LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses troisième, quatrième, cinquième et sixième branches, tel que reproduit en annexe :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 novembre 2017), que la société Pierre et vacances s'est portée caution de certains engagements pris par la société Sogire auprès de la société Immobilier Monceau holding (la société IMIH) ; que la société Sogire a été condamnée par une sentence arbitrale du 24 mars 2011 à verser à la société IMIH la somme de 4 785 265,12 euros et que par un arrêt irrévocable du 15 mai 2012, une cour d'appel, statuant en référé, a condamné la société Pierre et vacances, au titre de son engagement de caution, à verser une provision du même montant à la société IMIH ; que le 9 juillet 2011, l'administrateur de cette société, la société d'exercice libéral L... Q..., prise en la personne de M. L..., depuis remplacée à cette fonction par la société G..., Q..., M... et associés, a procédé à une saisie-attribution sur les avoirs de la société Pierre et vacances détenus par la Bred Banque populaire (la Bred), pour la somme de 3 588 191,66 euros ; que le 4 juillet 2013 cette saisie-attribution a été cantonnée à 191,66 euros, par l'arrêt d'une cour d'appel, statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution, qui a retenu qu'en raison d'un retrait opéré quelques secondes avant la saisie, le compte n'était plus créditeur qu'à hauteur de cette somme ; que le 13 février 2013, la Bred a versé la somme de 3 588 191,66 euros à la société IMIH ; que les 13 et 15 novembre 2013, la société Pierre et vacances a assigné la société IMIH, la société L... Q... et M. L..., en qualité d'administrateurs provisoires, en restitution de la somme de 3 588 739,84 euros ;
Attendu que la société Pierre et vacances fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement, de dire qu'elle est créancière de la société IMIH à hauteur de 3 588 000 euros et d'ordonner la compensation entre la créance de restitution au titre de la saisie-attribution du 9 juillet 2012 et la créance de la société IMIH prononcée par la cour d'appel du 15 mai 2012 et de la débouter de toutes ses demandes ;
Mais attendu que c'est sans violer l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 4 juillet 2013 et par une exacte application des règles régissant la compensation, que la cour d'appel, après avoir dit que la société Pierre et vacances était fondée à obtenir restitution de la somme de 3 588 000 euros, versée par la Bred en relation avec la saisie-attribution, a ordonné la compensation entre cette créance et la créance provisionnelle de la société IMIH résultant de la condamnation de la société Pierre et vacances par l'arrêt du 15 mai 2012, cette dette, par suite de la restitution ordonnée, n'ayant pas été payée par la société Pierre et vacances ;
Et attendu que la compensation ordonnée rendait sans objet la demande de condamnation de la société G..., Q..., M... et associés au titre de la créance de restitution ;
Attendu enfin qu'il n'y a pas lieu de statuer, par une décision spécialement motivée, sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses deux premières branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident éventuel :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Pierre et vacances aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Pierre et vacances, la condamne à payer à la société Immobilier Monceau holding la somme de 3 000 euros et à la société G..., Q..., M... et associés et M. L..., la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un février deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Pierre et vacances
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement déféré et statuant à nouveau, d'avoir dit la société Pierre et Vacances créancière de la société IMIH à hauteur de 3 588000 €, d'avoir ordonné la compensation entre la créance de restitution de la société Pierre et Vacances au titre de la saisie attribution du 9 juillet 2012 et la créance de la société IMIH résultant de l'arrêt définitif prononcé par la cour d'appel de Paris le 15 mai 2012 et d'avoir débouté la société Pierre et Vacances de toutes ses demandes ;
Aux motifs que « par ordonnance du 30 septembre 2014, la Selarl G..., Q..., M... et associés a été désignée administrateur de la société IMI Holding, mission ensuite prorogée ; que les demande de la société Pierre et Vacances présentées à l'encontre de M. L... doivent être déclarées irrecevables puisque le litige ne porte pas sur l'engagement de sa responsabilité personnelle ; que, le 9 juillet 2012, la société IMIH a fait pratiquer une saisie attribution sur les comptes de la société Pierre et Vacances ouverts à la Bred Banque populaire pour la somme de 4 785 265 euros; que la somme de 3 588 191,66 euros a été attribuée au créancier saisissant ; que, suite à la contestation de la société Pierre et Vacances, par arrêt prononcé le 4 juillet 2013 la cour d'appel de Paris a relevé que la saisie avait été précédée quelques secondes plus tôt d'un ordre de virement et a limité les effets de la saisie attribution à la somme de 191,66 euros ; que le jugement déféré a fait droit à la demande de la société Pierre et Vacances en restitution de la somme de 3 588 000 euros compte tenu du cantonnement de la saisie attribution ; que la société IMl Holding soutient que la société Pierre et Vacances a « perdu tout droit légitime à agir en restitution» puisqu'elle a reconnu sans réserve de manière définitive et certaine à deux reprises et dans deux procédures distinctes s'être acquittée de la somme de 3588 191,60 euros ; mais que si la société Pierre et Vacances a reconnu devant la cour d'appel de Paris et devant la cour d'appel de Chambéry que la société IMl Holding avait perçu la somme de 3 588 000 euros dont elle poursuivait par ailleurs la restitution qui lui a été consentie par le jugement déféré, il doit être relevé que les instances ne sont pas les mêmes et n'ont pas le même objet puisque l'instance pendante devant la cour d'appel de Paris porte sur l'opposition à la sentence arbitrale du 24 mars 2011 et que celle pendante devant la cour d'appel de Chambéry a pour objet la fixation des honoraires de la société Sati en sa qualité de syndic ; que doit être ainsi écartée la fin de non recevoir tiré du principe de l' estoppel selon lequel une partie ne peut se contredire au détriment d'autrui ; que la Selarl G..., Q... M... et associés soutient que la société Pierre et Vacances n'aurait pas d'intérêt à agir car elle ne prouve pas être l'auteur du paiement dont elle sollicite la restitution; qu'elle expose que les sommes versées à la société IMIH dans le cadre de la saisie attribution proviennent d'un paiement effectué pat la BRED Banque Populaire sur le fondement de l'article R.211-9 du code des procédures civiles puisque la responsabilité de la banque était engagée et recherchée pour avoir attribué au créancier la somme-de 3688 191,66 euros alors que la situation n'était créditrice qu'à hauteur de 191,66 euros ; mais qu'aucune condamnation de la Bred Banque Populaire n'est intervenue en sa qualité de tiers saisi ; que les fonds attribués à la société IMIH ont procédé d'un virement des sommes se trouvant sur les compte de la société Pierre et Vacance dont elle est présumée détentrice ; que le courrier du 17 avril 2013 adressé par maître Van Kemmel, huissier de justice au conseil de la société IMIH confirmant le virement par la Bred de la somme de 3588191,66 euros ne signifie en aucune façon que les fonds seraient ceux de la banque et non pas du titulaire du compte; que ce paiement est en relation avec la saisie attribution du 9 juillet 2012 ; que le moyen selon lequel la société Pierre et Vacances ne prouverait pas être l'auteur du paiement dont elle sollicite la restitution doit être écarté ; qu'il se déduit de ce qui précède, sauf à retirer toute portée à l'arrêt du 4 juillet 2013 de la cour d'appel de Paris qui a limité les effets de la saisie attribution à la somme de 191,66 euros, que la société Pierre et Vacance est créancière de la somme de 3 588 000 euros; que si le paiement est intervenue ; que, par jugement prononcé le 26 juin 2014 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a condamné la société Pierre et Vacances à verser à la société IMIH la somme de 4 683 724,25 euros; que si cette créance est liquide et exigible, elle n'est pas certaine puisqu'un appel est en cours ; que par contre, par arrêt du 5 mai 2012, la cour d'appel de Paris a condamné la société Pierre et Vacances à payer à la société IMIH la somme de 4 785 265 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2011 ; que cet arrêt est définitif, le pourvoi ayant été rejeté le 5 mars 2014 ; que la créance de la société IMIH à ce titre est certaine, liquide et exigible, peu important que l'arrêt se soit prononcé sur appel d'une ordonnance de référé ; qu'en présence de deux créances fongibles, certaines, liquides et exigibles -, selon les termes de l'article 1347-1 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, les conditions de la compensation se trouvent réunies, la créance de la société lMIH portant sur un montant en principal de 4 785 265 euros et celle de la société Pierre et Vacances s'élèvent à la somme de 3588000 euros ; que le jugement déféré doit ainsi être infirmé, la société Pierre et Vacance étant déboutée de toute ses demandes » (arrêt attaqué, p. 6-8)
1°) Alors que les dispositions issues de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations sont entrées en vigueur le 1er octobre 2016 ; que l'article 9 de ladite ordonnance prévoit que lorsqu'une instance a été introduite avant son entrée en vigueur, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne ; qu'au cas présent, l'instance a été introduite par assignations des 13 et 15 novembre 2013, soit avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ; qu'en jugeant le litige par application du nouvel article 1347-1 du code civil, issu de cette ordonnance, la cour d'appel a violé l'article 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°) Alors qu'il ne peut y avoir compensation dans le cas de la demande de restitution d'une chose dont le propriétaire a été injustement dépouillé ; qu'au cas présent, la demande de restitution des sommes irrégulièrement appréhendées par la société IMI Holding ne pouvait donc donner lieu à compensation ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1293 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;
3°) Alors que, par arrêt du 4 juillet 2013, la cour d'appel de Paris a ordonné le cantonnement de la saisie pratiquée par la société IMI Holding pour un montant de 3 588 191,66 € à la somme de 191,66 € ; que la compensation de la créance de restitution qui en résulte avec la créance réciproque à l'origine de la saisie-attribution aurait pour effet de priver de toute portée la décision du 4 juillet 2013 ; qu'en ordonnant une telle compensation, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause ;
4°) Alors qu'une condamnation provisionnelle en référé n'a pas autorité de chose jugée au principal et ne constitue donc pas une créance certaine dès lors que l'instance au fond est toujours pendante ; qu'au cas présent, en ordonnant la compensation entre la créance de restitution de la société Pierre et Vacances et la créance d'IMI résultant de la condamnation en référé du 15 mai 2012, alors même que, comme elle le relevait, l'instance au fond faisait l'objet d'un appel, la cour d'appel a violé l'article 1291 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause ;
5°) Alors que, en tout état de cause, une créance éteinte par le paiement ne peut donner lieu à compensation ; qu'en ne recherchant pas si, comme le soutenait la société Pierre et Vacances (conclusions d'appel, p. 21 et s.), la créance d'IMI Holding née de la condamnation prononcée le 15 mai 2012 n'avait pas été payée et n'était donc pas éteinte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1290 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause ;
6°) Alors que la société Pierre et Vacances invoquait également la responsabilité de la SELARL G..., Q..., M... et Associés en raison de son imprudence et demandait en conséquence que soit confirmé le jugement de première instance en ce qu'il l'avait condamné à payer la somme de 3 588 000 € in solidum (conclusions, p. 18 et s.) ; que la cour d'appel a infirmé le jugement sans répondre à ce moyen ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.