LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, tel que reproduit en annexe :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 22 février 2018), que la société Total Petrochemicals France (la société) a conclu le 29 juin 2009 un accord d'entreprise qui prévoyait un dispositif de dispense d'activité pour les salariés éligibles à une retraite à taux plein dans les trente-six mois de leur entrée dans le dispositif ; que cet accord prévoyait que les salariés faisant le choix d'opter pour cette possibilité percevraient au cours du mois précédant leur entrée dans le dispositif une indemnité compensant le préjudice moral et financier lié à la fin anticipée de l'activité professionnelle au sein de l'entreprise et une somme correspondant à 70 % de l'indemnité conventionnelle de départ à la retraite, le solde de cette indemnité étant versé à la date de leur départ effectif en retraite ; qu'à l'issue d'un contrôle portant sur les années 2011 à 2013, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Alsace (l'URSSAF) a réintégré dans l'assiette des cotisations sociales les indemnités versées aux salariés au moment de leur entrée dans le dispositif prévu par cet accord d'entreprise ; que la société a formé un recours devant une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que, sous couvert du grief non fondé de violation des articles L. 242-1, R.243-6 du code de la sécurité sociale et 80 duodecies du code général des impôts, le moyen ne tend qu'à remettre en cause, à hauteur de cassation, l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de droit produits devant elle ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'URSSAF d'Alsace aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par M. Prétot, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président empêché, et par Mme Rosette, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt, en l'audience publique du dix-neuf septembre deux mille dix-neuf, signé.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'URSSAF d'Alsace.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le point n°7 du redressement effectué par l'Urssaf d'Alsace n'était pas fondé, d'AVOIR en conséquence annulé la mise en demeure du 12 décembre 2014 à hauteur de 976.706 euros, condamné l'Urssaf d'Alsace à rembourser la somme de 976.706 euros à la société Total Petrochemicals France avec intérêts au taux légal à compter de la notification de l'arrêt et débouté l'Urssaf d'Alsace de sa demande tendant à voir condamner la société Total Petrochemicals France à lui payer les majorations afférents à la somme précitée.
AUX MOTIFS QUE sur l'assujettissement aux cotisations de sécurité sociale des sommes versées dans le cadre du dispositif de dispense d'activité ; que pour la société Total Petrochemicals France, les sommes versées au salariés au titre du plan de consolidation et de l'accord en date du 29 juin 2009 aux termes duquel les salariés avaient droit à une indemnité compensant le préjudice moral et matériel résultant de la perte de l'emploi et au versement immédiat de 70 % de leur indemnité de départ à la retraite, sont inhérents à la cessation du contrat de travail, cette cessation étant inéluctable à la date d'obtention de tous les droits à retraite à taux plein, indépendamment de la faculté de reprise du travail ; que l'Urssaf considère au contraire que seules sont exclues de l'assiette des cotisations de sécurité sociale les sommes versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail par l'employeur ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque l'accord du 29 juin 2009 prévoyait une reprise possible du travail et un paiement dès l'entrée dans le dispositif et non lors de la rupture du contrat ; que l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dispose que « sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés-payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous les autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire
Est exclue de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa, dans la limite d'un montant fixé à deux fois la valeur annuelle du plafond mentionné à l'article L. 241-3, la part des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail ou de la cessation forcée des fonctions de mandataires sociaux, dirigeant et personnes visées à l'article 80 ter du code général des impôts, qui n'est pas imposable en application de l'article 80 duodecies du même code » ; que par ailleurs, la contribution sociale sur les revenus d'activité s'applique, selon l'article L. 136-1 du code de la sécurité sociale aux « traitements, indemnités, émoluments, salaires, allocations, pensions y compris les majorations et bonifications pour enfants, des rentes viagères autres que celles visées au 6 de l'article 158 du code général des impôts et des revenus tirés des activités exercées par les personnes mentionnées aux articles L. 311-2 et L. 311-3 » ce texte précisant que « les traitements, salaires et toutes sommes versées en contrepartie ou à l'occasion du travail sont évalués selon les règles fixées à l'article L. 242-1 » ; que l'article 80 duodecies du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable précisait que « toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes. Ne constituent pas une rémunération imposable...2° Les indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail » ; que dans le cas présent, le plan d'accompagnement social arrêté par l'entreprise en mars 2009 intitulé « plan de consolidation » prévoit pour les salariés qui y consentent, un dispositif spécifique de dispense d'activité avec reprise possible du travail destiné aux salariés éligibles à une retraite à taux plein dans les 36 mois de sa prise d'effet ; que le protocole d'accord du 19 juin 2009 convenu en application du plan de consolidation a entériné le dispositif de dispense d'activité avec maintien du contrat de travail et l'a précisé en ces termes : « une indemnité forfaitaire compensant le préjudice moral et matériel né de la fin anticipée de l'activité professionnelle permanente au sein de l'entreprise sera versée au salarié au moment de son entrée dans le dispositif de dispense d'activité. Cette indemnité sera égale à un montant en fonction de l'ancienneté acquise à la date prévue de la liquidation de retraite de sécurité sociale à taux plein calculé selon le détail donné ci-après : - 0,5 mois pour une ancienneté comprise entre 10 et 19 ans plus – 0,7 mois pour une ancienneté comprise entre 20 et 29 ans plus, - 1 mois pour une ancienneté supérieure à 30 ans » ; qu'il est précisé que le contrat de travail prend fin à la veille de la date de la liquidation de la retraite de sécurité sociale à taux plein, le salarié concerné percevant toutefois 70 % de l'indemnité conventionnelle de départ à la retraite le mois précédent son entrée dans le dispositif et 30 % à la date du départ en retraite ; que l'accord rappelle que ces indemnités « se substituent à toute autre indemnité liée à la rupture du contrat de travail » ; qu'il rappelle également que tout salarié entré dans le dispositif pourra être sollicité pour reprendre temporairement une activité au sein de la société ; qu'il est constant qu'en acceptant irrévocablement la rupture de leur contrat de travail avec effet au jour où seront réunies les conditions d'obtention d'une pension de retraite à taux plein, les salariés subissent, du fait de la cessation prématurée de leur activité, constituant une forme atténuée de licenciement, un préjudice matériel et moral de sorte que l'indemnité « préjudicielle » qu'ils perçoivent a pour objet de réparer ce préjudice et ne constitue pas la rémunération d'un travail ; que le caractère définitif de la rupture conduit à considérer que les sommes versées le sont « à l'occasion de la rupture », comme l'exigent les textes ; que ces derniers n'imposent pas que les sommes soient payées au moment de la rupture, ou comme l'a écrit l'Urssaf le 27 novembre 2014, « lors de la rupture », le fait qu'une partie de celles-ci soit versée par anticipation ne modifie en rien le caractère définitif de la rupture et du préjudice qui en résulte ; qu'à cet égard, s'il peut être fait appel aux salariés pour une reprise temporaire d'emploi, la rupture n'en est pas moins définitivement décidée, aucun mécanisme de révision de la décision de rupture ou de récupération des sommes par l'employeur n'étant prévu ; que l'analyse de l'Urssaf ne peut donc être accueillie, les textes ne faisant pas obstacle au maintien temporaire du contrat de travail dès lors que la rupture est décidée, comme c'est le cas en matière de préavis ; que c'est donc à tort que l'organisme de recouvrement a effectué le redressement de 976.706 euros en cotisations avec les majorations afférentes ; que la mise en demeure du 12 décembre 2014 doit donc être annulée sur ce point ; que le jugement sera donc infirmé.
ALORS QUE les indemnités versées aux salariés dont le contrat de travail n'est pas rompu ne peuvent constituer des indemnités versées à l'occasion de la rupture de leur contrat de travail ayant pour objet de compenser le préjudice résultant de la privation de leurs emplois, peu important que la rupture ultérieure du contrat soit décidée et inéluctable et que les indemnités soient versées par anticipation; qu'en jugeant que l'indemnité préjudicielle forfaitaire et l'indemnité de départ volontaire en retraite versée à hauteur de 70% aux salariés au moment de leur entrée dans le dispositif de dispense d'activité prévu par le protocole d'accord du 29 juin 2009, quand leurs contrats de travail étaient maintenus et qu'ils pouvaient reprendre temporairement une activité au sein de la société, constituaient des sommes versées « à l'occasion de la rupture» ayant pour objet de réparer le préjudice matériel et moral résultant de la cessation prématurée de leur activité dès lors que la rupture présentait un caractère définitif, les salariés ayant accepté irrévocablement qu'elle prenne effet au jour de la liquidation de leur retraite à taux plein et de telles sommes étant versées par anticipation , la cour d'appel a violé les articles L. 242-1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale et l'article 80 duodecies du code général des impôts dans leur version applicable au litige.