandée dès lors qu'ils justifient de la régularité de leur situation par la production de l'un des titres ou documents énumérés par l'article D. 512-2 du même code ; que selon l'article 8 de la Convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire relative à la circulation et au séjour des personnes signée le 21 septembre 1992, les membres de la famille d'un ressortissant de l'un des Etats contractants peuvent être autorisés à rejoindre le chef de famille régulièrement établi sur le territoire de l'autre Etat dans le cadre de la législation en vigueur dans l'Etat d'accueil en matière de regroupement familial ; que selon l'article 35 § 1 de la Convention de sécurité sociale du 16 janvier 1985 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire en matière de sécurité sociale, les travailleurs salariés de nationalité ivoirienne, occupés sur le territoire français, bénéficient pour leurs enfants résidant en France des prestations familiales prévues par la législation française ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions et stipulations que le travailleur salarié ou assimilé de nationalité ivoirienne doit justifier, par la production des documents mentionnés à l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale, de la régularité de la situation de l'enfant qui a été autorisé à le rejoindre en France ; que la convention bilatérale conclue entre la France et la Côte d'Ivoire le 16 janvier 1985 ne dispense donc pas une ressortissante ivoirienne de justifier de l'obtention du certificat médical délivré par l'OFII pour obtenir des prestations familiales en France en faveur d'un enfant né en Côte d'Ivoire ; qu'en jugeant, pour faire droit à la demande de prestations familiales formée par Mme X... pour ses deux enfants entrés en France en dehors de la procédure de regroupement familial, que l'article 35 de la convention générale de sécurité sociale du 16 janvier 1985 avait un effet direct et la dispensait de produire le certificat médical délivré par l'OFII à l'issue de la procédure de regroupement familial, la Cour d'appel a violé les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, 35 § 1 de la Convention de sécurité sociale du 16 janvier 1985 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Côte'Ivoire en matière de sécurité sociale et 8 de la Convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire relative à la circulation et au séjour des personnes du 21 septembre 1992 ;
2. ALORS subsidiairement QUE l'action de l'allocataire pour le paiement des prestations familiales se prescrit par deux ans ; qu'en l'espèce, la caisse d'allocations familiales faisait valoir et justifiait que l'allocataire avait sollicité le bénéfice des prestations familiales pour ses enfants Y...et Z... une première fois le 3 novembre 2008 et une seconde fois le 15 juin 2011, sans qu'aucun acte d'interruption de la prescription ne soit effectué entre ces deux dates, de sorte que la prescription était acquise pour la période antérieure à juillet 2009 ; qu'en jugeant que l'allocataire ayant formulé une demande de prestations auprès de la caisse le 3 novembre 2008, pouvait prétendre aux prestations en faveur de son fils Y...à compter de septembre 2007 et de sa fille Z... à compter de septembre 2008, sans rechercher, comme le soutenait la caisse, si la période antérieure à juillet 2009 n'était pas prescrite en l'absence de tout acte interruptif entre les demandes du 3 novembre 2008 et du 15 juin 2011, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 553-1 du code de la sécurité sociale ;