LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 mars 2019
Cassation partielle
Mme FLISE, président
Arrêt n° 355 F-P+B
Pourvoi n° F 17-26.707
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société Clinique Générale de Marignane, société par actions simplifiée, dont le siège est [...], contre l'arrêt rendu le 25 août 2017 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (14e chambre), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 février 2019, où étaient présents : Mme Flise, président, Mme Brinet, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, Mme Szirek, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Brinet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Clinique Générale de Marignane, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur, l'avis de M. de Monteynard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, la société Clinique générale de Marignane (la société) a fait l'objet d'un contrôle portant sur les années 2008 à 2010 par l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur, ayant donné lieu à un redressement ; qu'ayant vu son recours amiable rejeté par l'URSSAF, la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles L. 241-17 et L. 241-18 du code de la sécurité sociale, 81 quater du code général des impôts, L. 3121-1, L. 3121-27 et L. 3121-28 du code du travail et 82-3-1 de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002 étendue par arrêté du 29 octobre 2003, dans leur rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses ;
Attendu, selon le troisième de ces textes auquel renvoient les deux premiers, que le bénéfice de l'exonération ou de la réduction des cotisations de sécurité sociale qu'ils prévoient s'applique aux heures supplémentaires au sens du sixième ; que, selon celui-ci, a le caractère d'une heure supplémentaire toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire, fixée par le cinquième à trente-cinq heures par semaine pour les salariés à temps complet ; que, selon le quatrième, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles ; que, selon le dernier, le salarié appelé à effectuer un certain temps de travail effectif au cours d'une astreinte est rémunéré au double du salaire horaire correspondant à son coefficient d'emploi sans que cette rémunération ne puisse être inférieure à une heure de travail, mais ne donne lieu à aucune majoration supplémentaire y compris pour heures supplémentaires ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'exonération ou la réduction des cotisations de sécurité sociale prévue par les deux premiers est applicable à la rémunération perçue par le salarié en contrepartie d'un temps de travail effectif au cours d'une période d'astreinte dès lors que ce dernier revêt le caractère d'une heure supplémentaire au sens du sixième texte ;
Attendu que pour rejeter le recours relatif au redressement afférent à l'allégement des cotisations sociales sur les heures supplémentaires, l'arrêt retient que ni les heures d'astreinte ni les heures d'intervention ne sont des heures supplémentaires pouvant bénéficier de la loi TEPA ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il maintient le redressement s'agissant de l'application de la loi TEPA quant à l'allégement des cotisations sociales sur les heures supplémentaires à hauteur de 5 415 euros, l'arrêt rendu le 25 août 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société Clinique Générale de Marignane
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir maintenu à l'égard d'un employeur (la Clinique Générale de Marignane, l'exposante) des redressements de cotisations relatifs à l'intéressement 2008 à hauteur de 110 902 €, à l'intéressement 2010 à hauteur de 111 213 € et au supplément d'intéressement opéré à hauteur de 107 639 €, et d'avoir en conséquence condamné l'employeur à payer à l'organisme de recouvrement (l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur) la totalité des sommes correspondantes ;
AUX MOTIFS QUE l'intégralité des sommes versées devait être réintégrée dans l'assiette des cotisations ; que le chiffrage n'était pas discuté ; qu'en conséquence, le redressement relatif à l'intéressement 2008 opéré à hauteur de 110 902 €, le redressement à l'intéressement 2010 opéré à hauteur de 111 213 € et le redressement relatif au supplément d'intéressement opéré à hauteur de 107 639 € devaient être maintenus (arrêt attaqué, p. 5, 2ème à 4ème alinéas) ;
ALORS QUE, en cause d'appel, l'exposante faisait valoir, à titre subsidiaire, « que, le jour de l'audience de première instance, l'URSSAF a(vait) très justement précisé au tribunal que les sommes versées aux salariés au titre de l'intéressement avaient été soumises au forfait social de 20 % », et en inférait qu'en cas de « redressement de cotisations sociales sur la totalité de ces sommes il conviendra(it) de déduire ce forfait social des cotisations à acquitter » puis d'opérer « une compensation entre les cotisations dues et le forfait social payé » (v. ses concl. d'appel du 29 juin 2017, p. 11, § 1.2.4, p. 12, in limine, et p. 25, prod.) ; qu'en délaissant ces écritures déterminantes quant à l'impact du forfait social de 20 % sur le montant des condamnations à prononcer du chef des redressements effectués au titre des accords d'intéressement, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir maintenu à l'égard d'un employeur (la Clinique Générale de Marignane, l'exposante) des redressements de cotisations opérés par l'organisme de recouvrement (l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur) à hauteur de 5 415 € relativement à la loi TEPA (loi "en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat") ;
AUX MOTIFS QUE l'inspecteur du recouvrement avait constaté que les heures d'astreinte de certains salariés étaient rémunérées au taux majoré de 200 % et que la société avait appliqué la réduction salariale sur l'intégralité de la somme ; qu'il avait estimé que la convention collective ne prévoyait pas une telle majoration et, par tolérance, avait appliqué la réduction salariale sur le plus important taux légal de majoration, soit 50 % ; que la convention collective de l'hospitalisation privée à but lucratif, dans sa rédaction applicable à la cause, stipulait que l'heure d'astreinte était rémunérée au tiers du salaire horaire et que l'heure d'intervention était rémunérée au double du salaire horaire sans majoration supplémentaire y compris pour heures supplémentaires ; que ni les heures d'astreinte ni les heures d'intervention n'étaient des heures supplémentaires pouvant bénéficier de la loi TEPA ; qu'en conséquence, le redressement relatif à cette loi devait être maintenu (arrêt attaqué, p. 6, 9ème à 12ème alinéas) ;
ALORS QUE les heures supplémentaires de travail ouvrent droit à réduction de cotisations sociales, le cas échéant au vu des majorations de salaires instituées par les conventions ou accords collectifs, dès lorsqu'elles correspondent à un travail effectif, lequel peut être effectué durant une période d'astreinte ; qu'en l'espèce, dans sa rédaction applicable à la cause, la convention collective de l'hospitalisation privée à but lucratif rémunérait au double du salaire le "temps de travail effectif" effectué par les salariés au cours des astreintes ; qu'en retenant par principe que ces heures de travail effectif ne constituaient pas des heures supplémentaires ouvrant droit à réduction de cotisations au vu de la majoration salariale conventionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 241-17 et L. 241-18 du code de la sécurité sociale issus de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 dans leur rédaction applicable en la cause.