LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 3, § 1, b), du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91 ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, le règlement n° 261/2004 s'applique aux passagers au départ d'un aéroport situé dans un pays tiers et à destination d'un aéroport situé sur le territoire d'un Etat membre soumis aux dispositions du traité, à moins que ces passagers ne bénéficient de prestations ou d'une indemnisation et d'une assistance dans ce pays tiers, si le transporteur aérien effectif qui réalise le vol est un transporteur communautaire ;
Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que M. S... a acheté un billet d'avion auprès de la société Thai Airways International (la société) pour un vol Phnom Penh-Paris, avec une correspondance à Bangkok ; que le vol Phnom Penh-Bangkok ayant été retardé, M. S..., qui a manqué sa correspondance au départ de cette dernière ville, est arrivé à Paris avec retard ; qu'il a saisi un tribunal d'instance d'une demande de paiement d'une indemnité forfaitaire, sur le fondement de l'article 7 du règlement n° 261/2004 ;
Attendu que, pour condamner la société à payer à M. S... la somme de 600 euros, en application de l'article 7 précité, le jugement retient que le règlement n° 261/2004 est applicable au vol litigieux, qui est un vol global Phnom Pen-Paris, au départ d'un pays tiers et avec une correspondance sur le territoire d'un autre pays tiers, mais dont la destination finale est située sur le territoire d'un Etat membre, effectué au moyen du même titre de transport ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater que la société était un transporteur communautaire, le tribunal d'instance a violé le texte susvisé ;
Et attendu que, par voie de conséquence et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de l'article 3, § 1, b), du règlement n° 261/2004, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 14 mai 2018, entre les parties, par le tribunal d'instance de Puteaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Courbevoie ;
Condamne M. S... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Thai Airways International Public Company Limited.
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR condamné la société Thaï Airways International à payer à M. S... la somme de six cents euros, au titre des dispositions de l'article 7 du règlement (CE) n°261/2004,
AUX MOTIFS QUE sur l'applicabilité du règlement communautaire du 11 février 2004, l'article 3 du règlement dispose que « 1. Le présent règlement s'applique : a) aux passagers au départ d'un aéroport situé sur le territoire d'un Etat membre soumis aux dispositions du traité ; b) aux passagers au départ d'un aéroport situé dans un Etat tiers et à destination d'un aéroport situé sur le territoire d'un Etat membre soumis aux dispositions du traité, à moins que ces passagers ne bénéficient de prestations ou d'une indemnisation et d'une assistance dans ce pays tiers, si le transporteur aérien effectif qui réalise le vol est un transporteur communautaire » ; que par un arrêt du 30 novembre 2016, la Cour de cassation a précisé, pour les vols avec correspondance, qu'à partir du moment où il s'agit d'un voyage global avec une correspondance objet d'un même titre de transport et assuré par un transporteur aérien effectif unique, quand bien même serait-il non communautaire, l'indemnisation forfaitaire prévue par le règlement s'applique en cas d'arrivée à destination finale avec un retard de trois heures ou plus ; qu'en l'occurrence il s'agissait d'un trajet avec départ dans un pays communautaire, correspondance dans un pays tiers et arrivée finale dans un pays tiers ; que la même solution doit être retenue dans l'hypothèse où il s'agit d'un voyage global avec arrivée finale dans un pays communautaire (et départ et correspondance dans un pays tiers) dès lors qu'il s'agit d'un même titre de transport, conformément aux dispositions de l'article 3 du règlement ; qu'en l'espèce, M. Y... S... a commandé sur le site internet de la société Thaï Airways International un vol Phnom Penh / Paris prévu le 18 mars 2017 avec correspondance à Bangkok ; or l'avion Phnom Penh / Bangkok ayant été retardé, M. Y... S... a manqué sa correspondance à Bangkok pour rentrer en France ; le règlement communautaire du 11 février 2004 est applicable au vol litigieux, dès lors qu'il s'agit d'un vol global Phnom Penh / Paris, avec en l'occurrence la destination finale sur le territoire d'un Etat membre, acquis auprès de la société Thaï Airways International ; Sur la demande d'indemnisation L'article 7 du Règlement communautaire du 11 février 2004 précise l'étendue de l'indemnisation selon les forfaits suivants : « a) 250 euros pour tous les vols de 1500 kilomètres ou moins; b) 400 euros pour tous les vols intracommunautaires de plus de euros pour tous les vols qui ne relèvent pas des points a) ou b). Pour déterminer la distance à prendre en considération, il est tenu compte de la dernière destination où le passager arrivera après l'heure prévue du fait du refus d'embarquement ou de l'annulation". Selon l'article 8 du règlement, lorsqu'il est fait reference au present article, les passagers se voient proposer le choix entre : "a)— le remboursement du billet, dans un délai de sept jours, selon les modalités visées à l'article 7, paragraphe 3, au prix auquel il a été acheté, pour la ou les parties du voyage non effectuées et pour la ou les parties du voyage déjà effectuées et devenues inutiles par rapport à leur plan de voyage initial, ainsi que, le cas échéant, — un vol retour vers leur point de départ initial dans les meilleurs délais". En l'espèce, le retard subi par M. Y... S... pour son retour Phnom Penh / Paris prévu le 18 mars 2017 justifie l'octroi d'une Indemnisation à hauteur de 600 euros, s'agissant d'un vol de plus de 3500 km, en vertu de l'article 7 du Règlement du 11 février 2004. S'agissant des autres prejudices allégués, M. Y... S... ne démontre pas, conformément aux dispositions de l'article 9 du code de procedure civile, le défaut d'information reproché à la société Thai Airways International, ni les obligations professionnelles ou rendez-vous manqués en raison du retard de son vol retour. La société Thai Airways International ayant réglé le prix du vol Air France Bangkok / Paris pris par M. Y... S..., conformément aux dispositions de l'article 8 du règlement, il n'y a pas lieu de lui rembourser le prix du billet d'avion qu'il n'a pas payé ;
1) ALORS QUE le règlement (CE) n°261/2004 ne s'applique à l'égard des passagers au départ d'un aéroport situé dans un Etat tiers, qu'à la double condition que le vol ait été à destination d'un aéroport situé dans un Etat membre et qu'il ait été assuré par un transporteur communautaire ; qu'en jugeant que M. S... devait être indemnisé en application du règlement (CE) n°261/2004 dès lors que son vol Phnom Penh / Paris était à destination finale d'un aéroport d'un Etat membre, sans constater que la compagnie Thaï Airways International était un « transporteur communautaire » au sens du règlement, le tribunal d'instance a violé l'article 3 1 b) du règlement (CE) n°261/2004 ;
2) ALORS QUE le règlement (CE) n°261/2004 ne s'applique à l'égard des passagers dont le vol est assuré par un transporteur non communautaire que s'il est au départ d'un aéroport situé sur le territoire d'un Etat membre soumis aux dispositions du traité ; qu'en l'espèce, le tribunal a constaté que le vol de M. S... était en provenance de Phnom Penh situé sur le territoire d'un Etat tiers, avec une escale à Bangkok, également situé sur le territoire d'un Etat tiers ; qu'en jugeant que M. S... devait être indemnisé en application du règlement (CE) n°261/2004, le tribunal d'instance a violé l'article 3 1 a) du règlement (CE) n°261/2004.