LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 6 juillet 2017), que, par acte du 26 octobre 2012, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Auvergne Rhône-Alpes (la SAFER) a conclu une promesse de vente ayant pour objet des parcelles agricoles et levé l'option d'achat le 30 janvier 2013 ; qu'après avoir procédé à la publicité en vue de leur rétrocession et notifié à M. T... qu'elle ne retenait pas sa candidature, elle a décidé d'attribuer des parcelles à l'EARL Badinand ; que, par acte du 26 novembre 2013, M. T... l'a assignée en annulation des décisions de préemption et d'attribution et en dommages-intérêts ;
Attendu que M. T... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que la rétrocession était intervenue après une acquisition amiable et retenu, à bon droit, que les dispositions de l'article L. 143-2 du code rural et de la pêche maritime n'étaient applicables que dans l'hypothèse d'une préemption, la cour d'appel en a exactement déduit que la contestation de M. T..., au regard des conditions prévues par ce texte, n'était pas fondée ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que M. T... avait formé une demande d'annulation de la rétrocession par conclusions du 27 août 2014, alors que les décisions contestées avaient été publiées les 23 et 29 mai 2013 et que le refus d'attribution lui avait été notifié par lettres des 22 et 24 mai 2013, la cour d'appel en a justement déduit que la demande, présentée après expiration du délai de six mois prévu par l'article L. 143-14 du code rural et de la pêche maritime, était, en l'absence d'effet interruptif de l'assignation initiale contestant elle-même une préemption inexistante, irrecevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. T... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. T... et le condamne à payer à la SAFER Auvergne Rhône-Alpes la somme de 3 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. T...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. T... de sa demande tendant à l'annulation de la décision de préemption de la Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural Rhône Alpes, d'avoir déclaré irrecevable M. R... T... en sa demande d'annulation de l'avis d'attribution au profit de l'EARL Badinand et d'avoir débouté M. T... de sa demande de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE M. T... prétend que la SAFER doit porter à la connaissance des intéressés sa décision de préemption par référence explicite et motivée à l'un ou à plusieurs des objectifs définis à l'article L. 143-2 du code rural, et que sa décision s'inscrit dans une évolution contraire à la tendance actuelle visant à remembrer les terrains en vue de diminuer les coûts de production ; que cependant, la SAFER a acquis les parcelles litigieuses à l'amiable, sans exercer son droit de préemption ; que ce chef de la demande de M. T... n'est donc pas fondé ; que, sur la demande d'annulation de l'avis d'attribution, la SAFER prétend que cette demande est irrecevable, en application des articles L. 143-14 et R. 142-4 du code rural ; que pour en justifier, R... T... fait valoir que l'avis d'attribution des parcelles à l'EURL Badinand mentionne que cette entreprise bénéficie de la rétrocession en sa qualité de fermier en place, alors que ce motif est erroné ; que les dispositions de l'article L. 143-2 du code rural n'ont pas été respectées, la SAFER ne fournissant pas les éléments permettant de comprendre les modalités d'attribution ; que cependant, selon l'article L. 142-2 du code rural, sont irrecevables les actions en justice contestant les décisions de rétrocession prises par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural intentées au-delà d'un délai de six mois à compter du jour où les décisions motivées de rétrocession ont été rendues publiques ; que l'article R. 142-4 du même code dispose que l'affichage en mairie fait courir ce délai de six mois ; qu'en l'espèce les décisions de rétrocession ont été rendues publiques par leur affichage le 29 mai 2013 à la mairie de Grezieux-Le-Fromental, et le 29 novembre 2013 à celle de Chalain-Le-Comtal ; que R... T... a formé sa demande d'annulation de la décision de rétrocession par conclusions notifiées le 27 août 2014, soit bien après l'expiration du délai de six mois prévu par l'article L. 142-2 du code rural ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il déclare irrecevable ce chef de sa demande ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QU'il apparaît que selon acte du 26 octobre 2012, la SAFER Rhône-Alpes s'est vue consentir une promesse de vente concernant des parcelles agricoles d'une surface totale de 195 hectares appartenant à Mme P... et à la société du Désert situées sur les communes de Chalain-le-Comtal et de Grézieux-le-Fromental moyennant un prix de 893.052 euros ; que la bénéficiaire a levé l'option d'achat le 30 janvier 2013 ; que La SAFER a fait procéder à l'affichage en mairie des communes de Chalain-le-Comtal et de Grézieux-le-Fromental le 22 novembre 2012 d'un avis de proposition de cession ou d'échange des parcelles acquises, avec un délai de réponse au plus tard le 7 décembre 2012 ; que M. T... s'est porté candidat pour l'acquisition de la totalité des parcelles ; que par courriers des 22 et 24 mai 2013, la SAFER a notifié à M. T... que sa candidature à l'attribution de diverses parcelles n'avait pas été retenue ; que selon avis affichés en mairies les 23 et 29 mai 2013, la SAFER a attribué à L'EARL Badinand la rétrocession pour un prix de 230.330 euros HT des parcelles [...] et [...] Le Landar sur la commune de Chalain-le-Comtal et [...] le Sarley pour la moitié indivise et [...], [...], [...], [...], [...] et [...] Tremaille sur la commune de Grezieux-le-Fromontal ; que dans son acte introductif d'instance du 26 novembre 2013, M. T... sollicite l'annulation de l'exercice par la SAFER de son droit de préemption alors que dans ses dernières écritures déposées au greffe le 27 août 2014, il demande l'annulation de l'avis d'attribution de la SAFER au profit de l'EARL Badinand ; qu'il s'agit de prétentions différentes ainsi que le soutient la défenderesse ; qu'au visa des articles L. 143-14 et R. 143-4 du code rural et de la pêche maritime, à peine d'irrecevabilité, les actions en justice contestant les décisions de rétrocession prises par la SAFER doivent être engagées dans un délai de 6 mois à compter du jour où les décisions motivées de rétrocession ont été rendues publiques ; que les avis d'attribution à L'EARL Badinand ont été affichés en mairie les 23 et 29 mai 2013 et M. T... n'a formé de demande d'annulation à son encontre que par conclusions notifiées le 27 août 2014, soit après l'expiration du délai de 6 mois, étant ajouté que M. T... s'était vu notifier les 22 et 24 mai 2013, d'après ses pièces n° 4 et 5, le refus de sa candidature si bien que son droit à un recours effectif a été garanti par ailleurs ; que de manière superfétatoire, le tribunal relève que le délai de 6 mois après l'affichage et la notification au requérant était même susceptible d'être expiré au jour de la délivrance de l'acte introductif d'instance ; qu'il y a lieu en conséquence de déclarer irrecevable M. T... en sa demande d'annulation de l'avis d'attribution au profit de l'EARL Badinand ; qu'il sera également débouté de sa demande complémentaire de dommages et intérêts ;
1°) ALORS QUE l'article L. 143-2 du code rural et de la pêche maritime relatif à l'exercice du droit de préemption des SAFER fixe et définit les objectifs pour lesquels les SAFER peuvent préempter des parcelles ; que pour rejeter la demande de M. T... par laquelle il demandait l'annulation de la décision de préemption prise par la SAFER Rhône Alpes, la cour d'appel a énoncé que la SAFER n'avait pas exercé son droit de préemption, mais avait acquis les parcelles à l'amiable (arrêt, p. 3 § 4) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, au besoin d'office, si les objectifs définis à l'article précité du code rural et de la pêche maritime relatif à l'hypothèse d'une préemption étaient également applicables en cas d'acquisition amiable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 142-2 du code rural et de la pêche maritime ;
2°) ALORS QUE l'interruption de la prescription peut s'étendre d'une action à l'autre lorsque les deux actions, présentées au cours de la même instance, quoiqu'ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; qu'en l'espèce pour débouter M. T... de sa demande d'annulation de l'attribution des parcelles à l'EARL Badinand, la cour d'appel a énoncé qu'il avait assigné le 26 novembre 2013 pour obtenir l'annulation de l'exercice par la SAFER de son droit de préemption, tandis qu'il n'avait sollicité que dans ses écritures déposées au greffe le 27 août 2014, la demande d'annulation des avis d'attribution, de sorte que cette demande était prescrite comme n'ayant pas été exercée dans le délai de 6 mois de l'affichage en mairies les 23 mai et 29 novembre 2013 ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, même d'office, si la demande d'annulation de la décision de préemption, qui visait à ce que la procédure diligentée par la SAFER soit interrompue, tendait au même but que la demande d'annulation de l'avis d'attribution des parcelles, de sorte que la seconde était virtuellement comprise dans la première qui avait dès lors interrompu le délai de prescription, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2241 du code civil et L. 143-14 et R. 142-4 du code rural et de la pêche maritime ;
3°) ALORS QUE sont recevables les actions en justice contestant les décisions de rétrocession prises par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural intentées dans le délai de six mois à compter du jour où les décisions motivées de rétrocession ont été affichées en mairie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que les décisions d'attribution avaient été affichées en mairies, respectivement les 23 mai et 29 novembre [lire mai] 2013 et que M. T... avait assigné le 26 novembre 2013 pour obtenir l'annulation de l'exercice par la SAFER de son droit de préemption ; que, pour juger prescrite l'action de M. T..., la cour d'appel a relevé, par motifs à les supposer adoptés, que « le délai de 6 mois après l'affichage et la notification au requérant était même susceptible d'être expiré au jour de la délivrance de l'acte introductif d'instance » (jgt p. 3 avant dernier §) ; qu'en statuant ainsi tandis que, s'agissant à tout le moins de l'avis affiché le 29 mai 2013, l'action de M. T... n'était pas prescrite lors de son assignation du 26 novembre 2013, puisqu'il c'était écoulé moins de 6 mois, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de se constatations et a violé les articles 2241 du code civil et L. 143-14 et R. 142-4 du code rural et de la pêche maritime.