LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 547 du code de procédure civile ;
Attendu, en application de ce texte, que si l'erreur manifeste dans la désignation de l'intimé, au regard de l'objet du litige tel que déterminé par les prétentions des parties devant les juges du fond, n'est pas de nature à entraîner l'irrecevabilité de l'appel, celui-ci ne peut en revanche être dirigé contre d'autres personnes que celles ayant été parties en première instance ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que victime, le 22 septembre 2010, d'un accident du travail causé par la manoeuvre de recul d'un chariot élévateur, alors qu'il se trouvait dans les entrepôts de la société Korail Armatures, appartenant au groupe SAMT, M. H..., salarié de la société SAMT Armaturier (l'employeur), a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;
Attendu que pour déclarer recevable l'appel formé par M. H... à l'encontre de la SARL SAMT, son employeur, et mettre la SARL SAMT OI hors de cause, l'arrêt, après avoir constaté que la déclaration d'appel fait mention d'une SARL SAMT OI, immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 490 255 130 et dont l'adresse est située [...] retient qu'il est constant que la SARL SAMT OI, dont le siège social est situé au Port et dont le numéro SIREN est bien celui qui figure dans la déclaration d'appel, n'est pas l'employeur de M. H..., salarié de la SARL SAMT Armaturier, dont le siège social se trouve à Saint-Chamas ; que la société SAMT OI n'était pas partie au jugement de première instance qui était régulièrement joint à la déclaration d'appel ; que l'indication de la SARL SMAT OI procède d'une erreur manifeste qui ne fait pas grief à la SARL SAMT ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la SARL SAMT OI était une personne morale identifiée et distincte de la SARL SAMT et qu'elle n'avait pas été partie en première instance, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il prononce la mise hors de cause de la société Korail Armatures, l'arrêt rendu le 22 août 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare irrecevable l'appel formé par M. H... du jugement rendu le 25 juin 2014 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Denis de la Réunion ;
Condamne M. H... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société d'Armatures Manna et Thirion.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'appel interjeté par M. H... était recevable ;
AUX MOTIFS QUE la déclaration d'appel fait mention d'une Sarl SAMT OI, immatriculée au RCS sous le numéro 490 255 130, et dont l'adresse est située [...] ; il est constant que la Sarl SAMT OI, dont le siège social est situé au Port et dont le numéro SIREN est bien celui qui figure dans la déclaration d'appel, n'est pas l'employeur de M. H..., salarié de la Sarl SAMT Armaturiers, dont le siège se trouve à Saint Chammas ; La Sarl SAMT OI n'était pas partie au jugement de première instance qui était régulièrement joint à la déclaration d'appel ; l'indication de la Sarl SMAT OI procède d'une erreur manifeste, qui ne fait pas grief à la Sarl SAMT ; il y a lieu en conséquence de juger que l'appel dirigé à son encontre est recevable ;
ALORS QUE si l'erreur manifeste dans la désignation de l'intimé, au regard de l'objet du litige tel que déterminé par les prétentions des parties devant les juges du fond, n'est pas de nature à entraîner l'irrecevabilité de l'appel, celui-ci ne peut en revanche être dirigé contre d'autres personnes que celles ayant été parties en première instance sans encourir l'irrecevabilité prévue par l'article 547 du code de procédure civile ; qu'en jugeant l'appel de M. H... recevable quand elle avait constaté qu'il l'avait dirigé contre la Sarl SAMT OI, immatriculée au RCS sous le numéro 490 255 130, laquelle n'était pas partie au litige en première instance, ce dont il résultait qu'il ne pouvait s'agir d'une erreur manifeste rendant l'appel recevable, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 58, 547 et 980 du code de procédure civile ; que la cassation interviendra sans renvoi.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que l'accident du travail subi par M. H... était dû à la faute inexcusable de la société SAMT, d'avoir ordonné, avant-dire droit, une mesure d'expertise médicale avec pour mission d'évaluer les différents chefs de préjudice du salarié et fixé à 5.000 euros le montant de la provision due au salarié ;
AUX MOTIFS QUE il résulte des articles 1147 du code civil, L. 411-1 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale, qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail, et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage ; les juges du fond doivent rechercher si, compte tenu notamment de son importance, de son organisation, de la nature de son activité et des travaux auxquels était affecté son salarié, il n'aurait pas dû avoir connaissance du danger auquel il était exposé ; en l'espèce, l'accident dont M. H... a été victime s'est produit au sein des entrepôts de la société Korail Armatures ; M. H..., qui circulait dans cet entrepôt, a été heurté par le chariot élévateur conduit par M. N..., qui n'a pas vu que M. H... était positionné derrière ce chariot ; le directeur de l'usine Korail Armatures, M. P..., indique qu'il était fréquent que des salariés de la SAMT se rendent dans l'enceinte de l'usine pour y récupérer des aciers ou autres fournitures nécessaires aux chantiers de pose ; U... F..., témoin de l'accident, indique avoir vu M. H... sortir du hangar et se rendre en direction de l'engin. M. N... explique, quant à lui que M. H... a ignoré les consignes de sécurité qui étaient affichées et qui mentionnent que l'on ne doit jamais passer derrière un engin en manoeuvre ; à supposer que M. H... ait commis une imprudence, il ne peut se voir opposer un non respect des consignes de sécurité affichées au sein d'une entreprise dans laquelle il n'était pas employé ; la Sarl SAMT, qui ne conteste pas qu'il soit courant que ses chefs d'équipe se rendent dans d'autres sociétés du groupe pour y récupérer des matériaux, ne précise nullement quel est le protocole mis en place à l'occasion de cette récupération ; elle ne justifie pas davantage avoir mis en garde ses employés des précautions à prendre, s'ils sont amenés à pénétrer dans une enceinte au sein de laquelle circulent des engins ; elle ne précise pas non plus avoir établi un sein de son entreprise un document unique d'évaluation des risques, ainsi que l'impose l'article R. 4121-1 du code du travail ; eu égard à l'obligation de sécurité de résultat qui pèse sur l'employeur et du caractère potentiellement dangereux de l'activité de M. H..., c'est par une appréciation inexacte des circonstances de l'espèce que les premiers juges ont estimé que la Sarl SAMT n'avait pas connaissance du risque auquel était exposé le salarié et ont débouté M. H... de ses demandes ; il y a lieu d'infirmer le jugement déféré et de dire et juger que l'accident du travail dont M. H... a été victime le 22 septembre 2010 est dû à la faute inexcusable de l'employeur ;
1°) ALORS QUE le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat a le caractère d'une faute inexcusable seulement lorsqu'il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
que l'employeur ne peut avoir conscience du danger couru par le salarié qui, contre toute précaution élémentaire, se place derrière un engin élévateur au moment où celui-ci effectue une marche arrière signalée par un bip sonore ; qu'en jugeant l'inverse, la cour d'appel a violé les articles 1147, devenu 1231-1, du code civil, L. 411-1 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
2°) ALORS QUE la faute inexcusable ne peut être retenue quand le salarié a été tenu informé des règles de sécurité sur le site sur lequel il intervient et ne les a pas respectées ; qu'en retenant la faute inexcusable de la société SAMT après avoir pourtant constaté que M. H... était informé des conditions de circulation sur le site de la société Korail Armatures qu'il n'avait pas respectées, au motif que l'information n'avait pas été directement donnée par la société SAMT , la cour d'appel qui statué par un motif impropre à justifier sa décision, a violé les articles 1147, devenu 1231-1, du code civil, L. 411-1 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
3°) ALORS QUE la charge de la preuve de la faute inexcusable de l'employeur repose sur le salarié ; qu'en retenant la faute inexcusable de la société SAMT en ce qu'elle n'apportait pas la preuve d'avoir mis en place un protocole à destination de ses salariés pour la récupération des matériaux sur des sites extérieurs, ni les avoir mis en garde sur les précautions à prendre, ni avoir établi un document unique d'évaluation des risques, quand il appartenait à M. H... de démontrer que son employeur n'avait pas pris les mesures nécessaires pour le préserver du risque qui s'était réalisé, la cour d'appel qui a inversé la charge de la preuve, a violé les articles 1147 et 1315, devenus 1231-1 et 1353, du code civil, L. 411-1 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
4°) ALORS QU'en disant, pour retenir la faute inexcusable, que la société SAMT ne justifiait pas d'un protocole de récupération des matériaux sur les chantiers, ni avoir établi un document unique d'évaluation des risques dans l'entreprise, conforme à l'article R. 4121-1 du code du travail, quand M. H... qui reprochait uniquement dans ses conclusions d'appel à la société SAMT de ne pas s'être assurée de l'existence, au sein de la société Korail Armatures dans laquelle il intervenait, d'un marquage au sol délimitant les zones réservées à la circulation des engins de celles réservées à la circulation des salariés, n'avait à aucun moment reproché d'autres carences de l'employeur dans les mesures de prévention des risques, la cour d'appel qui a statué au-delà des limites du litiges, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que si, lorsque la procédure est orale, les moyens soulevés d'office sont présumés avoir été débattus contradictoirement à l'audience, la preuve contraire est cependant rapportée lorsqu'il ressort des propres énonciations des juges du fond que les moyens oralement présentés à l'audience étaient ceux développés par les parties dans leurs écritures ; qu'en l'espèce, M. H... soutenait uniquement à l'appui de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur à l'origine de son accident du travail, dans ses conclusions d'appel dont la cour a énoncé qu'elles avaient été reprises oralement à la barre, que la société SAMT ne justifierait pas s'être assurée d'un marquage au sol au sein de la société Korail Armature délimitant les zones de circulation des véhicules des zone de travail des salariés, de sorte que la cour d'appel qui a soulevé d'office le moyen pris de la prétendue carence de l'employeur à justifier, en outre, de l'établissement d'un document unique d'évaluation des risques conforme à l'article R. 4121-1 du code du travail et d'un protocole de récupération des matériaux au sein des différentes sociétés du groupe, sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations, a violé l'article 16 du code de procédure civile et les droits de la défense.