LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a assigné son fils, M. X..., en paiement des sommes de 3 000 euros et 20 000 euros qu'elle prétendait lui avoir prêtées ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à Mme X... la somme de 20 000 euros, avec intérêts annuels au taux de 5 % à compter du 11 avril 2011, alors, selon le moyen :
1°/ que, pour valoir commencement de preuve par écrit, l'écrit doit émaner de la personne à laquelle il est opposé et non de celle qui s'en prévaut ; que ne constitue pas un commencement de preuve par écrit la remise d'un chèque du prétendu prêteur à l'emprunteur ; qu'en décidant, néanmoins, du contraire, la cour d'appel a violé l'article 1347 du code civil dans son ancienne rédaction applicable au litige ;
2°/ que la remise et l'endossement d'un chèque démontrent seulement la réalité de la remise des fonds, en aucun cas l'obligation de le restituer ; que, pour avoir décidé du contraire, la cour d'appel a violé l'article 1348 du code civil dans son ancienne rédaction applicable au litige ;
3°/ que, pour retenir, à titre de complément de preuve, un décompte manuscrit d'intérêts pour l'année 2009 évaluant à la somme de 802,79 euros les intérêts sur la somme de 20 000 euros, la cour d'appel a affirmé que ce décompte était « attribué par l'appelante à l'épouse de M. X... » ; qu'en statuant de la sorte, alors que nul ne saurait se constituer de preuve à lui-même, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil dans son ancienne rédaction applicable au litige ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a retenu que Mme X... s'était trouvée dans l'impossibilité morale de solliciter de son fils une reconnaissance de dette, a estimé, par une appréciation souveraine des éléments de preuve versés aux débats, que l'endossement du chèque de 20 000 euros et la remise par M. X... à sa mère d'un chèque de 802,78 euros correspondant au montant des intérêts annuels de 5 % pour l'année 2009 selon décompte manuscrit établi par l'épouse de M. X..., établissaient l'existence du prêt litigieux ; qu'elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles 1315, 1347 et 1348 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu que, pour condamner M. X... à verser à Mme X... la somme de 3 000 euros, l'arrêt retient que les deux chèques de 200 euros qu'il a établis au bénéfice de sa mère, les 13 mars et 12 avril 2010, constituent un commencement d'exécution du plan de remboursement, correspondant aux mentions que celle-ci avait portées au bas d'un relevé de compte ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans constater la remise par Mme X... de la somme litigieuse que M. X... contestait avoir reçue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X... à verser à Mme X... la somme de 2 600 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2011, l'arrêt rendu le 24 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Monsieur X... à verser à Madame Y... X... la somme de 2600€ avec intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2011;
AUX MOTIFS QUE « il n'est pas contestable qu'aucun des prêts dont se prévaut Madame X... n'a donné lieu à une reconnaissance de dette ou un acte juridique ; il ressort cependant des dispositions de l'article 1348 du code civil que la nécessité de prouver par un acte devant notaire ou sous signatures privées de toutes chose excédant la valeur de 1500€, reçoit exception lorsque l'une des parties n'a pas eu la possibilité morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique, les dispositions de l'article 1347 relatives au commencement de preuve par écrit devenant de ce fait applicables ; Madame X... invoque s'être trouvée dans cette situation d'impossibilité morale pour chacun des deux prêts consentis à son fils, l'un par la remise de liquidités à hauteur de 3000€ le 11 Juin 2009 et l'autre par la remise d'un chèque de 20 000€ le 9 Mars 2009 ; Monsieur X... conteste cette impossibilité morale, compte tenu des relations difficiles existant entre les parties ; cette dernière affirmation est contredite par le fait même qu'à tout le moins, Madame X... a remis à son fils un chèque de 20 000€ le 9 Mars 2009, que celui-ci prétend avoir été effectuée à titre de don, malgré leur contexte relationnel difficile ; cette incohérence entre l'allégation par le fils d'une part d'une donation faite à son profit par sa mère et d'autre part d'un conflit entre les parties rendant possible à la mère de solliciter une reconnaissance de dette ne permet pas de ne pas retenir l'impossibilité morale pour Madame X... de se procurer un écrit ; en conséquence, et il sera fait application des dispositions de l'article 1348 du code civil, et de celles de l'article 1347 du même code auxquelles il est renvoyé par cet article ; s'agissant du prêt de 3000€, fait au moyen d'espèces retirées de son compte à cet effet le 11 juin 2009, Madame X... fait valoir qu'il a été prévu que son remboursement en soit effectué par mensualités de 200€ à partir de décembre 2010 ; il est justifié à cet égard de deux chèques de 200 € établis par Monsieur X... au bénéfice de Madame X... le 13 mars 2010 et le 12 avril 2010, sur lesquels celui-ci n'apporte aucune explication crédible, l'allégation que c'était pour "dépanner" sa mère ne résistant pas à l'examen des relevés de compte créditeurs de Madame X..., allégation également contredite par la périodicité et le montant régulier des versements correspondants très exactement aux mensualités de remboursement ; ces versements constituent donc un commencement d'exécution du plan de remboursement dont se prévaut Madame X..., confortant la mention manuscrite apposée par Madame X... au bas de son relevé de compte relative au montant du prêt et aux modalités de son remboursement ; il s'impose cependant de relever que les remboursements ayant été effectués à hauteur de 400 €, et la somme prêtée étant, selon cette mention, de 3000 €, Monsieur X... ne reste redevable que de 2600 € qu'il sera en conséquence condamné à payer avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure reçue le 11 avril 2011 » (cf. arrêt attaqué p.3 etamp; 4) ;
1°/ ALORS QUE, d'une part, la preuve de l'existence d'une obligation doit être rapportée par celui qui s'en prétend créancier ; qu'en l'absence de toute reconnaissance de dette, c'est au prétendu prêteur de rapporter la preuve de la remise des fonds, laquelle ne peut se déduire des seuls versements de l'emprunteur constitutifs de commencement d'exécution ; qu'en retenant l'existence d'un prêt de 3.000 euros de Mme X... au profit de son fils, lequel contestait la remise des fonds, au regard de deux chèques de 200 € de ce dernier au profit sa mère, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de les articles 1315, 1347 et 1348 du code civil dans leur ancienne rédaction applicable au litige ;
2°/ ALORS QUE, d'autre part, nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ; qu'en retenant l'existence d'un prêt de 3000 € selon les modalités dont se prévalaient Mme X..., au vu d'un plan de remboursement établi par cette dernière et d'une mention manuscrite apposée par elle-même sur son relevé de compte, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil dans son ancienne rédaction applicable au litige.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Monsieur Emmanuel X... à verser à Madame Y... X... la somme de 20 000€ avec intérêts annuels au taux de 5% à compter du 11 avril 2011 ;
AUX MOTIFS QU' « il n'est pas contestable qu'aucun des prêts dont se prévaut Madame X... n'a donné lieu à une reconnaissance de dette ou un acte juridique ; il ressort cependant des dispositions de l'article 1348 du code civil que la nécessité de prouver par un acte devant notaire ou sous signatures privées de toutes chose excédant la valeur de 1500€, reçoit exception lorsque l'une des parties n'a pas eu la possibilité morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique, les dispositions de l'article 1347 relatives au commencement de preuve par écrit devenant de ce fait applicables ; Madame X... invoque s'être trouvée dans cette situation d'impossibilité morale pour chacun des deux prêts consentis à son fils, l'un par la remise de liquidités à hauteur de 3000€ le 11 Juin 2009 et l'autre par la remise d'un chèque de 20 000€ le 9 Mars 2009 ; Monsieur X... conteste cette impossibilité morale, compte tenu des relations difficiles existant entre les parties ; cette dernière affirmation est contredite par le fait même qu'à tout le moins, Madame X... a remis à son fils un chèque de 20 000€ le 9 Mars 2009, que celui-ci prétend avoir été effectuée a titre de don, malgré leur contexte relationnel difficile ; cette incohérence entre l'allégation par le fils d'une part d'une donation faite à son profit par sa mère et d'autre part d'un conflit entre les parties rendant possible à la mère de solliciter une reconnaissance de dette ne permet pas de ne pas retenir l'impossibilité morale pour Madame X... de se procurer un écrit ; en conséquence, et il sera fait application des dispositions de l'article 1348 du code civil, et de celles de l'article 1347 du même code auxquelles il est renvoyé par cet article ; (
) s'agissant du prêt de 20 000 €, le commencement de preuve par écrit constitué par la remise du chèque du 9 mars 2009 à Monsieur X... est conforté par le remboursement des intérêts annuels de 5 % prévus, soit pour l'année 2009 la remise par Monsieur X... d'un chèque de 802, 78 € établi au profit de sa mère, et correspondant à un décompte manuscrit d'intérêts pour l'année 2009 attribué par l'appelante à l'épouse de Monsieur X... ; Monsieur X... invoque vainement un don effectué à son profit, en alléguant confusément une remise de ce chèque à madame X... au titre des intérêts que la somme donnée aurait produits pour l'année 2009, et pour permettre ainsi à sa mère d'effectuer un voyage ; outre que le montant créditeur du compte de Madame X... ne nécessitait pas d'aide financière de la part de son fils pour effectuer un voyage, l'incohérence entre l'allégation d'une donation mais le versement des intérêts que la somme donnée aurait produits si elle était restée sur le compte de la donatrice rend peu crédible cette explication du montant exact de la somme de 802,78 € versée sans conteste à Madame X... ; Monsieur X... sera en conséquence condamné à rembourser la somme prêtée de 20 000 € avec intérêts au taux de 5 % à compter de la mise en demeure reçue le 11 avril 2011 » (cf. arrêt attaqué p.3 etamp; 4) ;
1/ ALORS QUE, d'une part, pour valoir commencement de preuve par écrit, l'écrit doit émaner de la personne à laquelle il est opposé et non de celle qui s'en prévaut ; que ne constitue pas un commencement de preuve par écrit la remise d'un chèque du prétendu prêteur à l'emprunteur ; qu'en décidant néanmoins du contraire, la cour d'appel a violé l'article 1347 du code civil dans son ancienne rédaction applicable au litige ;
2 (subsidiaire) ALORS QUE la remise et l'endossement d'un chèque démontrent seulement la réalité de la remise des fonds, en aucun cas l'obligation de le restituer : que pour avoir décidé du contraire la cour d'appel a violé l'article 1348 du code civil dans son ancienne rédaction applicable au litige.
3/ ALORS QUE, de surcroît, pour retenir, à titre de complément de preuve, un décompte manuscrit d'intérêts pour l'année 2009 évaluant à la somme de 802, 79 € les intérêts sur la somme de 20.000 €, la cour d'appel a affirmé que ce décompte était « attribué par l'appelante à l'épouse de Monsieur X... » ; qu'en statuant de la sorte, alors que nul ne saurait se constituer de preuve à lui-même, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil dans son ancienne rédaction applicable au litige.