LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, qui est recevable :
Vu les articles 74, 446-1 et 860-1 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en vue d'organiser le transport de divers produits, la société Clarins fragrance group (la société Clarins), assurée auprès de la société Axa corporate solutions assurance (la société Axa), a fait appel à la société de droit suisse Port-Franc et entrepôts de Lausanne-Chavronay (la société Pesa), commissionnaire, qui a confié l'exécution du transport à la société Transports Jeantet Pontarlier (la société Jeantet) ; que des colis ayant été dérobés au cours du transport, les sociétés Clarins et Axa ont assigné la société Pesa et la société Jeantet et son assureur, la société de droit suisse Helvetia assurances (la société Helvetia) en paiement in solidum des diverses sommes devant le tribunal de commerce de Besançon, qui a accueilli une exception d'incompétence soulevée par la société Pesa ; que les sociétés Clarins, Axa, Jeantet et Helvetia ont saisi la cour d'appel de contredits de compétence ;
Attendu que pour déclarer la société Pesa irrecevable en son exception d'incompétence et renvoyer le dossier de la procédure devant le tribunal de commerce de Besançon, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'article 74 du code de procédure civile, retient qu'il est de jurisprudence ancienne et constante que présente une défense au fond la partie qui appelle un tiers en garantie, qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin de répondre aux autres moyens ou arguments des parties tirés notamment des articles 446-1 et suivants du code de procédure civile, c'est à tort que les premiers juges ont fait droit à l'exception d'incompétence soulevée par la société Pesa pour la première fois dans ses écrits du 17 février 2016 alors que celle-ci avait formé un appel en garantie contre la société Jeantet et la société Helvetia dans le cadre de ses conclusions n° 1 qu'elle avait déposées le 18 février 2015 de sorte que l'exception ainsi soulevée était irrecevable par application de l'article 74 sus-rappelé ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans relever que la société Pesa s'était référée, au cours d'une audience, dans les conditions prévues par l'article 446-1, alinéa 1er, du code de procédure civile, à ses premières conclusions appelant en garantie les sociétés Jeantet et Helvetia, avant de soulever l'incompétence du tribunal de commerce, ou constater que ces premières conclusions avaient été prises dans les conditions prévues par l'article 446-2 du même code, de sorte qu'elles auraient pris date dès leur notification entre parties, conformément à l'article 446-4 de ce code, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne la société Transports Jeantet Pontarlier, la société Clarins fragrance group, la société Helvetia compagnie suisse d'assurances et la société Axa corporate solutions assurance aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société Clarins fragrance group, de la société Helvetia compagnie suisse d'assurances et de la société Axa corporate solutions assurance ; les condamne à payer à la société Port-franc et entrepots de Lausanne-Chavornay la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Port-franc et entrepôts de Lausanne-Chavornay.
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR déclaré la société anonyme de droit suisse Port-Franc et Entrepôts de Lausanne-Chavronay irrecevable en son exception d'incompétence et renvoyé, en conséquence, le dossier de la procédure devant le tribunal de commerce de Besançon,
AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article 74 du code de procédure civile "les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir ; qu'il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public" ; qu'or, il est de jurisprudence ancienne et constante que présente une défense au fond, la partie qui appelle un tiers en garantie (Cass. Civ. 2ème, 6 mais 1999, Bull. civ. II, n° 82 - Cass. Civ. 2ème, 12 juin 2003, pourvoi n° 01-11824 - Cass. Civ. 2ème, 12 avril 2012, pourvoi n° 11-14741 - Cass. Com. 16 octobre 2012, pourvoi n° 11-13658 - Cass. Civ. 2ème, 10 avril 2014, pourvoi n° 13-14623) ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin de répondre aux autres moyens ou arguments des parties tirés notamment des articles 446-1 et suivants du code de procédure civile, c'est à tort que les premiers juges ont fait droit à l'exception d'incompétence soulevée par la société PESA pour la première fois dans ses écrits du 17 février 2016 alors que celle-ci avait formé un appel en garantie contre la SARL Transports Jeantet Pontarlier et la SA Helvetia dans le cadre de ses conclusions n° 1 qu'elle avait déposées le 18 février 2015 de sorte que l'exception ainsi soulevée était irrecevable par application de l'article 74 sus-rappelé ; que leur décision sera par suite infirmée en toutes ses dispositions » ;
1°/ALORS, d'une part, QUE, suivant l'article 71 du code de procédure civile, constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifié, après un examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire ; que suivant l'article 74 du même code, les exceptions de procédure doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir ; que l'appel en garantie est une demande incidente et ne constitue pas en lui-même une défense au fond ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la société PESA, que présente une défense au fond la partie qui appelle un tiers en garantie et que cette dernière avait, avant de soulever l'exception d'incompétence, dans ses écritures du 17 février 2016, formé un appel en garantie contre le voiturier et son assureur, par conclusions déposées le 18 février 2015, la cour d'appel a violé les dispositions précitées, ensemble les articles 63, 66 et 331 du code de procédure civile ;
2°/ALORS, d'autre part et en toute hypothèse, QUE suivant l'article 74 du code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées avant toute défense au fond ; que, devant le tribunal de commerce, la procédure étant orale, suivant l'article 860-1 du code de procédure civile, les prétentions des parties peuvent être formulées au cours de l'audience et qu'il en est notamment ainsi des exceptions de procédure ; qu'il n'en va autrement que si, suivant l'article 446-2, alinéa 1er du code de procédure, le juge a organisé les échanges entre les parties comparantes et a fixé les délais et les conditions de communication de leurs prétentions, moyens et pièces, la date des prétentions et des moyens d'une partie régulièrement présentés par écrit étant alors celle de leur communication entre parties suivant l'article 446-4 du code de procédure civile ; que, dans ses écritures d'appel (concl., p. 4-5), la société PESA a fait valoir que, devant le tribunal de commerce, un calendrier de procédure n'a été mis en place que lors de l'audience du 20 juillet 2016, de sorte que ce n'était qu'à compter de cette date que l'article 446-4 du code de procédure civile a pu trouver application, pour l'ensemble des actes de procédure intervenus postérieurement à cette date du 20 juillet 2016 et qu'ainsi son exception d'incompétence soulevée in limine litis dans ses conclusions du 22 septembre 2016, était recevable ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces éléments, dont notamment l'application de l'article 446-4 du code de procédure civile, gouvernant la recevabilité de l'exception d'incompétence soulevée par la société PESA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées.