LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte aux sociétés Thomarion et Aromat du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Le Pas d'âne et de la Plage et le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier La Vigie ;
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 novembre 2017), que la société de la Plage, locataire de locaux appartenant à la société Le Pas d'âne au rez-de-chaussée de l'ensemble immobilier La Vigie, s'est plainte d'infiltrations à la suite de travaux effectués par la société Aromat, exploitant un restaurant dans le lot de la société Thomarion situé au-dessus de celui de la société Le Pas d'âne, sous la maîtrise d'oeuvre de Mme D... assurée auprès de la société Mutuelle des architectes français (la Maf) ; que la société de la Plage a, après expertise, obtenu du juge des référés la condamnation du syndicat des copropriétaires et des sociétés Thomarion et Aromat au paiement d'une provision à valoir sur le coût des travaux de réfection des locaux occupés au rez-de-chaussée ; que les sociétés Thomarion et Aromat ont assigné Mme D... et la Maf en réparation de leurs préjudices nés des infiltrations et les sociétés Le Pas d'âne et de la Plage ont assigné le syndicat des copropriétaires et les sociétés Thomarion et Aromat en indemnisation des dommages subis par elles ;
Attendu que les sociétés Thomarion et Aromat font grief à l'arrêt de condamner in solidum Mme D... et la Maf à les relever et garantir seulement pour 50 % du montant des condamnations prononcées contre elles ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les désordres affectant les locaux loués à la société de la Plage trouvaient leur origine, d'une part, dans un défaut d'entretien des parties communes incombant au syndicat des copropriétaires, d'autre part, dans la défectuosité du dispositif d'étanchéité de la terrasse, dont la société Aromat avait confié la maîtrise d'œuvre de la réfection à Mme D..., la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante et qui a pu en déduire, sans se contredire, que l'architecte et son assureur devaient garantir les sociétés Thomarion et Aromat des condamnations prononcées contre elles in solidum avec le syndicat des copropriétaires, pour leur seule part de responsabilité dans la réalisation des dommages, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Thomarion et Aromat aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Thomarion et Aromat et les condamne à payer à Mme D... et à la société Mutuelle des architectes français la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour les sociétés Aromat et Thomarion.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, sur les dommages subis au rez-de-chaussée par les SCI Le pas-d'âne et Selarl de la plage, réformé partiellement le jugement déféré en ce que le premier juge a condamné in solidum V... D... et la Maf à garantir la SCI Thomarion et la SARL Aromat des condamnations prononcées contre elles au profit de la SCI Le pas-d'âne et de la Selarl de la plage et d'avoir condamné in solidum V... D... et la Maf à relever et garantir la SCI Thomarion et la SARL Aromat de 50 % du montant des condamnations prononcées contre elles au profit de la SCI Le pas-d'âne et de la Selarl de la plage, en principal, intérêts, frais et indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE, sur les dommages subis au rez-de-chaussée par la SCI Le pas-d'âne et la Selarl de la plage et les recours, en se fondant sur le rapport d'expertise établi par U... E... le 30 juin 2011, dont les conclusions ne sont l'objet d'aucune critique, permettant de retenir que les désordres constatés au rez-de-chaussée trouvent leur origine, d'une part dans des infiltrations de pluies provenant des parties verticales des locaux situés à l'arrière du bâtiment qui sont mal étanchées, d'autre part, dans des infiltrations horizontales provenant de la terrasse utilisée par la SARL Aromat, en précisant que les locaux du rez-de-chaussée ont subi des infiltrations importantes nécessitant des travaux de réparation intérieure s'élevant à la somme non discutée de 28 440,88 €, en estimant que l'absence d'étanchéité verticale des locaux enterrés jouxtant un ancien blockhaus résulte d'un défaut de conception, les venues d'eau étant favorisées par la vétusté et le défaut d'entretien du réseau d'eaux pluviales de la copropriété, en indiquant que les infiltrations horizontales proviennent de la défectuosité de l'étanchéité de la dalle de la terrasse du restaurant (relevés d'étanchéité non conformes, exutoires mal placés et vétustes, étanchéité horizontale défaillante en plusieurs points), partie commune à jouissance exclusive, dont les travaux d'entretien et de réparations sont mis par le règlement de copropriété à la charge du propriétaire de ce lot, en conséquence, en condamnant in solidum le syndicat des copropriétaires et la SCI Thomarion et la SARL Aromat à payer au propriétaire et à l'exploitant du local du rez-de-chaussée où une clinique vétérinaire est exploitée : le montant des travaux de reprise intérieure et la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance, le premier juge a fait une juste analyse des faits de la cause, appliqué à l'espèce les règles de droit qui s'imposaient et pertinemment répondu aux moyens des parties pour la plupart repris en appel ; qu'à ces justes motifs que la cour adopte il convient d'ajouter qu'en vertu de l'article 14 de la loi du 10.7.1965 sur la copropriété des immeubles bâtis, le syndicat des copropriétaires est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes ; qu'en conséquence, alors que les recherches expertales ont établi de façon incontestable que les dommages subis au rez-de-chaussée dans la clinique vétérinaire avaient leur origine dans plusieurs causes, dont des infiltrations d'eau de pluie provenant d'un défaut d'étanchéité de parois verticales et de la vétusté et du défaut d'entretien du réseau E.P., ouvrages dont le syndicat doit assurer l'entretien, c'est à juste titre que la responsabilité de ce syndicat fut retenue ; que le désordre ayant pris naissance dans une partie commune et ayant provoqué directement des dommages significatifs à l'intérieur de parties privatives, c'est à tort que le syndicat prétend que les demandes d'indemnisation du copropriétaire victime et de la société exploitant ces locaux seraient "irrecevables" ou "infondées" ; qu'en n'ayant pas fait procéder aux travaux d'entretien et de réparation de la terrasse dont elle a la jouissance exclusive, notamment en ne remplaçant pas l'étanchéité défectueuse par un complexe d'étanchéité adapté permettant d'éviter toute infiltration d'eau provenant de cette terrasse, la SCI Thomarion, copropriétaire, a été fautive et sa faute fut bien à l'origine du dommage subi ; qu'il en est de même pour l'exploitant des lieux qui fit réaliser des travaux insuffisants puisque ne comportant pas la réfection du complexe d'étanchéité ; que contrairement à ce qui allégué, il n'est nullement établi que la Selarl de la plage récupère la TVA, et qu'elle a perçu une indemnisation de son assureur pour les dommages provoqués par les infiltrations ; que le syndicat des copropriétaires ne fait que conclure à l'irrecevabilité ou au débouté, mais ne forme aucune demande aux fins d'être relevé et garanti ; que tel n'est pas le cas de la SCI Thomarion et de la SARL Aromat qui demandent qu'V... D... et la Maf soient condamnées solidairement à les relever et garantir ; que s'il est exact que c'est seulement la SARL Aromat, qui, en qualité de maître de l'ouvrage a contracté avec l'architecte V... D... en lui confiant une mission complète de maîtrise d'oeuvre, qu'elle est donc fondée à rechercher sa responsabilité contractuelle, pour autant, la SCI THOMARIAN, propriétaire des lieux où eurent lieu les travaux, déclarée responsable avec l'exploitant du restaurant des conséquences des désordres affectant la terrasse ayant provoqué des infiltrations, condamnée à indemniser, est fondée à rechercher la responsabilité délictuelle de l'architecte, si son comportement fautif est à l'origine des dommages qu'elle doit indemniser ; que, chargé d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre, l'architecte doit analyser le programme que lui propose de réaliser le maître de l'ouvrage, reconnaître les lieux et s'assurer de l'adaptation de son projet aux existants ; qu'en qualité de professionnel, l'architecte est responsable de la qualité de son projet ; qu'il est soumis envers le maître de l'ouvrage à un devoir de conseil et il lui appartient de démontrer l'accomplissement de ce devoir ; qu'il doit ainsi guider les choix techniques de son client et notamment attirer son attention sur la nécessité de réaliser certains ouvrages non prévus mais indispensables ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que l'architecte a visité les lieux, qu'il a établi en 2007, pour un immeuble des années 50 (règlement de copropriété enregistré le 14 septembre 1954) un projet important de rénovation de locaux commerciaux comportant notamment une terrasse de près de 120 m2 sous laquelle des locaux professionnels étaient exploités, pour un budget supérieur à 150 000 € TTC (estimation phase esquisse, pièce annexée au dire du 18 mai 2011 du conseil de l'architecte et de son assureur), mais n'a prévu ni sondage, ni réfection du complexe d'étanchéité de cette terrasse, dont il est clairement établi par les recherches de l'expert qu'elle présentait un certain nombre de défauts d'étanchéité avec absence de remontées d'étanchéité ; qu'au surplus, il appartenait à ce maître d'oeuvre d'attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur l'insuffisance des dispositifs d'évacuation des eaux pluviales, l'état des exutoires et leur quantité insuffisante ; qu'en outre, en acceptant la mise en oeuvre d'une simple « résine d'étanchéité » qui n'est qu'un revêtement de sol imperméabilisant et non un complexe d'étanchéité, l'architecte, qui n'établit nullement en avoir avisé son client, a manqué à son devoir de conseil ; qu'enfin, comme le signale l'expert, outre le défaut de prescription de travaux adaptés, il peut être reproché à l'architecte de ne pas avoir fait procéder à toutes les investigations nécessaires comme par exemple une mise en eau de la terrasse et des jardinières ; que l'architecte a donc commis des fautes à l'égard de son cocontractant : le maître de l'ouvrage, qui doit en subir directement les conséquences, en étant condamné à indemniser le propriétaire et l'exploitant des locaux situés sous le restaurant qu'il exploite ; qu'au surplus, le propriétaire des locaux où, sous la maîtrise d'oeuvre de l'architecte, des travaux de rénovation ont été entrepris de manière insuffisante et inadaptée, subit directement les conséquences dommageables du comportement de l'architecte en étant également condamné à indemniser le propriétaire et l'exploitant des locaux situés sous la terrasse ; que l'architecte ne démontre l'existence d'aucune cause exonératoire de responsabilité ; que, par contre, alors que les dommages subis par le propriétaire et l'exploitant des locaux du rez-de-chaussée résultent à la fois de l'absence de réalisation d'un complexe d'étanchéité de la terrasse, et d'infiltrations verticales provenant de parties communes dont le syndicat à la charge, c'est avec raison que l'architecte et son assureur estiment qu'ils ne doivent pas relever et garantir la SCI Thomarion et la SARL Aromat de la totalité des condamnations prononcées contre elles ; que compte tenu des éléments précités, l'architecte et son assureur doivent en effet être condamnés à relever et garantir ces sociétés, mais seulement à raison de 50 % du montant des condamnations en principal, intérêts, frais et indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile, prononcées contre elles au profit de la SCI Le pas-d'âne et de la Selarl de la plage, le jugement déféré étant donc ici partiellement réformé ; qu'enfin, la provision de 28 440,88 € que, par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Marseille du 2.12.2011, les sociétés Aromat et Thomarion ont été condamnées in solidum à payer à titre de provision à la Selarl de la plage, correspondant au coût des travaux de réfection intérieure de ses locaux, s'imputera à due concurrence ;
1°) ALORS QUE chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité ; que l'arrêt retient, d'une part, que le syndicat des copropriétaires, à raison des infiltrations verticales, la SCI Thomarion et la SARL Aromat, à raison des infiltrations horizontales, sont coresponsables des dommages subis par la SCI Le pas-d'âne et la Selarl de la plage et, à ce titre, tenus in solidum de la réparation des préjudices subis par celles-ci et, d'autre part, que Mme D..., à raison des fautes commises dans l'accomplissement de sa mission de maîtrise d'oeuvre, et la Maf, son assureur, sont pleinement responsables envers les sociétés Thomarion et Aromat des infiltrations horizontales ; qu'il en résultait que Mme D... et la Maf étaient tenus de garantir les sociétés Thomarion et Aromat de leur dette de responsabilité envers la SCI Le pas-d'âne et la Selarl de la plage, sans qu'il y ait lieu de diminuer cette garantie en raison de la responsabilité imputable au syndicat des copropriétaires ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1147 1203 et 1382 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°) ALORS subsidiairement QU'à supposer qu'elle ait considéré que les causes des désordres n'étaient pas à l'origine d'un même dommage, la cour d'appel, qui a par ailleurs retenu le contraire dans les rapports entre les exposantes et le syndicat des copropriétaires, d'une part, et la SCI Le pas-d'âne et la Selarl de la plage, d'autre part, en approuvant expressément la condamnation in solidum des premiers envers les secondes, s'est contredite en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS subsidiairement QU'en diminuant la garantie due par Mme D... et la Maf, à raison de la responsabilité du syndicat des copropriétaires dans les dommages subis par la SCI Le pas-d'âne et la Selarl de la plage, sans examiner si les infiltrations imputables au syndicat des copropriétaires, d'une part, et celles imputables aux exposantes et à Mme D..., d'autre part, étaient indissociablement à l'origine des désordres subis par la SCI Le pas-d'âne et la Selarl de la plage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 1203 et 1382 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.