LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 mars 2019
Rejet
Mme FLISE, président
Arrêt n° 402 F-P+B
Pourvoi n° N 18-10.019
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par M. L... M..., domicilié [...], contre l'arrêt rendu le 5 octobre 2017 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (3e chambre A), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. K... G...,
2°/ à Mme V... H..., épouse G..., domiciliés tous deux [...], défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 février 2019, où étaient présentes : Mme Flise, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Brouard-Gallet, conseiller doyen, Mme Mainardi, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boulloche, avocat de M. M..., de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. et Mme G..., l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 octobre 2017), qu'à la suite d'inondations subies par M. et Mme G... sur leur propriété, M. M... a été condamné, par un jugement du 30 juillet 2013 confirmé par un arrêt du 11 septembre 2014, à supprimer, sous astreinte, un mur de clôture et un remblai édifiés en limite du fonds de M. et Mme G... ; que par un jugement d'un juge de l'exécution du 23 mai 2017, il a été fait droit à la demande de liquidation de l'astreinte qu'ils avaient présentée ; que M. M... en a interjeté appel ; que le 5 décembre 2016, il a assigné M. et Mme G... en référé à fin de voir ordonner une expertise pour faire constater que des travaux réalisés notamment par la commune avaient fait cesser les désordres ;
Attendu que M. M... fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé sur la demande d'expertise et de le condamner à payer à M. et Mme G... les sommes de 800 euros à titre de dommages-intérêts et 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens alors, selon le moyen :
1°/ que la saisine du juge de l'exécution ne constitue pas un obstacle à la mise en oeuvre d'une mesure d'instruction in futurum ; que sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, M. M... a sollicité une expertise en invoquant des faits nouveaux sérieux et étayés, constituant un motif légitime qui justifiait la demande d'expertise comme étant susceptibles de modifier l'appréhension des causes et des possibilités d'inondation sur la propriété de ses voisins tels qu'ils avaient été présentés au tribunal d'instance et à la cour d'appel, qui l'ont condamné à détruire son mur ; qu'en écartant la demande d'expertise au motif qu'une procédure au fond était en cours, alors qu'au jour où elle a statué, seule une procédure d'appel interjeté à l'encontre d'une ordonnance du juge de l'exécution était en cours, qui ne constitue pas une procédure au fond et portait uniquement sur liquidation de l'astreinte, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
2°/ que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; que pour justifier sa demande d'expertise, M. M... a invoqué des faits postérieurs à l'arrêt l'ayant condamné à détruire son mur et son remblai, à savoir des travaux de voirie de grande ampleur réalisés par le département du Var et par la commune de [...], préconisés par le bureau d'études hydraulique qu'il avait consulté et qui critiquait les conclusions de l'expert judiciaire ; qu'en rejetant la demande d'expertise sans préciser en quoi ces éléments ne constituaient pas un motif légitime d'établir la preuve de faits pouvant démontrer que les aménagements de la voirie suffisaient à éviter l'inondation de la propriété de M. et Mme G..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;
3°/ que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs ont modifié la situation antérieurement reconnue en justice ; que M. M... a invoqué des circonstances nouvelles susceptibles de modifier l'appréciation des causes de l'inondation de la propriété de M. et Mme G..., et donc des travaux propres à y remédier ; qu'en refusant de prendre en compte ces circonstances nouvelles comme pouvant fonder une nouvelle procédure dont l'objet serait de déterminer si les travaux de voirie réalisés par la ville de département permettaient d'écarter la possibilité d'inondation de la propriété de M. et Mme G..., la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, qu'une instance en liquidation d'une astreinte pendante devant un juge de l'exécution fait obstacle à ce qu'une partie saisisse un juge des référés, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, pour solliciter une mesure d'instruction destinée à établir la preuve de faits dont pourrait dépendre l'issue du litige pendant devant le juge de l'exécution ;
Et attendu, ensuite, qu'ayant retenu que l'instance en liquidation de l'astreinte faisait obstacle à ce que l'expertise sollicitée soit ordonnée en référé, c'est sans priver sa décision de base légale ni violer les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en droit en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. M... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. et Mme G... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. M...
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'expertise et d'avoir en conséquence condamné M. L... M... à payer à M. et Mme G... les sommes de 800 € de dommages-intérêts et de 2500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;
Aux motifs que « par jugement en date du 30 juillet 2013, confirmé par arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 11 septembre 2014, le tribunal d'instance de Toulon a notamment condamné L... M... à « supprimer le mur de clôture et le remblai édifié en limite de sa propriété et de celle des époux G..., sous peine d'une astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de trois mois à compter de la signification du jugement ».
Par décision du 23 mai 2017, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Toulon, après avoir constaté la non-exécution des obligations mises à sa charge par L... M... et rejeté son argumentation, tant en ce qui concerne la réalisation de travaux par le Conseil Départemental et les services de la voirie de [...], ou l'absence d'aménagement de leur fonds par les époux G..., a liquidé l'astreinte, l'a condamné à leur payer à ce titre une somme de 15 000 euros et ordonné une nouvelle astreinte d'un montant de 150 euros par jour de retard passé le délai de trois mois, à compter de la signification du jugement.
L... M... a interjeté appel de cette décision.
Devant le juge des référés, il a présenté une demande d'expertise, faisant valoir que les travaux entrepris par le Conseil Départemental et la commune de [...], courant 2015, avaient eu « probablement pour effet de créer une barrière étanche entre la voirie et la propriété G... » et dès lors de mettre fin aux désordres reprochés, ce qu'il convenait d'établir.
Comme le souligne à juste titre le premier Juge, la demande d'expertise présentée par L... M... a manifestement pour seul objet de faire échec à la liquidation de l'astreinte ordonnée par jugement du 30 juillet 2013 et confirmée par la cour d'appel le 11 septembre 2014.
Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile : s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en déféré.
En application de cet article, dès lors qu'une instance au fond est engagée, les mesures d'instruction destinées à établir la preuve de faits dont pourraient dépendre la solution d'un litige ne peuvent plus être ordonnées en référé.
La décision du premier Juge sera donc confirmée » (arrêt p. 4, § 3 à 10) ;
Et aux motifs, adoptés de l'ordonnance, que « la demande est fondée sur l'article 145 du code de procédure civile dont l'objet est de faciliter l'administration de la preuve, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige.
Il convient en premier lieu de rappeler qu'un procès est en cours devant le juge de l'exécution, saisi d'une demande de liquidation de l'astreinte prononcée par le tribunal d'instance le 30 juillet 2013, décision confirmée par la cour d'appel le 11 septembre 2014.
Le tribunal d'instance a condamné M. M... à supprimer le mur de clôture et le remblai édifiés en limite de sa propriété et de celle des époux G..., sous peine d'une astreinte de 50€ par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la signification du jugement en retenant que les aménagements réalisés par M. M... avaient mis en évidence leurs limites, que l'absence d'inondations depuis 2006 ne remettait pas en cause le bien fondé de l'action des époux G... et que le propriétaires du fonds supérieur ne pouvait être contraint de réaliser sur son propre fonds des ouvrages pour remédier aux obstacles mis à l'écoulement des eaux par le propriétaires du fonds inférieur.
M. M... se borne à critiquer le rapport d'expertise ayant fondé les décisions du tribunal et de la cour et allègue l'existence de travaux entrepris en 2015 par le conseil départemental et la ville de [...] qui constitueraient selon lui un élément nouveau.
Il appartiendra au juge de l'exécution d'apprécier les moyens mis en oeuvre par M. M... pour exécuter les décisions susvisées. En tout état de cause la demande d'expertise, qui n'a pour objet que de faire échec à l'exécution de l'arrêt définitif ayant autorité de la chose jugée, alors qu'un procès est en cours, ne peut être accueillie par le juge des référés » (ordonnance, p. 2 et 3) ;
1/ Alors que la saisine du juge de l'exécution ne constitue pas un obstacle à la mise en oeuvre d'une mesure d'instruction in futurum ; que sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, M. M... a sollicité une expertise en invoquant des faits nouveaux sérieux et étayés, constituant un motif légitime qui justifiait la demande d'expertise comme étant susceptibles de modifier l'appréhension des causes et des possibilités d'inondation sur la propriété de ses voisins tels qu'ils avaient été présentés au tribunal d'instance et à la cour, qui l'ont condamné à détruire son mur ;
qu'en écartant la demande d'expertise au motif qu'une procédure au fond était en cours, alors qu'au jour où elle a statué, seule une procédure d'appel interjeté à l'encontre d'une ordonnance du juge de l'exécution était en cours, qui ne constitue pas une procédure au fond et portait uniquement sur liquidation de l'astreinte, la cour a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
2/ Alors que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; que pour justifier sa demande d'expertise, M. M... a invoqué des faits postérieurs à l'arrêt l'ayant condamné à détruire son mur et son remblai, à savoir des travaux de voirie de grande ampleur réalisés par le département du Var et par la commune de [...], préconisés par le Bureau d'études hydraulique qu'il avait consulté (concl. p. 7 et 8) et qui critiquait les conclusions de l'expert judiciaire ; qu'en rejetant la demande d'expertise sans préciser en quoi ces éléments ne constituaient pas un motif légitime d'établir la preuve de faits pouvant démontrer que les aménagements de la voirie suffisaient à éviter l'inondation de la propriété des époux G..., la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;
3/ Alors que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs ont modifié la situation antérieurement reconnue en justice ; que M. M... a invoqué des circonstances nouvelles susceptibles de modifier l'appréciation des causes de l'inondation de la propriété des époux G..., et donc des travaux propres à y remédier ; qu'en refusant de prendre en compte ces circonstances nouvelles comme pouvant fonder une nouvelle procédure dont l'objet serait de déterminer si les travaux de voirie réalisés par la ville de département permettaient d'écarter la possibilité d'inondation de la propriété des époux G..., la cour a violé les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile.