LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 121-12 du code des assurances et l'annexe II B 4° à l'article A. 243-1 du même code ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 février 2018), que, dans la perspective de la construction d'une maison individuelle sur un terrain dont elle est propriétaire, Mme D... a souscrit auprès de la société Mutuelle des architectes français (la MAF) un contrat d'assurance couvrant les garanties obligatoires ; que, l'entreprise chargée des travaux ne les ayant pas achevés, une réception tacite est intervenue le 8 février 2004 ; que, par lettre du 26 décembre 2011, Mme D... a déclaré à la MAF des infiltrations d'eau au rez-de-jardin et au rez-de-chaussée de l'habitation, puis a apporté le 10 janvier 2012 des précisions à la société d'assurance ; que la MAF a notifié à Mme D... un refus de garantie par lettres des 12 mars et 17 juillet 2012 ; qu'après avoir, par assignation en référé du 11 mars 2014, sollicité l'organisation d'une expertise, Mme D... a assigné la MAF en indemnisation de préjudices matériels et d'un trouble de jouissance ;
Attendu que, pour rejeter l'exception de subrogation et condamner la MAF à payer à Mme D... différentes sommes à titre d'indemnisation des désordres, l'arrêt retient que la MAF n'avait évoqué les dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances dans aucune des lettres notifiant à l'assurée son refus de garantie, de sorte que, n'ayant pas attiré l'attention de son assurée sur son recours subrogatoire, elle ne saurait reprocher à celle-ci de l'avoir empêchée d'exercer ce recours ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'assureur dommages-ouvrage qui dénie sa garantie n'est pas tenu de rappeler à l'assuré, quand il lui notifie son refus de garantie, la position qu'il prend en ce qui concerne l'exercice du droit de subrogation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions relatives aux demandes formées au titre du préjudice de jouissance et de la résistance abusive, l'arrêt rendu le 14 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet en conséquence, sur le surplus, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne Mme D... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la Mutuelle des architectes français.
Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception de subrogation de l'article L. 121-12 du code des assurances et d'avoir en conséquence condamné la MAF à payer à Mme D... les sommes de 108.425,90 € TTC, 8 674 € TTC, 2 000 € TTC, de 8 745 € TTC et 699,30 € TTC au titre de désordres d'infiltrations,
Aux motifs que « la MAF, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, reproche à Mme D... de l'avoir assignée le 11 mars 2014 alors que la garantie décennale était expirée depuis le 8 février précédent, ce qui l'empêche d'exercer ses recours subrogatoires à l'encontre des locateurs d'ouvrage et de leurs assureurs tels que prévus par l'article L. 121-12 du code des assurances.
Considérant que l'assureur dommages-ouvrage est effectivement un assureur de préfinancement qui est, sur justification de ses paiements, recevable à exercer ses recours à l'encontre des locateurs d'ouvrage et de leurs assureur en vertu des dispositions de l'article 1792 du code civil à condition de les assigner dans le délai décennal.
Que l'article L. 114-1 du code des assurances autorise cependant l'assuré à exercer un recours à son encontre dans un délai de deux ans suivant l'expiration de la garantie décennale ; qu'en l'occurrence, Mme D... ayant exercé ce droit en délivrant son assignation en référé à l'encontre de la MAF après l'expiration du délai de garantie décennale, la mise en cause des constructeurs est devenue sans objet puisque manifestement vouée à l'échec.
Considérant cependant que seule la caractérisation d'une faute du maître d'ouvrage est de nature à le priver de son droit d'agir dans ce délai de l'article L. 114-1 du code des assurances.
Qu'en l'espèce, il incombait à la MAF en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage et par application de l'article A 243-1 du code des assurances en son annexe II, B, 4° relatives aux clauses types applicables aux contrats d'assurance de dommages-ouvrage « de notifier à l'assuré pour l'information de celui-ci la position définitive que, sur le vu du rapport complémentaire, il estime devoir prendre en ce qui concerne l'exercice du droit de subrogation ouvert à son profit par l'article L. 121-12 ».
Que ni dans sa lettre du 12 mars 2012 ni dans celle du 17 juillet 2012 où elle a refusé sa garantie, la MAF n'a évoqué les dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances de sorte qu'en violation de ses obligations prévues par ce texte, elle n'a jamais attiré l'attention de son assuré sur son recours subrogatoire et ne saurait dès lors lui reprocher de l'avoir empêcher de l'exercer.
Que dans ces conditions, la MAF ne rapportant pas la preuve de la faute commise par Mme D... génératrice de son préjudice, le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception de subrogation qu'elle soulève » (arrêt, page 5) ;
Et aux motifs, adoptés du jugement, que « selon l'article L.121-12 du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. L'assureur peut être déchargé, en tout ou en partie, de sa responsabilité envers l'assuré quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l'assuré, s'opérer en faveur de l'assureur.
Ces dispositions sont reprises à l'article 13 des conditions générales de la police de dommages-ouvrage souscrites par Mme D.... L'article13.1 stipule que la subrogation ne peut plus, du fait de l'assuré, s'opérer en faveur de l'assureur, celui-ci est déchargé de ses obligations envers l'assuré, dans la mesure où aurait pu s'exercer cette subrogation.
Si l'article L. 121-12 alinéa 2 du code des assurances permet à l'assureur d'être déchargé, en tout ou partie, de sa responsabilité envers l'assuré quand la subrogation ne peut plus, par le fait de ce dernier, s'opérer en faveur de l'assureur, cette exception de subrogation ne peut jouer qu'en cas de faute caractérisée de la part de l'assuré.
En l'espèce, il incombe à MAF, assureur dommages-ouvrage qui se prévaut de l'exception de subrogation, d'apporter la preuve d'une faute de Mme D... l'ayant privée du bénéfice de la subrogation pouvant s'opérer en sa faveur.
Or, il n'est pas contesté par les parties et notamment de la Maf, que malgré l'absence de procès-verbal de réception, celle-ci est intervenue le 8 février 2004, de sorte que la garantie décennale dont bénéficie le bien de Mme D... expire le 8 février 2014.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 décembre 2011, Madame D... a déclaré à la MAF l'apparition de désordres portant sur des infiltrations d'eau dans le rez-de-jardin (mur de la cuisine d'été, buanderie et la chaufferie) et des infiltrations dans le salon du rez-de-chaussée qui ont endommagé le parquet ainsi que des fissures sur le mur extérieur côté sud ouest.
Suite à la demande de la MAF, Mme D... a répondu le 10 janvier 2012 pour compléter les informations, de sorte que la déclaration de sinistre a été valablement constituée le 10 janvier 2012.
Par lettre du 20 janvier 2012, la MAF a informé son assuré de la désignation de M. I... Y... en qualité d'expert. Le rapport d'expertise a été établi le 15 février 2012 par M. Y... puis a été adressé le 7 mars à Mme D....
Une position de non-garantie a été notifiée par la Maf à Mme D... le 12 mars 2012 aux motifs que les désordres étaient purement esthétiques, qu'ils affectaient une partie de l'ouvrage non garantie et qu'ils étaient prescrits.
Par acte du 11 mars 2014, Mme D... a sollicité en référé une mesure d'expertise judiciaire au contradictoire de la MAF. Monsieur H... V... désigné en qualité d'expert judiciaire par ordonnance du 28 avril 2014, a déposé son rapport le 20 avril 2015. Par acte du 24 juin 2015, Mme D... a fait assigner la MAF pour obtenir le paiement des sommes nécessaires à la réparation des désordres.
Il s'ensuit que Mme D... a exercé son action en référé un mois après l'expiration du délai de garantie décennale intervenue le 8 février 2014 mais avant le 12 mars 2014, date d'expiration du délai de prescription biennale de l'article L. 114-1 du code des assurance.
Compte tenu de la date de délivrance de l'assignation en référé au-delà de la garantie décennale, la MAF s'est trouvée dans l'impossibilité d'interrompre le délai de prescription à l'égard des locateurs d'ouvrage ou leurs assureur et d'exercer utilement ses recours à leur encontre.
Toutefois, le simple fait pour Mme D... d'assigner l'assureur dommages-ouvrage au-delà du délai de 10 ans, mais bien dans le délai de deux ans prévu à l'article 114-1 du code des assurance le privant de toute action récursoire contre le locateur d'ouvrage et/ou l'assureur de responsabilité, ne suffit pas à caractériser la faute de cette dernière, et ce même si elle disposait du temps nécessaire pour le faire dans ce délai.
Il importe peu de savoir si l'application de l'exception de subrogation est soumis à la condition que la MAF ait d'ores et déjà payé une indemnité d'assurances au profit de l'assuré dans la mesure où est recevable à agir l'assureur qui a assigné les responsables des désordres avant l'expiration du délai de garantie décennale bien qu'il n'ait pas la qualité de subrogé de son assuré au moment de l'assignation dès lors qu'il a indemnité son assuré avant que le juge du fond n'ait statué.
La MAF ne peut valablement arguer ne pas être recevable à rechercher la responsabilité des constructeurs et de leurs assureurs à l'intérieur du délai de garantie décennale dès lors qu'elle n'avait pas d'indemnité d'assurance dans la mesure où l'action de l'assureur dommages-ouvrage, subrogé dans les droits du maître de l'ouvrage avant que la juge statue au fond, est recevable dès lors que l'assignation en référé des constructeurs, par l'assureur dommages-ouvrage, avant le paiement par celui-ci de l'indemnité d'assurance, a été délivrée avant l'expiration du délai de garantie décennale, et que l'assignation au fond, suivie d'un paiement en cours d'instance, a été signifiée moins de dix ans après l'ordonnance de référé.
A défaut de caractériser une faute à la charge de Mme D... l'ayant privé du bénéfice de la subrogation pouvant s'opérer en sa faveur, la MAF ne peut se prévaloir de l'exception de subrogation de l'article L. 121-12 du code des assurances » (jug. p. 5 à 7) ;
1/ Alors que l'assureur dommages-ouvrage qui dénie sa garantie n'a pas vocation à être subrogé dans les droits du maître d'ouvrage, et n'est donc pas tenu de rappeler à l'assuré, quand il lui notifie son refus de garantie, la position qu'il prend en ce qui concerne l'exercice du droit de subrogation ; que dès lors, le juge ne peut se fonder sur une absence de prise de possession de l'assureur sur ce point pour écarter l'existence d'une faute du maître d'ouvrage qui l'a empêché d'exercer des recours subrogatoires ; qu'en l'espèce, le délai de garantie décennale expirait le 8 février 2014, la MAF, assureur dommages-ouvrage, a notifié un refus de garantie au maître d'ouvrage le 12 mars 2012, de sorte que le délai de prescription biennale expirait le 12 mars 2014 ; que pour décider que le maître d'ouvrage n'avait pas commis de faute en assignant son assureur par acte du 11 mars 2014, postérieurement à l'expiration du délai de garantie décennale, la cour d'appel a retenu que la MAF n'avait pas notifié à son assurée sa position sur l'exercice du droit de subrogation ; qu'en statuant ainsi, quand la décision de refus de garantie faisait obstacle au mécanisme de la subrogation, la cour d'appel a violé l'article L. 121-12 du code des assurances et l'annexe II, B, 4° à l'article A 243-1 du code des assurances :
2/ Alors qu'une condamnation ne peut être prononcée sur le fondement de la garantie décennale que pour des désordres compromettant la solidité d'un ouvrage ou le rendant impropre à sa destination ; qu'en l'espèce, pour appliquer la garantie décennale aux désordres affectant le « salon d'été », la cour d'appel a retenu que le constat de la présence d'humidité dans ce salon constituait « un vice rendant la pièce impropre à sa destination » ; qu'en se fondant ainsi sur l'impropriété à sa destination d'une pièce de l'ouvrage, sans justifier que les désordres litigieux avaient rendu l'ouvrage lui-même impropre à sa destination, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1792 du code civil.
Le second moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la MAF à payer à Mme D... les sommes de 108.425,90 € TTC, 8 674 € TTC, 2 000 € TTC, de 8 745 € TTC et 699,30 € TTC au titre de désordres d'infiltrations,
Aux motifs qu'« il ressort des conditions particulières du contrat d'assurance dommages-ouvrage signé par les parties les 15 mars 2001 et 7 janvier 2002 que Mme R... D... n'y a pas évoqué le nom de l'entreprise chargée des travaux de sorte qu'à défaut de preuve en ce sens, la MAF ne pouvait savoir qu'elle n'avait confié les travaux qu'à une seule entreprise ; qu'il incombait en conséquence à Mme R... D... de communiquer à son assureur cette information en réponse à la lettre recommandée avec accusé de réception du 2 février 2005, reçue le 5 février 2005 ; que l'intervention d'une seule entreprise au lieu de plusieurs constitue une aggravation du risque assuré dans la mesure où le recours potentiel de la MAF s'est de ce fait retrouvé concentré sur un seul débiteur ; que la MAF est dès lors fondée en son principe à solliciter une réduction proportionnelle de l'indemnité versée ;
que cependant, pour justifier son calcul de la réduction proportionnelle qu'elle demande, la MAF se borne à produire aux débats un document sur lequel elle mentionne le montant total des travaux (225 753,73 €), la prime payée de 4.313,87 € HT soit 4.702,12 € TTC qu'elle majore d'une prime forfaitaire de 50 % sans explication, d'un montant de 2.156,94 € HT soit 2.351,06 € TTC ce qui aboutit à un total de surprime de 6.470,81 € HT soit 7.053,18 € TTC correspondant à un taux de réduction proportionnelle de 66,67 % ;
que ce document qui n'explique en rien le mode de calcul de la « prime forfaitaire » de 50 % retenue ne permet pas à la cour de valider la demande de la MAF; qu'en effet, il ne permet pas de déterminer le montant des primes qui auraient dû être demandées par l'assureur s'il avait été informé de l'intervention d'une seule entreprise ;
que dans ces conditions, le jugement est confirmé en ce qu'il a écarté l'application de la réduction proportionnelle » (arrêt page 9, § 1er à 3) ;
Alors que lorsqu'une omission ou une déclaration inexacte du risque de la part de l'assuré, qui n'est pas de mauvaise foi, est constatée après sinistre, l'indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues si les risques avaient été complètement et exactement déclarés ; que la réduction proportionnelle peut être opposée par l'assureur dommages-ouvrage en cas de défaut de communication de documents permettant d'apprécier le risque ; qu'en l'espèce, la MAF, assureur dommages-ouvrage, a opposé la réduction proportionnelle car son assurée ne lui a pas transmise les documents demandés relatifs aux constructeurs intervenus sur le chantier ; qu'au soutien de cette demande, elle a produit un tableau comportant le détail du calcul de la prime payée, de la prime qui aurait du être payée et du montant de la surprime ; que le calcul de la réduction était ainsi justifié ; que pour rejeter la demande, la cour d'appel a retenu que ce document n'expliquait pas le mode de calcul de la prime forfaitaire ; qu'en statuant ainsi, sans apprécier si, compte tenu des éléments dont elle disposait, la surprime de 50 % calculée par la MAF était justifiée par le défaut de déclaration de l'intervention d'une seule entreprise, la cour d'appel a violé ainsi l'article 455 du code de procédure civile.