LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et le second moyen :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 13 février 2012, la nacelle appartenant à la société Médiaco location services, assurée par la société Generali, et prise en location par la société Sud fer auprès de la société Médiaco Marseille Provence pour les besoins d'un chantier, a été endommagée ; qu'après avoir indemnisé son assurée, la société Generali a exercé un recours contre la société Sud fer et son assureur, la société Albingia ; qu'à titre incident, la société Médiaco location services a demandé réparation à celle-ci de son préjudice immatériel ;
Attendu que, pour condamner la société Albingia, in solidum avec la société Sud fer, à payer à la société Generali la somme de 119 954,56 euros et à la société Médiaco location services celle de 115 000 euros, l'arrêt retient, sur le fondement de l'article 1384, devenu 1242 du code civil, que la société Sud fer, qui avait un pouvoir de surveillance et de direction sur la grue ayant causé un dommage à la nacelle, ne prouve pas l'existence d'un cas fortuit ou de force majeure ou d'une cause étrangère lui permettant de s'exonérer de sa responsabilité ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir substitué d'office un nouveau fondement juridique à celui de la responsabilité contractuelle qu'invoquait la société Generali et à celui de la responsabilité délictuelle pour faute dont se prévalait la société Médiaco location services, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société Médiaco location services dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi ; que la société Médiaco Marseille Provence sera mise hors de cause, sur sa demande ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum la société Sud fer et la société Albingia à payer à la société Generali la somme de 119 954,56 euros et à la société Médiaco location services celle de 115 000 euros au titre de son préjudice immatériel, l'arrêt rendu le 1er décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Rejette la demande de mise hors de cause de la société Médiaco location services ;
Met hors de cause la société Médiaco Marseille Provence ;
Condamne la société Generali aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé par Mme Kamara, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du conseiller rapporteur empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Albingia
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné in solidum la société Sud Fer et la société Albingia à payer à la compagnie Generali la somme de 119 954, 56 € ;
Aux motifs que « selon l'article 1384 du code civil (version antérieure au 1er octobre 2016) : on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. La SA Sud Fer soutient que le contrat la liant à la société Mediaco Marseille Provence est un contrat de sous-traitance et non un contrat de louage de chose et qu'elle n'avait pas la garde des engins utilisés sur le chantier. Sur ce point, la SA Sud Fer a accepté, le 13 décembre 2011, le devis n° 11 - 423 émis par la société Mediaco Marseille Provence le 4 novembre 2011, d'un montant de 78 500 euros HT, faisant état "de la mise à disposition de moyen de levage aux conditions générales de l'UFL (Union Française de Levage)" soit : (grues 350 Tonnes grue 160 Tonnes...nacelles PL 62 m, nacelles PI 40 m...) avec la mention spéciale, pour la nacelle VL 20 m, "avec chauffeur" pour le "démontage portique à containers Gaillard Mourepiane". Au vu de la particularité et de la technicité des engins confiés, le responsable technique / Etudes de Mediaco a établi, le 4 janvier 2012, "le plan de levage de l'avant bec du portique" précisant chaque étape de la découpe de ce portique, avec la note de calcul des poids et positions et un planning des travaux à exécuter. Le fait pour la société Mediaco Marseille Provence de se livrer à une étude préalable aux fins de proposer les engins adaptés aux travaux envisagés, et de permettre leur utilisation dans des conditions optimales assurant une intervention en sécurité, ou de fournir un chauffeur chargé de manoeuvrer la nacelle ne peut être assimilé, comme le soutient la SA SudFer, à une sous-traitance alors qu'elle ne démontre pas que lors de l'exécution des travaux la société Mediaco Marseille Provence avait un pouvoir de direction et de contrôle sur ceux-ci mais également sur ses employés. La SARL Sud Fer qui reproche à la société Mediaco Marseille Provence "de ne pas avoir suivi ses instructions en positionnant la nacelle entre les deux grues de levage au lieu de la placer à l'extérieur" admet ainsi qu'elle avait conservé la direction du chantier, qu'elle surveillait les travaux, et commandait les intervenants, lesquels étaient placés sous son autorité et sa direction. La société Mediaco Marseille Provence a signé, en tant qu'intervenante sur le chantier de démantèlement de trois grues et d'un portique de 40 tonnes par la fourniture d'engins et d'un chauffeur, le plan de prévention établi pour le compte du Grand Port Maritime de Marseille. Le fait que ce document, établi par un tiers, mentionne la société Mediaco Marseille Provence, dans des pages non signées par elle, comme "sous-traitant", ne peut modifier la réelle nature des relations contractuelles entre la SARL Sud Fer et cette société, soit un contrat de louage de chose, alors au surplus qu'il est indiqué en gras et souligné dans le cahier des prescriptions générales relatives à l'appel d'offres du Grand Port Autonome de Marseille que "la sous-traitance totale ou partielle de l'offre n'est pas admise". Ainsi la SA Sud Fer qui avait un pouvoir de surveillance et de direction sur la grue ayant causé un dommage à la nacelle, et qui n'apporte pas la preuve de l'existence d'un cas fortuit ou de force majeure ou d'une cause étrangère lui permettant de s'exonérer doit voir sa responsabilité engagée. Enfin, la circonstance que la société Mediaco Marseille Provence n'ait pas fourni les engins prévus au devis du 13 décembre 2011, obligeant à une modification, dans l'urgence, des plans prévus, est indifférente, en ce sens que la SA Sud Fer a accepté cette modification et a même, postérieurement à l'accident, signé le nouveau devis émis par la société Mediaco Marseille Provence prenant en compte ces changements (
) » ; que la SA Sud Fer et la SA Albingia font valoir qu'en application de l'article 6-3 des conditions générales du syndicat des utilisateurs de grues ainsi libellé : "par convention expresse, les actions en responsabilité contractuelle entre loueur et locataire se prescrivent par une année à compter de la date de survenance du dommage" et de l'article 7 des conditions générales de l'Union Française du Levage : "les actions en responsabilité contractuelle du loueur à rencontre du locataire et réciproquement se prescrivent dans le délai d'une année à compter de la date de survenance du dommage", l'action de la SA Generali est prescrite. La SA Generali, se trouvant subrogée dans les droits de la société Mediaco Location Services, qui n'a ni la qualité de loueur, ni celle de locataire, et qui n'agit pas sur un fondement contractuel, ne peut se voir opposer la prescription annale prévue par ces articles (
) ; que la SA Sud Fer et la SA Albingia soulèvent l'irrecevabilité de la demande de la SA Generali faisant valoir l'existence, dans la police d'assurance souscrite par la société Mediaco Levage Services, au chapitre VI "Dispositions diverses" d'une clause de non recours ainsi libellé : "l'assureur renonce à tout recours (hors cas de malveillance) contre le client de l'assuré". Les clauses de renonciation étant d'interprétation stricte, la SA Sud Fer et la SA Albingia n'étant pas "clients" de la société Mediaco Location Services avec laquelle ils n'ont aucun lien contractuel, ne peuvent donc invoquer cette clause, étant précisé au surplus que la mention "le souscripteur agissant soit pour son compte (...) soit pour le compte de qui il appartiendra" ne peut permettre de retenir une renonciation générale de la SA Generali à toute action ou recours contre des tiers n'ayant aucune relation contractuelle avec son assuré. Il y a donc lieu de condamner, in solidum, la SA Sud Fer et son assureur la SA Albingia à verser à la SA Generali la somme de 119 954,56 euros, seule justifiée par cette société, aucune explication ni justificatif n'étant fournis sur la franchise de 10 000 euros qu'elle aurait pris en charge ».
Alors, d'une part, que le juge ne peut méconnaître les termes du litige, tels qu'ils sont déterminés par les prétentions des parties ; qu'en l'espèce, il résulte des motifs et du dispositif de ses conclusions signifiées le 23 août 2016 que la compagnie Generali assurances Iard, qui sollicitait la condamnation de la société Albingia à lui payer les sommes versées à son assurée, la société Médiaco Location Services, en réparation du préjudice matériel que cette dernière avait subi « à l'occasion de la location » (concl. p. 12 § 15) consentie à la société Sud Fer, avait formulé cette demande sous le visa des articles 1249 et suivants, 1709 et suivants du code civil, L. 121-12 du code des assurances, et des conditions générales du syndicat national des utilisateurs de grues (concl. p. 15, § 5) ; que la compagnie Generali ayant exclusivement fondé sa demande sur la responsabilité contractuelle encourue par la société Sud Fer à l'égard de son assurée, la société Mediaco Location Services, dont elle ne contestait pas la qualité de cocontractant et de loueur, la cour d'appel, pour requalifier d'office cette prétention et admettre que la compagnie Generali se trouvait subrogée dans les droits susceptibles d'être exercés par la société Mediaco Location Services contre la société Sud Fer sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er ancien, du code civil, a retenu qu'aucune relation contractuelle n'unissait la société Mediaco Service Locations à la société Sud Fer à laquelle la garde de la nacelle avait été transférée par le contrat de location passé avec la société Mediaco Marseille Provence ; qu'en requalifiant le fondement juridique de ses prétentions en s'appuyant sur des faits qui n'étaient pas invoqués par la société Generali assurances Iard, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Alors, d'autre part, et en tout état de cause, que tenu de faire respecter et de respecter lui-même le principe de la contradiction, le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen relevé d'office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations; qu'en l'espèce, saisie d'une prétention exclusivement fondée sur la responsabilité contractuelle encourue par la société Sud Fer à l'égard de son assurée, la société Mediaco Location Services, dont la compagnie Generali ne contestait pas la qualité de cocontractant et de loueur, la cour d'appel a retenu, pour y faire droit, que la compagnie Generali se trouvait subrogée dans les droits susceptibles d'être exercés, par la société Mediaco Location Services, tiers au contrat de location, contre la société Sud Fer, gardienne de la nacelle, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er du code civil; qu'en statuant ainsi, en substituant d'office un nouveau fondement juridique à la responsabilité contractuelle de la société Sud Fer invoquée par la société Generali, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné in solidum la société Sud Fer et la société Albingia à payer à la société Mediaco Location Services la somme de 115 000 euros au titre de son préjudice immatériel ;
Aux motifs que « selon l'article 1384 du code civil (version antérieure au 1er octobre 2016) : on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde (
) ; que la SA Sud Fer qui avait un pouvoir de surveillance et de direction sur la grue ayant causé un dommage à la nacelle, et qui n'apporte pas la preuve de l'existence d'un cas fortuit ou de force majeure ou d'une cause étrangère lui permettant de s'exonérer doit voir sa responsabilité engagée (
) ; que la SA Sud Fer fait valoir qu'en application de l'article 7 des conditions générales de l'Union Française du Levage la demande présentée par la société Mediaco Location Service est prescrite (
) ; que cet argument est inopérant, l'action de la société Mediaco Location Services qui n'est ni leveur, ni locataire n'ayant pas un fondement contractuel (
) ; qu'il y a lieu de condamner in solidum, la SA Sud Fer et la SA Albingia à payer à la société Mediaco Locations Services la somme de 115 000 euros (46 jours X 2500 €) ».
Alors que tenu de faire respecter et de respecter lui-même le principe de la contradiction, le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen relevé d'office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, il résulte des motifs et du dispositif des conclusions signifiées par la société Mediaco Location Services le 25 juillet 2016 que ses demandes indemnitaires dirigées contre la société Sud Fer et son assureur, la société Albingia, étaient fondées sur l'article 1382 du code civil (p. 35, § 13) et le principe en vertu duquel le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (concl. p. 20, § 12) ; que pour condamner in solidum la société Sud Fer et la SA Albingia à payer à la société Mediaco Location Services la somme de 115 000 euros, la cour d'appel a retenu que la responsabilité de la société Sud Fer était engagée sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er du code civil ; qu'en substituant d'office ce nouveau fondement juridique à celui de la responsabilité délictuelle pour faute qu'invoquait la société Mediaco Location Services, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.