LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que U... B... et son épouse (les cautions) ont séparément régularisé des actes de caution, respectivement à hauteur de 30 489 euros et 50 308 euros, au profit de la société Banque X... O..., aux droits de laquelle se trouve la société J... X... O... (la banque), en garantie des concours consentis par celle-ci à l'association Adecohd ; qu'à la suite de la défaillance de cette dernière, placée en liquidation judiciaire, la banque a assigné les cautions en paiement ; qu'après le décès de U... B... , survenu le [...] , ses ayants droit ont repris l'instance ;
Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches, ci-après annexé :
Attendu que les cautions font grief à l'arrêt de les condamner à paiement au profit de la banque ;
Attendu qu'ayant relevé que la banque justifiait par des constats d'huissier de justice avoir satisfait à ses obligations en adressant à chacune des cautions les lettres d'information annuelles, la cour d'appel, devant qui les cautions ne concluaient qu'à la nullité des actes de cautionnement et qui a souverainement apprécié les preuves produites et procédé aux recherches prétendument omises, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur la cinquième branche du moyen :
Vu l'article 1202 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu que, pour prononcer une condamnation solidaire à l'encontre des cautions, l'arrêt retient que celles-ci se sont engagées au paiement d'une même dette, de sorte qu'il convient de les condamner solidairement ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser un engagement solidaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la solidarité de la condamnation à paiement de U... B... et de son épouse au profit de la banque, l'arrêt rendu le 2 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée ;
Condamne la société J... X... O... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour les consorts B... .
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné solidairement les époux B... à payer à la Banque X... O... la somme de 92 968,83 euros dans la limite de 30 489 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2010 pour M. U... B... et de 50 300 euros outre intérêts au taux légal à compter du 19 février 2013 pour Mme Z... B... ;
AUX MOTIFS QUE : « les époux B... invoquent un manquement de la banque à son obligation de mise en garde ; mais que le moyen ne peut prospérer en ce qui concerne U... B... qui en sa qualité de président de l'association Adecohd était une caution avertie envers laquelle la banque n'était tenue à aucun devoir de mise en garde ; que la banque ne justifie pas en quoi Z... B... était une caution avertie, mais rien ne permet de retenir qu'au jour où le cautionnement a été donné, soit 10 ans avant l'ouverture du redressement judiciaire, les concours accordés à l'association étaient inadaptés et la caution dépourvue de capacité financière ; que le moyen ne peut prospérer ; sur les sommes dues par U... B... au titre de ses engagements : qu'il n'y a pas de discussion sur la somme de 30 489 euros due en vertu du cautionnement donné le 4 août 1995 [
] ; que sa dette à l'égard de la Banque X... O... s'élève à 30 489 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2010, date de la mise en demeure ; que la Banque X... O... justifie par des constats d'huissier qu'elle a satisfait à ses obligations en adressant à U... B... les lettres d'information annuelles ; sur les sommes dues par Z... B... au titre de son engagement : que les obligations de Z... B... à l'égard de la Banque X... O... s'établissent à la somme de 50 300 euros outre intérêts au taux légal à compter du 19 février 2013, date de l'assignation ; que la Banque X... O... justifie par des constats d'huissier qu'elle a satisfait à ses obligations en adressant à Z... B... les lettres d'information annuelles ; que les époux B... s'étant engagés au paiement d'une même dette, il convient de les condamner solidairement ; qu'à supposer qu'ils aient apporté des fonds à l'association Adecohd, ces versements ne sont pas opposables à la Banque X... O... et aucune déduction ne peut être opérée » ;
ALORS 1/ QUE : la qualité de caution avertie ne peut être déduite de la seule qualité de dirigeant de l'association débitrice principale ; qu'en retenant pourtant qu' « en sa qualité de président de l'association Adecohd », M. U... B... « était une caution avertie envers laquelle la banque n'était tenue à aucun devoir de mise en garde » (arrêt, p. 5, alinéa 4), la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;
ALORS 2/ QUE : l'objet de l'obligation de mise en garde de la caution consiste à avertir celle-ci des risques auxquels elle s'expose personnellement en s'engageant de façon excessive au regard de ses capacités financières et des chances de mise en oeuvre de son engagement ; que pour écarter le manquement de la banque à son devoir de mise en garde à l'égard de Mme Z... B... , dont elle a reconnu le caractère de caution non avertie, la cour d'appel a énoncé que « rien ne permet de retenir qu'au jour où le cautionnement a été donné, soit 10 ans avant l'ouverture du redressement judiciaire, les concours accordés à l'association étaient inadaptés et la caution dépourvue de capacité financière » (arrêt, p. 5, alinéa 5) ; qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à écarter l'existence d'un risque personnel né pour la caution de son engagement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;
ALORS ET SUBSIDIAIREMENT 3/ QUE le créancier professionnel cautionné doit démontrer qu'il a satisfait à son obligation d'information annuelle de la caution ; qu'en l'espèce, les époux B... faisaient expressément valoir dans leurs conclusions que les constats d'huissier produits par la banque rendaient « totalement impossible de vérifier si M. et Mme B... ont bien été chacun destinataires des lettres d'information » (conclusions, p. 22, alinéa 3) ; qu'en effet, ces constats faisaient état de lettres qui n'avaient pas été envoyées par la poste sans préciser l'identité des destinataires de ces lettres ; qu'en retenant pourtant que la banque justifierait « par des constats d'huissier qu'elle a satisfait à ses obligations » en adressant à M. et à Mme B... des lettres d'informations annuelles, sans aucunement rechercher, comme elle était invitée à le faire, si ces constats démontraient que les lettres dont les époux B... étaient destinataires avaient effectivement été envoyées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-6 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause ;
ALORS ET SUBSIDIAIREMENT 4/ QUE s'agissant d'un découvert en compte courant, l'information annuelle relative au principal et aux intérêts due à la caution par l'établissement de crédit doit comprendre le cas échéant, le montant de l'autorisation de découvert, le solde du compte arrêté au 31 décembre de l'année précédente et le taux de l'intérêt applicable à cette date ; que les époux B... faisaient valoir dans leurs conclusions que les lettres-types d'informations constatées par huissier étaient insuffisantes dans la mesure où « ne sont nullement précisés ni le montant de l'autorisation de découvert, ni le taux de l'intérêt applicable, ni à compter de la clôture le montant des intérêts » (conclusions, p. 22, alinéa 4) ; qu'en retenant pourtant que la banque justifierait « par des constats d'huissier qu'elle a satisfait à ses obligations » en adressant à M. et à Mme B... des lettres d'informations annuelles, sans aucunement rechercher, comme elle était invitée à le faire, si les lettres supposées avoir été envoyées comprenaient une information suffisante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-6 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause ;
ALORS ET EN TOUT ETAT DE CAUSE 5/ QUE : la solidarité ne se présume point et doit être expressément stipulée ; qu'en condamnant pourtant solidairement les époux B... au seul prétexte que « s'étant engagés au paiement d'une même dette, il convient de les condamner solidairement » (arrêt, p. 6, alinéa 3), la cour d'appel a violé l'article 1202 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause.