LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles 14, 683, 684 du code de procédure civile et 21 du Protocole judiciaire entre la France et l'Algérie annexé au décret n° 62-1020 du 29 août 1962 ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que l'acte destiné à être notifié par le secrétaire d'une juridiction à une personne qui demeure en Algérie est notifié par la transmission de l'acte au parquet du lieu où se trouve le destinataire ; que lorsque l'intéressé est de nationalité française, il peut l'être aussi par une autorité consulaire française ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Hocine X... est décédé le [...] des suites d'un cancer broncho-pulmonaire imputable à son exposition à l'amiante sur le territoire français ; que Mme Hadda X..., petite-fille du défunt, après avoir été indemnisée de son préjudice personnel par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA), a présenté une demande d'indemnisation des préjudices subis par ses deux filles mineures, A... et Amina Y... ; que par lettre du 21 novembre 2014, le FIVA a notifié à Mme X... une décision de rejet fondée sur l'absence de proximité affective entre le défunt et ses arrières petites-filles ; que Mme X..., agissant en qualité de représentante légale de ses filles mineures, a saisi la cour d'appel de Paris d'un recours contre cette décision ;
Attendu que l'arrêt, qui déclare la demande irrecevable, relève que Mme X... n'était ni comparante ni représentée à l'audience des débats ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt ni des pièces de la procédure que Mme X... avait été régulièrement convoquée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Le moyen fait grief à l'arrêt D'AVOIR déclaré Mme X... irrecevable en son action ;
AUX MOTIFS QUE «L'article 27 du décret du 23 octobre 2001 dispose : La demande est formée par déclaration écrite remise en double exemplaire contre récépissé au greffe de la cour d'appel ou adressée à ce même greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La déclaration doit indiquer les nom, prénom et adresse du demandeur et préciser l'objet de la demande. Lorsque la déclaration ne contient pas l'exposé des motifs invoqués, le demandeur doit déposer cet exposé au greffe dans le mois qui suit le dépôt de la déclaration, à peine d'irrecevabilité de la demande. Le premier courrier adressé à la cour est reçu le 13 janvier 2015. Contrairement aux affirmations du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante il comprend une motivation: "En effet, le FIVA ayant étendu la notion d'ayant droit aux (enfants, petits-enfants, frères...) du défunt et que moi-même j‘ai été indemnisée, c ‘est à juste titre que j‘ai fait ma demande d'indemnisation au profit de mes deux filles ". Le courrier du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante refusant l'indemnisation des arrières petites filles. du défunt est daté du 21 novembre 2014. Un courrier rectificatif émanant du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante courrier qui "annule et remplace le courrier du 21 novembre 2014" est daté du 29 décembre 2014. Il n ‘est donc pas établi que les délais n ‘aient pas été respectés. Il reste cependant que la demande n ‘est pas chiffrée ; à défaut, elle est dépourvue d'objet et ne répond pas aux exigences de l'article 58 du code de procédure civile elle est donc irrecevable »;
ALORS QUE une demande en justice non chiffrée n'est pas, de ce seul fait, irrecevable ; qu'en jugeant l'inverse, la cour d'appel a violé ensemble les articles 27 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 et 58 du code de procédure civile ;
ALORS QUE chacun a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ; qu'en décidant que Mme X... était irrecevable en son action, tendant à ce que le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante indemnise ses filles du préjudice subi du fait du décès de leur arrière-grand-père dû à l'amiante, au seul motif que sa demande n'était pas chiffrée, la cour d'appel a privé Mme X... de son droit à un procès équitable, en violation de l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.