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28/06/2018 | FRANCE | N°16-27304

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 28 juin 2018, 16-27304


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 30 septembre 2016), que, par acte du 26 novembre 1996, Henri A... a donné à bail rural à M. X... un ensemble de terres ; qu'il est décédé le [...] en léguant à M. Marcel Y... les parcelles [...] et [...] ; que, par acte du 28 mars 2013, M. Marcel Y... a délivré congé à M. X... pour le 29 septembre 2014 aux fins de reprise par son fils Frédéric ; que, par déclaration du 22 juillet 2013, M. X... a saisi le tribunal paritaire en annulation du congé ;

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ur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé :

Attendu que, le pron...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 30 septembre 2016), que, par acte du 26 novembre 1996, Henri A... a donné à bail rural à M. X... un ensemble de terres ; qu'il est décédé le [...] en léguant à M. Marcel Y... les parcelles [...] et [...] ; que, par acte du 28 mars 2013, M. Marcel Y... a délivré congé à M. X... pour le 29 septembre 2014 aux fins de reprise par son fils Frédéric ; que, par déclaration du 22 juillet 2013, M. X... a saisi le tribunal paritaire en annulation du congé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé :

Attendu que, le prononcé d'un sursis à statuer relevant du pouvoir discrétionnaire des juges du fond, hors le cas où le juge administratif s'est prononcé en référé, le moyen, qui critique l'arrêt en ce qu'il dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer, est irrecevable ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu les articles L. 331-2 et L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime ;

Attendu que, pour déclarer le congé valide, l'arrêt constate que le jugement du tribunal administratif annulant l'arrêté préfectoral autorisant Y... à exploiter les parcelles reprises est versé aux débats ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le repreneur était titulaire d'une autorisation d'exploiter à la date d'effet du congé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne MM. Y... aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts Y... et les condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande d'annulation du congé délivré le 28 mars 2013 à la demande de M. Marcel Y... et d'avoir en conséquence ordonné son expulsion et celle de tout occupant de son chef des parcelles situées à [...], section [...], la ferme du Mont (partie) pour 12ha 06a 40ca et [...], les plaints champs, pour 10ha 70a 70ca, si besoin avec le concours de la force publique,

AUX MOTIFS QUE « Après avoir soulevé dans ses écritures le sursis à statuer au motif que par arrêté du 13 mars 2014, le bénéficiaire de la reprise, Frédéric Y..., avait obtenu l'autorisation d'exploiter les terres appartenant à son père que l'appelant a contestée devant le tribunal administratif de Caen, et si M. Y... verse la décision qui a été rendue par le tribunal administratif à la suite (pièce 31), à l'audience devant la cour, M. X... a précisé s'opposer maintenant au sursis. La cour n'est donc saisie d'aucun motif lui permettant de prononcer d'office la mesure, les consorts Y... ne concluant pas à telle fin.

M. X... reproche à M. Y... de ne pas justifier de la viabilité du projet de reprise personnelle.

II expose que le congé ne précise pas que le repreneur exploitera les terres à titre secondaire, alors que cela semble pourtant être son projet puisqu'il s'est installé depuis octobre 2014 sur d'autres terres qu'il a reprises tout en restant mécanicien à temps complet et alors qu'il lui appartient de justifier qu'il sera effectivement en mesure d'exploiter les terres à titre personnel pendant au moins 9 ans.

Dans le congé pour reprise, M. Y... indique que son fils, s'engage, conformément à l'article L. 411-59 du code rural, à partir de la reprise, à se consacrer à l'exploitation du bien repris pendant 9 ans au moins, et ce en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation.

Ainsi, l'affirmation que Frédéric Y... n'exploiterait les terres qu'à titre secondaire ne ressort nullement du congé et est combattu par les consorts Y..., Frédéric Y... précisant au contraire que son domicile est situé à proximité des terres qu'il veut exploiter, qu'il possède les moyens d'acquérir le cheptel et le matériel nécessaires à l'exploitation (ce que ne conteste d'ailleurs pas M. X...), et que compte tenu de l'appel formé par M. X..., il est exact qu'il n'a pu encore entrer sur les parcelles litigieuses ; aussi, rien dans le dossier des parties ne justifie que Frédéric Y... exploiterait les terres reprises à titre secondaire ; il convient de débouter M. X... de sa contestation injustifiée » (arrêt, p. 3 et 4),

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE

« * sur la conformité du congé aux dispositions de l'article L.411-59 du code rural:

Il résulte du congé que le bénéficiaire s'engage, à partir de la reprise, à se consacrer à l'exploitation du bien repris, pendant neuf ans au moins et ce, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation.

Il est également indiqué que le bénéficiaire a un domicile qui lui permettra aisément d'assurer l'exploitation directe du fonds repris, que celui-ci possède les moyens d'acquérir le cheptel et le matériel nécessaires à l'exploitation des terres reprises ainsi que la compétence requise par la loi pour exercer la profession d'exploitant agricole.

A l'appui de cet engagement écrit, Monsieur Marcel Y... verse au débat le contrat de travail à durée indéterminée de son fils, le commentaire de l'étude de l'installation de Monsieur Frédéric Y... et le descriptif du projet de celui -ci consistant en une installation sur des terres familiales en vue de la production de céréales, oléagineux et foin, une proposition de vente de matériel d'occasion ainsi qu'une attestation du Crédit Agricole de Normandie aux termes de laquelle est affirmé l'accord de principe de la banque quant à l'octroi d'un prêt de 51.836 € destiné au financement de son installation agricole.

La qualité de pluri actif du bénéficiaire de la reprise n'est pas incompatible avec l'exploitation personnelle et effective du bien repris, d'autant que la surface concernée par la reprise est modeste.

Cette qualité que Monsieur Frédéric Y... possède actuellement n'est pas destinée à être définitive puisque son projet est de créer sa propre entreprise.

Il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir abandonné sa profession de mécanicien agricole au regard de la durée de la présente procédure pendante devant le tribunal de céans depuis deux ans.

Ces éléments font preuve de sa volonté d'exploiter personnellement sa propriété.

La résidence principale de Monsieur Frédéric Y... est située au lieu même de l'exploitation envisagée.

Sur ce point, il est justifié par les pièces versées au débat que la maison d'habitation qu'il occupe depuis le mois de février 2014 et qu'il a reçu en pleine propriété, située sur la parcelle [...] à [...] n'a jamais fait partie du bail consenti à Monsieur X..., la parcelle [...] dont est issue la parcelle [...] n'ayant été louée que pour partie.

Le tribunal observe de surcroît que Monsieur X... qui affirme que l'assiette du bail a été modifié unilatéralement par le bailleur n'en tire aucune conclusion quant à la validité du congé qui lui a été délivré par Monsieur Marcel Y....

Il convient de relever, en outre, que si Monsieur Frédéric Y... ne possède pas encore le cheptel et le matériel nécessaires, il justifie de sa capacité à les acquérir par le biais de l'attestation du Crédit Agricole de Normandie.

Sur la capacité ou l'expérience professionnelle du bénéficiaire de la reprise.il est justifié par les pièces versées au débat que Monsieur Frédéric Y... est titulaire de plusieurs diplômes, notamment d'un baccalauréat professionnel « agroéquipements» et d'un brevet de technicien supérieur agricole, option « génie des équipements agricoles».

Il n'est pas contesté qu'il a déjà travaillé dans une entreprise agricole durant ses congés scolaires et qu'il a aidé à la ferme familiale dès son plus jeune âge à chaque occasion.

Il a été considéré par l'autorité administrative que son projet économique était viable à terme et qu'il réunissait les conditions de formation ou d'expérience professionnelle nécessaires à l'obtention des aides de l'Etat à l'installation, ce qui lui a permis d'obtenir une autorisation d'exploiter le 13 mars 2014, quand bien même cette décision a fait l'objet d'un recours par Monsieur X....

En considération de l'ensemble de ces éléments, il résulte que Monsieur Frédéric Y... remplit les conditions légales en sa qualité de bénéficiaire de la reprise. » (jugement, p. 5),

1) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que M. X... faisait valoir dans ses conclusions soutenues à l'audience que M. Y... ne justifiait d'aucune autorisation d'exploiter à la date d'effet du congé, le tribunal administratif de Caen ayant, par jugement du 19 avril 2016, annulé la décision du préfet du Calvados du 13 mars 2014 en tant qu'elle avait autorisé M. Y... à exploiter les parcelles situées sur la commune de [...], de sorte que le congé devait être annulé (conclusions d'appel, p. 7, al. 6 et 7, p. 4, in fine) ; qu'en ne répondant pas à ses conclusions opérantes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE le candidat à la reprise doit justifier qu'il est personnellement détenteur d'une autorisation administrative d'exploiter à la date d'effet du congé ; qu'en déboutant M. X... de sa demande d'annulation du congé délivré le 28 mars 2013 à la demande de M. Marcel Y... sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions d'appel, p. 7, al. 6 et 7), si M. Frédéric Y... était titulaire d'une autorisation administrative d'exploiter, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 411-59 et L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime ;

3) ALORS QUE le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l'exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans ; qu'il ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l'exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir dans ses conclusions oralement soutenues, et sans être contredit par M. Frédéric Y..., que ce dernier s'était installé depuis le mois d'octobre 2014 sur d'autres terres reprises tout en conservant son activité de mécanicien à temps complet, ce qui ne laissait nullement présager de sa participation à l'exploitation du fonds repris de façon effective et permanente (conclusions d'appel, p. 6 et 7) ; qu'en considérant que M. Y... remplissait la condition d'exploitation du fonds aux motifs inopérants que l'affirmation que Frédéric Y... n'exploiterait les terres qu'à titre secondaire ne ressortait nullement du congé, que ce dernier précisait que son domicile était situé à proximité des terres reprises et qu'il possédait les moyens d'acquérir le cheptel et le matériel nécessaires à l'exploitation, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le fait que M. Y... ait conservé son emploi à temps complet malgré la reprise, déjà effective, d'autres terres ne trahissait pas son intention de ne pas se consacrer à l'exploitation du bien repris en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente sans se limiter à la direction et à la surveillance de l'exploitation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime,

4) ALORS QUE, à supposer que la cour d'appel ait adopté ces motifs, si la qualité de pluriactif n'est pas incompatible avec l'exercice d'une activité agricole, il n'en va ainsi que lorsque la profession exercée par ailleurs l'est à temps partiel ; qu'en considérant que M. Y... remplissait la condition d'exploitation du fonds aux motifs inopérants que la qualité de pluri actif du bénéficiaire de la reprise n'est pas incompatible avec l'exploitation personnelle et effective du bien repris, d'autant que la surface concernée par la reprise est modeste, alors que M. Y... avait conservé l'exercice à temps complet de son activité de mécanicien, la cour d'appel a violé l'article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour MM. Y...

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR dit n'y avoir lieu au prononcé d'un sursis à statuer ;

AUX MOTIFS QUE, après avoir soulevé dans ses écritures le sursis à statuer au motif que par arrêté du 13 mars 2014, le bénéficiaire de la reprise, Frédéric Y..., avait obtenu l'autorisation d'exploiter les terres appartenant à son père que l'appelant a contestée devant le tribunal administratif de Caen, et si M. Y... verse la décision qui a été rendue par le tribunal administratif à la suite (pièce 31), à l'audience devant la cour, M. X... a précisé s'opposer maintenant au sursis ; que la cour n'est donc saisie d'aucun motif lui permettant de prononcer d'office la mesure, les consorts Y... ne concluant pas à telle fin ;

ALORS QUE les exposants faisaient valoir que dans la mesure où la cour ne prononcerait pas la résiliation du bail, Monsieur Y... est contraint de lui demander de bien vouloir surseoir à statuer sur le fondement de l'article L411-.58 al 4 du code rural au motif qu'une demande d'autorisation d'exploiter est en cours, la précédente ayant été annulée le 19 avril 2016 suite à l'erreur commise par le préfet ;

qu'en retenant qu'elle n'est donc saisie d'aucun motif lui permettant de prononcer d'office la mesure de sursis, les consorts Y... ne concluant pas à telle fin, la cour d'appel a dénaturé les écritures des exposants et violé l'article 4 du code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 16-27304
Date de la décision : 28/06/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 30 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 28 jui. 2018, pourvoi n°16-27304


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.27304
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