LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° E 18-21.558 et Y 18-25.485 ;
Donne acte aux sociétés Holding Socotec et Socotec environnement, venant aux droits de la société Socotec France (la société Socotec), du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Centre Bretagne services et maintenance (la société CBSM) et la Selas de mandataires judiciaires Z... W..., prise en sa qualité de mandataire au redressement judiciaire de la société CBSM ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 26 juin 2018), que Mme I... M... et Mme J... M... (les consorts M...) sont propriétaires indivises de parcelles sur lesquelles avait été exploitée une activité de garage, réparation et entretien de véhicules poids lourds par la société X... M..., puis, aux termes d'un bail commercial, par la société CBSM ; que celle-ci a déclaré la cessation de son activité le 23 mai 2006 et chargé la société Socotec d'une mission de diagnostic et de réalisation des travaux de dépollution du site ; que, soutenant que la dépollution était insuffisante, les consorts M... ont, après expertise, assigné la société CBSM, la SCP Z... W..., prise en sa qualité de mandataire judiciaire de la société CBSM, et la société Socotec France, en réparation de leurs préjudices ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal n° E 18-21.558 et le premier moyen du pourvoi principal n° Y 18-25.485, réunis, ci-après annexés :
Attendu que la société Socotec fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action engagée à son encontre par les consorts M... ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu, par motifs propres et adoptés, que les consorts M... avaient eu connaissance du caractère insuffisant des préconisations de dépollution faites par la société Socotec et des travaux réalisés sur le site et de son manquement à ses obligations contractuelles lors du dépôt du rapport d'expertise judiciaire le 21 octobre 2014, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation en a exactement déduit que l'action engagée les 29 et 30 juillet 2015 était recevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident, ci-après annexé :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le second moyen du pourvoi incident, ci-après annexé :
Attendu que les consorts M... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur action contre la société CBSM ;
Mais attendu qu'ayant constaté que les consorts M... avaient assigné la société CBSM le 30 juillet 2015 alors qu'elle avait été mise en redressement judiciaire depuis le 6 novembre 2014, la cour d'appel en a déduit à bon droit que, même si le juge commissaire avait, à tort, retenu qu'une instance était en cours, leur action engagée après l'ouverture de la procédure collective était irrecevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal n° E 18-21.558 et le second moyen du pourvoi principal n° Y 18-25.485, réunis :
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
Attendu que, pour condamner la société Socotec à payer aux consorts M... la somme de 369 125 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que le préjudice subi par les propriétaires ne consiste pas en la persistance de la pollution du site mais en la perte de chance de vendre à la société avec laquelle ils avaient conclu une promesse sous la condition suspensive d'absence de pollution, que la probabilité de réitérer la vente était grande à un prix fixé par les parties de 45 euros le mètre carré pour un terrain de 17 265 m² et que la perte de chance sera indemnisée ainsi que les propriétaires le demandent ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Socotec France à payer à Mmes I... M... et J... M... la somme de 369 125 euros, l'arrêt rendu le 26 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;
Condamne Mmes I... et J... M... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Holding Socotec et la société Socotec environnement, venant toutes deux aux droits de la société Socotec France.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action engagée par Mmes M... à l'encontre de la société SOCOTEC et d'AVOIR condamné celle-ci à leur payer les sommes de 369.125 euros, 5.000 euros et 4.566,72 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur l'action engagée contre la société SOCOTEC : la faute qu'a pu commettre la société SOCOTEC, génératrice de responsabilité vis-à-vis de Mmes M... peut être un manquement contractuel de la société SOCOTEC à ses obligations envers CBSM [
] ; pour ce qui concerne la recevabilité de l'action, l'article 2224 du code civil précise que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire de l'action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; en l'espèce, c'est par la lecture du rapport en date du 21 octobre 2014 que les appelantes ont pu prendre connaissance des missions précises confiées à SOCOTEC, de ses interventions et de leur qualité, pour ensuite estimer que SOCOTEC avait manqué à ses obligations contractuelles ; par conséquent, leur action engagée contre SOCOTEC les 29 et 30 juillet 2015 est recevable » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur la fin de non-recevoir soulevée par la société SOCOTEC tirée de la prescription de l'action principale des consorts M... et de l'action en garantie de la société CBSM : l'action engagée par les consorts M... contre la société CBSM est une action en responsabilité contractuelle pour faute dans l'exécution d'obligations contractuelles et une action en responsabilité délictuelle pour faute contre la société SOCOTEC ; les demanderesses estiment qu'elles subissent un préjudice en lien direct avec la dépollution insuffisante du site, telle que réalisée à la demande de la société CBSM et telle que préconisée par la société SOCOTEC ; il résulte de l'article 2224 du code civil que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; les consorts M... ont délivré leur assignation au fond par actes des 29 et 30 juillet 2015 ; ils ont eu connaissance du caractère insuffisant des préconisations de dépollution faites par la société SOCOTEC et des travaux de dépollution réalisés sur le site, grâce au rapport d'expertise judiciaire déposé le 21 octobre 2015 [lire 2014] ; c'est par ce rapport qu'ils ont pu avoir une connaissance exacte et complète des manquements de la société SOCOTEC ; avant ce rapport, même si un débat s'était engagé sur la nécessité ou non de compléter la dépollution réalisée, notamment à partir de 2008, lorsque la société AIGUILLON CONSTRUCTION s'est désengagée, seul le rapport d'expertise judiciaire a mis en évidence des insuffisances et permis aux consorts M... de connaître les faits leur permettant d'exercer leurs droits ; le tribunal doit donc en conclure que les actions exercées, tant par les consorts M... que par la société CBSM, en garantie, ne sont pas prescrites ; la fin de non-recevoir sera donc rejetée » ;
1) ALORS QUE la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; que pour retenir que l'action en responsabilité extracontractuelle engagée par Mmes M... à l'encontre de la société SOCOTEC n'était pas prescrite, la cour d'appel a énoncé, par motifs propres et adoptés, que Mmes M... n'avaient pu avoir connaissance des manquements de la société SOCOTEC que par la lecture du rapport d'expertise judiciaire en date du 21 octobre 2014 (arrêt p. 8 § 2 et jugement p. 5 § 6) ; qu'en statuant ainsi, quand le point de départ de la prescription devait être fixé à la date à laquelle Mmes M... avaient eu connaissance du dommage, à savoir du caractère prétendument insuffisant de la dépollution – qui se situait au plus tard en juillet 2008 selon l'exposante – et non à la date à laquelle elles avaient eu connaissance de la faute prétendument commise par la société SOCOTEC, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ;
2) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE pour retenir que l'action en responsabilité engagée par Mmes M... à l'encontre de la société SOCOTEC n'était pas prescrite, la cour d'appel ne pouvait énoncer, par motifs adoptés, que même si un débat s'était engagé sur la nécessité ou non de compléter la dépollution réalisée, notamment à partir de 2008 lorsque la société AIGUILLON s'était désengagée, seul le rapport d'expertise judiciaire en date du 21 octobre 2014 avait permis à Mmes M... d'avoir connaissance des manquements de la société SOCOTEC (jugement p. 5 § 6), sans répondre au moyen de cette dernière qui faisait valoir que Mmes M... avaient eu connaissance du caractère prétendument insuffisant de la dépollution et de sa possible imputabilité à la société SOCOTEC au plus tard en juillet 2008 et que, partant, la prescription de leur action à son encontre avait commencé à courir au plus tard à cette date, ainsi que cela résultait de leurs courriers à la société CBSM des 21 décembre 2007, 28 janvier 2008 et 5 mars 2008, du rapport que leur avait adressé la société SOCOTEC le 23 mai 2008, de la réunion à laquelle elles avaient assisté avec les sociétés SOCOTEC, AIGUILLON et CBSM le 19 juin 2008 et du rapport de la DRIRE daté du 24 juin 2008 qu'elles avaient reçu le 29 juillet 2008 (conclusions p. 10 à 13) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement sur le quantum des condamnations de la société SOCOTEC à titre de dommages et intérêts et, statuant à nouveau, d'AVOIR condamné celle-ci à payer à Mmes M... la somme de 369.125 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur perte de chance de vendre le terrain à la société AIGUILLON ;
AUX MOTIFS QUE « sur le préjudice : Mmes M... exposent qu'elles ne subissent pas une simple perte de chance de vendre le terrain dès 2008 ; que la mise en jeu de la responsabilité de SOCOTEC qui a présenté un diagnostic insuffisant et participé par son assistance à la réalisation de travaux de dépollution incomplets, implique qu'elle prenne à sa charge les travaux de dépollution dont le coût s'élève, selon l'estimation de l'expert, à la somme de 143.520 euros ; que rappelant que le bien n'a pu être vendu à AIGUILLON CONSTRUCTION en raison de la pollution, elles estiment souffrir de la perte financière résultant du désengagement d'AIGUILLON CONSTRUCTION, soit la somme de 369.125 euros, expliquant que AIGUILLON CONSTRUCTION n'aurait pu, si le bien avait été dépollué, échapper à la réitération de la vente ; elles font état également des honoraires versés à la SOCOTEC en 2008 en pure perte (4.568,72 euros TTC), des taxes foncières dont elles se sont acquittées depuis 2007 (19.205 euros), de frais de démolition d'une toiture amiantée et de débroussaillage (25.830,01 euros) ; elles font état enfin de leur préjudice moral, des soucis et des tracas causés ; SOCOTEC soutient principalement que les préjudices invoqués sont directement causés par la pollution et sont sans lien avec la faute qui lui est imputée, que par ailleurs, le désengagement de la société AIGUILLON CONSTRUCTION n'est pas lié à cette pollution mais à d'autres causes, que les demandes annexes sont sans lien causal avec la faute ; que, subsidiairement, le préjudice est une perte de chance de vendre le terrain avec beaucoup d'inconnues ; elle ajoute que le quantum des travaux de dépollution n'est pas établi de façon certaine, que la perte financière est quantifiée on ne sait sur quelles bases, qu'elle a réalisé l'audit que Mmes M... lui ont demandé ; qui résulte de la faute délictuelle : Mmes M..., propriétaires du terrain qui avaient signé avec AIGUILLON CONSTRUCTION un compromis sous condition suspensive d'absence de pollution n'ont pu réaliser la vente ; le courrier daté du 13 novembre 2008 que leur a adressé AIGUILLON CONSTRUCTION est, nonobstant les autres explications que SOCOTEC entend faire valoir sans aucunement les justifier, parfaitement explicite sur les motifs de son désengagement causé par des travaux de dépollution incomplets et qui ‘s'éternisent' ; il peut être dit que le préjudice subi par les propriétaires ne consiste pas en la persistance de la pollution du site mais en la perte de chance de vendre à AIGUILLON CONSTRUCTION ; il n'existe pas d'inconnues véritables puisque rien ne permet de dire qu'en 2006-2007, CBSM n'aurait peut-être pas eu les moyens de financer les travaux de dépollution complets qui lui incombaient en sa qualité de dernier exploitant ; la probabilité de réitérer la vente était grande à un prix fixé par les parties de 45 euros le m² pour un terrain de 17.265 m² ; la perte de chance sera indemnisée ainsi que les propriétaires le demandent par l'allocation de la somme de 369.125 euros, alors que la demande faite au titre des travaux nécessaires à l'élimination de toute pollution doit être rejetée » ;
1) ALORS, D'UNE PART, QUE la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en condamnant la société SOCOTEC à payer à Mmes M... l'intégralité de la somme de 369.125 euros dont elles demandaient le paiement au titre de la perte financière provoquée par le refus d'achat de la société AIGUILLON, et pas seulement une fraction de cette somme, après avoir pourtant retenu que le préjudice qu'elles avaient subi consistait en une simple perte de chance de vendre le terrain à la société AIGUILLON (arrêt p. 11 § 7), la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
2) ALORS, D'AUTRE PART, QUE le juge ne peut dénaturer les conclusions des parties ; que dans leurs conclusions d'appel (p. 46, 47, 50 et 51), Mmes M... sollicitaient la réformation du jugement ayant limité la condamnation de la société SOCOTEC au paiement de dommages et intérêts d'un montant de 50.000 € en considérant qu'elles n'avaient subi qu'une perte de chance de réaliser la vente avec la société AIGUILLON et demandaient la condamnation de la société SOCOTEC à leur payer des dommages et intérêts d'un montant de 369.125 € au titre de la perte financière provoquée par le refus d'achat de la société AIGUILLON en soutenant que ce préjudice était certain et ne consistait pas en une simple perte de chance, ainsi que la cour d'appel l'avait elle-même indiqué dans le rappel de leurs prétentions (arrêt p. 11 § 4) ; qu'après avoir retenu que le préjudice subi par Mmes M... consistait en la perte de chance de vendre le terrain à la société AIGUILLON, la cour d'appel a néanmoins condamné la société SOCOTEC à leur verser des dommages et intérêts d'un montant de 369.125 € en énonçant que « la perte de chance sera indemnisée ainsi que les propriétaires le demandent par l'allocation de la somme de 369.125 euros » (arrêt p. 11 § 7) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé les conclusions précitées de Mmes M... et, partant, violé l'article 4 du code de procédure civile. Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mmes I... et J... M....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement déféré sur le quantum de l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société CBSM et, statuant à nouveau, d'avoir condamné Mmes K... et R... à payer à la société CBSM la somme de 29.249,66 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en première instance ;
Alors que la contradiction entre deux chefs du dispositif commande l'annulation de la décision qui en est entachée dès lors qu'elle ne peut donner lieu à une requête en interprétation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a, tout à la fois, infirmé le jugement déféré, en ce qu'il a fixé à la somme de 29.249,66 euros le quantum de l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société CBSM, et condamné Mmes K... et R... à payer à la société CBSM la somme de 29.249,66 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en première instance ; qu'en se contredisant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement déféré sur la recevabilité de l'action contre la société CBSM et, statuant à nouveau, d'avoir déclaré irrecevable l'action engagée par Mmes K... et R... contre la société CBSM et, en conséquence, de les avoir condamnées à payer à la société CBSM la somme de 29.249,66 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en première instance ;
Aux motifs que « la société CBSM a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lorient du 6 novembre 2014 ; que Mmes M... ont déclaré leur créance au passif de la procédure le 23 décembre 2014 ; que cette créance a été contestée par le mandataire judiciaire ; que par acte du 30 juillet 2015, elles ont assigné devant le tribunal de grande instance de Lorient la société CBSM aux fins d'obtenir la fixation de leur créance contre celle-ci ; que le juge commissaire a par ordonnance du 22 décembre 2015 pris acte de la renonciation de CBSM à contester la régularité de forme de la déclaration de créance de Mmes M... et constaté qu'une instance était en cours ; Considérant que l'article L. 622-21 du code de commerce précise : "Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au 1 de l'article L. 622-17 du code de commerce, et tendant 1) à la condamnation du débiteur à une somme d'argent" ; qu'ainsi, tout créancier dont la créance est antérieure au jugement d'ouverture doit se soumettre à la procédure de vérification des créances et ne peut après l'ouverture de la procédure collective, engager une action en justice tendant à la constatation de sa créance et à la fixation de son montant devant une autre juridiction, si ce n'est sur renvoi par le juge commissaire des parties à mieux se pourvoir et invitation du créancier à saisir la juridiction compétente en application des termes de l'article R. 624-5 du code de commerce ; Que force est de constater qu'au cours de la procédure de vérification de leur créance, Mmes M... ont engagé une procédure tendant à voir fixer leur créance à l'encontre de la société CBSM ; Considérant encore que des termes de l'article L. 622-22 du code de commerce, "l'instance en cours" est celle qui existe lors de l'ouverture de la procédure collective, qui se trouve alors interrompue jusqu'à ce que la déclaration de créance ait été faite, et qui reprend ensuite de plein droit ; Que si le juge commissaire a, manifestement à tort, constaté qu'une instance était en cours au sens de l'article L. 622-22, sa décision ne permet pas pour autant de régulariser une instance engagée par Mmes M... après l'ouverture de la procédure collective et que l'article L. 622-21 du code de commerce interdisait ; Considérant que l'action engagée par Mmes M... le 30 juillet 2015 est irrecevable » ;
Alors que l'ordonnance par laquelle le juge-commissaire constate, fûtce à tort, qu'une instance est en cours, le dessaisit et rend irrecevable toute nouvelle demande formée devant lui pour la même créance ; qu'en pareille hypothèse, l'action en paiement engagée par le créancier contre son débiteur, fût-ce après le jugement d'ouverture, est recevable ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable l'action en paiement des consorts M... contre la société CBSM, la cour d'appel a retenu que si, par ordonnance du 22 décembre 2015, le juge-commissaire a, à tort, constaté qu'une instance était en cours au sens de l'article L. 622-22 du code de commerce, sa décision ne permet pas pour autant de régulariser une instance engagée par les consorts M... après l'ouverture de la procédure collective ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 624-2 du code de commerce, ensemble les articles L. 622-21 et L. 622-22 du même code.