LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, victime le 29 juin 2009 de violences volontaires dans l'exercice de sa profession d'agent de surveillance, M. B... a, par requête du 12 septembre 2011, saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions aux fins de réparation de ses préjudices ; qu'après expertise judiciaire, cette commission a, par décision du 9 décembre 2013, fixé les indemnités dues à M. B... par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI) ;
Sur le second moyen :
Attendu que le FGTI fait grief à l'arrêt de dire qu'il devra verser la somme globale de 158 814 euros, ou son reliquat, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 706-4 du code de procédure pénale, la commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales se borne à allouer l'indemnité revenant à la victime ; que les sommes ainsi allouées sont ensuite réglées par le FTGI dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision en application des articles 706-9, dernier alinéa, et R. 50-24 du code de procédure pénale ; qu'ainsi, il n'appartient pas à la commission d'indemnisation de condamner le FGTI à payer l'indemnité allouée à la victime ; qu'en disant néanmoins, après avoir fixé l'indemnisation due à M. B... , que le FGTI est tenu de payer cette somme à ce dernier, ce qui s'apparente à une condamnation du FGTI à payer à la victime les sommes allouées à celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Mais attendu qu'en disant que le FGTI devrait verser la somme qu'elle fixait, ou son reliquat, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, la cour d'appel s'est bornée à rappeler que le FGTI était tenu au paiement des indemnités qu'elle avait fixées et n'a pas prononcé de condamnation à son encontre ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
Attendu que pour fixer à la somme de 141 274 euros le montant de l'indemnité au titre de la perte de gains professionnels futurs, l'arrêt énonce que M. B... ne sollicite en réalité que l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels futurs à hauteur de la somme de 141 274 euros, sur la base de la pension d'invalidité annuelle que lui a accordée la caisse primaire d'assurance maladie à hauteur de 10 091,45 euros brut, soit 50 % de son revenu annuel ; que calculant ainsi la perte de ses gains sur les autres 50 %, il considère qu'il n'y a pas lieu de déduire une deuxième fois la pension qui lui est versée ; que cette méthode de calcul est peu orthodoxe et repose sur une perte calculée à partir d'un revenu brut et non net, la cour d'appel reconstituera la perte de gains professionnels futurs, soit après consolidation, sur la base du salaire net de 1 541,39 euros par mois ou 18 496,68 euros par an, auquel sera appliqué le taux de rente à temps pour une retraite à 65 ans (12,100 pour un homme de 51 ans), suivant le barème de capitalisation publié à la Gazette du Palais des 27-28 mars 2013 et qu'il convient de déduire le reliquat de la pension d'invalidité ;
Que se déterminant ainsi, sans vérifier, comme il lui était demandé, que M. B... était, à raison de l'infraction dont il avait été victime, dans l'impossibilité définitive d'exercer une activité professionnelle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir fixé l'indemnisation du préjudice global de M. B... à la somme globale de 158 814 euros ;
Aux motifs que « en l'état des conclusions de l'expert judiciaire, le docteur Bernard A..., sur lesquelles les parties s'accordent, la cour est en mesure de fixer les postes des préjudices subis par M. Driss B... , âgé de 50 ans au jour des faits et de 51 au jour de la consolidation fixée au 20 janvier 2011, ainsi qu'il suit [
] ; le fonds de garantie sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu une indemnité au titre de l'incidence professionnelle à hauteur de 30 000 euros et exclu toute indemnisation du chef de la perte de gains professionnels futurs ; que toutefois, la cour relève que M. Driss B... , tout en faisant l'amalgame entre ces deux postes de préjudice, ne sollicite en réalité que l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels futurs à hauteur de la somme de 141 274 euros, sur la base de la pension d'invalidité annuelle que lui a accordé la CPAM à hauteur "de 10 091,45 brut, soit 50 % de son revenu annuel" ; que calculant ainsi la perte de ses gains sur les autres 50 %, il considère qu'il n'y a pas lieu de déduire une deuxième fois la pension qui lui est versée ; qu'outre que cette méthode de calcul est peu orthodoxe et repose sur une perte calculée à partir d'un revenu brut et non net, la cour reconstituera la perte de gains professionnels futurs, soit après consolidation, sur la base du salaire net précité de 1 541,39 euros par mois ou 18 496,68 euros par an, auquel sera appliqué le taux de rente à temps pour une retraite à 65 ans (12,100 pour un homme de 51 ans), suivant le barème de capitalisation publié à la Gazette du Palais des 27-28 mars 2013, à savoir : (18 496,38 euros x 12,100) = 223 809,82 euros, dont il convient de déduire le reliquat de la pension d'invalidité (77 507,95 - 651,06 euros) = 76 856,89 euros, total = 146 952,93 euros ; que toutefois, la cour demeure tenue de statuer dans la limite des prétentions énoncées par M. Driss B... sur ce poste de préjudice, de sorte qu'il sera alloué à ce titre au seul titre du poste PGPF, la somme de 141 274 euros » (arrêt, p. 4, ult. § et p. 6, § 1 et s.) ;
Alors que la victime ne peut se voir allouer en réparation de son préjudice, une somme excédant le préjudice réellement subi ; qu'ainsi, ne sont réparées au titre de la perte de gains professionnels futurs que les seules pertes de revenus professionnels qui sont la conséquence directe de l'infraction ; que dès lors, le juge ne peut allouer à ce titre à la victime d'une infraction une somme représentant les salaires qu'elle aurait perçus jusqu'à l'âge de la retraite qu'autant qu'il a constaté l'impossibilité pour elle de reprendre toute activité professionnelle ; qu'en précisant statuer sur la base des conclusions de l'expert, lequel avait conclu que M. B... était à même de reprendre son activité professionnelle antérieure (rapport, p. 10, pénult. §), ce dont il résultait que M. B... n'était pas dans l'impossibilité de reprendre une activité professionnelle, la cour d'appel, qui lui a néanmoins alloué, sur la base du salaire brut qu'il percevait au moment de l'infraction, une somme représentant les salaires qu'il aurait perçus jusqu'à l'âge de sa retraite, déduction faite de la rente d'invalidité qui lui était servie, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 706-3 du code de procédure pénale et du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
Alors, subsidiairement, que à supposer que la cour d'appel n'ait pas fait siennes les conclusions de l'expert auxquelles elle se référait néanmoins, en allouant à M. B... , sur la base du salaire brut qu'il percevait au moment de l'infraction, une somme représentant les salaires qu'il aurait perçus jusqu'à l'âge de 65 ans, déduction faite de la rente d'invalidité qui lui était servie, sans avoir recherché, comme elle y était pourtant invitée (conclusions d'appel du Fonds de garantie, spé. p. 5) , si celui-ci était dans l'impossibilité de reprendre la moindre activité professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 706-3 du code de procédure pénale et du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.
Second moyen de cassation
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le Fonds de garantie des victimes de terrorisme devra verser la somme globale de 158 814 euros, ou son reliquat, dans le délai d'un mois à compter de sa notification ;
Alors qu'aux termes de l'article 706-4 du code de procédure pénale, la commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales se borne à allouer l'indemnité revenant à la victime ; que les sommes ainsi allouées sont ensuite réglées par le Fonds de garantie dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision en application des articles 706-9, dernier alinéa, et R. 50-24 du code de procédure pénale ; qu'ainsi, il n'appartient pas à la commission d'indemnisation de condamner le Fonds de garantie à payer l'indemnité allouée à la victime ; qu'en disant néanmoins, après avoir fixé l'indemnisation due à M. B... , que le Fonds de garantie est tenu de payer cette somme à ce dernier, ce qui s'apparente à une condamnation du Fonds à payer à la victime les sommes allouées à celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés.