LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 452-1 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que, saisi d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, le juge est tenu de recueillir au préalable l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, dès lors qu'il constate que la maladie déclarée, prise en charge par la caisse sur le fondement d'un tableau de maladie professionnelle, ne remplit pas les conditions de ce dernier et que sont invoquées devant lui les dispositions des troisième ou quatrième alinéas du second de ces textes ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, salarié de la société Eurovia Aquitaine (la société) entre le 1er juin 2006 et le 1er septembre 2014, M. U... a déclaré, le 21 juin 2010, une maladie prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne (la caisse) au titre du tableau n° 16 bis des maladies professionnelles ; que cette décision a été déclarée inopposable à l'employeur ; que M. U... a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de la société ;
Attendu que pour faire droit à cette demande, l'arrêt, après avoir relevé que les conditions tenant à la durée d'exposition au risque prévues par le tableau n° 16 des maladies professionnelles n'étaient pas réunies, retient que M. U..., qui soutenait que sa maladie était directement causée par son travail habituel, rapporte la preuve du caractère professionnel de l'affection déclarée et de la faute inexcusable de la société ;
Qu'en statuant ainsi, sans recueillir l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne M. U... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Eurovia Aquitaine
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la maladie professionnelle déclarée le 21 juin 2010 par M. U... était due à la faute inexcusable de son employeur, la société Eurovia Aquitaine, et d'AVOIR ordonné une expertise médicale du salarié pour évaluer les conséquences de sa maladie profesionnelle.
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité en matière de maladie professionnelle ; le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable ; au sens de l'article L452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; il n'est pas contesté que M. U... a été salarié de la SAS Eurovia Aquitaine du 1er juin 2006 jusqu'à son licenciement pour inaptitude au 1er septembre 2014, et qu'il a contracté en 2010 un carcinome basocellulaire de type infiltrant micronodulaire ; le 12 octobre 2010, la CPAM de Lot-et-Garonne a pris en charge cette affection au titre du tableau n°16 Bis des maladies professionnelles ; cette décision a été déclarée inopposable à l'employeur par jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lot-et-Garonne du 12 aout 2013, en raison de l'existence d'une notification de rejet antérieure ; il en résulte que la reconnaissance par la CPAM du caractère professionnel de la maladie du salarié n'est pas opposable à l'employeur ; les rapport entre le caisse et l'assuré sont indépendants des rapports entre la caisse et l'employeur et des rapports entre le salarié et l'employeur ; dès lors l'inopposabilité à l'employeur de la décision de la caisse n'interdit pas au salarié de rechercher la responsabilité de l'employeur pour faute inexcusable, ce denier étant fondé à discuter le caractère professionnel de la maladie ; I- sur le caractère professionnel de la maladie : il résulte de l'article L461-1 alinéas 2 et 3 du code de la sécurité sociale que toute maladie désignée dans un tableau (délai de prise en charge, durée d'exposition, liste limitative de travaux) est présumée d'origine professionnelle et que si la maladie est désignée dans un tableau mais que l'une ou plusieurs de ces conditions ne sont pas remplies, son origine professionnelle peut -être reconnue lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par la travail habituel de la victime ; il est constant que le caractère professionnel de la maladie est admis dès lors que le travail habituel du salarié victime en a été une des causes directes, peu important qu'il n'en ait pas été la cause unique ou essentielle ; en l'espèce et comme l'a retenue à bon droit le tribunal des affaires de sécurité sociale, la décision de la caisse du 12 octobre 2010 estimant que la maladie de M. U... satisfaisait à l'ensemble des conditions du tableau n°16 Bis des maladies professionnelles, n'a pas été contestée par ce dernier ; il y a donc lieu de considérer que la désignation de la maladie de M. U... ne peut être modifiée dans le cadre du présent litige concernant la faute inexcusable de l'employeur ; ainsi et dès lors que la durée d'exposition au risque à l'origine de son affection n'est pas supérieure à 4 ans et demi le tribunal des affaires de sécurité sociale a justement retenu que M. U... ne peut bénéficier de la présomption d'imputabilité au travail de sa maladie, les conditions du tableau 16 bis dans sa rédaction issue du décret n° 2009-56 applicable au 17 janvier 2009, prévoyant une durée d'exposition minimale de 10 années ; partant il appartient à M. U... d'établir que sa pathologie désignée au dit tableau est directement causée par son travail habituel ; le tableau 16 bis dresse la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer un épithélioma primitif de la peau comme celui de M. U..., qui sont les suivants : travaux comportant la manipulation et l'emploi et l'emploi de goudrons, huiles et baies de houille, exposant habituellement au contact cutané avec les produits précités ; M. U... afin de démontrer qu'il a été exposé à ces produits fournit plusieurs attestations d'autres salariés ; ainsi M. E... certifie que M. U... a travaillé dans l'équipe de goudrons et d'enrobé, M. R... indique quant à lui « c'est vrai que pendant 20 ans nous étions exposer aux vapeur et inhalation de goudron et bitume à 160°C ainsi que les enrobées à chaud à 140°C tout cela sans protection » ; M. M... affirme qu'il a vu M. U... « participer souvent au goudronnage » et M. K... atteste « avoir sur mes chantiers et autres Mr U... X... à plusieurs reprises dans dans les équipes de « noir » (goudronnages, enrobe). » enfin M. G... atteste que « M. U... X... a bien travailler dans mon équipe de revêtement et enrobés mis en place à la main en qualité de sableur au revêtement et tireur de râteau au enrobés » ; outre ces attestations M. U... produit également des certificats médicaux : - le certificat du docteur Q... datant du 22 juin 2010 et précisant les renseignements cliniques de M. U... tels quels « lésion annulaire de la joue droite, apparue il y a 3 ou 4 ans, évolutive de 1 cm de diamètre. Exposition aux goudrons de 2006 à 2009 » ; - le docteur T... dans un courrier du 4 aout 2010 explique pour sa part que M. U... a été opéré le 27 septembre 2010 « d'un carcinome basocellulaire de la pommette droite. Il semblerait que cette lésion soit consécutive à une exposition aux goudrons et enrobés. » - le docteur D... A... V..., médecin du travail, dans un courrier daté du 16 aout 2010, lors d'une visite de pré-reprise écrit « je reçois ce jour en visite de pré-reprise à sa demande votre patient Monsieur U... X..., ouvrier de chantier pour Eurovia. Il effectue des travaux du TP exposé aux aérocontaminants et au soleil, voire aux goudrons et enrobés. » ; contrairement à ce qu'a retenu le tribunal des affaires de sécurité sociale, l'ensemble de ces certificats médicaux laisse à penser que M. U... a bel et bien été exposé aux goudrons alors que les attestations permettent de démontrer que les enrobés utilisés par la société en 2005 étaient constitués de dérivés houillés, le terme de « goudron » ne pouvant pas plus que le terme « bitume » être assimilé à un terme générique ; ces éléments de preuve ne sont pas utilement contestés par l'employeur qui se contente d'affirmer que l'entreprise n'utilisait plus de goudron depuis « plusieurs années », ces allégations n'étant corroborées par aucun élément objectif ou témoignage ; il y a donc lieu de considérer que M. U... rapporte bien la preuve du caractère professionnel de la maladie déclarée le 6 juillet 2010 ; la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Agen sera infirmée à ce titre ; II- Sur la faute inexcusable : l'article L.4121-1 du code du travail dispose que « l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° des actions d'information et de formation ; 3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes » ; l'article L4121-2 dudit code précise en outre que « l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° éviter les risques ; 2° évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; (
) 9° donner les instructions appropriées aux travailleurs » ; en vertu du contrat de travail le liant au salarié, l'employeur est ainsi tenu à son égard d'une obligation de sécurité de résultat ; le manquement à cette obligation revêt le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur -ou ceux qu'il s'est substitués dans la direction- avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; il est par ailleurs constant qu'il est indifférent que la faute commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident ou de la maladie contractée par le salariée dès lors qu'elle en a été la cause nécessaire ; de plus, il appartient au salarié qui se dit victime d'une faute inexcusable d'apporter la preuve de ce que l'employeur avait conscience du danger auquel il l'avait exposé et qu'il n'a pas pris mes mesures nécessaires pour l'en protéger ; en l'espèce, il ressort de l'attestation de M. R..., que les salariés, dont M. U..., travaillaient avec des produits dérivés du goudron sans protection ; cette attestation, qui n'est pas utilement contestée par l'employeur sauf par des allégations non étayées suffit à démontrer le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; quant à la conscience du danger, il suffira de relever que le tableau n°16 bis ayant été créé par décret n°88-575 du 6 mai 1988, la dangerosité de l'exposition aux goudrons de houille était donc connue, pour le moins dès 1988 ; l'entreprise Eurovia Aquitaine spécialisée dans ce domaine, ne peut soutenir qu'elle n'avait pas conscience d'un tel danger, d'autant plus qu'elle affirme qu'en 2004 elle avait déjà abandonné le goudron en raison de sa dangerosité ; en conséquence, la faute inexcusable de la SAS Eurovia Aquitaine, qui connaissait le danger auquel était exposé M. U... et qui n'a pas pris de mesures adaptées pour l'en préserver est établie par le salarié ; III- sur les conséquences de la faute inexcusable : 1°) sur la demande de majoration de vente : selon l'article L452-1 du code de la sécurité sociale, la victime d'une maladie professionnelle due à la faute inexcusable de son employeur a droit à une indemnisation complémentaire ; l'article L.452-2 du même code dispose, notamment que : « dans le cas mentionné à l'article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre. Lorsqu'une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité. Lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale ; la majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret (
) » en l'espèce M. U... qui justifie avoir relevé appel de la décision du tribunal du contentieux et de l'incapacité de Bordeaux ayant fixé son taux d'incapacité permanente partielle à 5% ne produit pas la décision de la cour nationale de l'incapacité et de la tarification des accidents du travail permettant de connaitre le taux définitif d'incapacité reconnue par celle-ci ; par ailleurs il n'établit pas percevoir à ce jour une rente ; dans l'attente de la communication de la décision fixant le taux d'incapacité définitif il sera sursis à statuer sur la question de la majoration de la rente ; 2°)- sur la réparation des préjudices : en vertu de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale, la victime a également le droit de demander devant la juridiction de sécurité sociale que son employeur soit condamné à la réparation du préjudice causé par des souffrances physiques et morales qu'elle a endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ; par suite M. U... est bien fondé à demander l'indemnisation des préjudices physiques, esthétiques, d'agrément et résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle qu'il allègue ; en l'espèce, il sera ordonné une expertise afin de recueillir les éléments permettant de chiffrer les préjudices indemnisables devant la juridiction de sécurité sociale, selon la mission qui sera précisée au dispositif du présent arrêt ; il ne sera pas fait droit, en l'absence de plus amples éléments d'appréciation permettant de les évaluer, à la demande de provision formée par M. U... à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices éventuellement déterminés suite à l'expertise » ;
1. ALORS QUE saisi d'une contestation relative au caractère professionnel d'une affection désignée par un tableau, le juge qui constate qu'une ou plusieurs conditions relatives au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, ne peut statuer sur l'existence d'un lien de causalité direct entre la maladie et le travail habituel de la victime sans avoir recueilli préalablement l'avis d'un comité régional de reconnaissance de maladies professionnelles ; qu'ayant constaté que le salarié ne remplissait pas la condition relative à la durée d'exposition de l'article 16 bis du tableau des maladies professionnelles, la cour d'appel qui a jugé que le caractère professionnel de la maladie du salariée était établi sans provoquer au préalable l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles a violé les articles L.452-1, L.461-1 et R.142-24-2 du code de la sécurité sociale ;
2. ALORS en tout état de cause QUE les juges ne peuvent dénaturer les écrits versés aux débats ; qu'en l'espèce, aucun des témoignages de Messieurs R..., K..., M..., E... et G... ne donnait d'indication sur la composition des « enrobés » ; qu'en affirmant cependant que ces attestations démontraient que « les enrobés » utilisés par la société en 2005 étaient bien constitués de dérivés houillés, la cour d'appel a dénaturé les attestations qui étaient soumises à son appréciation et violé le principe susvisé ;
3. ALORS QU'en l'absence de toute présomption relative au caractère professionnel de la maladie, il appartient au salarié de démontrer sa maladie a effectivement une origine professionnelle ; que la cour d'appel a constaté que M. U... avait été embauché par la société Eurovia à compter du 1er juin 2006 (arrêt p.6§7) ; qu'en retenant, pour juger que le salarié rapportait la preuve du caractère professionnel de sa maladie, que les attestations qui étaient versées aux débats permettaient de démontrer que « les enrobés utilisés par la société en 2005 étaient bien constitués de dérivés houillés », la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé l'article L.4121-1 du code de la sécurité sociale ;
4. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent statuer par des motifs hypothétiques ; qu'en retenant au soutien de sa décision que l'ensemble des certificats « laissent à penser » que M. U... avait bel et bien été exposé aux goudrons, la cour d'appel a statué par des motifs hypothétiques et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5. ALORS au surplus QUE la preuve de l'exposition d'un salarié à un risque professionnel ne peut résulter de certificats médicaux établis sur la seule base des déclarations du salarié ; qu'en l'espèce en retenant que les certificats médicaux qui ne faisaient que consigner les déclarations du salarié laissaient à penser que M. U... avait bel et bien été exposé aux goudrons la cour d'appel a violé les articles 1315 devenu 1353 du code civil et L. 431-1 alinéa 2 et 3 du code de la sécurité sociale ;
6. ALORS QU'en l'absence de toute présomption relative au caractère professionnel de la maladie, il appartient au salarié de démontrer sa maladie a effectivement une origine professionnelle ; que le salarié supporte la charge complète de cette preuve ; qu'en exigeant de l'employeur qu'il prouve qu'il n'utilisait plus de goudrons pour écarter toute exposition de son salarié au risque prévu au tableau n°16 Bis des maladies professionnelles, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 devenu 1353 du code civil et L. 431-1 alinéa 2 et 3 du code de la sécurité sociale ;
7. ALORS QUE les juges doivent examiner et analyser l'ensemble des documents soumis à leur appréciation ; qu'en l'espèce, pour démontrer que l'utilisation du goudron était abandonnée depuis plusieurs années au profit d'un autre composant, le bitume, la société Eurovia versait aux débats un courrier de M. U... Directeur qualité sécurité environnement au sein de la société Eurovia Aquitaine dans lequel ce dernier attestait de ce que le salarié n'avait jamais été exposé aux substances visées par l'article 16 bis du tableau des maladies professionnelles et que les travaux énumérés par M. U... mettaient en oeuvre des produits à base de bitume et non à base de houille ; qu'en affirmant cependant qu'aucun témoignage ne venait corroborer le fait que les goudrons n'étaient plus utilisés depuis plusieurs années sans viser ou analyser cet élément de preuve, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la maladie professionnelle déclarée le 21 juin 2010 par M. U... était due à la faute inexcusable de son employeur, la société Eurovia Aquitaine, et d'AVOIR ordonné une expertise médicale du salarié pour évaluer les conséquences de sa maladie professionnelle.
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité en matière de maladie professionnelle ; le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable ; au sens de l'article L452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; il n'est pas contesté que M. U... a été salarié de la SAS Eurovia Aquitaine du 1er juin 2006 jusqu'à son licenciement pour inaptitude au 1er septembre 2014, et qu'il a contracté en 2010 un carcinome basocellulaire de type infiltrant micronodulaire ; le 12 octobre 2010, la CPAM de Lot-et-Garonne a pris en charge cette affection au titre du tableau n°16 Bis des maladies professionnelles ; cette décision a été déclarée inopposable à l'employeur par jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lot-et-Garonne du 12 aout 2013, en raison de l'existence d'une notification de rejet antérieure ; il en résulte que la reconnaissance par la CPAM du caractère professionnel de la maladie du salarié n'est pas opposable à l'employeur ; les rapport entre le caisse et l'assuré sont indépendants des rapports entre la caisse et l'employeur et des rapports entre le salarié et l'employeur ; dès lors l'inopposabilité à l'employeur de la décision de la caisse n'interdit pas au salarié de rechercher la responsabilité de l'employeur pour faute inexcusable, ce denier étant fondé à discuter le caractère professionnel de la maladie ; I- sur le caractère professionnel de la maladie : il résulte de l'article L461-1 alinéas 2 et 3 du code de la sécurité sociale que toute maladie désignée dans un tableau (délai de prise en charge, durée d'exposition, liste limitative de travaux) est présumée d'origine professionnelle et que si la maladie est désignée dans un tableau mais que l'une ou plusieurs de ces conditions ne sont pas remplies, son origine professionnelle peut -être reconnue lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par la travail habituel de la victime ; il est constant que le caractère professionnel de la maladie est admis dès lors que le travail habituel du salarié victime en a été une des causes directes, peu important qu'il n'en ait pas été la cause unique ou essentielle ; en l'espèce et comme l'a retenue à bon droit le tribunal des affaires de sécurité sociale, la décision de la caisse du 12 octobre 2010 estimant que la maladie de M. U... satisfaisait à l'ensemble des conditions du tableau n°16 Bis des maladies professionnelles, n'a pas été contestée par ce dernier ; il y a donc lieu de considérer que la désignation de la maladie de M. U... ne peut être modifiée dans le cadre du présent litige concernant la faute inexcusable de l'employeur ; ainsi et dès lors que la durée d'exposition au risque à l'origine de son affection n'est pas supérieure à 4 ans et demi le tribunal des affaires de sécurité sociale a justement retenu que M. U... ne peut bénéficier de la présomption d'imputabilité au travail de sa maladie, les conditions du tableau 16 bis dans sa rédaction issue du décret n° 2009-56 applicable au 17 janvier 2009, prévoyant une durée d'exposition minimale de 10 années ; partant il appartient à M. U... d'établir que sa pathologie désignée au dit tableau est directement causée par son travail habituel ; le tableau 16 bis dresse la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer un épithélioma primitif de la peau comme celui de M. U..., qui sont les suivants : travaux comportant la manipulation et l'emploi et l'emploi de goudrons, huiles et baies de houille, exposant habituellement au contact cutané avec les produits précités ; M. U... afin de démontrer qu'il a été exposé à ces produits fournit plusieurs attestations d'autres salariés ; ainsi M. E... certifie que M. U... a travaillé dans l'équipe de goudrons et d'enrobé, M. R... indique quant à lui « c'est vrai que pendant 20 ans nous étions exposer aux vapeur et inhalation de goudron et bitume à 160°C ainsi que les enrobées à chaud à 140°C tout cela sans protection » ; M. M... affirme qu'il a vu M. U... « participer souvent au goudronnage » et M. K... atteste « avoir sur mes chantiers et autres Mr U... X... à plusieurs reprises dans dans les équipes de « noir » (goudronnages, enrobe). » enfin M. G... atteste que « M. U... X... a bien travailler dans mon équipe de revêtement et enrobés mis en place à la main en qualité de sableur au revêtement et tireur de râteau au enrobés » ; outre ces attestations M. U... produit également des certificats médicaux : - le certificat du docteur Q... datant du 22 juin 2010 et précisant les renseignements cliniques de M. U... tels quels « lésion annulaire de la joue droite, apparue il y a 3 ou 4 ans, évolutive de 1 cm de diamètre. Exposition aux goudrons de 2006 à 2009 » ; - le docteur T... dans un courrier du 4 aout 2010 explique pour sa part que M. U... a été opéré le 27 septembre 2010 « d'un carcinome basocellulaire de la pommette droite. Il semblerait que cette lésion soit consécutive à une exposition aux goudrons et enrobés. » - le docteur D... A... V..., médecin du travail, dans un courrier daté du 16 aout 2010, lors d'une visite de pré-reprise écrit « je reçois ce jour en visite de pré-reprise à sa demande votre patient Monsieur U... X..., ouvrier de chantier pour Eurovia. Il effectue des travaux du TP exposé aux aérocontaminants et au soleil, voire aux goudrons et enrobés. » ; contrairement à ce qu'a retenu le tribunal des affaires de sécurité sociale, l'ensemble de ces certificats médicaux laisse à penser que M. U... a bel et bien été exposé aux goudrons alors que les attestations permettent de démontrer que les enrobés utilisés par la société en 2005 étaient constitués de dérivés houillés, le terme de « goudron » ne pouvant pas plus que le terme « bitume » être assimilé à un terme générique ; ces éléments de preuve ne sont pas utilement contestés par l'employeur qui se contente d'affirmer que l'entreprise n'utilisait plus de goudron depuis « plusieurs années », ces allégations n'étant corroborées par aucun élément objectif ou témoignage ; il y a donc lieu de considérer que M. U... rapporte bien la preuve du caractère professionnel de la maladie déclarée le 6 juillet 2010 ; la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Agen sera infirmée à ce titre ; II- Sur la faute inexcusable : l'article L.4121-1 du code du travail dispose que « l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° des actions d'information et de formation ; 3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes » ; l'article L4121-2 dudit code précise en outre que « l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° éviter les risques ; 2° évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; (
) 9° donner les instructions appropriées aux travailleurs » ; en vertu du contrat de travail le liant au salarié, l'employeur est ainsi tenu à son égard d'une obligation de sécurité de résultat ; le manquement à cette obligation revêt le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur -ou ceux qu'il s'est substitués dans la direction- avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; il est par ailleurs constant qu'il est indifférent que la faute commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident ou de la maladie contractée par le salariée dès lors qu'elle en a été la cause nécessaire ; de plus, il appartient au salarié qui se dit victime d'une faute inexcusable d'apporter la preuve de ce que l'employeur avait conscience du danger auquel il l'avait exposé et qu'il n'a pas pris mes mesures nécessaires pour l'en protéger ; en l'espèce, il ressort de l'attestation de M. R..., que les salariés, dont M. U..., travaillaient avec des produits dérivés du goudron sans protection ; cette attestation, qui n'est pas utilement contestée par l'employeur sauf par des allégations non étayées suffit à démontrer le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; quant à la conscience du danger, il suffira de relever que le tableau n°16 bis ayant été créé par décret n°88-575 du 6 mai 1988, la dangerosité de l'exposition aux goudrons de houille était donc connue, pour le moins dès 1988 ; l'entreprise Eurovia Aquitaine spécialisée dans ce domaine, ne peut soutenir qu'elle n'avait pas conscience d'un tel danger, d'autant plus qu'elle affirme qu'en 2004 elle avait déjà abandonné le goudron en raison de sa dangerosité ; en conséquence, la faute inexcusable de la SAS Eurovia Aquitaine, qui connaissait le danger auquel était exposé M. U... et qui n'a pas pris de mesures adaptées pour l'en préserver est établie par le salarié ; III- sur les conséquences de la faute inexcusable : 1°) sur la demande de majoration de vente : selon l'article L452-1 du code de la sécurité sociale, la victime d'une maladie professionnelle due à la faute inexcusable de son employeur a droit à une indemnisation complémentaire ; l'article L.452-2 du même code dispose, notamment que : « dans le cas mentionné à l'article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre. Lorsqu'une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité. Lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale ; la majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret (
) » en l'espèce M. U... qui justifie avoir relevé appel de la décision du tribunal du contentieux et de l'incapacité de Bordeaux ayant fixé son taux d'incapacité permanente partielle à 5% ne produit pas la décision de la cour nationale de l'incapacité et de la tarification des accidents du travail permettant de connaitre le taux définitif d'incapacité reconnue par celle-ci ; par ailleurs il n'établit pas percevoir à ce jour une rente ; dans l'attente de la communication de la décision fixant le taux d'incapacité définitif il sera sursis à statuer sur la question de la majoration de la rente ; 2°)- sur la réparation des préjudices : en vertu de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale, la victime a également le droit de demander devant la juridiction de sécurité sociale que son employeur soit condamné à la réparation du préjudice causé par des souffrances physiques et morales qu'elle a endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ; par suite M. U... est bien fondé à demander l'indemnisation des préjudices physiques, esthétiques, d'agrément et résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle qu'il allègue ; en l'espèce, il sera ordonné une expertise afin de recueillir les éléments permettant de chiffrer les préjudices indemnisables devant la juridiction de sécurité sociale, selon la mission qui sera précisée au dispositif du présent arrêt ; il ne sera pas fait droit, en l'absence de plus amples éléments d'appréciation permettant de les évaluer, à la demande de provision formée par M. U... à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices éventuellement déterminés suite à l'expertise » ;
1. ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, dans son attestation établie en 2010, M. R... indiquait avoir travaillé avec M. U... « dans les années 20 et ce jusqu'à mon départ à la retraite » et précisait « c'est vrai que pendant 20 ans nous étions exposés aux vapeur et inhalations de goudron et bitume à 160° ainsi que les enrobées à chaud 140° tout cela sans protection » ; qu'en retenant, pour dire que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité, qu'il ressortait de cette attestation, qui ne donnait aucune précision de date sur la période visée au titre du travail sans protection que les salariés dont M. U... travaillaient avec des produits dérivés du goudron sans protection, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
2. ALORS QU'il n'y a de faute inexcusable que si l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié ; qu'en se fondant, pour retenir la faute inexcusable de l'employeur sur la circonstance que M. U... travaillait avec des produits « dérivés du goudron » quand l'article 16 bis du tableau des maladies professionnelles prévoit au titre des travaux susceptibles de provoquer un Epithélioma primitif de la peau les travaux comportant la manipulation et l'emploi des goudrons huiles et braies de houilles, la cour d'appel a violé l'article L.4121-2 du code du travail ;
3. ALORS de même QU'il n'y a de faute inexcusable que si l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la durée d'exposition au risque à l'origine de la maladie de M. U... « n'était pas supérieure à 4 ans et demi » ; qu'en déduisant la conscience de l'employeur du danger auquel il aurait exposé son salarié du fait que l'article 16 bis avait été créé par un décret de 1988 quand le tableau ne reconnaissait l'existence d'une maladie professionnelle liée à l'exposition de travaux comportant la manipulation l'emploi et le contact cutané des goudrons, huiles et braies de houille que sous réserve d'une durée d'exposition au moins égale à 10 ans, la cour d'appel a violé l'article L.4121-2 du code du travail ;