LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 27 juin 2016), que, par acte du 28 novembre 2011, M. et Mme E... ont consenti à la société civile d'exploitation agricole Château Saint Didier (la SCEA) un bail à long terme portant sur une exploitation viticole ; que la SCEA a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en régularisation du fermage et paiement de sommes ;
Attendu que M. et Mme E... font grief à l'arrêt de les condamner à restituer une certaine somme ;
Mais attendu qu'ayant retenu que les paiements encaissés depuis la conclusion du bail n'étaient pas conformes au prix de référence fixé par arrêté préfectoral pour déterminer le montant annuel du fermage, tel que prévu par les stipulations contractuelles, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a pu accueillir l'action en répétition de l'indu constitué par le trop perçu résultant de la méconnaissance de ces dispositions ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme E... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme E... et les condamne à payer à la SCEA Château Saint Didier la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour M. et Mme E...
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR confirmé le jugement ayant condamné solidairement M. et Mme E... à payer à la SCEA Château Saint Didier une somme de 86 150,92 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 29 février 2012 sur la somme de 66 013,08 euros et du jugement pour le surplus et rejeté leurs demandes ;
AUX MOTIFS QUE la SCEA Château de Saint Didier fonde son action en régularisation de fermages illicites sur la convention tripartite intervenue le 8 juin 2001 entre les futurs bailleurs, M. et Mme E..., le futur fermier, elle-même, et le fils de M. et Mme E..., qui aurait pour objet de contourner le statut impératif du bail à ferme ; que pour confirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux qui a considéré que ce protocole d'accord conclu le 8 juin 2001 était sans effet sur la licéité du fermage, il suffira d'ajouter qu'il n'est nullement contesté que le fils des bailleurs a réellement accompli une prestation de services auprès de la société fermière et que la variabilité de la rémunération de cette prestation, telle que prévue dans ce protocole d'accord, est sans incidence sur la détermination du prix du fermage, fixé dans cette convention - et repris dans le bail à long terme - à 10 hl par hectare, majoré de 2 hl par hectare pour valorisation du terroir exceptionnel, ce dans le respect des dispositions de l'article L. 411-11 du code rural et de la pêche maritime applicables en l'espèce selon lesquelles «(...) Par dérogation aux dispositions précédentes, le loyer des terres nues portant des cultures permanentes viticoles, arboricoles, oléicoles et agrumicoles et des bâtiments d'exploitation y afférents peut être évalué en une quantité de denrées comprise entre des maxima et des minima arrêtés par l'autorité administrative (...)» ; sur la demande subsidiaire du fermier : que cette demande qui tend à voir modifier le montant du fermage contractuellement prévu s'analyse en une action en révision du prix du fermage ; qu'en application des dispositions de l'article L. 411-11 du code rural et de la pêche maritime, « (...) Ces maxima et ces minima font l'objet d'un nouvel examen au plus tard tous les six ans. S'ils sont modifiés, le prix des baux en cours ne peut, sous réserve des dispositions figurant au premier alinéa de l'article L. 411-13, être révisé que lors du renouvellement ou, s'il s'agit d'un bail à long terme, en début de chaque nouvelle période de neuf ans. A défaut d'accord amiable, le tribunal paritaire des baux ruraux fixe le nouveau prix du bail (...)» ; que par ailleurs, l'article L. 411-13 dudit code précise que «Le preneur ou le bailleur qui, lors de la conclusion du bail, a contracté à un prix supérieur ou inférieur d'au moins un dixième à la valeur locative de la catégorie du bien particulier donné à bail, peut, au cours de la troisième année de jouissance, et une seule fois pour chaque bail, saisir le tribunal paritaire qui fixe, pour la période du bail restant à courir à partir de la demande, le prix normal du fermage selon les modalités ci-dessus ; que la faculté de révision prévue à l'alinéa précédent vaut pour la troisième année du premier bail, comme pour la troisième année de chacun des baux renouvelés» ; que l'action engagée par la société fermière le 7 février 2012 ne se situe ni au cours de la troisième année de jouissance du bail conclu le 28 novembre 2001, ni au début de la nouvelle période de neuf ans du bail à long terme (se situant à la fin de l'année 2010 ou au mieux au début de l'année 2011) ; que l'action en révision du fermage n'est donc pas ouverte, ce que ne conteste pas d'ailleurs la société fermière à l'audience, sans pour autant qualifier juridiquement sa demande en remboursement d'un trop-perçu fondé sur une modification des dispositions contractuelles de détermination du montant du loyer qu'elle estime contraires aux dispositions de l'article L. 411-12 du code rural et de la pêche maritime ; qu'à cet effet, il convient de préciser que la majoration de 2 hl par hectare ne constitue nullement une redevance ou un service complémentaire mais un élément de calcul du prix du fermage que l'expert estime certes injustifié mais ne rend tout au plus ce fermage qu'excessif et non illicite, ce qui relève indiscutablement de l'action en révision du fermage qui en l'espèce est exercée hors délai ; que c'est à bon droit en conséquence que les premiers juges ont rejeté cette demande ; sur la demande infiniment subsidiaire du fermier : cette demande fondée sur l'application irrégulière des dispositions du bail, s'analyse en une action en répétition de l'indu ; qu'il résulte du rapport d'expertise, non contesté par les bailleurs de ce chef, que les parties n'ont pas respecté le prix de référence de l'hectolitre de vin fixé chaque année par arrêté préfectoral pour déterminer le montant annuel du fermage, tel que prévu par les dispositions contractuelles ; que l'action en répétition de l'indu résultant du trop-perçu en raison du non-respect de ces dispositions contractuelles est donc parfaitement justifiée et recevable ; que s'agissant de sa prescription éventuelle, il résulte des dispositions de l'article 2224 du code civil, issues de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, que «les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer» ; que l'article 26 II de la loi du 17 juin 2008 prévoit par ailleurs, au titre des dispositions transitoires, que «les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure» ; qu'il est constant en outre que, sous l'empire des dispositions de l'article 2277 ancien du code civil, si l'action en paiement des loyers se prescrivait par cinq ans, l'action en répétition des sommes indûment versées au titre de ces loyers, relevant du régime spécifique des quasi-contrats, n'était pas soumise à cette prescription abrégée et relevait de la prescription de droit commun de 30 ans ; que dans ces conditions, la SCEA Château de Saint Didier ayant engagé son action par requêtes des 7 et 29 février 2012, il en résulte que le délai de cinq ans prévu par l'article 2224 du code civil n'était pas expiré à cette date, sans que la durée totale de prescription n'excède la durée de 30 ans prévue par la loi antérieure ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que la société fermière était recevable dans son action en répétition des sommes versées indûment à titre de fermage depuis la conclusion du bail ; qu'il résulte clairement des dispositions contractuelles que le fermage de 156 hl de vin AOC Cahors était payable en argent par référence à l'hectolitre de vin fixé chaque année par arrêté préfectoral ; qu'il n'est pas contesté que cette indexation n'a pas été appliquée ; que dans ses conclusions non contestées sur ce point par les parties, l'expert, après avoir effectué un comparatif détaillé année par année entre les sommes payées au titre du fermage et le loyer réel contractuel qui aurait dû être versé en appliquant cette indexation, conclut à un indu de 86 150,92 euros arrêté au 30 novembre 2012 ; que le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Cahors du 27 février 2015 sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné solidairement M. et Mme E... à payer à la SCEA Château de Saint Didier la somme de 86 150,92 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 29 février 2012 sur la somme de 66 013,08 euros et du jugement pour le surplus ;
ALORS QUE l'action exercée par la SCEA tendait à faire constater que le prix du bail était illicite et à défaut elle sollicitait la révision du prix du bail et la répétition de l'indu et plus subsidiairement la condamnation des exposants à lui payer la somme de 86150,92 euros HT conformément au contrat ; qu'en décidant que cette demande fondée sur l'application irrégulière des dispositions du bail, s'analyse en une action en répétition de l'indu, qu'il résulte du rapport d'expertise, non contesté par les bailleurs de ce chef, que les parties n'ont pas respecté le prix de référence de l'hectolitre de vin fixé chaque année par arrêté préfectoral pour déterminer le montant annuel du fermage, tel que prévu par les dispositions contractuelles, que l'action en répétition de l'indu résultant du trop-perçu en raison du non-respect de ces dispositions contractuelles est donc parfaitement justifiée et recevable, pour condamner les exposants au paiement de la somme de 86 150,92 euros, sans rechercher s'il ne résultait pas de ce comportement des parties, depuis la conclusion du contrat et jusque après son renouvellement, la volonté de conserver un tel prix, la cour d'appel qui se contente de relever l'existence d'un trop perçu, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1235 et 1376 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;