LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° W 17-13.611 et Z 17-20.077 qui sont connexes ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 4 mai 2016), qu'un jugement a prononcé le divorce de M. Y... et de Mme X... ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° W 17-13.611 et le premier moyen du pourvoi n° Z 17-20.077, réunis :
Attendu que Mme X... et M. Y... font grief à l'arrêt de condamner ce dernier au paiement d'une certaine somme à titre de prestation compensatoire, alors selon le moyen :
1°/ qu'il incombe au juge chargé de se prononcer sur l'octroi et le montant d'une prestation compensatoire de solliciter en tant que de besoin, de la part de chacun des époux, la production de tous justificatifs de leurs charges et ressources, notamment leurs déclarations de revenus, leurs avis d'imposition et leurs bordereaux de situation fiscale, ainsi que de toutes les pièces justificatives relatives à leur patrimoine et leurs conditions de vie, en complément de la déclaration sur l'honneur permettant la fixation de la prestation compensatoire ; que pour fixer à 35 000 euros le montant de la prestation compensatoire allouée à Mme X..., la cour d'appel, qui s'est bornée à constater que l'époux n'avait pas déposé de déclaration sur l'honneur concernant ses ressources et que l'épouse ne lui avait pas fait sommation de communiquer ses comptes bancaires détenus auprès d'un établissement bancaire, quand il lui incombait d'ordonner à l'époux de produire tous justificatifs à cet égard, la cour d'appel a méconnu son office et ainsi violé les articles 1075-2 du code de procédure civile, ensemble les articles 271 et 272 du code civil ;
2°/ que, selon l'article 272 du code civil, « dans le cadre de la fixation d'une prestation compensatoire, par le juge ou par les parties [
], les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie » ; qu'ayant pour but de permettre au juge d'apprécier sur des bases exactes et sincères les conditions de vie des parties et leur éventuelle disparité pour exercer l'office que lui confère la loi, cette prescription est d'ordre public ; qu'ayant constaté qu'« aucun des époux n'a déposé la déclaration sur l'honneur prévue à l'article 272 du code civil et n'indique quelles sont ses charges », et que « Mme X... ne justifie pas de sa situation de ressources au moment du divorce », la cour d'appel ne pouvait décider de statuer cependant sur la demande de prestation compensatoire et d'y faire droit sans violer l'article 272 du code civil ;
Mais attendu que l'article 272, alinéa 1er, du code civil ne subordonne pas à la production d'une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie l'examen d'une demande de prestation compensatoire et qu'une partie qui s'est abstenue de produire une pièce ou d'en réclamer la production ne peut ériger sa propre carence en grief ; qu'après avoir constaté qu'aucun des époux n'avait déposé de déclaration sur l'honneur et que Mme X... n'avait pas sommé son mari de communiquer ses relevés de comptes bancaires, la cour d'appel, au vu des pièces produites par les parties sur leurs ressources et leurs charges, a souverainement apprécié l'existence d'une disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives, et fixé, comme elle l'a fait, le montant de la prestation compensatoire due à l'épouse ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le second moyen du pourvoi n° Z 17-20.077 :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter la demande de M. Y... en révocation de plein droit, par l'effet du divorce, de la donation consentie à Mme X... au cours du mariage, l'arrêt relève que si cette dernière ne demande pas, dans le dispositif de ses écritures, l'infirmation du jugement sur ce point, elle expose, dans les motifs, qu'il existe une maison au Maroc dont son époux a tenté de l'évincer ;
Qu'en statuant ainsi, alors que Mme X... ne critiquait le jugement déféré que sur le rejet de sa demande de prestation compensatoire, sollicitant sa confirmation pour le surplus, et que M. Y... concluait à la confirmation de la décision, de sorte qu'aucune des parties ne contestait le jugement, en ce qu'il disait n'y avoir lieu de prononcer la révocation des donations, celle-ci étant acquise de plein droit selon les modalités et conditions prévues à l'article 265 du code civil, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire, dont l'application est suggérée par le mémoire ampliatif ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi n° W 17-13.611 ;
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement disant qu'était révoquée de plein droit par application de l'article 265 du code civil la donation du 11 mars 1999 de M. Y... à son épouse portant sur sa part dans une villa située à Sidi Kacem au Maroc et rejette cette demande, l'arrêt rendu le 4 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi n° W 17-13.611 par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir limité le montant de la prestation compensatoire allouée à l'épouse à 35 000 euros,
AUX MOTIFS QUE
« Aux termes des dispositions de l'article 270 du code civil, le divorce met fin au devoir de secours ; l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que le rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ; le juge peut toutefois refuser d'accorder une telle prestation si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture.
Aux termes des dispositions de l'article 271 du même code, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. A cet effet, le juge prend en considération notamment :
- la durée du mariage ;
- l'âge et l'état de santé des époux ;
- leur qualification et leur situation professionnelles ;
- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint, au détriment de la sienne ;
- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
- leurs droits existants et prévisibles ;
- leur situation respective en matière de pensions de retraite, en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à la retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances susvisées relatives aux choix professionnels.
Le "moment du divorce" prévu par l'article 272 du code civil se situe au moment du présent arrêt, le prononcé du divorce l'étant par voie de confirmation du jugement entrepris.
M. Y... est retraité et dispose à ce titre d'une somme de l'ordre de 1200 euros par mois au vu des avis de versement de 2013 ou 2014 de ses diverses caisses de retraite.
M. Y... a été placé sous tutelle à la suite d'un grave accident de la voie publique survenu en Espagne le 30 décembre 2008 et conclut être aujourd'hui "gravement handicapé même si la mesure de protection a été levée" par jugement du 22 janvier 2015.
M. Y... ne verse toutefois aucun document médical et Mme X... démontre, par la production d'un extrait du registre du commerce de Nîmes, que M. Y... a créé une société d'import-export de fruits et légumes le 17 juin 2015. M. Y... ne commente pas la production de cette pièce.
Mme X... conclut que M. Y... cumule une allocation adulte handicapée et ses retraites, mais ne verse aucun document démontrant que M. Y... continue à percevoir une allocation adulte handicapée. Au contraire, le relevé du compte bancaire de M. Y... de tout le mois de juin 2015 ne fait pas ressortir le versement d'une allocation adulte handicapé mais, outre les versements des pensions de retraite, deux versements de 500 euros provenant de son tuteur dont l'objet n'est toutefois pas expliqué.
M. Y... conclut avoir perçu deux provisions à la suite de son accident, une première de 17000 euros perçue par son épouse et une seconde de 10000 euros qui a servi pour la quasi-totalité à régler des dettes, fait confirmé par son ancien tuteur. M. Y... produit de son côté une offre d'indemnisation non datée mais antérieure à l'expertise judiciaire faisant état d'une provision versée de 80.000 euros et d'un solde restant dû de 10034 euros. M. Y... produit une convocation pour son examen médical par l'expert judiciaire en date du mois de mai 2014. S'il apparaît étonnant que M. Y... ait pu percevoir une provision presque égale à son préjudice, il n'en reste pas moins que cette indemnité, perçue ou à percevoir, fait partie de son patrimoine propre, présent ou à venir, patrimoine qu'il convient de prendre en compte au titre de l'article 271 du code civil. Il est d'ores et déjà démontré qu'une somme de 10.000 euros sur le montant total a été affectée dans sa quasi-totalité au paiement de dettes.
Aucun des époux n'a déposé la déclaration sur l'honneur prévue à l'article 272 du code civil et n'indique quelles sont ses charges.
L'intimé conteste détenir un patrimoine financier propre et fait valoir que le solde du livret qu'il détiendrait selon son épouse pour un montant de 152.060 euros est un solde en dirhams marocains. Or, à la lecture de la pièce 18 produite par M. Y..., la somme mentionnée détenue auprès de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Gard est bien en euros. En revanche il s'agit d'un solde de l'année 2004, époque à laquelle, selon M. Y..., le couple avait une activité florissante qui leur a permis d'acquérir la propriété conjugale.
M. Y... ne produit aucun relevé de ses comptes détenus auprès de cette banque et Mme X... ne lui a pas fait sommation de les communiquer.
Aucun des deux époux, de nationalité marocaine lors de leur mariage et naturalisés français par décret du 10 mars 1995, ne précise quel est le régime matrimonial applicable, mais ils s'entendent pour évoquer des biens communs (qui peuvent être aussi indivis par moitié, ce qui ne change pas l'étendue du patrimoine de chacun).
L'un et l'autre admettent ainsi qu'ils sont propriétaires en commun de deux mas mis en vente en 2011 pour 2.500.000 euros et expertisé pour l'un d'entre eux à cette époque à la somme de 700.000 et 900.000 euros, le second valant, selon Mme X..., une somme de 200.000 euros.
Cette propriété avait fait l'objet d'un incendie partiel et le trésor public a adressé à la Compagnie d'assurance AXA, en 2010, un avis à tiers détenteur pour obtenir paiement de la somme de 74.475 euros.
M. Y... ajoute que "la propriété familiale" a fait l'objet d'une procédure de saisie immobilière à la requête du Crédit agricole, organisme prêteur, et produit le jugement rendu le 14 novembre 2013 ordonnant la vente forcée de l'immeuble. M. Y... explique qu'une somme de 260.000 euros a été remboursée avec l'aide de trois amis au Crédit agricole qui a accepté de ramener à ce montant sa créance et que les époux restent donc redevables de la dite somme aux trois prêteurs. Des virements sont produits aux débats sans qu'il soit possible de déterminer le montant total dû, mais il est établi qu'une vente forcée a été ordonnée en son temps pour une créance du Crédit agricole de 165.024 euros. Mme X... ne fait nullement état de cette dette.
Les deux époux s'accordent pour dire qu'ils sont ou étaient redevables d'une somme de 74.475 euros envers le trésor public et Mme X... produit un échéancier de paiement convenu avec le Trésor public.
Le juge aux affaires familiales a par ailleurs précisé que le jugement de divorce emportait révocation de la donation consentie par M. Y... à son épouse le 11 mars 1999. Par cet acte, M. Y... avait fait donation à son épouse de la totalité de sa part dans la propriété indivise équivalant à la moitié de la totalité de la propriété sis à Sidi Kacem d'une superficie de 204 m².
M. Y... serait donc, par l'effet de la révocation, propriétaire de la moitié de cette maison au Maroc.
Mais M. Y... affirme que son épouse est propriétaire d'un immeuble au Maroc évalué à dire d'expert à 918.000 dirhams, et la cour constate que l'expertise produite à cet appui diligentée le 4 avril 2013 sur requête de M. Y... au nom de son épouse porte sur la totalité de la dite villa dont il a donné la moitié indivise par donation dont il demande la révocation par application de l'article 265 du code civil. Une attestation de propriété de la villa est annexée à l'expertise et mentionne comme unique propriétaire Mme X....
Dans le même temps, si Mme X... ne demande pas dans le dispositif de ses conclusions que le jugement soit infirmé sur la révocation, elle conclut qu"'il existe une maison au Maroc sur laquelle le mari a tenté d'évincer l'épouse" et renvoie notamment à une procédure engagée au Maroc à l'issue de laquelle par jugement du 27 février 2008 son époux a été débouté de sa demande de révocation de la donation portant sur cette maison.
La révocation de plein droit prévue par l'article 265 du code civil ne porte pas sur les donations qui prennent effet au cours du mariage. Il s'ensuit que c'est à tort que le juge de première instance a considéré que la révocation prévue par cet article portait aussi sur la donation consentie le 11 mars 1999
Le jugement sera infirmé sur ce point.
Mme X... est donc propriétaire d'une maison évaluée par expert extra judiciaire à 918.000 dirhams (soit environ 83.000 euros) dont son époux lui a fait donation en son temps à hauteur de sa part, soit la moitié.
Mme X... déclare ne percevoir comme toutes ressources que le RSA d'un montant de 417 euros par mois selon une attestation de paiement de la Caisse d'allocations familiales du 7 août 2012.
Mme X... n'a aucunement actualisé les justificatifs de ses ressources et ne répond pas à l'argumentation de M. Y... selon lequel elle travaillerait ou pourrait percevoir une allocation adulte handicapée.
M. Y... produit un document de déclaration TVA en date du 29 décembre 2014 à remplir par Mme Y..., P/Société Agrimex Import pour M. B.... M. Y... ne complète toutefois pas sa production par un document plus explicite du registre du commerce sur la société Agrimex.
La cour peut uniquement déduire à ce jour de l'ensemble de ces éléments que Mme X... ne justifie pas de sa situation de ressources au moment du divorce.
En revanche, Mme X... a fait calculer sa retraite à compter du 1er janvier 2018. Il résulte de son relevé de carrière qu'elle n'a pas cotisé entre 1992 et 2001. Mme X... soutient n'avoir que peu travaillé, ayant aidé son mari, sans la moindre contrepartie durant toute sa vie, alors que ce dernier bénéficiait d'un salaire. Mme X... produit de nombreuses attestations attestant l'avoir vu travailler sur les marchés, parfois avec ses enfants, ou dans un magasin. Son époux écrit du reste au sujet du placement sur un livret datant de 2004': "époque à laquelle les époux M. Y... avaient une activité commerciale florissante". Le salaire de l'appelante de 2002 a été de 3108 euros pour l'année et de 6279 euros en 2003 (salaire pris en compte pour l'évaluation de sa retraite).
Il s'ensuit que l'absence de cotisation ou le montant réduit des rémunérations a eu une incidence sur les droits à la retraite de Mme X..., qui s'élèveront, suivant un calcul arrêté au 29 juillet 2015, à 107,64 euros brut pour une retraite prise le 1er janvier 2018.
En définitive, la disparité dans les conditions de vie respectives des parties n'est, au moment du divorce, pas démontrée dans la mesure où Mme X... n'actualise pas sa situation de ressources.
Mais, Mme X... démontre que sa retraite sera très faible et cela est dû en partie aux années durant lesquelles elle a travaillé avec son époux sans être déclarée ou en étant peu payée. Il s'agit d'un avenir prévisible, dans la mesure où Mme X... est proche de l'âge de la retraite pour être née le [...] et où son activité professionnelle éventuelle aprèsl'année 2012 (dernière année renseignée) impactera peu le montant de sa retraite.
Cette disparité résultant du montant respectif des retraites n'est pas compensée par le partage par moitié du solde du bien immobilier après paiement des dettes, mais ce partage démontre que l'un et l'autre auront encore à leur disposition un patrimoine financier.
Elle n'est pas davantage compensée par les patrimoines propres de l'un et l'autre époux ci-dessus analysés et si M. Y... a effectué une donation à son épouse en 1999, plusieurs années après le mariage et bien avant la séparation, pour, selon l'acte, sceller le lien entre les époux et porter aide et assistance à son épouse. Mme X... affirme que cette donation a été effectuée pour se faire pardonner d'une relation extra-conjugale. Quoiqu'il en soit, il ne résulte ni de l'acte, ni des époux, qu'elle ait été consentie pour prémunir Mme X... de tout besoin après la séparation.
En conclusion, la rupture du mariage entraîne une disparité dans les conditions de vie respectives des parties résultant de l'évolution de la situation des parties dans un avenir prévisible.
Le mariage a duré 40 ans. Quatre enfants sont issus de cette union.
M. Y... indique se trouver gravement handicapé psychologiquement à la suite de l'accident survenu en 2008, mais ne produit pas de pièces médicales et notamment le rapport d'expertise qui, selon lui, a été déposé.
Mme X... ne fait pas état de problèmes de santé.
Les époux sont respectivement âgés de 65 ans concernant monsieur et 61 ans concernant madame.
Cette disparité sera compensée, autant qu'il est possible et en considération des éléments ci-dessus examinés par l'allocation d'une somme de 35.000 euros (trente-cinq mille euros) »,
ALORS QU'il incombe au juge chargé de se prononcer sur l'octroi et le montant d'une prestation compensatoire, de solliciter en tant que de besoin, de la part de chacun des époux, la production de tous justificatifs de leurs charges et ressources, notamment leurs déclarations de revenus, leurs avis d'imposition et leurs bordereaux de situation fiscale, ainsi que de toutes les pièces justificatives relatives à leur patrimoine et leurs conditions de vie, en complément de la déclaration sur l'honneur permettant la fixation de la prestation compensatoire ; que pour fixer à 35 000 euros le montant de la prestation compensatoire allouée à Mme X..., la cour d'appel qui s'est bornée à constater que l'époux n'avait pas déposé de déclaration sur l'honneur concernant ses ressources et que l'épouse ne lui avait pas fait sommation de communiquer ses comptes bancaires détenus auprès d'un établissement bancaire, quand il lui incombait d'ordonner à l'époux de produire tous justificatifs à cet égard, la cour d'appel a méconnu son office et ainsi violé les articles 1075-2 du code de procédure civile, ensemble les articles 271 et 272 du code civil. Moyens produits au pourvoi n° Z 17-20.077 par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir condamné M. Driss Y... à verser une prestation compensatoire de 35 000 euros à Mme X... ;
AUX MOTIFS QU' « aucun des époux n'a déposé la déclaration sur l'honneur prévue à l'article 272 du code civil et n'indique quelles sont ses charges ;
[
] ;
que Mme X... est donc propriétaire d'une maison évaluée par expert extrajudiciaire à 918 000 dirhams (soit environ 83 000 euros) dont son époux lui a fait donation en son temps à hauteur de sa part, soit la moitié ;
que Mme X... déclare ne percevoir comme toute ressource que le RSA d'un montant de 417 euros par mois selon une attestation de paiement de la Caisse d'allocations familiales du 7 août 2012 ;
que Mme X... n'a aucunement actualisé les justificatifs de ses ressources et ne répond pas à l'argumentation de M. Y... selon lequel elle travaillerait ou pourrait percevoir une allocation adulte handicapée ;
que M. Y... produit un document de déclaration de TVA en date du 29 décembre 2014 à remplir par Mme Y..., P/Sté Agrimex Import pour M. B... ; que M. Y... ne complète toutefois pas sa production par un document plus explicite du registre du commerce sur la société Agrimex ;
que la cour peut uniquement déduire à ce jour de l'ensemble de ces éléments que Mme X... ne justifie pas de sa situation de ressources au moment du divorce ;
qu'en revanche, Mme X... a fait calculer sa retraite à compter du 1er janvier 2018 ; qu'il résulte de son relevé de carrière qu'elle n'a pas cotisé entre 1992 et 2001 ; que Mme X... soutient n'avoir que peu travaillé, ayant aidé son mari, sans la moindre contrepartie durant toute sa vie, alors que ce dernier bénéficiait d'un salaire ; que Mme X... produit de nombreuses attestations attestant l'avoir vu travailler sur les marchés, parfois avec ses enfants, ou dans un magasin ; que son époux écrit du reste au sujet du placement sur un livret datant de 2004 : « Epoque à laquelle les époux Y... avaient une activité commerciale florissante » ; que le salaire de l'appelante de 2002 a été de 3 108 euros pour l'année et de 6 279 euros en 2003 (salaire pris en compte pour l'évaluation de sa retraite) ;
qu'il s'ensuit que l'absence de cotisations ou le montant réduit des rémunérations a eu une incidence sur les droits à la retraite de Mme X... qui s'élèveront suivant un calcul arrêté au 29 juillet 2015 à 107,64 euros brut pour une retraite prise le 1er janvier 2018 ;
qu'en définitive, la disparité dans les conditions de vie respectives des parties n'est, au moment du divorce, pas démontrée dans la mesure où Mme X... n'actualise pas sa situation de ressources ;
mais que Mme X... démontre que sa retraite sera très faible et cela est dû en partie aux années durant lesquelles elle a travaillé avec son époux sans être déclarée ou en étant peu payée ; qu'il s'agit d'un avenir prévisible dans la mesure où Mme X... est proche de l'âge de la retraite pour être née le [...] et où son activité professionnelle éventuelle après l'année 2012 (dernière année renseignée) impactera peu le montant de sa retraite ;
que cette disparité résultant du montant respectif des retraites n'est pas compensée par le partage par moitié du solde du bien immobilier après paiement des dettes, mais ce partage démontre que l'un et l'autre auront encore à leur disposition un patrimoine financier ;
qu'elle n'est pas davantage compensée par les patrimoines propres de l'un et l'autre époux ci-dessus analysés et si M. Y... a effectué une donation à son épouse en 1999, plusieurs années après le mariage et bien avant la séparation pour, selon l'acte, sceller le lien entre les époux et porter aide et assistance à son épouse, Mme X... affirme que cette donation a été effectuée pour se faire pardonner d'une relation extraconjugale ; quoiqu'il en soit, il ne résulte ni de l'acte, ni des époux, qu'elle ait été consentie pour prémunir Mme X... de tout besoin après la séparation ;
qu'en conclusion, la rupture du mariage entraîne une disparité dans les conditions de vie respectives des parties résultant de l'évolution de la situation des parties dans un avenir prévisible ;
que le mariage a duré 40 ans ; que quatre enfants sont issus de cette union ;
que M. Y... indique se trouver gravement handicapé psychologiquement à la suite de l'accident survenu en 2008 mais ne produit pas de pièces médicales, et notamment le rapport d'expertise qui, selon lui, a été déposé ;
que Mme X... ne fait pas état de problèmes de santé ;
que les époux sont respectivement âgés de 65 ans concernant Monsieur et de 61 ans concernant Madame ;
que cette disparité sera compensée, autant qu'il est possible et en considération des éléments ci-dessus examinés, par l'allocation d'une somme de 35 000 euros (trente cinq mille euros) » ;
ALORS QUE, selon l'article 272 du code civil, « dans le cadre de la fixation d'une prestation compensatoire, par le juge ou par les parties [
], les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie » ; qu'ayant pour but de permettre au juge d'apprécier sur des bases exactes et sincères les conditions de vie des parties et leur éventuelle disparité pour exercer l'office que lui confère la loi, cette prescription est d'ordre public ; qu'ayant constaté qu' « aucun des époux n'a déposé la déclaration sur l'honneur prévue à l'article 272 du code civil et n'indique quelles sont ses charges », et que « Mme X... ne justifie pas de sa situation de ressources au moment du divorce », la cour d'appel ne pouvait décider de statuer cependant sur la demande de prestation compensatoire et d'y faire droit sans violer l'article 272 du code civil.