LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que J... H... est décédé le [...] , laissant pour lui succéder, son conjoint survivant, U... D... et leurs trois enfants, Maurice, N... et Q... ; que, par acte du 26 février 1990, J... H... et son épouse avaient consenti à Maurice et Marie-José une donation de divers biens immobiliers ; que U... D... est décédée le [...] , laissant pour héritiers ses trois enfants ; que des difficultés se sont élevées lors des opérations de liquidation et de partage ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, ci-après annexé :
Attendu que M. Maurice H... fait grief à l'arrêt de dire que, pour la reconstitution de la masse fictive permettant le calcul de la réserve et de la quotité disponible, l'expert désigné par le tribunal devra, s'agissant des lots n° 8, donné en pleine propriété, et n° 2, 3, 4, 5, 6, 7, 14 et 15, donnés en nue-propriété, tenir compte de leur valeur réelle au jour de l'aliénation dans leur état au jour de la donation ;
Attendu que, sous le couvert d'un grief non fondé de manque de base légale au regard de l'article 922 du code civil, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine de la cour d'appel qui a retenu que l'expert devait rechercher la valeur réelle des biens au jour de l'aliénation, en leur état au jour de la donation, laquelle ne correspond pas nécessairement au prix d'adjudication lors d'une procédure de saisie immobilière ; qu'il ne peut être accueilli ;
Mais sur la première branche du moyen :
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
Attendu que, pour dire que, s'agissant du lot n° 9 , il sera tenu compte de sa valeur au jour du décès d'après son état au jour de la donation, l'arrêt énonce qu'il n'est pas démontré que ce bien ait été vendu ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'acte de vente de la nue-propriété de ce lot était produit aux débats et visé dans les conclusions de M. Maurice H..., la cour d'appel l'a dénaturé par omission et a violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que, pour la reconstitution de la masse fictive permettant le calcul de la réserve et de la quotité disponible, l'expert désigné par le tribunal devra : pour le lot n° 9, il sera tenu compte de sa valeur au jour des décès d'après son état au jour de la donation, l'arrêt rendu le 20 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ;
Condamne M. N... H... et Mme H... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Rémy-Corlay, avocat aux Conseils, pour M. Maurice H...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR, infirmant le jugement de ce chef, dit que pour la reconstitution de la masse fictive permettant le calcul de la réserve et de la quotité disponible l'expert désigné par le tribunal devra :- s'agissant des lots n° 8 (pleine propriété) et des lots n° 2,3,4,5,6,7,14 et 15 (nue-propriété) de la copropriété située à [...], donnés à Maurice, tenir compte de leur valeur réelle au jour de l'aliénation (jour de la vente à la barre du tribunal) dans leur état au jour de la donation ; - dit que pour la recherche de cette valeur l'expert pourra se faire remettre, par réquisition, tous documents utiles et notamment copie du cahier des conditions de vente auprès des tiers susceptibles de le détenir, le cas échéant auprès de l'adjudicataire ; - dit que pour le lot n° 9, il sera tenu compte de sa valeur au jour des décès d'après son état au jour de la donation ;
AUX MOTIFS QUE: « Sur la recherche de la valeur des biens immobiliers cédés à Maurice H...: En application des dispositions de l'article 922 du code civil, «la réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur ou du testateur. Les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession, après qu'en ont été déduites les dettes ou les charges les grevant. Si les biens ont été aliénés, il est tenu compte de leur valeur à l'époque de l'aliénation. S'il y a eu subrogation, il est tenu compte de la valeur des nouveaux biens au jour de l'ouverture de la succession, d'après leur état à l'époque de l'acquisition. Toutefois si la dépréciation des nouveaux biens était, en raison de leur nature, inéluctable au jour de leur acquisition, il n'est pas tenu compte de la subrogation. On calcule sur tous ces biens, eu égard à la qualité des héritiers qu'il laisse, quelle est la quotité dont le défunt a pu disposer.» La recherche de la valeur des biens au jour de l'aliénation implique qu'il soit recherché leur valeur réelle à cette date, laquelle ne correspond pas nécessairement à celle à laquelle les dits biens ont le cas échéant été vendus dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière. En l'espèce, il n'est pas contesté que Maurice H... a reçu de ses parents, en avance de part, au terme de la donation du 26 février 1990, dans une copropriété située [...] , divers lots, à savoir le lot n°8 en pleine propriété et les lots n°2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 14 et 15 en nue-propriété, pour un montant total évalué à la somme de 1.936.000 francs, que le lot N° 8 a été vendu à la barre du tribunal de grande instance de Paris le 17 décembre 1998 pour un montant de 900 000 francs, que les lots °N 2,3,4,5,6,7,14 et 15, soit à l'exception du lot n° 9, ont été vendu de la même manière, le 4 mars 1999 pour un prix total de 400 000 francs, de sorte qu'au décès de ses parents [...] , il n'était plus en possession de ces biens pour avoir été aliénés. En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce que le premier juge a donné mission à l'expert, pour le calcul quotité disponible et de la réserve dans chacune des successions d'évaluer l'ensemble des biens de Toulouse et de Damauzan-sur-Arize au jour du décès de M. J... H... et au jour du décès de Mme U... D..., dans leur état au jour de la donation pour ceux qui ont été donnés, en tenant compte pour les lots donnés à Maurice H... de leur prix de vente sur adjudication, l'expert devant au contraire pour ces biens évaluer leur valeur réelle au jour de l'aliénation, dans leur état au jour de la donation. Contrairement à ce que plaide l'intimé, il serait inéquitable de tenir compte de la valeur sur adjudication des biens imputable à sa déconfiture personnelle. Pour le lot n° 9 , dont il n'est pas démontré qu'il a été vendu, il sera procédé comme pour les autres lots donnés et non aliénés, à son évaluation au jour des décès dans son état au jour de la donation.»;
ALORS QUE 1°) le juge ne peut dénaturer les pièces versées aux débats, même par omission ; que dans ses écritures, l'exposant faisait valoir que le lot n° 9 avait été vendu de gré à gré le 18 mars 2010, produisant à l'appui de ses conclusions, en pièce n° 13, l'acte de vente litigieux ; qu'en retenant qu'il n'est pas démontré que ce lot a été vendu pour dire qu'il devait être évalué au jour du décès plutôt qu'au jour de l'aliénation en application de l'article 922 du Code civil, la Cour d'appel a dénaturé par omission l'acte de vente du 18 mars 2010, en violation du principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les pièces versées aux débats ;
ALORS QUE 2°) les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession, après qu'en ont été déduites les dettes ou les charges les grevant ; si les biens ont été aliénés, il est tenu compte de leur valeur à l'époque de l'aliénation en tenant compte du démembrement de propriété dont ils étaient affectés au moment de l'aliénation ; qu'en l'espèce il est constant qu'il n'a été donné à l'exposant que la nue-propriété des lots n° 2,3,4,5,6,7,14 et 15 de la copropriété située à [...] et que seule cette nue-propriété a été vendue par adjudication le 4 mars 1999 ; qu'en retenant que ces biens devaient être évalués à « leur valeur réelle au jour de l'aliénation, dans leur état au jour de la donation » sans rechercher si le fait qu'au moment de l'aliénation, l'exposant n'en avait que la nue-propriété ne justifiait pas que soit retenu le prix de vente par adjudication, la Cour d'appel a manqué de base légale au regard de l'article 922 du Code civil.