LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 septembre 2016), que, par acte sous seing privé du 24 juin 2011, la société Novaxia a vendu à M. X... et à Mme Y... (les consorts X... Y...) deux lots situés au deuxième étage d'un immeuble en copropriété, dont l'un à créer, sous la condition suspensive de l'aménagement d'une porte palière permettant l'accès à ce lot et à l'appartement vendu ; que, cet accès n'ayant pu être réalisé en raison de l'opposition de la société Spilan, occupant des locaux du premier étage, titulaire d'un bail commercial, les consorts X... Y... ont assigné la société Novaxia en caducité de la vente et en paiement de la clause pénale ; que la société Novaxia a assigné la société Spilan en garantie et en indemnisation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Novaxia fait grief à l'arrêt de la condamner à payer aux consorts X... Y... le montant de la clause pénale ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le descriptif des travaux prévoyait la création, dans la trémie de l'ancien escalier reliant les lots du premier et du deuxième étages, la création d'un plancher séparant ces deux étages, relevé que la société Novaxia n'avait pas pris en compte la possibilité, de la part de la société Spilan, d'un refus d'accès à ses locaux et d'une opposition à la réalisation des travaux nécessaires à l'ouverture de la porte palière et qu'elle n'avait avisé cette société des travaux que le 18 octobre 2011 et souverainement retenu qu'elle avait prévu un délai trop court pour la réalisation de ces travaux dans un immeuble ancien, qui était occupé de longue date et dont elle ne connaissait pas la configuration précise, la cour d'appel, qui a pu déduire de ces seuls motifs que la défaillance de la condition suspensive était imputable au vendeur, a légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que la cassation, n'étant pas prononcée sur le premier moyen, le second moyen, pris d'une annulation par voie de conséquence, est devenu sans portée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Novaxia aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Novaxia et la condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à M. X... et Mme Y... et la somme de 3 000 euros à la société Spilan ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société Novaxia
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné le vendeur d'un immeuble (la société Novaxia, exposante) à payer aux acquéreurs (les consorts X... et Y...) la somme de 112 000 € en application de la clause pénale stipulée dans une promesse de vente ;
AU MOTIFS QUE l'avant-contrat du 24 juin 2011 prévoyait au chapitre "Conditions suspensives" que celles-ci seraient « stipulées dans l'intérêt des deux parties » et qu'en « conséquence la non-réalisation d'une seule de ces conditions entraînera(it) la caducité des présentes sauf dans les hypothèses ci-après où l'acquéreur pourra(it) renoncer à se prévaloir de celle-ci » ; que la vente avait été conclue sous la condition suspensive, à laquelle seuls les acquéreurs pouvaient renoncer, de la réalisation par le vendeur de la porte palière permettant l'accès à l'appartement objet de la vente ; qu'à supposer que, eu égard à la rédaction de la clause précitée, la condition relative à la réalisation de la porte d'entrée protégeât les deux parties, les acquéreurs n'y avaient pas renoncé dès lors qu'ils invoquaient la non-réalisation des travaux par le fait du vendeur ; qu'il était acquis aux débats que cette condition suspensive avait défailli, la porte d'accès à l'appartement n'ayant pas été réalisée par le vendeur au 31 octobre 2011 ; qu'en conséquence l'avant-contrat du 24 juin 2011 était caduc ; qu'après avoir acquis les lots nos 72 et 104 le 30 mai 2011, la société Novaxia, qui avait « conçu le Société civile professionnelle MASSE-DESSEN, THOUVENIN et COUDRAY avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation [...] Tel. : [...] – Fax. : [...] projet de division du lot 104 en 4 lots n° 176, 177, 178 et 179 » (conclusions de cette société, p. 3), avait vendu aux consorts X... Y..., dès le 24 juin 2011, le lot 176 qui n'était pas encore créé, la réitération de la vente étant fixée quelques mois plus tard, soit le 31 octobre 2011, sous les conditions suspensives d'obtention des autorisations de l'assemblée générale des copropriétaires relatives à la division du lot n° 175 en plusieurs lots dont le n° 176, au changement d'affectation du lot n° 176, à l'ouverture d'une porte d'accès au lot n° 176, ainsi que de réalisation des travaux d'ouverture de cette porte ; que le descriptif des travaux pour l'ouverture de la porte palière avait été établi par l'architecte le 5 juillet 2011 et prévoyait, dans la trémie de l'ancien escalier intérieur reliant des lots du 1er et du 2e étage, la création d'un plancher séparant ces deux étages ; que les autorisations de l'assemblée générale avaient été données le 30 septembre 2011 ; que la mise en oeuvre des travaux ayant exigé l'accès au lot n° 103 situé au 1er étage, appartenant à Mme B... et occupé par la société Spilan, locataire commerciale en titre depuis 1982, cette société qui, n'ayant été formellement prévenue des travaux que le 18 octobre 2011, s'y était opposée et avait refusé l'accès à son local le 20 octobre 2011, invoquant que la création du plancher ferait obstacle à sa jouissance l'espace correspondant à la trémie où elle avait installé les appareils de climatisation ; que, le 26 mars 2012, la société Novaxia avait assigné la société Spilan en référé afin de pouvoir accéder au local de cette dernière et qu'une ordonnance du 13 avril 2012 avait dit n'y avoir lieu à référé ; que la société Novaxia avait renoncé à ouvrir la porte au-dessus de la trémie et qu'après une seconde procédure de référé introduite par la société Spilan, la société Novaxia avait pu réaliser l'ouverture en juillet 2012 ; que le refus d'accès et l'opposition possibles de l'occupant du premier étage aux travaux de création d'un plancher dans la trémie de l'escalier intérieur entre le 1er et le deuxième étage, auraient dû être pris en compte par la société Novaxia qui avait prévu un délai trop court pour la réalisation des travaux dans un immeuble ancien, occupé de longue date, alors surtout qu'elle n'avait pas une connaissance précise de la configuration des lieux, ainsi qu'il ressortait de sa protestation à sommation du 23 décembre 2011, lorsqu'elle s'était engagée à ouvrir la porte d'accès à l'appartement pour le 31 octobre 2011 ; qu'ainsi, la défaillance de la condition lui était imputable ; qu'au chapitre "Clause pénale" de l'avant-contrat du 24 juin 2011, les parties avaient stipulé qu'au « cas où, toutes les conditions relatives à l'exécution des présentes étant remplies, l'une des parties, après avoir été mise en demeure, ne régulariserait pas l'acte authentique et ne satisferait pas ainsi aux obligations alors exigibles, elle devra(it) verser à l'autre partie la somme de cent douze mille euros (
) A titre de clause pénale, conformément aux dispositions des articles 1152 et 1226 du code civil, indépendamment de tout dommages et intérêts » ; que la société Novaxia ayant fait défaillir la condition, celle-ci était réputée accomplie et la clause pénale pouvait recevoir application ; que le montant stipulé s'élevant à 112 000 € et le créancier n'ayant pas à justifier d'un préjudice, il convenait de condamner la société Novaxia au paiement de cette somme aux consorts X... Y... ; que, sur la demande garantie formée par la société Novaxia contre la société Spilan, il venait d'être dit que la condition suspensive avait défailli en raison de la faute de la société Novaxia qui n'avait pas prévu de temps suffisant entre l'avant-contrat de vente et la réitération pour permettre la réalisation au 31 octobre 2012 (il faut lire 2011) des travaux qu'elle avait elle-même conçus ; que la société Spilan, qui n'avait été formellement avisée que le 18 octobre 2012 (il faut lire 2011), n'avait pas résisté abusivement aux travaux, eu égard aux informations qu'elle détenait à cette date, étant observé que l'ordonnance du 13 avril 2012 n'avait pas fait droit à la demande d'accès aux locaux formée par la société Novaxia ;
ALORS QUE, d'une part, il appartient au cocontractant de rapporter la preuve que le bénéficiaire d'une promesse de vente sous condition suspensive a empêché l'accomplissement de la condition ; qu'en retenant que le vendeur avait fait défaillir la condition suspensive tenant à la réalisation des travaux de réouverture de la porte d'accès au lot n° 176 au prétexte qu'il n'avait pas anticipé l'opposition du locataire du lot n° 3 et avait prévu un délai trop court pour leur réalisation, tout en constatant que l'exposante avait entrepris les démarches nécessaires dans le délai contractuellement stipulé pour la réitération de l'acte, en établissant le descriptif des travaux dès le 5 juillet 2011, en obtenant les autorisations requises dès le 20 septembre 2011 et en avisant la locataire du lot n° 3 le 18 octobre 2011, la cour d'appel a violé l'article 1178 du code civil ;
ALORS QUE, d'autre part, la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ; qu'en retenant que la défaillance de la condition suspensive était imputable au vendeur en ce qu'il aurait dû prendre en compte le refus d'accès et l'opposition possibles aux travaux de l'occupant du première étage, et qu'il avait prévu un délai trop court pour leur réalisation, sans répondre aux écritures par lesquelles l'exposante rappelait (v. ses concl. signifiées le 12 mai 2016, pp. 8 et 9) avoir obtenu, dès le 20 septembre 2011, l'autorisation de l'assemblée des copropriétaires de réaliser les travaux, que ces travaux n'impliquaient qu'un simple tour d'échelle par le lot n° 3 et étaient réalisables en huit jours maximum, et que l'opposition aux travaux de la part de la locataire avait été imprévisible et inexplicable, compte tenu des termes de son bail qui ne lui donnaient aucun droit sur le volume du plancher haut du lot pris en location et lui imposaient de souffrir et de laisser faire les travaux de réparation nécessaires au cours du bail, ainsi que l'avait constaté l'ordonnance de référé du 11 juin 2012, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, enfin, la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ; que, pour considérer que le refus de la locataire n'était pas à l'origine de la défaillance de la condition, l'arrêt infirmatif attaqué a retenu que l'intéressée n'avait été avisée que le 18 octobre 2011, qu'elle n'avait pas résisté abusivement aux travaux eu égard aux informations qu'elle détenait à cette date, et enfin que l'ordonnance du 13 avril 2012 n'avait pas fait droit à la demande d'accès aux locaux formée par le vendeur ; qu'en statuant ainsi sans répondre aux écritures par lesquelles l'exposante faisait valoir (v. ses concl. signifiées le 12 mai 2016, pp. 11-13) que la locataire avait été informée des travaux avant le 18 octobre 2011, les discussions entre son gérant et le syndic de l'immeuble et gérant du bien qu'elle louait ayant débuté plusieurs semaines avant, ainsi que cela était établi par le constat d'huissier qu'elle avait fait dresser le 17 octobre 2011 pour faire acter l'absence de porte palière au 2e étage de l'immeuble en faisant photographier les plaques au plafond au-dessus desquelles le plancher du lot n° 176 devait être établi, et que tant les baux successifs du lot n° 3 que le règlement de copropriété et l'état descriptif de division établissaient qu'elle n'avait aucun droit sur le volume au niveau du plancher haut du lot n° 3 dont elle s'était prévalue pour s'opposer aux travaux, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté le vendeur d'un lot (la société Novaxia) de son recours en garantie contre le locataire (la société Spilan) d'un autre lot ;
AUX MOTIFS QUE, sur la demande garantie formée par la société Novaxia contre la société Spilan, il venait d'être dit que la condition suspensive avait défailli en raison de la faute de la société Novaxia qui n'avait pas prévu de temps suffisant entre l'avant-contrat de vente et la réitération pour permettre la réalisation au 31 octobre 2012 (il faut lire 2011) des travaux qu'elle avait elle-même conçus ; que la société Spilan, qui n'avait été formellement avisée que le 18 octobre 2012 (il faut lire 2011), n'avait pas résisté abusivement aux travaux, eu égard aux informations qu'elle détenait à cette date, étant observé que l'ordonnance du 13 avril 2012 n'avait pas fait droit à la demande d'accès aux locaux formée par la société Novaxia ;
ALORS QUE la cassation à intervenir sur la troisième branche du premier moyen, tendant à l'absence de responsabilité du vendeur dans la défaillance de la condition suspensive relative à l'exécution des travaux, entraînera de plein droit, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande en garantie formée à l'encontre de la locataire en raison de son opposition à la réalisation de ces travaux, par application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile.