LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société BNP Paribas (la banque) a consenti à M. X... (l'emprunteur), le 14 mai 2009, un prêt personnel d'un montant de 45 000 euros, remboursable en cent-huit mensualités de 586,37 euros, au taux fixe de 6,85 % l'an, et, le 19 mai 2011, un crédit renouvelable utilisable par fractions d'un montant maximal autorisé de 5 000 euros ; que, des défaillances de paiement étant intervenues, la banque, après avoir, par deux lettres recommandées avec accusé de réception du 14 juin 2012, prononcé, d'une part, la déchéance du terme du prêt personnel, d'autre part, l'exigibilité anticipée du crédit renouvelable, a assigné l'emprunteur en paiement ;
Attendu que, pour condamner l'emprunteur à payer à la banque, au titre du prêt personnel, les sommes de 34 133,73 euros, avec intérêts au taux contractuel de 6,85 % à compter du 27 novembre 2012, et celle de 500 euros au titre de l'indemnité de résiliation, et, au titre du crédit renouvelable, celle de 4 393,23 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2012, l'arrêt retient que, s'il n'est pas établi que l'emprunteur a été personnellement destinataire de mises en demeure préalables d'avoir à remplir ses obligations, l'assignation vaut une telle mise en demeure et constitue le point de départ des intérêts des sommes dues ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non-commerçant entraînera la déchéance du terme ou l'exigibilité anticipée du prêt, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier, sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne la société BNP Paribas aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Me Z..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Z..., avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR condamné M. X... à payer à la banque la somme de 34 133,73 euros avec intérêts au taux contractuel de 6,85 % à compter du 27 novembre 2012 et celle de 500 euros au titre de l'indemnité de résiliation avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement concernant le prêt personnel du 14 mai 2009 et D'AVOIR condamné M. X... à payer à la banque la somme de 4 393,23 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2012, date de l'assignation, au titre du crédit renouvelable du 19 mai 2011 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur l'exigibilité anticipée des deux prêts, le contrat de prêt signé le 14 mai 2009 prévoyait, en cas de défaillance de l'emprunteur, que l'exigibilité anticipée interviendrait après mise en demeure préalable de régulariser, adressée à l'emprunteur par lettre recommandée avec accusé de réception et demeurée sans effet ; que le contrat de prêt Provisio signé le 19 mai 2011 autorisait le prêteur, en cas de défaillance de l'emprunteur, à résilier ledit contrat et exiger le remboursement immédiat de toutes les sommes dues au titre de celui-ci, cette décision devant être communiquée à l'emprunteur au moyen d'une lettre recommandée avec avis de réception, après mise en demeure préalable ; que M. X... oppose à la demande en paiement de la BNP Paribas le fait que les mises en demeure préalables n'ont pas été adressées avant la notification de l'exigibilité anticipée du prêt personnel et du crédit renouvelable ; que la clause tenant à la délivrance d'une mise en demeure préalable n'était pas assortie d'une sanction telle que la déchéance du droit de la BNP-Paribas de poursuivre le recouvrement de sa créance ; que l'exigence de ces mises en demeure doit s'interpréter comme constituant le point de départ des intérêts contractuels en cas de déchéance du terme au sens de l'article L. 311-30 ancien et L. 311-24 nouveau du code de la consommation ; qu'il en résulte que M. X... n'est pas fondé, sauf à extrapoler les termes des contrats signés les 14 mai 2009 et 19 mai 2011, à conclure au rejet des demandes en paiement de la BNP Paribas en se prévalant de l'absence d'une mise en demeure préalable ; que la BNP Paribas conclut avoir adressé à l'emprunteur une mise en demeure le 21 mars 2012 et se trouver dans l'impossibilité matérielle de verser aux débats l'accusé de réception de ce courrier en expliquant ne pas l'avoir conservé ; que la mise en demeure ainsi formalisée le 21 mars 2012 visait le compte de dépôt de M. X... référencé sous le numéro [...] qui présentait un solde débiteur de 206,02 euros au 21 mars 2012, la BNP Paribas rappelant qu'il s'agissait d'un découvert non autorisé et qu'elle était légalement tenue de ne pas laisser persister ce dépassement au-delà de trois mois ; que si cette mise en demeure ne vise pas expressément le prêt personnel de 45 000 euros ni le crédit renouvelable Provisio de 5 000 euros dont les mensualités de remboursement étaient toutes prélevées sur le compte de dépôt, elle y fait référence en énonçant « sans accord amiable de remboursement formalisé, ou sans régularisation du solde débiteur de votre compte et vos éventuelles échéances de remboursement de crédits impayés au terme d'un délai de 60 jours à compter de celle lettre, BNP Paribas sera contraint de procéder à la clôture juridique de votre compte et au recouvrement de sa créance » ; qu'ensuite, la lettre datée du 14 juin 2012 notifiant l'exigibilité anticipée du prêt personnel souscrit le 14 mai 2009 fait référence à un courrier de mise en demeure demeuré sans réponse, bien que n'en rappelant pas les références ; que l'autre lettre du 14 juin 2012 notifiant l'exigibilité du prêt Provisio se réfère quant à elle à un courrier du 1er janvier 2012 resté sans réponse par lequel la BNP Paribas indique « avoir informé M. Jean-Yves X... de l'absence de provision sur son compte entraînant l'impossibilité d'amortir sa réserve Provisio/Aurore dans les conditions prévues au contrat signé le 19 mai 2011 » ; que ces constatations ne permettent pas de retenir que M. X... a été personnellement destinataire des mises en demeure, la banque ne produisant pas les accusés de réception de ses courriers recommandés ; que c'est à bon droit que le premier juge a retenu que l'assignation en justice du 27 novembre 2012 valait mise en demeure et constituait en conséquence le point de départ des intérêts des sommes dues ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, selon l'article L. 311-30 ancien du code de la consommation, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ; que jusqu'à la date du règlement effectif les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt ; qu'en outre, l'article 5-2 du contrat prévoit que l'exigibilité anticipée interviendra après mise en demeure préalable de régulariser, adressée à l'emprunteur par lettre recommandée avec accusé de réception restée sans effet ; que M. X... soutient que ces dispositions n'ont pas été respectées et que l'exigibilité anticipée du prêt n'a pas été valablement prononcée ; que la banque soutient que le courrier du 21 mars 2012 révèle qu'elle a respecté les dispositions contractuelles ; que cependant ce courrier concerne le découvert du compte courant et non l'exigibilité des prêts et que de plus l'accusé de réception n'est pas produit ; que toutefois si la preuve de l'envoi d'une mise en demeure avec accusé de réception n'est pas rapportée par les pièces versées aux débats par la banque, l'assignation en justice vaut mise en demeure ; que dès lors l'argumentation du défendeur ne peut être retenue et l'exigibilité anticipée du prêt est ainsi valide ;
ALORS, 1°), QUE si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ; qu'en considérant que la déchéance du terme était acquise après avoir pourtant relevé que la banque ne justifiait pas de l'envoi de de la mise en demeure préalable de régulariser prévue par les contrats de prêts, la délivrance d'une assignation en justice ne pouvait pas suppléer, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
ALORS, 2°), QU'en considérant, pour dire que les poursuites de la banque sont opposables à l'emprunteur, que les mises en demeures préalables à la déchéance du terme prévues dans les contrats de prêt des 14 mai 2009 et 19 mai 2011 doivent s'interpréter comme n'étant requises que pour donner une date de départ pour la computation des intérêts contractuels en cas de déchéance du terme, quand ces contrats mentionnaient « la mise en demeure préalable de régulariser » comme une condition de l'exigibilité anticipée de la dette, la cour d'appel a dénaturé ces contrats en méconnaissance du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les éléments de la cause.