LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 23 janvier 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 98 F-D
Pourvoi n° R 19-12.188
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JANVIER 2020
Mme D... H..., domiciliée [...], a formé le pourvoi n° R 19-12.188 contre l'arrêt rendu le 13 décembre 2018 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société Le Chameau, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , ayant un établissement secondaire [...] ,
3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Marne, dont le siège est [...] ,
4°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Gauthier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme H..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Le Chameau, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Generali IARD, et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 décembre 2019 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Gauthier, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme H..., qui était salariée de la société Le Chameau (la société), a été victime d'un accident le 18 juillet 2007, pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Marne (la caisse) au titre de la législation professionnelle, et a déclaré une maladie professionnelle le 7 juillet 2010, qui a été prise en charge par cette même caisse, après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles ; que Mme H... a saisi une juridiction de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ; que la société Generali IARD, assureur de l'employeur, et la caisse ont été appelées en la cause ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que les dispositions du code de la sécurité sociale relatives aux accidents du travail ne sont pas applicables aux affections pathologiques qui, bien que contractées dans l'exercice de la profession, n'ont pas pour cause la brusque apparition d'une lésion physique et sont le résultat d'une série d'événements à évolution progressive auxquels on ne peut assigner une origine et une date précise ; qu'alors que la déclaration d'accident du travail ne fait état que de douleurs en effectuant une opération de montage de bottes, le certificat médical initial d'accident fait état à la fois d'une tendinite du poignet et d'une épicondylite du coude gauche ; que le cumul de ces affections fait présumer qu'elles ne sont pas soudainement apparues au temps du travail, mais ont évolué de façon lente et progressive au cours du travail sans avoir leur origine dans un fait précis et identifiable ; qu'en outre le jugement rendu à l'occasion de la contestation de son taux d'incapacité par Mme H... énonce qu'elle avait fait l'objet « d'une reconnaissance professionnelle le 18 juillet 2007 » ; qu'il n'est donc pas établi que Mme H... a été victime d'un accident du travail ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à infirmer les motifs du jugement dont Mme H... demandait la confirmation dans ses conclusions d'appel, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne la société Le Chameau et la société Generali IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Le Chameau et la société Generali IARD et les condamne à payer à Mme H... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour Mme H...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, infirmant le jugement, débouté madame D... H... de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable dirigée contre la société Le Chameau, de sa demande de majoration de rente, de sa demande d'expertise et sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs que, sur l'existence d'un accident du travail, il résulte des articles L. 452-1 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale que si, en raison de l'indépendance des rapports entre la caisse et la victime ou ses ayants droit et de ceux entre la caisse et l'employeur, le fait que le caractère professionnel de l'accident ne soit pas établi entre la caisse et l'employeur ne prive pas la victime ou ses ayants droit du droit de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur, il appartient toutefois à la juridiction saisie d'une telle demande, de rechercher, après débat contradictoire, si l'accident a un caractère professionnel et si l'assuré a été exposé au risque dans des conditions constitutives d'une faute inexcusable ; que l'avis donné à l'employeur par la caisse de sa décision de prendre en charge un accident à titre professionnel ne rend pas cette décision définitive à son égard et ne le prive pas du droit de la contester à l'occasion de la procédure en reconnaissance de la faute inexcusable ; que les dispositions du code de la sécurité sociale relatives aux accidents du travail ne sont pas applicables aux affections pathologiques qui, bien que contractées dans l'exercice de la profession, n'ont pas pour cause la brusque apparition d'une lésion physique et sont le résultat d'une série d'événements à évolution progressive auxquels on ne peut assigner une origine et une date précise ; qu'alors que la déclaration d'accident du travail ne fait état que de douleurs en effectuant une opération de montage de bottes, le certificat médical initial d'accident fait état à la fois d'une tendinite du poignet et d'une épicondylite du coude gauche ; que le cumul de ces affections fait présumer qu'elles ne sont pas soudainement apparues au temps du travail, mais ont évolué de façon lente et progressive au cours du travail sans avoir leur origine dans un fait précis et identifiable ; qu'en outre le jugement précité du 8 avril 2011 énonce qu'à l'occasion de la contestation de son taux d'incapacité, madame H... a elle-même indiqué qu'elle avait fait l'objet « d'une reconnaissance professionnelle le 18 juillet 2007 » ; qu'il n'est donc pas établi que madame H... a été victime d'un accident du travail ; que sa demande de reconnaissance de faute inexcusable doit en conséquence être rejetée ;
1°) Alors que constitue un accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise, qui est à l'origine d'une lésion corporelle; qu'ayant constaté que, le 18 juillet 2007, l'employeur de madame H... avait souscrit pour elle une déclaration d'accident du travail faisant état de douleurs au poignet gauche en effectuant une opération de montage de bottes et que le certificat médical initial établi le jour même de l'accident faisait état d'une tendinite du poignet et d'une épicondylite du coude gauche, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que l'accident, survenu soudainement au temps et lieu de travail, était un accident du travail, a violé, par refus d'application, l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ;
2°) Alors qu'une cour d'appel ne peut infirmer le jugement déféré sans réfuter les motifs retenus par les premiers juges ; que dès lors, en se bornant à affirmer que le cumul d'une tendinite du poignet et d'une épicondylite du coude gauche faisait présumer qu'elles n'étaient pas soudainement apparues au temps du travail, mais avaient évolué de façon lente et progressive au cours du travail sans avoir leur origine dans un fait précis et identifiable, sans réfuter la motivation contraire des premiers juges ayant retenu que « tel qu'il résulte des conditions légales posées pour la reconnaissance du caractère professionnel de ces deux maladies sur le fondement du tableau n°57 relatifs aux affections péri-articulaires, l'absence d'exigence d'une durée minimale d'exposition au risque, et un délai de prise en charge extrêmement court, de l'ordre de sept jours pour une tendinite du poignet et de 14 jours pour une tendinopathie d'insertion des muscles épicondyliciens, fondent la présomption que de telles pathologies ne présupposent pas un long processus d'apparition ; qu'en l'espèce, il est constant que la déclaration relative à l'accident de travail du 18 juillet 2007 fait état de douleurs au poignet gauche et précise que ces douleurs sont apparues brutalement alors que Madame D... H... travaillait au montage de tiges sur des bottes d'équitation ; que le certificat médical initial établi le même jour mentionne le constat d'une tendinite du poignet gauche et d'une épicondylite du coude gauche ; qu'il existe dès lors une continuité, voire même une identité des symptômes et des soins entre cet accident du travail et les lésions pathologiques mise en évidence dans un temps très voisin de celui-ci, à l'occasion de l'examen médical auquel il a été procédé immédiatement après sa survenue, et de nature à fonder la présomption suffisante que les lésions ainsi mises au jour procèdent de cet accident de travail et sont consubstantielles à celui-ci », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.