LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à l'issue de la réalisation, le 13 août 2010, par M. Z..., médecin radiologue (le praticien), d'un arthro-scanner d'une épaule, dans les locaux de la société d'exercice libéral Imagerie nouvelle de la Haute-Corse (la société), M. Y... a présenté une infection nosocomiale ; qu'après avoir sollicité des expertises en référé, il a assigné en responsabilité et indemnisation le praticien et la société et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse (la caisse) qui a demandé le remboursement de ses débours ; qu'il a, ensuite, assigné aux mêmes fins la société Clinique X... (la clinique), située à la même adresse que la société ; que la Société hospitalière d'assurances mutuelles, assureur de la clinique (l'assureur), est intervenue volontairement à la procédure ;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;
Attendu que, pour condamner in solidum la clinique et l'assureur à payer différentes sommes à M. Y... et à la caisse, l'arrêt retient l'existence d'une cause étrangère, découlant de ce que la société constituerait le service de radiologie de l'établissement de santé ;
Qu'en statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu qu'un rapport d'expertise n'est opposable à une partie que lorsqu'elle a été appelée ou représentée au cours des opérations d'expertise ; que, s'il appartient au juge de prendre en considération un tel rapport dès lors qu'il a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, il doit, lorsque la partie a soulevé son inopposabilité, rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve ;
Attendu que, pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que l'expertise médicale à laquelle la clinique et l'assureur n'ont pas été appelés ou représentés leur est opposable, dès lors qu'elle a été soumise à la discussion des parties et au débat contradictoire et qu'il y a lieu de se fonder sur les constatations de l'expert ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Et attendu qu'il y a lieu de mettre hors de cause, sur sa demande, le praticien dont la présence devant la cour d'appel de renvoi n'est pas nécessaire à la solution du litige ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes de M. Y... et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse à l'encontre de M. Z..., l'arrêt rendu le 22 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Met hors de cause M. Z... ;
Condamne la société Imagerie nouvelle de la Haute-Corse aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Clinique X... - société d'exploitation de la polyclinique du docteur Raoul X... et la Société hospitalière d'assurances mutuelles
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR dit que la Clinique X... est responsable du préjudice subi par M. Carlo Y..., et en conséquence d'AVOIR condamné in solidum la Clinique X... et la SHAM à payer à la CPAM de la Haute-Corse la somme de 7 213,09 euros, sous réserve des débours ultérieurs, avec intérêts au taux légal à compter de la date de la signification de la décision, d'AVOIR dit qu'une telle somme s'imputera poste par poste sur les indemnités allouées à M. Carlo Y..., d'AVOIR fixé le déficit fonctionnel temporaire de M. Carlo Y... à la somme de 1 800 euros, D'AVOIR en conséquence condamné in solidum la Clinique X... et la SHAM à payer à M. Carlo Y... la somme de 8 829 euros en réparation du préjudice corporel non soumis au recours de l'organisme social, d'AVOIR condamné la Clinique X... et la SHAM au paiement de la somme de 1 035 euros à la CPAM au titre de l'indemnité forfaitaire, et d'AVOIR débouté la Clinique X... et la SHAM de leurs demandes contraires ;
AUX MOTIFS QUE « l'infection a été contractée lors de l'arthro-scanner réalisé par le docteur Z... au sein de la SELARL Imagerie Nouvelle de Haute Corse ; que si un centre de soins dont la forme juridique est une SCM de radiologie, n'est pas un établissement de santé au sens de l'article L1142-1 du code de la santé publique, tel n'est pas le cas d'une structure sociale qui a pour objet d'exercer la profession médicale ; que la SELARL Imagerie Nouvelle de Haute Corse, centre de radiologie, constitue une des structures auxquelles s'applique, en vertu de l'article L 1142-1 alinéa 2 du code de la santé publique, une responsabilité de plein droit pour les infections nosocomiales qui y sont survenues ; que les débats sur la faute ou l'absence de faute sont donc inopérants ; que toutefois, en vertu de l'article L 1142-1, I, alinéa 2 du code de la santé publique est responsable des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'il rapporte la preuve d'une cause étrangère, tout établissement, service ou organisme dans lequel sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ; que pour échapper à la responsabilité de plein droit qui leur incombe, comme ayant réalisé des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins, le docteur Z... et la SELARL Imagerie Nouvelle de Haute Corse doivent démontrer l'existence d'une cause étrangère, résidant aux termes des écritures des parties dans la circonstance qu'assurant tous les besoins de la Clinique X... en matière de scanner, la SELARL devait être considérée comme le service de radiologie de l'établissement de santé, lui-même soumis aux dispositions de l'article L1142-1 du code de la santé publique pour les infections nosocomiales qui y étaient survenues ; qu'à ce titre, l'indépendance matérielle de la SELARL Imagerie Nouvelle de Haute Corse qui dispose de ses propres locaux et de son propre matériel, spécifiquement dédié à l'exercice d'une activité dont elle a l'exclusivité et qui bénéficie d'une indépendance qui lui permet d'avoir une clientèle distincte de celle de la clinique et des médecins qui réalisent les examens dans ses propres locaux, n'exclut pas qu'il constitue le centre de radiologie de la clinique ; qu'en effet, aux termes de la convention du 17 mai 2006, la S.A.R.L. Imagerie Nouvelle de Haute Corse "est à la disposition de tous les praticiens intervenant à la clinique pour les examens de scanners des patients hospitalisés ou non", les radiologues assurent en permanence, nuit et jours, dans les délais les plus brefs, les examens et leur interprétation, sur demande du praticien ; que ce protocole fixe le mode de fonctionnement et rappelle l'obligation d'intervention en permanence ; que ce contrat démontre que la clinique qui impose ce mode de fonctionnement à la S.A.R.L. Imagerie Nouvelle de Haute Corse, la met à sa disposition pour assurer tous les besoins en matière de scanners de la clinique ; que plus que le voisinage, ou les entrées communes, c'est le protocole qui caractérise le lien de la SELARL à l'égard de la Clinique, qui en a fait "son" service de scanner médical ; que même si, comme elle le soutient, la clinique démontrait qu'elle dispose du libre choix d'adresser ses patients pour les scanners à une autre structure, ce qu'elle ne prouve pas, la lettre de la convention portant protocole de fonctionnement, soumet le centre de scanner à la clinique et à ses praticiens » ;
1) ALORS QUE le juge ne peut statuer en méconnaissance des termes du litige ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions d'appel, aucune des parties ne faisait valoir qu'aurait constitué une cause étrangère exonérant la société Imagerie nouvelle de la Haute-Corse de sa responsabilité de plein droit à raison de l'infection nosocomiale de M. Carlo Y..., la circonstance qu'elle assurait tous les besoins de la Clinique X... en matière de scanner, de sorte qu'elle aurait dû être considérée comme le service de radiologie de cet établissement ; qu'en faisant néanmoins application, à l'égard de la société Imagerie nouvelle de la Haute-Corse, d'une telle cause d'exonération de sa responsabilité de plein droit, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions d'appel, aucune des parties ne faisait valoir qu'aurait constitué une cause étrangère exonérant la société Imagerie nouvelle de la Haute-Corse de sa responsabilité de plein droit à raison de l'infection nosocomiale de M. Carlo Y..., la circonstance qu'elle assurait tous les besoins de la Clinique X... en matière de scanner, de sorte qu'elle aurait dû être considérée comme le service de radiologie de cet établissement ; qu'en se fondant, pour exonérer la société Imagerie nouvelle de la Haute-Corse, sur un tel moyen qu'elle relevait d'office, sans avoir au préalable provoqué les observations des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3) ALORS QU' un établissement, service ou organisme dans lequel sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins, ne peut échapper à sa responsabilité de plein droit relativement aux dommages résultant d'infections nosocomiales, que s'il rapporte la preuve d'une cause étrangère ; que n'est susceptible de constituer une telle cause étrangère qu'un fait ou évènement imprévisible, irrésistible et extérieur à l'origine de ces infections nosocomiales ; qu'en l'espèce, en retenant à titre de cause étrangère à la responsabilité de plein droit de la société Imagerie nouvelle de la Haute-Corse relativement à l'infection nosocomiale de M. Carlo Y..., l'existence d'une convention la liant à la Clinique X..., qui permettait à cette dernière d'assurer tous ses besoins en matière de scanners, de sorte qu'elle aurait constitué son service de radiologie, la cour d'appel a violé l'article L.1142-1, I, alinéa 2, du code de la santé publique.
4) ALORS QUE l'existence d'une cause étrangère à l'origine d'une infection nosocomiale a pour seul effet d'exonérer l'établissement, le service ou l'organisme au sein duquel a été réalisé l'acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soins, de sa responsabilité de plein droit, sans avoir pour conséquence de transférer une telle responsabilité de plein droit sur autrui ; qu'en l'espèce, en déduisant de ce que l'infection nosocomiale de M. Carlo Y... proviendrait d'une cause étrangère faisant échapper la société Imagerie nouvelle de la Haute-Corse à sa responsabilité de plein droit, tenant à l'existence d'une convention la liant à la Clinique X..., que cette dernière engageait sa responsabilité au titre d'une telle infection nosocomiale, la cour d'appel a violé l'article L.1142-1, I, alinéa 2, du code de la santé publique.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)Le moyen reproche à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR condamné in solidum la Clinique X... et la SHAM à payer à la CPAM de la Haute-Corse la somme de 7 213,09 euros, sous réserve des débours ultérieurs, avec intérêts au taux légal à compter de la date de la signification de la décision, d'AVOIR dit qu'une telle somme s'imputera poste par poste sur les indemnités allouées à M. Carlo Y..., d'AVOIR fixé le déficit fonctionnel temporaire de M. Carlo Y... à la somme de 1 800 euros, D'AVOIR en conséquence condamné in solidum la Clinique X... et la SHAM à payer à M. Carlo Y... la somme de 8 829 euros en réparation du préjudice corporel non soumis au recours de l'organisme social, d'AVOIR condamné la Clinique X... et la SHAM au paiement de la somme de 1 035 euros à la CPAM au titre de l'indemnité forfaitaire, et d'AVOIR débouté la Clinique X... et la SHAM de leurs demandes contraires ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur l'opposabilité du rapport d'expertise : nonobstant leurs conclusions contraires, l'expertise médicale est opposable aux appelantes ; qu'en effet, elle a été soumise à la discussion des parties et au débat contradictoire ; que les appelantes ne soulèvent d'ailleurs aucune critique relative à cette expertise, elles ne la contestent pas et n'ont pas sollicité de contre-expertise ou même de complément d'expertise ; que le jugement doit donc être confirmé mais par substitution de motifs en ce qu'il a statué sur la responsabilité de l'infection nosocomiale et implicitement considéré que le rapport d'expertise leur ét(ait) opposable ; que la Clinique X... et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles - SHAM - doivent être déboutées de leurs demandes contraires » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur la CPAM de la Haute-Corse : le montant des prestations de la CPAM est de 7.213,09 €, soit : - PREJUDICE PATRIMONIAUX TEMPORAIRES : - Dépenses de Santé Actuelles : - frais médicaux et pharmaceutiques : 2.396,32 € ; - frais d'hospitalisation du 12.09 au 16.09.2010 : 4.816,77 € ; TOTAL : 7.213,09 € : qu'il y a lieu de condamner in solidum la Clinique X... et son assureur SHAM à payer à la CPAM de la Haute-Corse la somme de 7 213.09 €, sous réserve des débours ultérieurs, avec intérêts au taux légal à compter de la date de la signification du présent jugement (
) ; sur le préjudice : Monsieur Carlo Y... sollicite le paiement de la somme de 1800 € au titre du DFT, celle de 15 000 € au titre des souffrances endurées et celle de 1829,22 € au titre des frais divers ; que sur la base des conclusions de l'expert, il convient d'allouer à Monsieur Carlo Y..., âgé de 70 ans, les sommes suivantes : - sur le déficit temporaire (DFT) : que l'expert judiciaire retient un DFT sur une période de trois mois allant jusqu'au 23 décembre 2010 ; qu'il y a lieu (d'allouer) à la victime la somme de 1.800 € proposée par la clinique et son assureur ; les souffrances endurées (SE) : que l'expert judiciaire précise qu'il y a des souffrances endurées pour : - 40 jours à 5/7 ; 40 jours à 3/7 ; 40 jours à 1/7 ; qu'il y a lieu d'allouer à la victime la somme de 7 000 € de ce chef ; Sur les frais divers : que la victime réclame : - dépenses admises par l'expert dans son premier rapport (17 octobre 2011) page 7
. 855,72 € ; - déplacement à MARSEILLE du 16 au 17 juin 2011
. 315,08 € ; - déplacement à MARSEILLE du 14 au 15 décembre 2011 506,52 € ; - déplacement à MARSEILLE pour l'expertise n° 02
. 151,90 € ; TOTAL : 1.829,22 € ; qu'il y a lieu d'allouer à la victime, au titre des frais divers, la somme de 1 829,22 €, somme proposée par la clinique et son assureur ; (
)
qu'en conséquence, il y a lieu de condamner in solidum la Clinique X... et la SHAM à payer à Monsieur Carlo Y... la somme de 8829,22 € en réparation du préjudice corporel, non soumis au recours de l'organisme sociale, après déduction de l'indemnité précitée de 1800 € » ;
ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'un rapport d'expertise rendu à l'issue d'opérations d'expertise auxquelles une partie n'a été ni présente ni représentée, ne lui est pas opposable, le juge ne pouvant dès lors fonder sa décision exclusivement sur un tel rapport ; qu'en l'espèce, la clinique X... et la SHAM faisaient valoir, dans leurs écritures d'appel, l'inopposabilité des rapports d'expertise des 17 octobre 2011 et 22 juin 2012 établis à l'issue d'opérations d'expertise auxquelles elles n'avaient été ni parties ni représentées ; qu'en déclarant opposables à leur égard ces rapports d'expertise et en fondant exclusivement sur eux les condamnations prononcées à leur encontre, sans relever aucun autre élément de preuve, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.