LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que l'arrêt attaqué (Versailles, 13 décembre 2016) fixe les indemnités revenant à la société Nour, depuis en liquidation judiciaire, à la suite de l'expropriation d'une parcelle sur laquelle était située une véranda qu'elle avait l'autorisation d'occuper temporairement pour l'exploitation de son fonds de commerce ;
Attendu que la société Val de Seine aménagement fait grief à l'arrêt de fixer comme il le fait les indemnités dues à la société Nour, alors, selon le moyen :
1°/ que les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ; que l'exproprié, qui ne détient aucun droit juridiquement protégé, ne peut prétendre à aucune indemnisation ; que tel est le cas du locataire qui ne bénéficie que d'une autorisation accordée à titre précaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que la société Nour ne bénéficiait que d'une autorisation précaire d'exploiter son fonds sur la terrasse, objet de l'expropriation ; qu'en décidant néanmoins de lui accorder une indemnisation, et cela à hauteur de 104 900,60 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
2°/ qu'en énonçant que cette autorisation était toujours en vigueur au moment de la procédure d'expropriation et que la société Nour devait continuer à bénéficier de cet usage, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a ainsi, en toute hypothèse, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la société Nour était titulaire d'une autorisation temporaire de créer une terrasse fermée au droit de son établissement, accordée à titre gratuit et précaire, le 18 mars 1981, par l'association syndicale libre de la zone d'aménagement concertée de la Tête du Pont de Sèvres et, le 26 mai 1981, par le syndicat des copropriétaires Aquitaine et relevé que cette autorisation était toujours en vigueur au moment de la procédure d'expropriation, la cour d'appel en a exactement déduit que, le préjudice de cette société étant en lien avec l'expropriation, celle-ci avait droit à une indemnisation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique du pourvoi incident qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Val de Seine aménagement.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR fixé les indemnités dues par la société Val de Seine Aménagement à la SCI Nour aux sommes de 86.625 € au titre de l'indemnité d'éviction, 13.275,60 € pour les frais d'enseignes, 5.000 € pour la perte d'exploitation et 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
AUX MOTIFS QUE (Description) il s'agit d'une véranda située au droit du bar-tabac-restaurant exploité sous l'enseigne « Brasserie... » et située sur le foncier de la SAEM et du syndicat des copropriétaires '[...]" ; que la terrasse est de 77m², couverte par une véranda construite en début 1980 par l'exploitant de l'époque à titre précaire et gratuit ; qu'elle est séparée en deux espaces : un côté fumeur et un non-fumeur et accessible par une double porte à l'avant de la véranda ; que la structure est métallique, le plafond en plexiglass, le sol en parquet flottant et les murs sont des cloisons vitrées mobiles ouvrant l'été ; que la SNC est occupante depuis 2008 ; que l'expropriant précise qu'après les travaux, la SNC pourra demander l'autorisation temporaire d'utiliser à nouveau les lieux à la ville de Boulogne sur Seine ; (Les droits) les appelants soutiennent qu'il existe des droits réels à leur profit, que cette construction a été financée et entretenue et exploitée par le propriétaire du fonds de commerce. Ils exposent qu'initialement, le propriétaire du fonds de commerce a acquis un doit de construire, qu'elle a un droit de propriété portant sur la construction car depuis plus de 30 ans, il existe une prescription selon les articles 2255 et 2265 du code civil, qu'elle bénéficie d'un droit à indemnisation, que la privation d'un droit de jouissance à titre commercial est indemnisable, qu'une convention précaire ne peut pas durer plus de 2 ans conformément à l'article L 145-5 du code du commerce, qu'elle perd un droit juridiquement protégé ; que la SAEM précise que l'occupation gratuite a été autorisée à titre précaire et révocable ainsi qu'en atteste le procès-verbal d'assemblée générale de l'ASL de la ZAC de la tête du Pont de Sèvres en date du 26 mai 1981 et que la véranda est pour sa majeure partie construite sur le tènement acquis par la SAEM Val de Seine Aménagement le 27 juillet 2012 et pour quelques m² sur une parcelle propriété de la copropriété Aquitaine II dont l'acquisition est prévue pour le 3ème trimestre 2014 à la suite de l'accord intervenu avec cette copropriété ;
(l'assemblée générale) :
- de l'ASL de la Zac de la Tête du Pont de Sèvres le 18 mars 1981 a autorisé le café « le Champollion » à créer une terrasse fermée sur le forum au droit de l'établissement et cela à titre gratuit et à titre précaire.
- du syndicat des copropriétaires « Aquitaine » le 26 mai 1981 a autorisé la construction sur le forum à titre précaire au droit du café restaurant d'une terrasse fermée ; qu'en l'espèce, comme l'indique l'assemblée générale du 18 mars 1981, l'autorisation a été donnée au propriétaire du fonds de commerce ; que cette autorisation émanait d'un syndicat des copropriétaires et d'une ASL ; que cette autorisation était donnée au preneur et non pas au propriétaire ; qu'en l'espèce, comme l'indique l'expropriant la terrasse n'est pas mentionnée dans le bail et l'appelante n'indique pas qu'elle aurait acheté cette terrasse qui lui aurait été transmise par le précédent preneur ; que le bail mentionne qu'il porte sur un « local commercial situé au rez-de-chaussée constituant le lot 317 et comprenant les 737/23550 », soit le local d'origine lors de l'établissement du règlement de copropriété ; que de plus, dans le bail, le vendeur mentionne que la SNC bénéficie « d'un droit de terrasse couverte et fermée qui lui a été consentie à titre précaire par la mairie........ » ; qu'il en résulte qu'aucune prescription acquisitive ne peut avoir lieu à son profit, ce n'est pas le bailleur qui est à l'origine de l'autorisation mais deux syndicats des copropriétaires qui ne peuvent pas transmettre des droits pour un bail commercial ; que conformément à l'article 13-13 du code de l'expropriation, les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ; que la société soutient justement qu'elle bénéficie d'un droit juridiquement protégé en ce sens que l'autorisation était toujours valable quand l'expropriant est devenu propriétaire des lieux et que ce n'est que l'intervention de ce dernier qui va mettre un terme à cette autorisation ; (Les indemnités) les appelants demandent les sommes de 400. 000 € pour le préjudice lié à la perte de la terrasse, qu'elle fonde en demandant la somme de 5.000 € le m² ou -205.000 € d'indemnité d'éviction pour la surface commerciale, 300.000 € pour la perte du chiffre d'affaire lié à la perte de l'activité de PMU ; que la SNC n'est pas propriétaire de la terrasse, elle ne peut pas prétendre à une indemnité pour sa perte ; que s'agissant de l'indemnité d'éviction, au titre de la surface commerciale perdue, la société demande la moitié de la valeur du fonds de commerce ; qu'il est exact que la société bénéficiait d'une autorisation précaire d'exploiter son fonds sur la terrasse, toutefois, cette autorisation était toujours en vigueur au moment de la procédure d'expropriation et la société devait continuer à bénéficier de cet usage ; qu'en conséquence, elle peut prétendre à une indemnisation, son préjudice ayant un lien avec l'expropriation ; qu'elle demande la somme de 205.000 € correspondant selon elle à la moitié du fonds de commerce perdue ; qu'elle ne verse aucune pièce justifiant de sa demande ; qu'en l'absence d'élément concernant le calcul et s'agissant non pas de la perte du fonds de commerce mais d'une perte partielle de la surface liée à l'activité de brasserie-restaurant, il y a lieu de retenir la somme de 86.625 € que l'expropriant propose à titre infiniment subsidiairement, pour l'indemnisation du bien ;
(Indemnités accessoires) la société demande des sommes pour reconstruire la devanture de son fonds de commerce selon devis versé au dossier. Elle demande 41.193 € selon devis de la société Design'Metal, 13.275, 60 € selon devis de la société la Vedette, 13.156 € de frais de maîtrise d'oeuvre, 150.000 € d'arrêt d'exploitation du fonds pendant deux mois pour indemniser la perte du chiffre d'affaires notamment celle relative à l'activité nouvelle de tabac et à l'obligation de faire face aux charges pendant cette période ; que l'expropriant soutient qu'à la suite des travaux, les terrains vont être cédés à la ville de Boulogne et inclus dans le domaine communal et que la reconstruction de la terrasse ne pourra être autorisée que par la ville en sa qualité de maître du domaine et qu'ainsi la réinstallation de la terrasse reste éventuelle ; que (
.) s'agissant du devis pour la somme de 13.275,60 €, il s'agit de la fourniture et de la pose d'un néon, d'un bandeau avec les mentions « brasserie du Forum » et « bar brasserie », ces frais sont consécutifs à l'expropriation, ils doivent être remboursés, soit la somme de 13.275,60 € ; que s'agissant de la perte d'exploitation, la SCI ne verse aucun élément, notamment les bilans la cour a les éléments pour allouer la somme forfaitaire de 5.000 € tenant compte des préjudices liés à la période des travaux ;
1°) ALORS QUE les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ; que l'exproprié, qui ne détient aucun droit juridiquement protégé, ne peut prétendre à aucune indemnisation ; que tel est le cas du locataire qui ne bénéficie que d'une autorisation accordée à titre précaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que la société Nour ne bénéficiait que d'une autorisation précaire d'exploiter son fonds sur la terrasse, objet de l'expropriation ; qu'en décidant néanmoins de lui accorder une indemnisation, et cela à hauteur de 104.900,60 €, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1 Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (article L. 13-13 du code de l'expropriation) ;
2°) ALORS QU'en énonçant que « cette autorisation était toujours en vigueur au moment de la procédure d'expropriation et la société devait continuer à bénéficier de cet usage », la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a ainsi, en toute hypothèse, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (article L. 13-13 du code de l'expropriation). Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société C. X..., ès qualités.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité à la somme de 86 625 euros le montant de l'indemnité d'éviction due à la société Nour ;
AUX MOTIFS QUE : « s'agissant de l'indemnité d'éviction, au titre de la surface commerciale perdue, la société demande la moitié de la valeur du fonds de commerce ; qu'il est exact que la société bénéficiait d'une autorisation précaire d'exploiter son fonds sur la terrasse, toutefois, cette autorisation était toujours en vigueur au moment de la procédure d'expropriation et la société devait continuer à bénéficier de cet usage ; qu'en conséquence, elle peut prétendre à une indemnisation, son préjudice ayant un lien avec l'expropriation ; qu'elle demande la somme de 205.000 € correspondant selon elle à la moitié du fonds de commerce perdue ; qu'elle ne verse aucune pièce justifiant de sa demande ; qu'en l'absence d'élément concernant le calcul et s'agissant non pas de la perte du fonds de commerce mais d'une perte partielle de la surface liée à l'activité de brasserie-restaurant, il y a lieu de retenir la somme de 86.625 € que l'expropriant propose à titre infiniment subsidiairement, pour l'indemnisation du bien » ;
ALORS 1/ QUE prive sa décision de motifs le juge de l'expropriation qui évalue l'indemnité due au titre de la perte du bien transféré à l'expropriant par des énonciations qui ne permettent pas d'identifier les éléments de preuve sur lesquels il s'est fondé ; que, pour fixer à la somme de 86 625 euros le montant de l'indemnité d'éviction due à la société Nour au titre de la surface commerciale perdue, la cour d'appel s'est bornée à dire qu'il y avait lieu de retenir ce montant que l'expropriant proposait à titre infiniment subsidiaire ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS 2/ QUE le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété et, en l'absence d'ordonnance, à la date de la décision de première instance, la valeur des biens étant estimée en toute hypothèse à la date de cette décision ; que, pour limiter à 86 625 euros le montant de l'indemnité d'éviction due à la société Nour au titre de la surface commerciale perdue, la cour d'appel s'est bornée à dire qu'il y avait lieu de retenir ce montant que l'expropriant proposait à titre infiniment subsidiaire ; qu'en statuant ainsi, par une motivation qui ne permet pas de déterminer à quelles dates elle s'est placée pour procéder à l'évaluation, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, violant ainsi les articles 455 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 322-1 L. 322-2 du code de l'expropriation.