LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 novembre 2017), qu'afin d'y faire construire une maison, M. et Mme B... ont acquis en juillet 2002 un terrain sur lequel était édifiée une remise ; qu'ayant constaté une fissure importante sur le mur de celle-ci adossé au garage implanté sur le terrain voisin appartenant à M. et Mme E..., et en imputant la cause au mauvais état de ce garage, M. et Mme B... ont, après une expertise ordonnée en référé, assigné ceux-ci devant un tribunal afin d'obtenir, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, leur condamnation à les indemniser de leurs préjudices et à réaliser des travaux de confortement du garage ; que le tribunal ayant, par un jugement du 21 juillet 2009, condamné M. et Mme E... à leur verser certaines sommes à titre d'indemnités mais ayant omis de statuer sur leur demande de réalisation de travaux, ils l'ont saisi le 26 janvier 2012 d'une requête en omission de statuer ; que cette requête ayant été déclarée irrecevable par un arrêt du 29 octobre 2014, M. et Mme B... ont, sur le même fondement, à nouveau assigné le 25 février 2015 M. et Mme E... afin de les faire condamner, sous astreinte, à réaliser les travaux ;
Attendu que M. et Mme B... font grief à l'arrêt d'infirmer le jugement entrepris et de déclarer irrecevable leur demande tendant à la condamnation de M. et Mme E... à réaliser des travaux sur leur fonds, sous astreinte, alors, selon le moyen :
1°/ que l'action fondée sur la prohibition des troubles anormaux de voisinage consiste, lorsqu'elle tend à faire cesser les dommages pour le fonds et les constructions du demandeur résultant d'un vice structurel du fonds voisin, en une action réelle immobilière qui se prescrit par trente ans ; qu'en l'espèce, l'action de M. et Mme B... tendait à contraindre leurs voisins, M. et Mme E..., à effectuer des travaux de confortement de leur fonds, lequel était affecté d'un vice structurel lié au remblais sur lequel était édifié leur garage qui poussait et fissurait les murs de l'abri de jardin de M. et Mme B... et leur interdisait toute nouvelle construction en l'état ; qu'en jugeant pourtant que l'action de M. et Mme B... constituait une action qui ne tendait pas à la défense d'un droit de propriété, mais à la réparation d'un préjudice et se prescrivait donc par cinq ans, bien que leur action soit fondée, non tant sur un comportement imputable aux propriétaires du fonds voisin, mais principalement sur la consistance du fonds de ces derniers qui portait structurellement atteinte à leurs bâtiments, à l'usage même de leur fonds et à leur droit de propriété, la cour d'appel a violé l'article 2227 du code civil, par refus d'application, et l'article 2224 du code civil, par fausse application ;
2°/ que les juges du fond doivent trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu comme point de départ de la prescription le jugement du 21 juillet 2009, motif pris de ce que les intimés ne la contestaient pas ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier le bien-fondé en droit du point de départ de la prescription alléguée par M. et Mme E..., que les exposants n'avaient pas admis expressément, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant énoncé à bon droit que l'action pour trouble anormal de voisinage constitue non une action immobilière réelle mais une action en responsabilité civile extra-contractuelle soumise à la prescription de cinq ans prévue à l'article 2224 du code civil issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et souverainement estimé que M. et Mme B... avaient eu connaissance des faits leur permettant d'exercer à nouveau leur action fondée sur un tel trouble à la date du jugement du 21 juillet 2009 qui avait omis de statuer sur la demande de travaux qu'ils avaient formée, la cour d'appel a exactement retenu que le délai de prescription de cinq ans avait commencé à courir à compter de cette date, pour en déduire à bon droit que l'action introduite le 25 février 2015 était prescrite ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme B... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. et Mme B...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR infirmé le jugement entrepris et déclaré irrecevable la demande des époux B... tendant à la condamnation des époux E... à réaliser des travaux sur leurs fonds sous astreinte ;
AUX MOTIFS QUE « les intimés ne discutent pax le point de départ du délai de prescription proposé par Monsieur et Madame E.... Ainsi la date du 21 juillet 2009 sera retenue par la cour. A cette date, et depuis l'entrée en vigueur des dispositions de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, les articles 2224 et 2227 du Code civil étaient rédigés de la façon suivante : article 2224 : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l'exercer. » Article 2227 « Le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l'exercer. » L'action en réparation d'un trouble de voisinage ne tend pas à la défense d'un droit de propriété, mais à la réparation du préjudice né d'un trouble occasionné à un voisin par le propriétaire d'un fonds. En conséquence, il s'agit d'une action personnelle soumise à la prescription de cinq ans prévue à l'article 2224 du Code civil. Ainsi c'est un délai de cinq ans qui a commencé à courir le 21 juillet 2009. Ce délai de cinq ans a été interrompu par la requête en réparation de l'omission de statuer du 26 janvier 2012, tendant à l'exécution des travaux. Cependant, en application de l'article 2243 du Code civil, cette interruption doit être considérée comme non-avenue dès lors que la requête a été définitivement rejetée par la cour d'appel par arrêt du 29 octobre 2014 en raison de son irrecevabilité. Le délai de prescription a donc expiré le 21 juillet 2014. Dès lors, la demande fondée sur un trouble anormal de voisinage tendant à la réalisation par Monsieur et Madame E... de travaux confortatifs, formée par assignation du 26 février 2015, est prescrite. Il convient dans ces conditions d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné Monsieur et Madame E... à réaliser ces travaux, sous astreintes et statuant à nouveau de déclarer cette demande irrecevable » ;
1°) ALORS QUE l'action fondée sur la prohibition des troubles anormaux de voisinage consiste, lorsqu'elle tend à faire cesser les dommages pour le fonds et les constructions du demandeur résultant d'un vice structurel du fonds voisin, en une action réelle immobilière qui se prescrit par trente ans ; qu'en l'espèce, l'action des époux B... tendait à contraindre leurs voisins, les époux E..., à effectuer des travaux de confortement de leur fonds, lequel était affecté d'un vice structurel lié au remblais sur lequel était édifié leur garage qui poussait et fissurait les murs de l'abri de jardin des époux B... et leur interdisait toute nouvelle construction en l'état ; qu'en jugeant pourtant que l'action des époux B... constituait une action qui ne tendait pas à la défense d'un droit de propriété, mais à la réparation d'un préjudice et se prescrivait donc par cinq ans, bien que leur action soit fondée, non tant sur un comportement imputable aux propriétaires du fonds voisins, mais principalement sur la consistance du fonds de ces derniers qui portait structurellement atteinte à leurs bâtiments, à l'usage même de leur fonds et à leur droit de propriété, la cour d'appel a violé l'article 2227 du Code civil, par refus d'application, et l'article 2224 du Code civil, par fausse application ;
2°) ALORS EN TOUT ÉTAT DE CAUSE QUE l'action fondée sur la prohibition des troubles anormaux de voisinage tend à la cessation d'un dommage continu et échappe donc à toute prescription tant que ledit dommage persiste ; qu'en considérant que l'action des époux B... était prescrite à raison de ce qu'elle était fondée sur la prohibition des troubles de voisinage et en retenant la date inopérante du jugement du 21 juillet 2009 comme point de départ de la prescription, la cour d'appel a violé l'article 2224 du Code civil ;
3°) ALORS EN TOUT ÉTAT DE CAUSE QUE les juges du fond doivent trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu comme point de départ de la prescription le jugement du 21 juillet 2009, motif pris de ce que les intimés ne la contestaient pas ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier le bien-fondé en droit du point de départ de la prescription alléguée par les époux E..., que les exposants n'avaient pas admis expressément, la cour d'appel a violé l'article 12 du Code de procédure civile.