LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° Q 15-26.017 et n° G 15-26.057 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 août 2015), que la société d'architecture Boutin (la société Boutin), assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), s'est vu confier la maîtrise d'oeuvre de la réalisation de quatre immeubles dont les fondations ont été exécutées par la société Girondine de construction, assurée par la SMABTP ; que la réception a été prononcée le 2 octobre 1998 pour les bâtiments C et D et le 28 janvier 1999 pour les bâtiments A et B ; qu'en 2004 et 2005, après avoir pris connaissance d'un rapport établi par le cabinet d'études Icos, le syndicat des copropriétaires a déclaré des sinistres à la société Mutuelle assurance artisanale de France (la MAAF), assureur dommages-ouvrage, pour des fissures apparues sur les bâtiments, puis a obtenu, le 27 octobre 2008, la désignation d'un expert judiciaire qui a déposé son rapport, le 19 mars 2012, pour les quatre bâtiments ; qu'en cours d'expertise, le syndicat des copropriétaires a assigné en indemnisation la MAAF qui, en janvier 2012, a appelé en garantie la SMABTP, la société Boutin et la MAF ;
Sur le premier moyen du pourvoi de la société Boutin et de la MAF, le moyen unique du pourvoi de la SMABTP et le moyen unique des pourvois incidents de la MAAF, réunis, ci-après annexés :
Attendu que la société Boutin, la MAF, la SMABTP et la MAAF font grief à l'arrêt de les condamner, in solidum, à payer certaines sommes au syndicat des copropriétaires pour les bâtiments A, C et D ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, au vu des rapports de la société Icos et de l'expert judiciaire, que les quatre bâtiments, construits sur un sol argileux identique, présentaient la même inadaptation des fondations et, depuis 2004, étaient affectés de fissures, dont certaines traversantes et qui étaient à relier à des mouvements de fondation entraînant un phénomène généralisé et évolutif d'affaiblissement de la structure des immeubles, la cour d'appel a pu en déduire, sans dénaturation, que, nonobstant la dégradation plus avancée du bâtiment B, les désordres constatés dans le délai décennal portaient atteinte à la solidité des quatre bâtiments et a légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen du pourvoi de la société Boutin et de la MAF, ci-après annexé :
Attendu que la société Boutin et la MAF font grief à l'arrêt de les condamner, in solidum avec la SMABTP, à payer à la MAAF une certaine somme au titre des reprises du bâtiment B ;
Mais attendu qu'ayant retenu que le délai décennal avait été interrompu par l'assignation, délivrée par le syndicat des copropriétaires à la société Boutin et à la MAF, ayant donné lieu à une ordonnance du 27 octobre 2008 qui avait fait courir un nouveau délai de dix ans, la cour d'appel en a exactement déduit que l'assignation délivrée, dans ce nouveau délai, à l'architecte et à son assureur par la MAAF, subrogée dans les droits du maître d'ouvrage, était recevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque demanderesse la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal n° Q 15-26.017 par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société d'architecture Thierry Boutin et la société Mutuelle des architectes français,
Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné in solidum la SAS T. Boutin et la MAF, avec la SMABTP, à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 545 403 € HT pour chacun des bâtiments A, C et D, outre la TVA applicable au jour du paiement,
Aux motifs que « la société d'architecture T. Boutin, la SMABTP et la MAAF admettent le caractère décennal des désordres affectant le bâtiment B mais l'excluent pour les bâtiments A, C et D, construits selon elles sur un sol aux caractéristiques différentes de celui supportant le bâtiment B et dont le caractère de gravité des fissures les affectant n'a été constaté par l'expert que postérieurement à l'expiration du délai de garantie décennale.
Il ressort du rapport d'expertise de M. Z... que le terrain d'assiette des quatre bâtiments est constitué de formations essentiellement argileuses, généralement de sensibilité A3 au niveau des fondations ; qu'une étude de sols réalisée en janvier 2006 par la société Temsol pour le bâtiment B qui avait présenté des aggravations lors de l'été 2005, a révélé la présence d'argile très sensible à fort potentiel de variations volumétriques (retrait/gonflement) en cas de déséquilibre hydrique ; que deux études de sols complémentaires réalisées en 2010 et 2011 en cours d'expertise ont confirmé la présence de sols argileux de forte sensibilité aux variations hydriques sous tous les bâtiments.
Si les désordres affectant le bâtiment B ont évolué plus vite en raison de sa situation à proximité de la vallée d'un ancien ruisseau, l'expert a considéré qu'ils constituaient des malfaçons ou des vices graves pour les quatre bâtiments, dans la mesure où les fondations avaient été établies superficiellement et/ou sans précautions particulières, dans des argiles de forte sensibilité.
L'expert a précisé que dès avant 2004-2005, les bâtiments connaissaient des problèmes de fissuration dont l'essentiel, oblique, biais, en escalier, partant le plus souvent en angles, était à relier à des mouvements de fondations, ce qui avait été mis en évidence notamment par un rapport Icos en 2004.
M. Z... s'est expliqué sur la nature et l'origine des désordres dans les réponses aux dires des avocats des parties qui soutenaient que seul le bâtiment B était atteint de désordres de caractère décennal. Il a précisé les raisons, liées à l'implantation des différents ouvrages sur une assiette aux caractéristiques géologiques identiques, pour lesquelles les fissures du bâtiments B s'étaient aggravées plus rapidement que pour les autres, lesquels étaient néanmoins atteints dès 2004 de fissures traversantes portant atteinte à leur solidité, ce qui établit l'existence d'un dommage de nature décennale qui s'est manifesté dès cette date.
La cour ne saurait remettre en cause l'avis éclairé et circonstancié de l'expert judiciaire en se fondant sur des documents produits par les parties qui n'ont pas été contradictoirement débattus au cours des opérations d'expertise, en particulier le rapport du cabinet Cottet dont se prévaut la société d'architecture T. Boutin, rapport à partir duquel elle invoque les mêmes éléments de contestation que ceux qui avaient été développés par voie de dires devant M. Z..., et auxquels ce dernier avait répondu comme indiqué ci-dessus.
Ainsi que l'a relevé le tribunal, l'action en garantie décennale n'est pas prescrite pour les bâtiments A, C et D dès lors que l'assignation en référé expertise du septembre 2008 visait expressément « l'ensemble des fissures existantes sur l'ensemble des bâtiments ».
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a considéré que le syndicat des copropriétaires était fondé à mettre en jeu la responsabilité décennale pour chacun des bâtiments de la résidence » (arrêt p.12 etamp; 13) ;
Alors que, d'une part, des désordres ne peuvent être réparés sur le fondement de la garantie décennale que s'ils ont porté atteinte à la solidité de l'ouvrage ou l'ont rendu impropre à sa destination dans le délai de 10 ans courant à compter de la réception ;
qu'en l'espèce, la cour a condamné in solidum la SAS T. Boutin et la MAF, avec la SMABTP, à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 545 403 € HT pour chacun des bâtiments A, C et D, outre la TVA applicable au jour du paiement, sur le fondement de la garantie décennale ; qu'en statuant ainsi, sans justifier précisément que les désordres affectant ces bâtiments avaient la gravité décennale dans le délai décennal, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1792 et 1792-4-1 du Code civil ;
Alors que, d'autre part, la mise en jeu de la garantie décennale n'exige pas la recherche de la cause des désordres ; que le fait qu'un désordre ait la même cause qu'un autre désordre ayant la gravité décennale ne permet donc pas qu'il soit réparé sur le terrain de la garantie décennale ; qu'à l'appui de sa décision, la cour d'appel a relevé que les bâtiments A, C et D étaient, comme le bâtiment B, implantés sur une assiette aux caractéristiques géologiques identiques et que les fondations avaient été établies superficiellement sans précautions particulières sur un sol argileux sensible aux variations hydriques ; qu'en statuant par ces motifs, la cour a violé l'article 1792 du code civil ;
Alors qu'enfin, le juge ne peut dénaturer les pièces produites, notamment les rapports d'expertise ; qu'en l'espèce, aucune mention du rapport de l'expert judiciaire Monsieur Z... ne permet d'établir que les bâtiments A, C et D étaient affectés de désordres compromettant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination dans le délai de 10 ans courant à compter de la réception ; qu'en retenant que M. Z... avait précisé les raisons pour lesquelles les fissures du bâtiment B s'étaient aggravées plus rapidement que pour les autres, lesquels étaient néanmoins atteints dès 2004 de fissures traversantes portant atteinte à leur solidité, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause.
Le second moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SAS T. Boutin, in solidum avec la SMABTP, à verser à la MAAF, assureur dommages-ouvrage, la somme de 472 697,52 € au titre des travaux de réparation du bâtiment B ;
Aux motifs que « sur le recours subrogatoire de la MAAF :
La société d'architecture T. Boutin, la MAF et la SMABTP soutiennent que la MAAF est forclose à exercer une action subrogatoire à leur encontre au motif qu'elle ne les a assignées qu'en janvier 2012, soit plus de dix ans après la réception du bâtiment B qui a eu lieu le 28 janvier 1999 ; que seules les assignations délivrées à l'initiative du titulaire des droits contre les entreprises tenues sur le fondement de la responsabilité civile décennale peuvent interrompre la prescription décennale ; que tel n'a pas été le cas en l'espèce.
Toutefois, il apparait que la prescription a été valablement interrompue par la délivrance, à l'initiative du syndicat des copropriétaires de la résidence la Parc Montaigne, des assignations en référé expertise à l'encontre de la SMABTP et de la société d'architecture T. Boutin en septembre 2008.
Par suite, l'action introduite en 2012 par la MAAF contre la société d'architecture T. Boutin, la MAF et la SMABTP n'est pas prescrite.
L'assureur dommages-ouvrages, qui a préfinancé les travaux du bâtiment B, est subrogé dans les droits du syndicat des copropriétaires pour réclamer les sommes dont il s'est acquitté aux constructeurs ou à leurs assureurs.
En ce qui concerne les bâtiments A, C et D pour lesquels aucune indemnisation n'est encore intervenue, la MAAF, ainsi qu'en a décidé le tribunal, sera condamnée in solidum avec la société d'architecture T. Boutin, la MAF et la SMABTP, et déclarée fondée à être garantie par ces dernières. Il en sera de même pour les honoraires du syndic et le coût de l'assurance dommages-ouvrages.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la MAAF était fondée à opposer ses plafonds de garantie » (arrêt page 15, § 1 à 6),
Alors qu'une assignation délivrée par une partie n'a en principe pas d'effet interruptif au profit d'une autre ; qu'en l'espèce, la réception du bâtiment B a été prononcée le 28 janvier 1999 ; que pour admettre que l'action introduite en 2012 par la MAAF contrat la société d'architectes n'était pas prescrite, la cour a retenu que la prescription avait été interrompue par la délivrance, à l'initiative du syndicat de copropriété, de l'assignation en référé expertise à l'encontre de cette société ; qu'en se référant ainsi à un acte qui n'avait pas été délivré par la MAAF, la cour d'appel a violé l'article 1792-4-1 du Code civil.
Moyen produit au pourvoi principal n° G 15-26.057 par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, ayant décidé que les quatre bâtiments A, B, C et D d'un ensemble immobilier étaient affectés de vices de nature décennale, condamné l'assureur (la SMABTP) d'un locateur d'ouvrage, in solidum avec le maître d'oeuvre (la société d'architecture Thierry Boutin) et son assureur (la MAF), à régler diverses sommes au syndicat des copropriétaires de l'immeuble (le syndicat des copropriétaires de la Résidence Le Parc Montaigne) et à l'assureur dommages-ouvrage (la MAAF);
AUX MOTIFS QUE la société d'architecture Thierry Boutin, la SMABTP et la MAAF admettaient le caractère décennal des désordres affectant le bâtiment B, mais l'excluaient pour les bâtiments A, C et D, construits selon elles sur un sol aux caractéristiques différentes de celui supportant le bâtiment B et dont le caractère de gravité des fissures les affectant n'avait été constaté par l'expert que postérieurement à l'expiration du délai de garantie décennale; qu'il ressortait du rapport d'expertise de M. Z... que le terrain d'assiette des quatre bâtiments était constitué de formations essentiellement argileuses, généralement de sensibilité A3 au niveau des fondations ; qu'une étude de sols réalisée en janvier 2006 par la société Temsol pour Je bâtiment 8, qui avait présenté des aggravations lors de l'été 2005, avait révélé la présence d'argile très sensible à fort potentiel de variations volumétriques (retrait/gonflement) en cas de déséquilibre hydrique ; que deux études de sols complémentaires réalisées en 2010 et 2011 en cours d'expertise avaient confirmé la présence de sols argileux de forte sensibilité aux variations hydriques sous tous les bâtiments ; que si les désordres affectant le bâtiment B avaient évolué plus vite en raison de sa situation de proximité de la vallée d'un ancien ruisseau, l'expert avait considéré qu'ils constituaient des malfaçons ou des vices graves pour les quatre bâtiments, dans la mesure où les fondations avaient été établies superficiellement et/ou sans précautions particulières, dans des argiles de forte sensibilité ; que 1' expert avait précisé que dès avant 2004 - 2005, les bâtiments connaissaient des problèmes de fissurations dont l'essentiel, oblique, biais, en escalier, partant le plus souvent des angles, était à relier à des mouvements de fondations, ce qui avait été mis en évidence notamment par un rapport Icos en 2004; que M. Z... s'était expliqué sur la nature et l'origine des désordres dans les réponses aux dires des parties qui soutenaient que seul le bâtiment B était atteint de désordres de caractère décennal; qu'il avait précisé les raisons, liées à l'implantation des différents ouvrages sur une assiette aux caractéristiques géologiques identiques, pour lesquelles les fissures du bâtiment B s'étaient aggravées plus rapidement que pour les autres, lesquels étaient néanmoins atteints dès 2004 de fissures traversantes portant atteinte à leur solidité, ce qui établissait l'existence d'un dommage de nature décennale qui s'était manifesté dès cette date; que la cour ne saurait remettre en cause l'avis éclairé et circonstancié de l'expert judiciaire, en se fondant sur des documents produits par les parties qui n'avaient pas été contradictoirement débattus au cours des opérations d'expertise, en particulier le rapport du cabinet Cottet dont se prévalait la société d' architecture Thierry Boutin, rapport à partir duquel elle invoquait les mêmes éléments de contestation que ceux qui avaient été développés par voie de dires devant M. Z..., et auxquels ce dernier avait répondu comme indiqué ci-dessus ; qu'ainsi que l'avait relevé le tribunal, l'action en garantie décennale n'était pas prescrite pour les bâtiments A, C et D, dès lors que l'assignation en référé expertise du 26 septembre 2008 visait expressément « l'ensemble des fissures existantes sur l'ensemble des bâtiments » ; qu'en conséquence, le jugement devait être confirmé, en ce qu'il avait considéré que le syndicat des copropriétaires était fondé à mettre en jeu la garantie décennale pour chacun des bâtiments de la résidence;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'apparition des désordres avait eu lieu 5 à 6 ans après la réception et la première déclaration de sinistre auprès de la MAAF avait eu lieu le 27 décembre 2004, concernant tous les bâtiments ; qu'il résultait clairement du rapport d'expertise de M. Z... que le terrain d'assiette des quatre bâtiments était constitué des mêmes formations essentiellement argileuses, avec quelques écarts liés à la nature des alluvions ; qu'en particulier, compte tenu de la topographie et de la géologie du site, il était logique que le bâtiment B ait été atteint en premier et avec intensité, puis le bâtiment C, et enfin, les bâtiments D et A, plus éloignés de la vallée d'un ancien ruisseau ; qu'il n'en demeurait pas moins que la cause des désordres était la même, à savoir la nature du sol liée à l'absence de précisions particulières, dans l'étude lngésol de 1997, quant à la sensibilité des sols et à leur comportement; que M. Z... expliquait également qu'en présence de fondations inadaptées, les tassements et différentiels dus aux mouvements alternatifs, variables et saisonniers des sols au gré des variations hydriques, conduisaient à la longue à une extension des réseaux de fissures et à un affaiblissement de la structure de l'ouvrage qui perdait sa rigidité et sa capacité de résistance ; que M. Z... ajoutait que les désordres se propageaient avec l'affaiblissement et s'amplifiaient au fur et à mesure que la structure perdait sa résistance et que l'action des argiles perdurait ; que cette description caractérisait exactement les désordres évolutifs et généralisés permettant de retenir la garantie décennale pour l'ensemble des quatre bâtiments, étant rappelé que dès Je rapport lcos de 2004, il avait bien été constaté que les quatre bâtiments présentaient des fissures, ce qui avait été confirmé par le rapport Saretec en 2005 ; que Je lien pressenti entre ces fissures et des mouvements de fondations s'était trouvé confirmé à chaque placement de la commune de [...] en « CATNA T » ; que le bâtiment B avait mobilisé l'attention en raison de son évolution plus rapide, mais les autres bâtiments évoluaient aussi, quoique plus faiblement ; que M. Z... concluait formellement que dès 2004, le désordre était généralisé avec fissures, ce qui portait atteinte à la solidité de l'ouvrage ; que le caractère décennal du désordre était donc acquis dès cette date ; que, de plus, l'assignation en référé du 26 septembre 2008, ayant permis la désignation de M. Z... par ordonnance du 27 octobre suivant, visait expressément «l'ensemble des fissures existantes sur l'ensemble des bâtiments», de sorte qu'aucune prescription ne pouvait être valablement invoquée; qu'enfin, si la MAF n'avait pas été assignée en référé, la SAS Boutin l'avait été et, en l'absence de toute fraude de celle-ci aux droits de l'assureur, la mise en cause de l'assuré constituait la réalisation du risque;
1° ALORS QUE des dommages ne relèvent de la garantie décennale que si, dans le délai de forclusion de dix ans, ils revêtent le caractère de gravité requis; qu'en ayant jugé que les fissures affectant les bâtiments A, C et D avaient un caractère décennal, sans rechercher si, au contraire de ce qui s'était passé pour le bâtiment 8, ces désordres avaient, dans le délai d'épreuve décennal, atteint le degré de gravité requis pour la mise en oeuvre de la garantie décennale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil;
2° ALORS QU'une cause unique de désordres affectant un ensemble immobilier n'implique pas que tous les bâtiments de cet ensemble seront affectés de désordres portant atteinte à leur solidité dans le délai d'épreuve décennal ; qu'en jugeant que les bâtiments A, C et D de l'immeuble étaient affectés, au même titre que le bâtiment 8, de désordres de nature décennale, au motif que les fissures constatées dans ces quatre bâtiments procédaient de la même cause, soit de l'insuffisance des fondations édifiées sur un sol argileux sensible aux variations hydriques, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil;
3° ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs; qu'en omettant de répondre au moyen opérant de la SMABTP (p. 12 de ses conclusions), tiré de ce que le syndicat de copropriétaires n'avait pas rapporté la preuve que les fissures des bâtiments A, C et D examinées par l'expert judiciaire en 2012 étaient les mêmes que celles déjà apparues en 2004, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile.
Moyen unique identique produit au pourvoi incident n° Q 15-26.017 et G 15-26.057 par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la MAAF assurances
Il est fait grief à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR condamné la MAAF, in solidum avec la société d'architecture Thierry Boutin, la MAF et la SMABTP à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence le Parc Montaigne, la somme de 545 403,00 euros HT pour chacun des bâtiments A, C et D, avec indexation sur l'indice BT01 à compter du 19 mars 2012 et jusqu'à ce jour, montant auquel il conviendra d'ajouter la TVA applicable au jour du paiement pour les sommes qui y sont assujetties selon le décompte de l'expert ;
AUX MOTIFS QUE « la société d'architecture T. Boutin, la SMABTP et la MAAF admettent le caractère décennal des désordres affectant le bâtiment B mais l'excluent pour les bâtiments A, C et D, construits selon elles sur un sol aux caractéristiques différentes de celui supportant le bâtiment B et dont le caractère de gravité des fissures les affectant n'a été constaté par l'expert que postérieurement à l'expiration du délai de garantie décennale ; qu'il ressort du rapport d'expertise de M. Z... que le terrain d'assiette des quatre bâtiments est constitué de formations essentiellement argileuses, généralement de sensibilité A3 au niveau des fondations ; qu'une étude de sols réalisée en janvier 2006 par la société Temsol pour le bâtiment B qui avait présenté des aggravations lors de l'été 2005, a révélé la présence d'argile très sensible à fort potentiel de variations volumétriques (retrait/gonflement) en cas de déséquilibre hydrique ; que deux études de sols complémentaires réalisées en 2010 et 2011 en cours d'expertise ont confirmé la présence de sols argileux de forte sensibilité aux variations hydriques sous tous les bâtiments ; que si les désordres affectant le bâtiment B ont évolué plus vite en raison de sa situation à proximité de la vallée d'un ancien ruisseau, l'expert a considéré qu'ils constituaient des malfaçons ou des vices graves pour les quatre bâtiments, dans la mesure où les fondations avaient été établies superficiellement et/ou sans précautions particulières, dans des argiles de forte sensibilité ; que l'expert a précisé que dès avant 2004-2005, les bâtiments connaissaient des problèmes de fissuration dont l'essentiel, oblique, biais, en escalier, partant le plus souvent en angles, était à relier à des mouvements de fondations, ce qui avait été mis en évidence notamment par un rapport Icos en 2004 ; que M. Z... s'est expliqué sur la nature et l'origine des désordres dans les réponses aux dires des avocats des parties qui soutenaient que seul le bâtiment B était atteint de désordres de caractère décennal ; qu'il a précisé les raisons, liées à l'implantation des différents ouvrages sur une assiette aux caractéristiques géologiques identiques, pour lesquelles les fissures du bâtiments B s'étaient aggravées plus rapidement que pour les autres, lesquels étaient néanmoins atteints dès 2004 de fissures traversantes portant atteinte à leur solidité, ce qui établit l'existence d'un dommage de nature décennale qui s'est manifesté dès cette date ; que la cour ne saurait remettre en cause l'avis éclairé et circonstancié de l'expert judiciaire en se fondant sur des documents produits par les parties qui n'ont pas été contradictoirement débattus au cours des opérations d'expertise, en particulier le rapport du cabinet Cottet dont se prévaut la société d'architecture T. Boutin, rapport à partir duquel elle invoque les mêmes éléments de contestation que ceux qui avaient été développés par voie de dires devant M. Z..., et auxquels ce dernier avait répondu comme indiqué ci-dessus ; qu'ainsi que l'a relevé le tribunal, l'action en garantie décennale n'est pas prescrite pour les bâtiments A, C et D dès lors que l'assignation en référé expertise du 26 septembre 2008 visait expressément «l'ensemble des fissures existantes sur l'ensemble des bâtiments » ; qu'en conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a considéré que le syndicat des copropriétaires était fondé à mettre en jeu la responsabilité décennale pour chacun des bâtiments de la résidence » (arrêt p.12 etamp; 13) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'apparition des désordres a eu lie 5 à 6 ans après la réception et la première déclaration de sinistre auprès de la MAAF a eu lieu le 27 décembre 2004, concernant tous les bâtiments ; qu'il résulte clairement du rapport d'expertise de M. Z... que le terrain d'assiette des quatre bâtiments est constitué des mêmes formation essentiellement argileuses, avec quelques écarts liés à la nature des alluvions ; qu'en particulier, compte tenu de la topographie et de la géologie du site, il est logique que le bâtiment B ait été atteint le premier et avec intensité, puis le bâtiment C et enfin, les bâtiments D et A, plus éloignés de la vallée d'un ancien ruisseau ; qu'il n'en demeure pas moins que la cause des désordres est la même, à savoir la nature du sol liée à l'absence de précisions particulières, dans l'étude Ingésol de 1997, quant à la sensibilité des sols et à leur comportement ; que M. Z... explique également qu'en présence de fondations inadaptées, les tassements et différentiels dus aux mouvements alternatifs, variables et saisonniers des sols au gré des variations hydriques, conduisent à la longue à une extension des réseaux de fissures et à un affaiblissement de la structure de l'ouvrage qui perdait sa rigidité et sa capacité de résistance ; que M. Z... ajoute que les désordres se propagent avec l'affaiblissement et s'amplifient au fur et à mesure que la structure perdait sa résistance et que l'action des argiles perdurait ; que cette description caractérise exactement les désordres évolutifs et généralisés permettant de retenir la garantie décennale pour l'ensemble des quatre bâtiments, étant rappelé que dès le rapport Icos de 2004, il a bien été constaté que les quatre bâtiments présentaient des fissures, ce qui a été confirmé par le rapport Saretec en 2005 ; que le lien pressenti entre ces fissures et des mouvements de fondations s'est trouvé confirmé chaque placement de la commune de [...] en « CATNAT » ; que le bâtiment B avait mobilisé l'attention en raison de son évolution plus rapide, mais les autres bâtiments évoluent aussi, quoique plus faiblement ; que M. Z... conclue formellement que dès 2004, le désordre était généralisé avec fissures, ce qui porte atteinte à la solidité de l'ouvrage ; que le caractère décennal du désordre est donc acquis dès cette date ; que, de plus, l'assignation en référé du 26 septembre 2008, ayant permis la désignation de M. Z... par ordonnance du 27 octobre suivant, visait expressément « l'ensemble des fissures existantes sur l'ensemble des bâtiments », de sorte qu'aucune prescription ne pouvait être valablement invoquée ; qu'enfin, si la MAF n'a pas été assignée en référé, la SAS Boutin l'a été et, en l'absence de toute fraude de celle-ci aux droits de l'assureur, la mise en cause de l'assuré constitue la réalisation d'un risque »
ALORS QUE ne relèvent de la garantie décennale que les désordres compromettant la solidité de l'ouvrage ou sa destination et dont la gravité se manifestera de manière certaine avant l'expiration du délai décennal ; qu'en affirmant que les désordres des bâtiments A, C et D relevaient de la garantie décennale sans rechercher si leur gravité était survenue pendant le délai décennal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;
ALORS QUE le fait qu'un désordre ait la même cause qu'un autre désordre présentant un caractère décennal ne suffit pas à ce qu'il soit réparé sur le terrain de la garantie décennale ; qu'en se bornant à relever, pour soumettre à la garantie décennale les désordres affectant les bâtiments A, C et D, qu'ils étaient, comme le bâtiment B, implantés sur une assiette aux caractéristiques géologiques identiques et que les fondations avaient été établies superficiellement sans précaution particulières sur un sol argileux sensible aux variations hydriques, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil ;
ALORS, enfin, QUE le juge ne peut dénaturer le sens clair et précis d'un acte ; qu'en affirmant que l'expert judiciaire, M. Z..., avait établi pour l'ensemble des bâtiments, l'existence de dommage relevant de la garantie décennale quand son rapport ne contenait aucune mention permettant de retenir que les bâtiments A, C et D étaient affectés de désordres compromettant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination dans le délai décennal, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce rapport et a ainsi violé l'article 1134 du code civil.