LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 17 mars 2016), que Mme A... a pris à bail des parcelles agricoles appartenant à M. et Mme X... ; que, par lettres des 1er mars et 5 juin 2014, ceux-ci ont mis le preneur en demeure de leur payer le fermage 2012-2013 ; qu'à défaut de règlement dans les trois mois, ils ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation et paiement de sommes ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de résiliation ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que Mme A... , induite en erreur sur la superficie exploitée par un relevé adressé par la caisse de mutualité sociale agricole, avait pu légitimement croire que les fermages avaient été calculés, depuis la prise d'effet du bail, sur la base d'une contenance inexacte et relevé qu'elle avait, de bonne foi, régularisé sa situation lors de la tentative de conciliation devant le tribunal, la cour d'appel a pu retenir l'existence d'une raison sérieuse et légitime de nature à faire obstacle à la résiliation, au sens de l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de paiement du fermage 2013-2014 ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les bailleurs se bornaient à demander la condamnation au paiement d'un fermage sans offrir de preuve permettant de rendre leur créance déterminable, la cour d'appel a, sans violer les textes invoqués par le moyen, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six septembre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. et Mme X... de leur demande de résiliation du bail du 1er janvier 1993,
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« Selon les dispositions de l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime sauf dispositions législatives particulières, nonobstant toute clause contraire et sous réserve des dispositions des articles L. 411-32 et L. 411-34, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s'il justifie de l'un des motifs suivants parmi lesquels deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produit revenant au bailleur ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance, cette mise en demeure devant, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition. Le motif tenant au non paiement du fermage ne peut être invoqué en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes.
En l'espèce l'examen des pièces produites démontre que le litige entre les parties trouve son origine en 2012 lorsque Mme Z... a demandé à M. et Mme X... de lui rembourser une facture de 535 euros correspondant à des travaux d'élagage de haie dont elle avait pris l'initiative en raison selon elle de la carence des bailleurs, ces derniers ayant refusé de prendre en charge le montant de cette facture, que Mme Z..., qui entendait faire constater par huissier le défaut d'entretien de haies se trouvant sur une parcelle appartenant à M. et Mme X... à l'origine d'une perte d'exploitation sur les parcelles données à bail, a sollicité un relevé d'exploitation de la caisse de mutualité sociale agricole, que ce relevé daté du 25 février 2013 a fait apparaître une superficie totale de 8 hectares 59 ares et 85 centiares pour les terres données à bail alors que le fermage avait toujours été calculé sur la base d'une superficie de 9 hectares 42 ares et 59 centiares, que c'est dans ces conditions que Mme Z... a pris l'initiative de recalculer le montant du fermage, de solliciter le remboursement du trop versé et de s'abstenir de payer le fermage afférent à l'année culturale 2012/2013, que les bailleurs lui ont fait délivrer deux mises en demeure demeurées infructueuses, que lors de la tentative de conciliation elle a finalement admis avoir commis une erreur et a payé la somme demandée.
Compte tenu des éléments ci-dessus, il convient de retenir qu'ayant été induite en erreur sur la superficie exploitée par le relevé d'exploitation adressé par la caisse de mutualité sociale agricole Mme Z... a pu légitimement croire que les fermages avaient été calculés depuis la prise d'effet du bail sur la base d'une superficie inexacte.
Si elle a disposé d'un délai de plusieurs mois après réception des mises en demeure pour effectuer les vérifications nécessaires et régulariser sa situation, ce qu'elle s'est abstenue de faire avant la saisine du tribunal paritaire, elle a finalement admis l'erreur commise et a payé le fermage afférent à l'année 2012/2013 lors de la tentative de conciliation devant le tribunal paritaire, ce qui caractérise sa bonne foi.
Compte tenu de ces éléments le tribunal doit être approuvé d'avoir retenu l'existence d'une raison sérieuse et légitime et rejeté la demande de résiliation de bail présentée par les consorts X....
Il convient en conséquence de confirmer le jugement de ce chef »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« Sur la résiliation du bail
En l'espèce, s'il est établi que le preneur n'a régularisé paiement qu'après la saisine de la présente juridiction, en application d'une jurisprudence constante, il convient d'apprécier la valeur des motifs qui sont à l'origine du retard de paiement des fermages.
Mme Claudine Z... épouse A... justifie que le relevé MSA et le plan cadastral en sa possession reprenait une surface moindre que celle figurant sur le bail, elle a donc pu valablement dans un premier temps contester le quantum des loyers et a régularisé paiement lorsqu'elle s'est aperçue de son erreur.
Il convient dans des conditions de rejeter la demande de résiliation et les demandes subséquentes du bailleur ;»
ALORS QUE le paiement du fermage au terme convenu constitue une obligation essentielle du preneur dont il ne peut unilatéralement s'affranchir au motif d'une simple contestation portant sur le prix du fermage, dès lors qu'elle n'est pas accompagnée de la moindre initiative procédurale ni d'aucune démarche tendant à en vérifier le bien-fondé, le preneur serait-il de bonne foi ; qu'ayant constaté, d'une part, que Mme Z... n'avait pas payé le fermage du dans le délai de trois mois après la seconde mise en demeure ni avant la saisine, par M. et Mme X... , du tribunal paritaire des baux ruraux d'une action en résiliation de bail pour défaut de paiement des fermages, d'autre part, que dans les mois qui avaient suivi la réception des mises en demeure, elle s'était abstenue d'effectuer les vérifications nécessaires et de régulariser sa situation, avant d'admettre l'erreur commise et de payer tardivement le fermage afférent à l'année 2012-2013, la cour d'appel, qui a admis l'existence d'une raison sérieuse et légitime faisant obstacle au prononcé de la résiliation, au motif inopérant que Mme Z... était de bonne foi, a violé l'article L 411-31 du code rural et de la pêche maritime.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. et Mme X... de leur demande en paiement du fermage afférent à l'année 2013/2014,
AUX MOTIFS QUE « M et Mme X... demandent la condamnation de Mme Z... au paiement du fermage afférent à l'année 2013/2014 sans en préciser le montant en sorte que cette demande ne peut être accueillie »,
ALORS QUE le juge ne peut rejeter une demande en paiement d'un fermage au seul motif qu'elle n'est pas chiffrée dès l'instant où elle est parfaitement déterminable ; qu'en rejetant la demande des bailleurs en paiement du fermage afférent à l'année 2013/2014 au motif qu'ils n'en précisaient pas le montant, quand ce montant était parfaitement déterminable, de surcroît bien connu de Mme Z..., cessionnaire depuis 2006 du bail consenti à son époux en 1993, et que celle-ci n'avait d'ailleurs pas opposé à cette demande en paiement son caractère non chiffré, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.