LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ayant souscrit deux contrats d'assurance sur la vie auprès de la société Ecureuil vie, aux droits de laquelle se trouve la société CNP assurances (l'assureur), André E... a modifié la clause bénéficiaire de ces contrats, par avenants en date du 11 mai 2006 et du 19 mai 2006 ; qu'il est décédé le [...]       ; que, contestant la régularité du second avenant, M. Y..., l'un des bénéficiaires, a assigné l'assureur en paiement des capitaux-décès conformément au premier avenant ; que celui-ci a assigné en intervention forcée les autres bénéficiaires, M. André X... et Mme Suzanne X... (les consorts X...) ainsi que Ginette Z... ; que, cette dernière étant décédée en cours de procédure, Mme Corinne Z... et Colette Z... ont repris l'instance ; qu'à la suite du décès de cette dernière en cours de procédure, Mme Audrey A... et M. Alain A... (les consorts A...) ont repris l'instance ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de condamner l'assureur à leur payer ainsi qu'aux consorts A..., à M. Y..., Mme Corinne Z..., en application des avenants du 11 mai 2006, les capitaux-décès des deux contrats numérotés [...] et [...], alors, selon le moyen, que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et qu'il ne peut retenir, dans sa décision, les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; qu'en se fondant sur une analyse graphologique établie le 6 juin 2014 pour comparer les signatures respectivement apposées sur les avenants du 11 mai 2006 et sur ceux du 19 mai 2006, cependant qu'il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt attaqué, ni des conclusions de chacune des parties visées par l'arrêt, ni des bordereaux de communication de pièces qui y sont respectivement attachés, que cet acte ait été versé contradictoirement aux débats, la cour d'appel a violé les articles 15, 16 et 132 du code de procédure civile ;
Mais attendu que, contrairement à ce qui est soutenu, la pièce litigieuse a été versée aux débats par sa communication le 1er avril 2015 ; que le moyen manque en fait ;
Mais sur la troisième branche du même moyen :
Vu l'article 1324 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les articles 287 et 288 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour statuer comme il a été dit, l'arrêt retient qu'à défaut pour les consorts X... de produire des éléments originaux de comparaison de l'écriture d'André E... pour une période de temps avoisinante à celle de la signature des deux avenants, il n'y a pas lieu d'ordonner une procédure de vérification d'écriture ; qu'il ajoute que le doute ne pouvant être levé sur l'auteur des signatures et mentions des avenants du 19 mai, les consorts X... ne rapportent pas la preuve de ce que ces derniers étaient de la main d'André E... ;
Qu'en statuant ainsi, alors que lorsque l'écriture et la signature d'un acte sous seing privé sont déniées ou méconnues, il appartient au juge de vérifier l'acte contesté en enjoignant aux parties de produire tous documents utiles à comparer à l'écrit contesté et, au besoin, en ordonnant une expertise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen :
Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner les consorts X... sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt retient que l'équité commande de les condamner in solidum à payer la somme de 1 500 euros à l'assureur ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'assureur ne formulait aucune demande de ce chef, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et quatrième branches du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. Y... et Mme Corinne Z..., M. Alain A..., Mme Audrey A..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne in solidum à payer à M. André X... et Mme Suzanne X... la somme globale de 3 000 euros et rejette la demande de M. Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour les consorts X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société CNP Assurances à payer, en application des avenants du 11 mai 2006, les capitaux des deux contrats PEP Ecureuil Prévoyance n° [...] et Initiatives Transmission n° [...], après accomplissement, par chacun des bénéficiaires, des formalités fiscales prévues par les articles 806 III et 757 B du code général des impôts, à Melle Suzanne X..., à raison de 10 %, à M. André X..., à raison de 10 %, à Mme Corinne Z... et aux consorts Audrey et Alain A..., venant aux droits de Mme Colette Z..., à raison de 40 %, et à M. Georges Y..., à raison de 40 %,
AUX MOTIFS QUE
Sur la demande de vérification d'écritures:
Considérant qu'à l'appui de cette demande, M. Y... fait valoir que rien ne prouve que M. André E... soit l'auteur des signatures apposées sur les actes en date du 19 mai 2006;
Que, plus précisément, il estime que si la régularité et la réalité des « avenants » du 19 mai 2006 étaient incontestables, la société Écureuil Vie n'aurait jamais écrit le 20 juin 2016 pour confirmer expressément à M. E... la nouvelle affectation qu'il avait opérée et l'acceptation du nouveau partage par Mme Ginette Z... et M. Georges Y... ;
Considérant que les consorts X... répliquent que cette demande est formulée pour la première fois en cause d'appel et ajoutent que la signature de M. E... sur les avenants du 19 mai 2006 correspond à son écriture et que celui-ci a écrit de sa main la mention « lu et approuvé », ce qui n'est pas le cas sur les avenants en date du 11 mai 2006;
Considérant que la validité des avenants du 11 mai 2006 ne saurait être remise en cause dès lors qu'il n'est pas contesté que l'identité du signataire, M André E..., a été vérifiée par le représentant de l'assureur, qui en a attesté spécifiquement en notant le numéro de la carte d'identité de celui-ci ;
Considérant, s'agissant des avenants en date du 19 mai 2006, que l'identité du signataire et rédacteur de la mention 'lu et approuvé' n' a pas été vérifiée par le représentant de l'assureur alors que la comparaison des signatures et mentions avec celles figurant sur les avenants du 11 mai montre des différences notables, les signatures en date du 19 mai présentant, comme le relève le cabinet BCGraphologues dans son analyse, plus d'aisance, de lisibilité et de précision ;
Qu'il existe ainsi un doute sur l'attribution de ces signatures, supposées être celles d'une personne âgée de 95 ans, à M. E... ;
Qu'à défaut, pour les consorts X..., de produire des éléments originaux de comparaison de l'écriture de M. E... pour une période de temps avoisinante à celle de la signature des deux avenants, il n'y a pas lieu d'ordonner une procédure de vérification d'écriture ;
Qu'en conséquence, le doute ne pouvant être levé sur l'auteur des signatures et mentions des avenants du 19 mai, il y a lieu de dire que les consorts X... ne sont pas à même de rapporter la preuve de ce que ceux-ci sont de la main de M E...,
ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et qu'il ne peut retenir, dans sa décision, les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; qu'en se fondant sur une analyse graphologique établie le 6 juin 2014 pour comparer les signatures respectivement apposées sur les avenants du 11 mai 2006 et sur ceux du 19 mai 2006, cependant qu'il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt attaqué, ni des conclusions de chacune des parties visées par l'arrêt, ni des bordereaux de communication de pièces qui y sont respectivement attachés, que cet acte ait été versé contradictoirement aux débats, la cour d'appel a violé les articles 15, 16 et 132 du code de procédure civile,
ALORS QU'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; qu'en accueillant la demande de M. Y... ainsi que des ayants droits de Mme Z... tendant à la remise en cause de la répartition entre bénéficiaires retenue par l'assureur telle que prévue dans les avenants aux contrats d'assurance-vie litigieux en date du 19 mai 2006 au motif que le doute subsistant quant à l'auteur des signatures apposées sur ces avenants, les consorts X... ne rapportent pas la preuve qu'elles sont de la main de M. E..., la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 devenu l'article 1353 du code civil depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 9 du code de procédure civile ;
ALORS QUE lorsque l'écriture et la signature d'un acte sous seing privé sont déniées ou méconnues, il appartient au juge de vérifier l'acte contesté en enjoignant aux parties de produire tous documents utiles à comparer à l'écrit contesté et, au besoin, en ordonnant une expertise, à moins qu'il puisse statuer sans en tenir compte ; qu'en accueillant la demande de M. Y... et des consorts Z... fondée sur les avenants du 11 mai 2006 au motif que les consorts X... ne produisaient pas d'éléments originaux de comparaison de l'écriture de M. E... pour une période de temps avoisinante à celle de la signature des avenants du 19 mai 2006 et après avoir constaté la subsistance d'un doute sur l'attribution des signatures litigieuses, cependant qu'il lui appartenait d'enjoindre aux parties de produire tous documents utiles en vue de procéder à la vérification des signatures et au besoin d'ordonner une expertise, la cour d'appel a violé l'article 1324 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les articles 287 et 288 du code de procédure civile,
ALORS QU'en présence d'un doute persistant quant à la véracité d'une allégation conditionnant l'issue du litige, il appartient au juge d'ordonner toute mesure d'instruction utile en vue de le dissiper ; qu'en rejetant la demande des consorts X... tendant à confirmer le jugement qui avait fait prévaloir les avenants du 19 mai 2006 sur ceux du 11 mai 2006 au motif que les consorts X... ne produisaient pas d'éléments originaux de comparaison de l'écriture de M. E... pour une période de temps avoisinante à celle de la signature des avenants du 19 mai 2006 et après avoir constaté la subsistance d'un doute sur l'attribution des signatures apposées sur ces avenants, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'attaqué d'avoir condamné in solidum les consorts X... à verser à la société CNP Assurances 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
AUX MOTIFS QUE
l'équité commande de condamner in solidum les consorts X... à payer [
] la somme de 1.500 € à la CNP Assurances,
ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge, qui doit se prononcer seulement sur ce qui lui est demandé, ne peut octroyer davantage ; qu'en condamnant les consorts X... in solidum à verser à la société CNP Assurances 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile quand cette société ne formulait aucune demande de ce chef à l'égard des consorts X..., la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.