LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 7 juin 2018), que M. S... et son épouse ont pris à bail des parcelles appartenant à Mme F... et les ont mises à la disposition du groupement agricole d'exploitation en commun S... (le Gaec) ; que H... S... est décédée le [...] , en laissant pour lui succéder son conjoint et leurs enfants, D..., P..., W...et O... (les consorts S...) ; que Mme F... leur a signifié sa décision de résilier le bail ; que les consorts S... ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en contestation de cet acte et transfert du bail à l'un d'eux ;
Attendu que Mme F... fait grief à l'arrêt d'accueillir leur demande ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que M. O... S..., dévolutaire du bail, était associé du Gaec depuis sa constitution le 1er avril 1993, les terres objet du bail ayant été mises à la disposition de ce groupement dès sa création, et retenu que la condition de participation effective à l'exploitation au cours des cinq années antérieures au décès du copreneur était remplie, la cour d'appel en a exactement déduit que le bailleur ne disposait pas de la faculté de résiliation prévue à l'article L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que l'administration avait délivré une autorisation d'exploiter en réponse à une demande présentée par MM. S... et le Gaec, la cour d'appel a pu en déduire que l'exploitation était conforme au dispositif de contrôle des structures ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme F... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour Mme F....
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir annulé la résiliation de bail fondée sur les dispositions de l'article L411-34 du code rural notifiée les 30 septembre, 1er et 2 octobre 2014 et d'avoir attribué le droit au bail dont était co-titulaire la défunte H... S... T... sur diverses parcelles sises à [...] et [...] d'une superficie totale de 12 ha 60 a 60 ca, à O... S...,
AUX MOTIFS QUE
« Attendu que l'article L 411-34 du code rural et de la pêche maritime dispose qu'en cas de décès du preneur, le bail continue au profit de son conjoint, du partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité, de ses ascendants et de ses descendants participant à l'exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès ; que le bailleur peut demander la résiliation du bail dans les six mois à compter du jour où le décès est porté à sa connaissance lorsque le preneur décédé ne laisse pas de conjoint, de partenaire d'un pacte civil de solidarité ou d'ayant droit réunissant les conditions énoncées au premier alinéa;
Attendu qu'il convient de rappeler que le bail ayant été consenti à deux copreneurs, le décès de H... T... ne saurait entraîner la résiliation du bail sur le fondement de l'article L 411-34 du code rural et de la pêche maritime à l'encontre de M. L...S..., lequel dispose à titre personnel du droit au bail indépendamment de la dévolution du droit au bail de H... T... ;
Attendu que les manquements allégués du preneur décédé sont indifférents au transfert du bail en cas de décès ; que la résiliation ne peut être fondée que sur le non respect des conditions fixées par l'article L 411-34 du code rural et de la pêche maritime et des règles relatives au contrôle des structures ;
Attendu que M. O... S... est associé du Gaec S... depuis sa constitution le 1er avril 1993 ; que les terres objet du bail ont été mises à disposition du Gaec depuis sa création ; que la condition de participation effective au cours des cinq années antérieures au décès apparaît donc remplie ;
Attendu que M. O... S... justifie d'une autorisation d'exploiter délivrée le 28 février 1994 à "Messieurs S..." laquelle fait suite à une demande d'autorisation formalisée au nom de Messieurs S... L...et O... S..., Gaec S... l'autorisation a été délivrée par l'administration en connaissance des conditions d'exploitation des terres ; que l'exploitation est en situation régulière au regard des règles du contrôle des structures ;
Attendu que le transfert du bail envisagé au profit d'un descendant, membre du Gaec déjà bénéficiaire de la mise à disposition des terres et sans modification de l'exploitation autorisée par l'administration, ne constitue ni un agrandissement, ni une installation, ni une réunion d'exploitation au sens de l'article L 331-2 du code rural et de la pêche maritime, de sorte que M. O... S... est en conformité avec les règles relatives au contrôle des structures ; que le moyen tiré du fait que H... T... n'était pas personnellement titulaire d'une autorisation administrative est inopérant au regard des critères posés par l'article L 411-34 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu, en conséquence, que le jugement sera confirmé ; » (arrêt, p. 3, al. 5 à p. 4, al. 2),
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« - Sur l'annulation de la résiliation du bail en raison du décès de H... S... en vertu de l'article L411-34 dit code rural:
L'article L411-34 du code rural dispose que "en cas de décès du preneur, le bail continue au profit de son conjoint, du partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité,» de ses ascendants et de ses descendants participant à l'exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès. Le droit au bail peut, toutefois, être attribué par le tribunal paritaire au conjoint, au partenaire d'un pacte civil de solidarité ou à l'un des ayants droit réunissant les conditions précitées. En cas de demandes multiples, le tribunal se prononce en considération des intérêts en présence et de l'aptitude des différents demandeurs à gérer l'exploitation et à s'y maintenir.
Les ayants droit du preneur ont également la faculté de demander la résiliation du bail dans les six mois à compter du décès de leur auteur.
Le bailleur peut demander la résiliation du bail dans les six mois à compter du jour où le décès est porté à sa connaissance lorsque le preneur décédé ne laisse pas de conjoint, de partenaire d'un pacte civil de solidarité ou d'ayant droit réunissant les conditions énoncées au premier alinéa.
Si la fin de l'année culturale est postérieure au décès de neuf mois au moins, la résiliation peut, au choix des ayants droit, prendre effet soit à la fin de l'année culturale en cours, soit à la fin de l'année culturale suivante. Dans le cas contraire, la résiliation ne prendra effet qu'à la fin de l'année culturale suivante."
Le bail a été consenti à. L...S... et H... T..., tous deux époux, celle-ci décédée le [...] .
Il résulte du texte précité que le bailleur peut (et ne peut que) demander la résiliation du bail dans les six mois à compter du jour où le décès est porté à sa connaissance lorsque le preneur décédé ne laisse pas de conjoint, de partenaire d'un pacte civil de solidarité ou d'ayant droit réunissant les conditions énoncées au premier alinéa.
La résiliation de bail a été notifiée dans les six mois du décès c'est à dire les 30 septembre, 1er et 02 octobre 2014.
Cependant, la défunte laisse un conjoint co-preneur et plusieurs enfants dont un fils O... S... ; celui-ci réunissant les conditions de l'alinéa 1er exploitant ces parcelles depuis plus de cinq ans, en tant qu'associé depuis 1993 soit bien plus de cinq ans du GAEC S... à la disposition duquel les parcelles de terre ont été mises.
L'existence de ces personnes s'oppose en application de l'avant dernier alinéa du texte précité à la validation de la résiliation pour cause de décès.
- Sur l'attribution du droit au bail à O... S...:
Il ne peut s'agir que du droit au bail dont la défunte H... S... T... était titulaire, L...S... étant toujours co-preneur en titre.
Les seules conditions imposées par l'article L411-34 précité sont :
- participer à l'exploitation ou y avoir participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès; cette condition est manifestement remplie par O... S...;
- conformité à la réglementation du contrôle des structures (art. L331-2 et suivants du code rural): les terres étant mises à disposition du GAEC, l'attributaire membre du GAEC n'est pas tenu d'être personnellement titulaire d'une autorisation d'exploit.
Si le bail rural est en principe incessible, intransmissible et sans valeur patrimoniale, l'attribution par suite du décès du preneur prévue par l'article L411-34 précité, étant une disposition favorable au maintien de l'exploitation agricole, n'exige pas de tenir compte du comportement du preneur ou co preneur décédé, le texte étant muet à cet égard.
L'appréciation de la bonne ou mauvaise foi concerne les cessions de l'article L411-35 et, par renvoi, de l'article L411-64 avant dernier alinéa. (En l'espèce, la lettre du code rural n'évoque d'ailleurs pas d'une cession mais d'une attribution).
Le fait que H... S... T... n'était pas personnellement titulaire d'une autorisation administrative, celle-ci ayant été délivrée à MM. S... père et fils le 21 mars 1994, est inopérant par rapport aux critères de l'article L311-34 du code rural.
L'attribution à O... S... du droit au bail dont la défunte H... S... T... était co-preneuse sera autorisée. » (jugement, p.4, dernier al. à p. 6, al. 2),
1°) ALORS QUE le nouveau titulaire du bail, continuateur de l'exploitant décédé, est soumis aux exigences du contrôle des structures ; que lorsque les terres sont destinées à être exploitées dans le cadre d'une société, l'autorisation doit être obtenue par la société ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que l'exploitation est en situation régulière au regard des règles du contrôle des structures après avoir pourtant constaté que « M. O... S... justifie d'une autorisation d'exploiter délivrée le 28 février 1994 à "Messieurs S..." » (arrêt, p. 3, dernier al. jugement, p. 6, al. 1) par la considération que l'autorisation ferait « suite à une demande d'autorisation formalisée au nom de Messieurs S... L...et O... S..., Gaec S... » de sorte qu'elle aurait été délivrée par l'administration en connaissance des conditions d'exploitation des terres, la cour d'appel, statuant par des motifs inopérants, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles L. 411-34 et L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime ;
2°) ALORS, en toute hypothèse, QUE la transmission du bail rural, contrat intuitu personae, entre vifs ou à cause de mort, est une faveur réservée au preneur de bonne foi ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que les manquements allégués du preneur décédé sont indifférents au transfert du bail en cas de décès, la résiliation ne pouvant être fondée que sur le non-respect des conditions fixées par l'article L 411-34 du code rural et de la pêche maritime et des règles relatives au contrôle des structures, la cour d'appel a violé l'article L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime.