LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 mai 2017), que, par acte du 20 octobre 1965, Raymonde A... a donné à bail rural un domaine agricole à Marcel X..., qui est décédé le [...] , en laissant pour lui succéder sa veuve et son fils Jean-Pierre ; que, par actes des 16 décembre 1992 et 30 mai 1996 ne mentionnant pas l'existence d'un bail, Mme B..., venant aux droits de la bailleresse, a vendu diverses parcelles à M. et Mme K... ; que, par acte du 22 juillet 2002, Jean-Pierre X..., ayant droit de son père, a assigné Mme B... et M. et Mme K... en expulsion des terres affermées ; qu'il est décédé le [...] , en laissant pour lui succéder ses enfants, Eric et Nadine ; que, par actes des 7 et 20 octobre et 8 décembre 2004, Mme B... et M. et Mme K... ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail à ferme ; que M. Eric X... a demandé l'attribution du droit au bail ;
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du bail ;
Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit que le prétendant à la poursuite du bail doit justifier d'une participation effective sur les lieux de l'exploitation et relevé que les éléments produits par M. X..., contredits par les témoignages des habitants de la commune, n'établissaient pas que l'aide apportée à son père avait été régulière et distincte d'un concours occasionnel, qui était confirmé par les déclarations à la mutualité sociale agricole pour un mois en 1995 et quatre en 1996, et mentionnaient que celui-ci avait dirigé de 1997 à 2004 une société de montage et réparation de cycles dans une localité éloignée des terres exploitées avant de s'inscrire comme exploitant agricole, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur une attestation qu'elle a décidé d'écarter et qui a souverainement estimé que M. X... ne rapportait pas la preuve, qui lui incombait, d'une participation effective aux travaux de la ferme au cours des cinq années antérieures au décès du preneur, a, sans contradiction ni dénaturation, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... et Mmes Denise et Nadine X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et de Mmes Denise et Nadine X... et les condamne à payer à Mme B..., d'une part, la somme de 1 500 euros, à M. et Mme K..., d'autre part, la somme globale de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour M. X... et Mmes Nadine et Denise X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir réformé le jugement entrepris en ce qu'il avait dit qu'Éric X... remplissait les conditions pour bénéficier du droit de reprise du bail rural du 20 octobre 1965 et, statuant à nouveau, d'avoir prononcé la résiliation de ce bail ;
AUX MOTIFS QUE M. Éric X..., qui a obtenu une autorisation préfectorale d'exploiter une superficie de 10 ha 72 a en blé dur et vignes, est inscrit à la caisse de Mutualité Sociale Agricole des Bouches-du-Rhône depuis le 29 juillet 2004 et au répertoire national des entreprises et de leurs établissements, tenu par l'INSEE, comme exploitant agricole, sous le code APE 011A « culture de céréales cultures industrielles » depuis le 27 juillet 2004 ; que pour établir la preuve de sa participation effective à l'exploitation de son père dans les cinq ans précédant le décès de celui-ci, soit du 27 juillet 1999 au 26 juillet 2004 il communique les attestations suivantes :
- l'attestation de la compagne de son père, Mme L..., laquelle précise que depuis l'accident de la circulation, dont avait été victime Jean-Pierre X... le 29 mai 2003, son fils Éric l'avait remplacé quotidiennement sur l'exploitation pendant quelques mois après son accident ;
- l'attestation de M. D..., agriculteur domicilié sur la commune, lequel indique que depuis l'installation de la porcherie à [...], il s'approvisionnait régulièrement en lisier chez M. X..., qu'il avait souvent livré du blé et du maïs pour l'élevage de celui-ci et que lors de ses livraisons, il avait souvent été reçu par Éric X... en l'absence de son père ;
- l'attestation de M. E..., lequel déclare que depuis l'année 1990, il effectuait des livraisons de maïs chez Jean-Pierre X..., qu'il avait souvent été en contact avec son fils Éric, qui réceptionnait la marchandise, et qu'il lui arrivait même d'attendre ce dernier, se trouvant sur les terres en train de labourer, pour décharger le camion ;
- l'attestation de Mme F... épouse E..., exploitante agricole, qui affirme que depuis l'année 1990, elle avait vu Éric X... prendre une part active aux travaux agricoles de l'exploitation avec son père ;
- l'attestation de Gérard G..., agriculteur, déclarant avoir souvent rencontré Éric X... en train de travailler avec son père ;
- l'attestation de Thierry G..., lequel indique qu'à l'occasion de livraisons de céréales, il avait souvent vu Éric X... donner un coup de main à son père sur l'exploitation, notamment pour le nettoyage des ruisseaux.
que force est de constater qu'hormis une période de quelques mois consécutive à l'accident, dont Jean-Pierre X... a été victime le 29 mai 2003, durant laquelle son fils l'a remplacé, la participation effective de celui-ci à l'exploitation de son père dans les cinq ans précédant son décès ne se trouve pas suffisamment établie par les attestations produites ; qu'en effet, celles-ci relatent, pour l'essentiel, l'accomplissement de tâches effectuées lors la réception de livraisons de blé ou de maïs, qui concernent, non pas les terres labourables de Mme B... incluses dans le bail, mais l'activité de porcherie également exercée par Jean-Pierre X... et, eu égard à la teneur des déclarations, qui y sont contenues, ne permettent pas de prouver que l'aide apportée par Éric X... a été régulière au cours de la période de juillet 1999 à juillet 2004 et distincte d'une simple aide ponctuelle, l'un des témoins (Thierry G...) évoquant à cet égard un « coup de main » ; qu'en outre, elles sont contredites par diverses attestations d'habitants de la commune, certains étant des exploitants agricoles (M. H..., M. I..., M. J...), qui affirment n'avoir jamais vu Éric X... cultiver les terres de [...] avant le décès de son père survenu en [...] ; que le relevé de compte de l'intéressé auprès de la MSA mentionne d'ailleurs qu'il a été déclaré, occasionnellement, comme salarié agricole un mois en 1995 et quatre mois en 1996 ; qu'il s'avère surtout qu'au cours de la période considérée, Éric X... a été le gérant d'une SARL Racing Moto Cycles ayant son siège à Le Beausset (Var), distant d'une soixantaine de kilomètres du lieu de l'exploitation, société ayant démarré son activité de montage et réparation de cycles le 27 mai 1997 et mise en sommeil à compter du 30 novembre 2005, soit après le décès de Jean-Pierre X... ; qu'il résulte des éléments qui précèdent qu'Éric X... a été déclaré, occasionnellement, comme salarié agricole avant de créer en 1997 sa société de montage et réparation de cycles, dans une localité relativement éloignée des terres données à bail, société qu'il a dirigé jusqu'au décès de son père en [...] , date à laquelle il s'est inscrit comme exploitant agricole ; que dans ces conditions, sa participation à l'exploitation de Jean-Pierre X..., au cours de la période de juillet 1999 à juillet 2004, n'a été, en l'état des éléments d'appréciation analysés, que ponctuelle, irrégulière et limitée à l'activité de porcherie, sans lien avec les terres labourables données à bail, sauf au cours des quelques mois ayant suivi l'indisponibilité de son père à la suite de son accident du 29 mai 2003 ; qu'il convient, dès lors, de considérer que la condition de participation à l'exploitation, exigée par l'article L. 411-34 susvisé pour la continuation du bail au profit de l'ayant droit du preneur décédé, ne se trouve pas remplie, contrairement à ce qu'a décidé le premier juge, et de prononcer la résiliation du bail à ferme conclu le 20 octobre 1965 ;
1°) ALORS QUE la participation à l'exploitation, au sens de l'article L. 411-34 du Code rural, ne doit pas être nécessairement continue au cours de la période de cinq années précédant le décès, mais seulement réelle et suivie pendant un temps suffisant ; qu'en se fondant, pour dire que la condition de participation à l'exploitation pour la continuation du bail n'était pas remplie, sur la circonstance qu'au cours des cinq années ayant précédé le décès de son père, M. Éric X..., avait été le gérant de la Sarl Racing Moto Cycle, distante d'une soixantaine de kilomètres de l'exploitation, circonstance qui n'était pourtant pas de nature à exclure que sa participation à l'exploitation de son père fût réelle et suivie pendant un temps suffisant, la cour d'appel a violé l'article L. 411-34, alinéa 1er, du code rural et de la pêche maritime.
2°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en se bornant à analyser l'attestation de Mme L... précisant qu'après l'accident de la circulation dont avait été victime Jean-Pierre X... le 29 mai 2003, son fils Éric l'avait remplacé quotidiennement sur l'exploitation pendant quelques mois, sans examiner l'autre attestation établie par Mme L..., également produite par Eric X..., dans laquelle celle-ci déclarait que depuis 1992, elle avait souvent vu M. Éric X... apporter son aide sur l'exploitation de son père et avoir constaté que ces derniers se réunissaient régulièrement pour prendre des décisions concernant, notamment, le choix des céréales qu'il était le plus opportun de semer, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
3°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en retenant qu'il résultait des attestations produites par M. Éric X... que sa participation à l'exploitation de son père était limitée à l'activité de porcherie, sans lien avec les terres labourables données à bail, sauf au cours des quelques mois ayant suivi l'indisponibilité de son père à la suite de son accident du 29 mars 2003, tout en constatant que M. E... avait attesté de la présence de M. Éric X... sur les terres en train de labourer, que Mme F... épouse E... avait, quant à elle, affirmé que depuis 1990, elle avait vu Éric X... prendre une part active aux travaux agricoles de l'exploitation avec son père et que M. Thierry G... avait certifié avoir souvent vu Éric X... donner un coup de main à son père sur l'exploitation, notamment pour le nettoyage des ruisseaux, attestations desquelles il résultait clairement que l'aide apportée par M. Éric X... à son père concernait bien les terres labourables données à bail et non la seule activité de porcherie, la cour d'appel a dénaturé lesdites attestations et ainsi violé le principe ci-dessus énoncé.
4°) ALORS en tout état de cause QUE la contradiction des motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'en retenant qu'il résultait des attestations produites par M. Éric X... que la participation de celui-ci à l'exploitation de son père était limitée à l'activité de porcherie et était donc sans lien avec les terres labourées données à bail, tout en constatant que ces attestations étaient contredites par les attestations de la bailleresse émanant d'habitants de la communes qui affirmaient n'avoir jamais vu Éric X... cultiver les terres données à bail avant le décès de son père, ce dont il résultait qu'elle constatait elle-même que les attestations produites par M. Éric X... faisaient bien état d'une participation à l'exploitation des terres affermées et non à la seule activité de porcherie, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs de fait contradictoires, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.