LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 31 octobre 2016), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 14 janvier 2015, pourvoi n° 13-25252), que, par actes des 22 avril 1986 et 30 janvier 1988, Mme V... a donné à bail à MM. O... et C... Y... des parcelles agricoles ; que, par actes du 24 février 2009, elle leur a fait délivrer des congés en raison de l'âge de la retraite ; que, C... Y... étant décédé le [...] , son frère O... a continué à exploiter les terres ; que, par déclaration du 7 novembre 2011, Mme V... a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux pour voir constater que celui-ci était devenu occupant sans droit ni titre à l'échéance des baux respectifs ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de valider les congés et de lui ordonner de libérer les parcelles ;
Mais attendu qu'ayant relevé que Mme V... avait délivré des congés à chacun des copreneurs qui ne les avaient pas contestés et retenu que ces congés avaient produit effet à la date d'expiration des baux en l'absence de renouvellement, la cour d'appel, qui en a déduit que Mme V... n'était pas tenue d'appeler en intervention forcée, dans une instance tendant à l'expulsion du copreneur sortant, les frères et soeurs de C... Y..., autres que M. O... Y... déjà partie à la procédure, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et le condamne à payer à Mme V... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour M. Y...
M. O... Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir validé les congés qui lui avaient été délivrés le 24 février 2009, d'avoir en conséquence constaté qu'il occupait sans droit ni titre l'ensemble des parcelles louées, de lui avoir ordonné de libérer toutes les parcelles qu'il occupait illégitimement dans un délai de trois mois à compter de la signification de l'arrêt, délai à l'expiration duquel devait commençait à courir une astreinte de 100 euros par jour de retard, de l'avoir condamné à payer à Mme V... la somme de 5.175 euros à titre d'indemnité d'occupation et de l'avoir débouté de sa demande de dommages et intérêts pour privation de récoltes ;
AUX MOTIFS QU'il résulte de l'attestation établie le 30 mai 2012 par la SCP W... et G... P..., notaires à Neuves-Maison, que Mme M... V... possède la pleine propriété des parcelles qui font l'objet des baux litigieux, à savoir : - sur le territoire de la commune de Clerey-sur-Brenon : * section [...] lieudit [...] 72 ares et 11 centiares * section [...] lieudit [...] 87 ares * section [...] lieudit [...] 13 ares 70 centiares * section [...] lieudit [...] 84 ares 10 centiares * section [...] lieudit [...] 39 ares 90 centiares * section [...] lieudit [...] 2 hectares 14 ares 20 centiares * section [...] lieudit [...] 73 ares 20 centiares * section [...] lieudit [...] 1 hectare 37 ares 70 centiares * section [...] lieudit [...] hectare 81 ares 20 centiares * section [...] lieudit [...] 1 hectare 13 ares 81 centiares * section [...] lieudit [...] 65 ares 30 centiares, - sur le territoire de la commune de Omelmont : * section [...] lieudit [...] 77 ares 20 centiares, - sur le territoire de la commune de Gerbecourt et Haplemont : * section [...] lieudit [...] 17 ares 80 centiares * section [...] lieudit [...] 46 ares 60 centiares : que l'appelant est ainsi mal fondé à soutenir que Mme V... ne possède que la propriété indivise des parcelles données à bail, et qu'elle n'avait pas seule qualité pour délivrer congé aux preneurs ; que le moyen tiré de l'imprécision des congés délivrés ne peut davantage être retenu dans la mesure où à chacun d'eux était annexé le contrat de bail authentique ou seing privé auquel il se rapportait et qui contenait la description des parcelles données à bail ainsi que leur dénomination cadastrale ; que l'appelant fait aussi valoir à tort que les congés délivrés par Mme V... ne l'auraient pas été aux deux co-preneurs ; qu'en effet, l'intimée verse aux débats, pour chacun des trois congés qui portent les numéros [...], [...] et [...], les justificatifs de ses diligences revêtus du cachet de l'huissier instrumentaire, Me U... B..., documents selon lesquels chacun des actes a été remis à la personne de M. C... Y... et de M. O... Y... qui en étaient destinataires ; que, par ailleurs, M. C... Y..., qui n'avait ni conjoint, ni descendant, ni partenaire auquel il aurait été lié par un pacte civil de solidarité ayant participé à l'exploitation et qui, selon l'acte de notoriété, n'avait pour lui succéder que ses six frères et soeurs, n'était pas dans les conditions lui permettant, selon l'article L. 411-34 du code rural, de transmettre par l'effet de la loi le droit au bail dont il était titulaire à l'une des personnes énumérées par ce texte ; qu'en conséquence, Mme V... n'était pas tenue de mettre en cause les frères et soeurs de M. C... Y..., autres que M. O... Y..., déjà partie à la procédure, puisqu'ils ne remplissaient pas les conditions leur permettant de voir le bail se poursuivre à leur profit ; que s'agissant enfin du délai de dix-huit mois dans lequel le congé devait être délivré, l'appelant soutient qu'il n'a pas été respecté puisque le bail concerné ne résulte pas d'un acte authentique du 28 avril 1986, comme le prétend la partie adverse, mais d'un arrêt de la cour d'appel de Nancy du 28 juillet 1983 ayant acquis autorité de chose jugée, et dont le dispositif énonce que « le présent arrêt vaudra acte de bail » ; qu'il précise que ce bail, renouvelé de neuf ans en neuf ans, est venu à échéance le 28 juillet 2010 de sorte que le congé aurait dû être délivré avant le 28 janvier 2009 ; que cependant, il est versé aux débats les trois congés qui lui ont été délivrés le 24 février 2009, et auxquels étaient annexés les baux ruraux auxquels ils se rapportaient : - le premier en vertu d'un bail rural authentique reçu par Me J..., notaire, le 22 avril 1986, se rapportant à des parcelles de terre situées sur le territoire des communes de Clerey-sur-Brenon, Omelmont et Gerbecourt-Haplemont, d'une surface totale de 8 hectares, 45 ares et 71 centiares, - le second en vertu d'un bail rural sous seing privé du 31 janvier 1988, se rapportant à des parcelles de terre situées sur le territoire de la commune de Clerey-sur-Brenon, d'une surface totale de 2 hectares, 60 ares et 31 centiares, - le troisième en vertu d'un bail rural sous seing privé du 22 avril 1986, se rapportant à des parcelles de terre situées sur le territoire de la commune de Gerbecourt-Haplemont, d'une surface totale de 17 ares et 80 centiares ; que dans son arrêt du 28 juillet 1983, la cour d'appel de Nancy a constaté que, le 20 juillet 1976, un accord parfait était intervenu entre C... et O... Y... et les dames V... aux termes duquel ces dernières leur avaient consenti un bail à ferme sur des terres en nature de pré ou de terre sur le territoire des communes de Clerey, Gerbecourt et Omelmont pour une surface de 2 hectares, 91 ares et 10 centiares pour les prés, 5 hectares, 56 ares et 10 centiares pour les terres ; que cet arrêt ne contient, ni dans ses motifs, ni dans son dispositif, aucune précision quant à la dénomination cadastrale des parcelles données à bail, la comparaison des surfaces qui figurent dans cet arrêt avec celles des parcelles qui font l'objet des baux souscrits en 1986 et 1988 ne permet pas de se convaincre qu'il s'agit des mêmes parcelles ; que le moyen tiré du non-respect du délai de dix-huit mois pour donner congé sera aussi rejeté ; que les congés délivrés par Mme V... étant réguliers, le jugement sera confirmé en ce qu'il les a validés avant de constater que M. O... Y... était occupant sans droit ni titre ; qu'alors que les trois baux sont parvenus à leur terme sans être renouvelés, il sera ordonné à M. O... Y... de libérer toutes les parcelles qui en faisaient l'objet dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision, délai à l'expiration duquel commencera à courir une astreinte de 100 € par jour de retard ; que le jugement sera infirmé en ce sens ; que par ailleurs, M. O... Y... qui occupe illégitimement les terres appartenant à Mme V... depuis que les baux litigieux sont arrivés à leur terme sans être renouvelés, sera condamné au paiement de la somme de 5.175 € correspondant à cinq années d'occupation, somme dont le mode de calcul n'est pas contesté et débouté de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'impossibilité où il s'est trouvé d'exploiter les terres données à bail, à la suite de l'arrêt du 4 juillet 2013 ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il ressort des pièces du dossier que Mme M... V... a donné en location à M. O... Y... et M. C... Y... – ce dernier étant décédé – plusieurs immeubles et terres à usage agricole situés sur les territoires de Clérey-sur-Brénon, Omelmont, Gerbécourt-et-Haplemont, et ce selon plusieurs baux : le premier en date du 22 avril 1986 avec renouvellement en 1993 et 2002, le second en date du 31 janvier 1988 avec effet au 1er janvier 1988, avec renouvellement en 1997 et 2006, le troisième en date du 22 avril 1996 avec renouvellement en 1995 et 2004 ; que l'article L. 411-64 du code rural rappelle que le bailleur peut soit refuser le renouvellement du bail au preneur ayant atteint l'âge de la retraite, soit limiter le renouvellement à l'expiration de la période triennale au cours de laquelle le preneur atteint cet âge ; qu'en conséquence, en vertu de ce texte, le premier bail a pris fin le 31 décembre 2010, le preneur ayant déjà atteint l'âge de la retraite au terme de ce dernier, que le second, pour les mêmes raisons, a pris fin le 31 décembre 2011 au terme de deux périodes triennales supplémentaires, que le troisième prendra fin, quant à lui, le 22 avril 2013, dès lors que M. O... Y... aura atteint l'âge de la retraite au cours de la troisième période ; qu'il importe de relever que les trois congés délivrés plus de 18 mois avant la prise d'effet de chacun d'eux n'ont fait l'objet d'aucune contestation bien que cette possibilité ait été visée dans les congés ; que de ce fait, les baux litigieux doivent être considérés comme étant résiliés dès lors que M. O... Y... est maintenant âgé de 68 ans, qu'il occupe donc sans droit ni titre les lieux loués aux termes des baux de 1986 et1988, qu'il en sera de même pour le troisième bail à compter du 22 avril 2013, étant précisé que M. O... Y... continue à exploiter les terres au mépris des dispositions du code rural ;
ALORS QUE lorsque le preneur vient à décéder sans laisser de conjoint, de partenaire avec lequel il aurait été lié par un pacte civil de solidarité, d'ascendant ou de descendant qui participent à l'exploitation ou y ont participé effectivement au cours des cinq années qui ont précédé le décès, le droit au bail passe néanmoins à ses héritiers ou à ses légataires universels, sauf à ce que le bailleur ait sollicité la résiliation du bail dans un délai de six mois à compter de ce décès ; que dès lors, en affirmant, pour juger que Mme V... n'était pas tenue de mettre en cause les frères et soeurs de C... Y..., autres que M. O... Y... déjà partie à la procédure, que C... Y... n'avait ni conjoint ni descendant ni partenaire auquel il aurait été lié par un pacte civil de solidarité ayant participé à l'exploitation et qu'il n'avait pour lui succéder, selon l'acte de notoriété produit par M. O... Y..., que ses six frères et soeurs, lesquels ne remplissaient pas les conditions leur permettant de voir le bail se poursuivre à leur profit, la cour d'appel a violé l'article L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version applicable au litige.