LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 34, alinéa 4, et 41 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, ensemble l'article 1318 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme Y..., agissant sur le fondement d'un acte notarié aux termes duquel ils avaient vendu un bien immobilier en l'état futur d'achèvement à M. et Mme A..., ont fait pratiquer deux saisies-attributions au préjudice de ces derniers en paiement du solde du prix ; que M. et Mme A... ont saisi un juge de l'exécution d'une demande de mainlevée ;
Attendu que pour infirmer le jugement entrepris et déclarer nulles les saisies-attributions, l'arrêt retient que l'apposition du sceau du notaire sur la copie revêtue de la formule exécutoire étant imposée par les dispositions d'ordre public de l'article 34 du décret du 26 novembre 1971, son absence lui fait nécessairement perdre son caractère exécutoire et que, ce faisant, cette copie exécutoire entachée de cette irrégularité manifeste ne peut servir de fondement à une mesure d'exécution forcée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'irrégularité affectant l'acte dépourvu du sceau du notaire ne relève pas des défauts de forme que l'article 1318, devenu 1370, du code civil sanctionne par la perte du caractère authentique et partant, exécutoire, de cet acte, lesquels s'entendent de l'inobservation des formalités requises pour l'authentification par l'article 41 du décret du 26 novembre 1971, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée ;
Condamne M. et Mme A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme A..., les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à M. et Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me C..., avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré nulle la saisie-attribution pratiquée par M. et Mme Y... à l'encontre de M. et Mme A... entre les mains de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Méditerranée le 15 septembre 2011 et déclaré nulle la saisie-attribution pratiquée par M. et Mme Y... à l'encontre de M. et Mme A... entre les mains de la Caisse de Crédit Mutuel - Crédit populaire guyanais de Cayenne le 22 septembre 2011 et d'avoir ordonné la main levée de ces saisies et dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées par les tiers saisis à M. et Mme Y....
aux motifs que, sur le titre exécutoire, l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution dispose que « seuls constituent des titres exécutoires [...] les actes notariés revêtus de la formule exécutoire [...], que selon l'article 7 du décret n°7l-941 du 26 novembre 1971, chaque notaire est tenu d'avoir un sceau particulier, portant ses nom, qualité et établissement et, d'après un modèle uniforme, l'effigie de la République française, qu'il résulte de l'article 33 de ce même décret que les copies exécutoires sont les copies authentiques qui se terminent par la même formule que les jugements des tribunaux et que les autres copies authentiques ne peuvent être délivrées en forme exécutoire, que l'article 34 de ce décret dispose que la signature du notaire et l'empreinte de son sceau sont apposées à la dernière page des copies exécutoires et des copies authentiques et qu'il est fait mention de la conformité de la copie exécutoire ou de la copie authentique avec l'original ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté qu'aux termes des procès-verbaux de saisie attribution des 15 septembre 2011 et 22 septembre 2011, les mesures d'exécution sont présentées comme fondées sur un acte authentique notarié revêtu de la formule exécutoire en date du 24 août 2010 ; qu'il n'est pas davantage contesté et il ressort du reste de cette pièce produite au débat, que la dernière page, numérotée 45, de la copie exécutoire de l'acte authentique de vente du 24 août 2010 en vertu de laquelle les saisies attribution ont été pratiquées est une page ajoutée à la fin d'un ensemble composé de la copie intégrale de l'acte comprenant 30 pages et des copies des pièces qui lui sont annexées sur 14 pages et que sur cette page numérotée 45 de manière manuscrite se trouve apposées la formule exécutoire et la mention de sa conformité avec la minute suivies d'une signature illisible mai non pas le sceau du notaire qui n'y figure pas ; que pour valider les saisies-attribution litigieuses, le premier juge de l'exécution a notamment retenu que l'absence « de tampon du notaire était une simple omission de l'étude, certes regrettable, mais qui ne prête pas à conséquence » ; que ces considérations de droit du premier juge sont erronées car l'apposition du sceau du notaire sur la copie revêtue de la formule exécutoire étant imposée par les dispositions d'ordre public de l'article 34 du décret du novembre 1971, son absence lui fait nécessairement perdre son caractère exécutoire ; que ce faisant, cette copie exécutoire entachée de cette irrégularité manifeste ne peut servir de fondement à une mesure d'exécution forcée ; que si les époux Y..., pour attester de la validité de la copie exécutoire ayant fondé les saisies attribution litigieuses produisent en cause d'appel, une copie de l'acte de vente et de ses annexes comportant une page 45 sur laquelle sont apposées les mentions « pour copie authentique » et « certifiée conforme à la minute », suivies du sceau du notaire revêtu d'une signature, cette production peut d'autant moins couvrir le vice résultant des irrégularités d'ordre public affectant la copie exécutoire de l'acte en vertu duquel ils ont fait procéder aux deux mesures de saisie attribution contestées qu'une copie authentique se distingue de la copie exécutoire en ce qu'elle n'est pas revêtue de la formule exécutoire ainsi qu'il est dit à l'article 33 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 précité ; que la Cour, du reste et de surcroît, remarque, ainsi que le font valoir les appelants, que la page de cette copie authentique sur laquelle figure le sceau du notaire revêtu d'une signature, comporte le numéro de page 45 en caractères d'impression identiques à ceux de l'acte notarié de vente lui-même, alors que tel n'est pas le cas de la dernière page de la copie exécutoire litigieuse qui porte un numéro 31 en caractères d'imprimerie surchargé de manière manuscrite par le numéro 45. ; que si, là encore, le premier juge n'a pas vu dans cette anomalie autre chose qu'une surcharge obéissant à « une logique » chronologique, il n'empêche qu'elle témoigne d'une légèreté dans la délivrance de la copie exécutoire qui rendait d'autant plus nécessaire l'apposition sur celle-ci du sceau du notaire l'ayant délivrée ;
sur la créance, l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire dispose que le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;
que les appelants contestent devoir aux époux Y... quelque somme que ce soit sur le prix de vente figurant dans l'acte authentique du 24 août 2010 ; que la Cour constate que selon l'acte notarié de vente du 24 août 2010 le prix de vente a été payé comptant à raison de euros tandis que le solde de 208.000 euros a été prévu comme étant payable par fractions de 25% à la mise hors d'eau, de 40 % à l'achèvement et de 15%, soit 39.000 euros, à la remise des clefs, mention étant portée à l'acte que tous versements, pour être libératoires, devront être effectués par chèque libellé à l'ordre de M, et Mme Y... adressés au vendeur ; qu'il a été prévu par cet acte que le solde du prix de vente devait être payé ou consigné comme prévu à l'article R261-14 du code de la construction et de l'habitation, lequel prévoit que le solde est payable lors de la mise du local à la .disposition de l'acquéreur mais peut être consigné en cas de contestation sur la conformité avec les prévisions du contrat ; que cet acte notarié mentionne par ailleurs que le vendeur devra déposer en mairie une déclaration attestant de l'achèvement et de la conformité des travaux et qu'il devra notifier à l'acquéreur le certificat attestant l'achèvement et que si les parties sont d'accord pour constater cet achèvement, il sera procédé à la remise des clefs à l'acquéreur pour valoir livraison et prise de possession après règlement du prix de vente restant à payer ; que l'acte précise également que le coût des travaux modificatifs et supplémentaires ne participera pas du caractère du prix de vente mais que vendeur et acquéreur devront établir par voie d'avenant écrit et préalable, la nature des modifications pour travaux supplémentaires, leur coût et leurs conditions de paiement ; que la Cour relève que les parties s'accordent pour dire que les acheteurs sont entrés en possession le 14 octobre 2010, les époux Y... produisant du reste le procès-verbal de remise des clefs dressé à cette date ; qu'en dépit de cette remise des clefs prévue pour se faire après règlement du solde du prix, les époux Y... prétendent disposer d'une créance résiduelle de 13.000 euros sur le solde du prix de vente et soutiennent que la somme de 15.000 euros remise par les acheteurs en espèces contrairement aux stipulations contractuelles prévoyant un paiement libératoire par chèques est venue en règlement de travaux supplémentaires réclamés par les appelants ; qu'en ce qui les concerne, les acheteurs prétendent avoir réglé en sa totalité le prix de vente convenu à l'acte ; que la Cour déduit de ces considérations que la remise aux acheteurs des clefs de l'immeuble construit laisse présumer que, conformément aux stipulations contractuelles, cette remise a eu lieu après règlement intégral du prix de vente et que l'absence de production par les époux Y... de l'avenant rendu nécessaire par l'acte de vente en cas de travaux supplémentaires, ne permet pas de conclure de manière certaine que le versement de la somme de 15.000 euros effectué en espèces par M. Cyrille André A... et Mme Fabienne Laure Z... a été effectué en règlement de travaux supplémentaires et non pas en paiement partiel du prix de vente ; qu'il ressort en toute hypothèse de ces considérations que la créance dont le paiement a été poursuivi de manière forcé par les époux Y... en vertu d'une copie exécutoire irrégulière de l'acte authentique de vente d'un immeuble en état futur d'achèvement ne revêt pas les caractères de liquidité et d'exigibilité que doit nécessairement posséder toute créance recouvrée par une voie d'exécution forcée ; que dans ces conditions, la Cour, par infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, déclarera nulles à ce double titre -absence de titre exécutoire valide et absence de créance liquide et exigible - les saisies attribution pratiquées et fera droit aux demandes de mainlevée.
1°) alors que, d'une part, selon l'article L. 111-3, 4°, du code des procédures civiles d'exécution les actes notariés revêtus de la formule exécutoire constituent des titres exécutoires permettant de procéder à des mesures d'exécution forcées; qu'au cas présent, la cour d'appel qui constate que la page 45 de la copie exécutoire de l'acte authentique de vente du 24 août 2010 comprend tant la formule exécutoire que la mention de sa conformité avec les minutes suivies d'une signature ne pouvait retenir que cette copie exécutoire ne pouvait servir de fondement à une mesure d'exécution forcée au motif que le sceau du notaire n'y figurait pas, ce défaut ne pouvant faire perdre à l'acte son caractère exécutoire, sans violer l'article susvisé ;
2°) alors que, d'autre part, il résulte des articles 1134, 1319, 1320 et 1341 du code civil que l'acte authentique fait foi entre les parties et qu'il n'est reçu aucune preuve par témoins ou par présomptions contre et outre le contenu d'un acte authentique; qu'au cas présent l'acte de vente notarié énonçait que « le solde de 208.000 euros a été prévu comme étant payable par fractions de 25% à la mise hors d'eau, de 40 % à l'achèvement et de 15%, soit 39.000 euros, à la remise des clefs, mention étant portée à l'acte que tous versements, pour être libératoires, devront être effectués par chèque libellé à l'ordre de M, et Mme Y... adressés au vendeur » ; qu'ainsi la cour d'appel ne pouvait énoncer que la remise aux acheteurs des clefs de l'immeuble construit laisse présumer que cette remise a eu lieu après règlement intégral du prix de vente et que le versement de la somme de 15.000 euros effectué en espèces par les consorts A... venait en règlement du solde du prix de vente, lequel ne pouvait conformément aux stipulations de l'acte, être effectué que par chèque, sans violer les articles susvisés;
3°) alors qu'en tout état de cause, le motif hypothétique équivaut à un défaut de motif sanctionné par l'article 455 du code de procédure civile ; que la cour d'appel en énonçant que « la remise aux acheteurs des clefs de l'immeuble construit laisse présumer que, conformément aux stipulations contractuelles, cette remise a eu lieu après règlement intégral du prix de vente » s'est fondée sur un motif hypothétique pour juger que le prix de vente avait été soldé, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;