LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 6 novembre 2017), que l'entreprise à responsabilité limitée Renfermedi (l'EARL), bénéficiaire d'un bail rural que le groupement foncier agricole Domaine de la Brunetterie (le GFA) lui avait consenti sur diverses parcelles de terre, a mis une partie de celles-ci à la disposition du groupement agricole d'exploitation en commun Guillemaille (le GAEC) en lui facturant des ventes d'herbe ; que le GFA a assigné en expulsion le GAEC, qui a sollicité la reconnaissance d'un bail rural ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu l'article 544 du code civil, ensemble l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu que, pour rejeter la demande du GFA, l'arrêt retient que, bien que les consorts W..., associés du GFA, l'EARL et le GFA aient su que l'EARL n'était pas propriétaire des terres et que le bail rural implique l'interdiction de toute sous-location, les consorts W... ont établi, au nom de l'EARL, des factures de ventes d'herbe, que cette société s'est comportée en propriétaire apparent des terres exploitées et que, compte tenu des agissements de cette dernière et des consorts W..., ainsi que du caractère occulte du GFA, le GAEC a pu légitimement croire qu'il traitait avec le véritable propriétaire des terres ;
Qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'une erreur commune et alors qu'elle avait constaté que le GAEC avait utilisé les terres de manière continue en s'acquittant d'une contrepartie financière, ce dont il résultait que les terres avaient été sous-louées, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt constate l'existence d'un bail rural entre l'EARL, propriétaire apparent, et le GAEC ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le GAEC sollicitait la confirmation du jugement qui avait constaté l'existence d'un bail rural entre le GFA et le GAEC, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour le GFA du Domaine de la Brunetterie et l'entreprise Renfermedi.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir constaté l'existence d'un bail rural entre l'Earl Renfermedi, propriétaire apparent, et le Gaec Guillemaille portant sur les parcelles agricoles sises sur la commune d'[...] (parcelles cadastrées section [...] , [...], [...], [...], [...], [...], et [...] d'une superficie globale de 32ha 01a) et, d'autre part, sur la commune de [...] (parcelles cadastrées section [...] , [...], [...], [...], [...], [...], [...] et [...] d'une superficie globale de 44 ha) moyennant un fermage annuel de 80 euros l'hectare et d'avoir dit que ce bail est opposable au Gfa Domaine de la Brunetterie,
AUX MOTIFS QUE
« Sur la demande d'annulation des contrats de vente d'herbe :
Il résulte des dispositions de l'article L.411-1 du code rural et de la pêche maritime, que toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L.311-1 est régie par le statut du fermage et du métayage, sous les réserves énumérées à l'article L.411-2, que cette disposition est d'ordre public et qu'il en est de même, sous réserve que le cédant ou le propriétaire ne démontre que le contrat n'a pas été conclu en vue d'une utilisation continue ou répétée des biens et dans l'intention de faire obstacle à l'application du présent titre :
- de toute cession exclusive des fruits de l'exploitation lorsqu'il appartient à l'acquéreur de les recueillir ou de les faire recueillir ;
- des contrats conclus en vue de la prise en pension d'animaux par le propriétaire d'un fonds à usage agricole lorsque les obligations qui incombent normalement au propriétaire du fonds en application des dispositions du présent titre sont mises à la charge du propriétaire des animaux.
En l'espèce, le GAEC produit sept factures annuelles relatives à des ventes de foin et à la mise à disposition de pâtures, en date des 15 septembre 2007, 15 septembre 2008, 8 septembre 2009, 8 août 2010, 2 septembre 2011, 17 septembre 2012 et 17 octobre 2013 et dont il justifie du paiement. Les factures mentionnent la surface exploitée (76 ha à compter du début de l'année 2009), ce qui correspond à la superficie invoquée par le GAEC au titre du bail rural.
Il se déduit de ces éléments que le GAEC a utilisé les terres de manière continue en s'acquittant d'une contrepartie financière (80 € HT l'hectare).
L'ensemble des factures a été établi par l'EARL dont M. N... W... était l'associé unique et qui a eu pour gérante son épouse du 2 décembre 1996 au 21 février 2011, date à laquelle les deux enfants du couple ont été nommés co-gérants. M. N... W... est décédé le [...] et, postérieurement à son décès, l'EARL a continué à procéder à des ventes d'herbe au profit du GAEC.
Il est constant que les parcelles litigieuses n'ont jamais appartenu à l'EARL et il apparaît à la lecture de l'acte notarié du 20 novembre 2013 portant cession des parts sociales du GFA par les héritiers de M. N... W... aux époux V... que le GFA a été créé le 11 mai 1987 à la suite de la transformation de la SCI De La Brunetterie, elle-même constituée le 15 juin 1973.
La SCI constituée avant la loi du 4 janvier 1978 n'était pas soumise à la formalité de l'inscription au Registre du commerce et des sociétés. Le GFA qui n'avait pas davantage fait l'objet d'une inscription audit registre a perdu la personnalité morale à compter du 1er novembre 2002 par l'effet des dispositions de l'article 44 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, comme cela est expressément mentionné dans l'acte notarié, ce que les consorts W... et les époux V... ne peuvent ignorer.
Le GFA a été immatriculé au Registre du commerce et des sociétés de Versailles le 11 octobre 2013, soit quelques semaines avant la cession des parts sociales du 20 novembre 2013.
Il s'ensuit que du début de l'année 2007 jusqu'au 11 octobre 2013, le GFA était dénué de la personnalité juridique. Les parcelles qui lui appartenaient initialement étaient alors devenues la propriété indivis des consorts W..., étant précisé que l'acte notarié fait apparaître que les associés au sein du GFA étaient, au 1er novembre 2002, les deux enfants de M. N... W..., détenteurs chacun de 10 parts en pleine propriété et 1440 parts en nue propriété, l'usufruit étant conservé par leur père.
Au cours des années 2007 à 2013 inclus, les consorts W... avaient parfaitement connaissance des montages juridiques établis par M. W... puisque son épouse était la gérante de l'EARL dont il était l'associé unique et que ses deux enfants étaient associés au sein du GFA.
Ainsi, l'EARL et les associés du GFA puis le GFA lui-même à compter du 11 octobre 2013 avaient parfaitement connaissance du fait que l'EARL n'était pas propriétaire des terres mais les consorts W... ont néanmoins établi des ventes d'herbe soumise au statut des baux ruraux au nom de l'EARL et ce, alors même que le bail rural établi le 20 mai 1987 sous la signature de M. W..., ès qualités de gérant de l'EARL, et de son fils ès qualité de gérant du GFA, mentionnait expressément l'interdiction de toute sous-location.
Il apparaît donc que l'EARL s'est comportée en propriétaire apparent des terres exploitées et, compte tenu des agissements de cette dernière et des consorts W... ainsi que du caractère occulte du GFA, le GAEC a pu légitimement croire qu'il traitait avec le véritable propriétaire des terres.
A la suite de son immatriculation le 11 octobre 2013, le GFA a retrouvé la personnalité morale ainsi que la propriété des parcelles exploitées par le GAEC tout au long de l'année 2013.
Il s'ensuit que les conventions litigieuses s'analysent en un bail rural qui, compte tenu des circonstances dans lesquels il a été conclu, doit être déclaré opposable au GFA, sans que le GAEC ne puisse invoquer la fraude au statut du fermage et un effet créateur de droit lui permettant de prétendre à la reconnaissance d'un bail direct entre le GFA et lui même. En effet, la preuve de la fraude n'est pas rapportée dès lors qu'il n'est pas démontré que le montage juridique rappelé ci-dessus a été réalisé dans le but de se pré-constituer un moyen de droit en vue de faire obstacle à l'application du statut du fermage.
Enfin, l'EARL et le GFA qui ont fait exploiter les terres en violation du statut des baux ruraux ne peuvent se prévaloir de leur propre turpitude pour solliciter l'annulation du bail résultant des ventes d'herbe effectuées de manière continue au profit du GAEC.
La décision des premiers juges sera donc réformée en ce sens. » (arrêt attaqué, p. 4 à. 6) ;
1°) ALORS QUE toute sous-location par le preneur d'un bail rural, de parcelles prises à bail est illicite, même si le bailleur en a eu connaissance ou y a expressément consenti ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que l'Earl Renfermedi, preneur, les associés du Gfa Domaine de la Brunetterie, bailleur, puis le Gfa lui-même à compter du 11 octobre 2013 « avaient parfaitement connaissance du fait que l'Earl n'était pas propriétaire des terres mais que les consorts W... ont néanmoins établi des ventes d'herbe soumise au statut des baux ruraux au nom de l'EARL et ce, alors même que le bail rural établi le 20 mai 1987 sous la signature de M. W..., ès qualités de gérant de l'EARL, et de son fils ès qualité de gérant du GFA, mentionnait expressément l'interdiction de toute sous-location », tout en constatant que l'Earl avait procédé, au profit du Gaec, à une sous-location prohibée du bail et que la preuve d'une fraude de l'Earl et du Gfa n'était pas rapportée dès lors « qu'il n'[était]pas démontré que le montage juridique (
) a[vait] été réalisé dans le but de se pré-constituer un moyen de droit en vue de faire obstacle à l'application du statut du fermage », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L.411-35 du code rural et de la pêche maritime ;
2°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que si, lorsque la procédure est orale, les moyens soulevés d'office sont présumés avoir été débattus contradictoirement à l'audience, il peut être rapporté la preuve contraire ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que l'Earl Renfermedi et le Gfa Domaine de la Brunetterie ayant fait exploiter les terres en violation du statut des baux ruraux « ne peuvent se prévaloir de leur propre turpitude pour solliciter l'annulation du bail rural résultant des ventes d'herbe effectuées de manière continue » au profit du Gaec Guillemaille, quand elle énonçait que les parties avaient soutenu oralement à l'audience les moyens développés dans leurs conclusions et que celles-ci ne faisaient pas état de l'adage nemo auditur
, la cour d'appel, qui a relevé un moyen sans avoir préalablement recueilli les observations des parties, a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le contractant qui a participé à un contrat illicite ou immoral n'est pas privé, pour autant, du droit d'invoquer la nullité ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'adage nemo auditur propriam suam turpitudinem allegans ;
4°) ALORS, en toute hypothèse, QUE l'adage nemo auditur propriam suam turpitudinem allegans ne joue qu'en cas d'immoralité de l'objet ou de la cause du contrat mais non en considération de l'illicéité de la cause du contrat, ou de son objet, voire du contrat lui-même ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans caractériser l'existence d'une cause immorale du contrat litigieux, la cour d'appel a violé par fausse application l'adage susvisé;
5°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que si, lorsque la procédure est orale, les moyens soulevés d'office sont présumés avoir été débattus contradictoirement à l'audience, il peut être rapporté la preuve contraire ; qu'en l'espèce, pour statuer comme elle l'a fait, la cour d'appel a fait application de la théorie de la propriété apparente, non expressément invoquée par le Gaec Guillemaille, et relevé que l'Earl Renfermedi s'était comportée en propriétaire apparent de sorte que le Gaec avait pu légitiment croire qu'il traitait avec le véritable propriétaire des terres ; qu'en relevant d'office, pour caractériser cette croyance, le moyen tiré de ce que « du début de l'année 2007 jusqu'au 11 octobre 2013, le Gfa était dénué de la personnalité juridique » et avait ainsi « un caractère occulte », quand elle énonçait que les parties avaient soutenu oralement à l'audience les moyens développés dans leurs conclusions et que celles-ci ne faisaient pas état de ce moyen, la cour d'appel, qui a relevé un moyen sans avoir préalablement recueilli les observations des parties, a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;
6°) ALORS QUE le verus dominus ne peut être engagé sur le fondement de la théorie de l'apparence que si le tiers qui a contracté avec le non-propriétaire a commis une erreur commune, légitime, c'est-à-dire justifiée par des circonstances l'autorisant à ne pas vérifier l'étendue des pouvoirs de son cocontractant, et invincible ; qu'en se bornant, pour considérer que le Gaec Guillemaille avait pu légitimement croire qu'il traitait avec le véritable propriétaire des terres, à relever que l'Earl Renfermedi s'était comportée en propriétaire apparent des terres exploitées, que les consorts W... avaient connaissance du fait que l'Earl n'était pas propriétaire des terres, et enfin le caractère occulte du Gfa Domaine de la Brunetterie, sans vérifier que le Gaec avait été victime d'une erreur commune, invincible et légitime, notamment qu'il avait procédé aux recherches élémentaires sur l'identité du propriétaire des terres lors de la conclusion du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour le GAEC Guillemaille.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement de première instance en ce qu'il avait constaté l'existence d'un bail rural entre le GFA du domaine de la Brunetterie et le GAEC Guillemaille, et d'avoir constaté l'existence d'un bail rural entre l'EARL Renfermedi, propriétaire apparent, et le GAEC Guillemaille,
Aux propres motifs que :
Sur la demande d'annulation des contrats de vente d'herbe :
Il résulte des dispositions de l'article L.411-1 du code rural et de la pêche maritime, que toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L.311-1 est régie par le statut du fermage et du métayage, sous les réserves énumérées à l'article L.411-2, que cette disposition est d'ordre public et qu'il en est de même, sous réserve que le cédant ou le propriétaire ne démontre que le contrat n'a pas été conclu en vue d'une utilisation continue ou répétée des biens et dans l'intention de faire obstacle à l'application du présent titre :
- de toute cession exclusive des fruits de l'exploitation lorsqu'il appartient à l'acquéreur de les recueillir ou de les faire recueillir ;
- des contrats conclus en vue de la prise en pension d'animaux par le propriétaire d'un fonds à usage agricole lorsque les obligations qui incombent normalement au propriétaire du fonds en application des dispositions du présent titre sont mises à la charge du propriétaire des animaux.
En l'espèce, le GAEC produit sept factures annuelles relatives à des ventes de foin et à la mise à disposition de pâtures, en date des 15 septembre 2007, 15 septembre 2008, 8 septembre 2009, 8 août 2010, 2 septembre 2011, 17 septembre 2012 et 17 octobre 2013 et dont il justifie du paiement. Les factures mentionnent la surface exploitée (76 ha à compter du début de l'année 2009), ce qui correspond à la superficie invoquée par le GAEC au titre du bail rural.
Il se déduit de ces éléments que le GAEC a utilisé les terres de manière continue en s'acquittant d'une contrepartie financière (80 € HT l'hectare).
L'ensemble des factures a été établi par l'EARL dont M. N... W... était l'associé unique et qui a eu pour gérante son épouse du 2 décembre 1996 au 21 février 2011, date à laquelle les deux enfants du couple ont été nommés co-gérants. M. N... W... est décédé le [...] et, postérieurement à son décès, l'EARL a continué à procéder à des ventes d'herbe au profit du GAEC.
Il est constant que les parcelles litigieuses n'ont jamais appartenu à l'EARL et il apparaît à la lecture de l'acte notarié du 20 novembre 2013 portant cession des parts sociales du GFA par les héritiers de M. N... W... aux époux V... que le GFA a été créé le 11 mai 1987 à la suite de la transformation de la SCI De La Brunetterie, elle-même constituée le 15 juin 1973.
La SCI constituée avant la loi du 4 janvier 1978 n'était pas soumise à la formalité de l'inscription au Registre du commerce et des sociétés. Le GFA qui n'avait pas davantage fait l'objet d'une inscription audit registre a perdu la personnalité morale à compter du 1er novembre 2002 par l'effet des dispositions de l'article 44 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, comme cela est expressément mentionné dans l'acte notarié, ce que les consorts W... et les époux V... ne peuvent ignorer.
Le GFA a été immatriculé au Registre du commerce et des sociétés de Versailles le 11 octobre 2013, soit quelques semaines avant la cession des parts sociales du 20 novembre 2013.
Il s'ensuit que du début de l'année 2007 jusqu'au 11 octobre 2013, le GFA était dénué de la personnalité juridique. Les parcelles qui lui appartenaient initialement étaient alors devenues la propriété indivis des consorts W..., étant précisé que l'acte notarié fait apparaître que les associés au sein du GFA étaient, au 1er novembre 2002, les deux enfants de M. N... W..., détenteurs chacun de 10 parts en pleine propriété et 1440 parts en nue propriété, l'usufruit étant conservé par leur père.
Au cours des années 2007 à 2013 inclus, les consorts W... avaient parfaitement connaissance des montages juridiques établis par M. W... puisque son épouse était la gérante de l'EARL dont il était l'associé unique et que ses deux enfants étaient associés au sein du GFA.
Ainsi, l'EARL et les associés du GFA puis le GFA lui-même à compter du 11 octobre 2013 avaient parfaitement connaissance du fait que l'EARL n'était pas propriétaire des terres mais les consorts W... ont néanmoins établi des ventes d'herbe soumise au statut des baux ruraux au nom de l'EARL et ce, alors même que le bail rural établi le 20 mai 1987 sous la signature de M. W..., ès qualités de gérant de l'EARL, et de son fils ès qualité de gérant du GFA, mentionnait expressément l'interdiction de toute sous-location.
Il apparaît donc que l'EARL s'est comportée en propriétaire apparent des terres exploitées et, compte tenu des agissements de cette dernière et des consorts W... ainsi que du caractère occulte du GFA, le GAEC a pu légitimement croire qu'il traitait avec le véritable propriétaire des terres.
A la suite de son immatriculation le 11 octobre 2013, le GFA a retrouvé la personnalité morale ainsi que la propriété des parcelles exploitées par le GAEC tout au long de l'année 2013.
Il s'ensuit que les conventions litigieuses s'analysent en un bail rural qui, compte tenu des circonstances dans lesquels il a été conclu, doit être déclaré opposable au GFA, sans que le GAEC ne puisse invoquer la fraude au statut du fermage et un effet créateur de droit lui permettant de prétendre à la reconnaissance d'un bail direct entre le GFA et lui même. En effet, la preuve de la fraude n'est pas rapportée dès lors qu'il n'est pas démontré que le montage juridique rappelé ci-dessus a été réalisé dans le but de se pré-constituer un moyen de droit en vue de faire obstacle à l'application du statut du fermage.
Enfin, l'EARL et le GFA qui ont fait exploiter les terres en violation du statut des baux ruraux ne peuvent se prévaloir de leur propre turpitude pour solliciter l'annulation du bail résultant des ventes d'herbe effectuées de manière continue au profit du GAEC.
La décision des premiers juges sera donc réformée en ce sens. (arrêt attaqué, pp. 4 - 6),
Alors que dans son jugement rendu le 24 mars 2017, le tribunal des baux ruraux de Limoges avait constaté l'existence d'un bail rural entre le GFA de la Brunetterie et le GAEC Guillemaille portant sur les parcelles litigieuses moyennant un fermage annuel de 80 euros l'hectare, et débouté le GFA du domaine de la Brunetterie de l'ensemble de ses demandes ; que par ses conclusions d'intimé, le GAEC Guillemaille demandait à la cour d'appel de débouter le GFA de la Brunetterie et l'EARL Renfermedi de leur appel formé à l'encontre dudit jugement et concluait à la confirmation du jugement déféré, outre la condamnation des appelants au paiement des frais irrépétibles de première instance et d'appel et aux entiers dépens ; que le GFA de la Brunetterie et l'EARL Renfermedi, en cause d'appel, ne formaient aucune demande tendant à la reconnaissance d'un bail rural entre l'EARL Renfermedi et le GAEC Guillemaille ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.